- TD48.108
- [NOTES ET PLANS D'INSTRUCTIONS aux Dames de la Miséricorde](1)
- [I.] *Dieu tout-puissant*.
- Orig.ms. CT 126, pp. 31-36; T.D. 48, pp. 108-111.
- 1 BIEN SUPREME
1 CONNAISSANCE DE DIEU
1 CREATEUR
1 CREATION
1 CREATURES
1 JUGEMENT DERNIER
1 PERFECTIONS DE DIEU
1 PUISSANCE DE DIEU
1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
2 JEAN, SAINT
2 PAUL, SAINT - Dames de la Miséricorde.
- janvier-février 1839
- Nîmes
Si Dieu est incompréhensible, c’est qu’il est infini. Mais s’il est infini, il l’est dans tous ses attributs. Mais ce que nous ne pouvons connaître de lui dans sa nature, il nous le manifeste dans les effets qu’il produit.
Quoique incompréhensible, Dieu veut cependant être connu des hommes. Pour cela sans doute il faut qu’il se rabaisse, qu’il se mette à leur parler; et de même que la mère apprend à son enfant à bégayer les premiers mots du langage, de même Dieu, dans les saintes Ecritures, a voulu nous donner une idée de cette parole mystérieuse, infinie, qui est Dieu même et qui se communiquant à eux dans les cieux dissipe les obscurités dont notre foi ici-bas s’enveloppe.
Or la première notion que Dieu a voulu donner de lui-même, c’est celle de créateur: In principio creavi. Voilà ce qu’il nous apprend de lui, quand il veut donner une loi qu’il s’est choisie. Il se définit lui-même: Celui qui est. – Je suis celui qui suis. – Tu diras: Celui qui est m’a envoyé. – Quand il envoie l’ange Gabriel annoncer l’oeuvre de la régénération humaine, l’ange déclarera, de la part du Seigneur, que l’accomplissement d’aucune parole n’est impossible à Dieu. Enfin, quand tout sera consommé, le Seigneur déclarera qu’il est l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin; c’est-à-dire qu’il est le principe, la cause de tous les êtres, que tout se rapporte à lui, que toute puissance lui appartient, qu’entre les êtres tout ce qui subsiste lui appartient.
Voilà, mes dames, les vérités que je me propose de traiter devant vous, autant que le temps me le permettra.
1° Création.
2° Etre des êtres.
3° Toute puissance pour réparer le mal.
4° Terme de toute chose.
Je veux vous faire assister à quatre grandes époques, où Dieu manifeste sa puissance. Il crée, et tout ce qu’il crée lui appartient. Il établit des lois, et pour justifier le droit de commander il se déclare, comme il l’est en effet, l’être des êtres. Il veut triompher du mal, et c’est alors qu’il proclame que rien ne lui est impossible. Nous lui appartenons par les prodiges de la rédemption. Il récompense ses élus, et c’est encore un titre que nous lui appartenons.
Ainsi il manifeste sa puissance dans la création, en communiquant son être, en réparant le mal, en récompensant. Et nous dépendons de lui, parce qu’il a réparé le mal en nous, parce qu’il peut seul nous donner le bonheur.
Dieu triomphe du néant par la création, du mal par la rédemption, du bien et du mal dans la rémunération.
Dieu est incompréhensible. Jamais notre faible pensée ne parviendra à en saisir complètement la nature. Cependant il ne s’ensuit pas que nous ne puissions nous faire aucune idée de Dieu; au contraire, nous devons nous efforcer de le connaître, puisque la connaissance de Dieu, nous dit l’Esprit-Saint, est la perfection de la sagesse. Comment donc le connaîtrons-nous? Par ce qu’il lui plaira de nous manifester de lui-même, par celles de ses vertus qu’il lui plaira de nous révéler et qui en Dieu prennent le nom d’attributs: attributs que Dieu nous manifeste extérieurement dans ses rapports avec nous. Car, comme dit l’Apôtre, le monde a été créé, afin que les choses invisibles fussent comprises par les choses visibles.
Or, le premier attribut que Dieu nous manifeste dans les Livres Saints, c’est sa toute-puissance. Il nous la manifeste en trois circonstances principales et sur lesquelles il faut appuyer la manifestation de sa toute-puissance: 1° dans la création; 2° dans la réparation; 3° dans la consommation.
D’où je conclus à quatre [= trois] profondes dépendances: 1° parce que nous sommes ses créatures; 2° parce que nous sommes le prix de sa toute-puissance, puisque pour nous payer il a fallu qu’il nous payât par le prodige le plus grand qu’il ait opéré; 3° parce qu’il dépend de lui de nous récompenser ou de nous punir selon sa toute-puissance.
In principio creavi. Puissance et éternité. – Puissance de Dieu dans la création. – Il faut écouter Dieu lui-même, reprochant aux hommes leur révolte en les écrasant, en quelque sorte, du poids de sa toute-puissance. Qui a mesuré avec son pouce l’étendue des mers? Qui a fixé les cieux dans la paume de sa main? Qui a suspendu la masse de la terre entre trois de ses doigts? Qui a pesé les montagnes et jeté les collines dans une balance?
Qui a aidé l’esprit de Dieu? Qui a été son conseiller et son maître? Avec qui a-t-il préparé ses plans? Qui l’a instruit? Voilà que les nations sont à ses yeux comme les gouttes d’eau qui tombent d’un seau, comme le poids imperceptible qui fait pencher une balance. Les îles sont à ses yeux comme des grains de fine poussière. Les forêts du Liban ne suffiraient pas au feu d’un sacrifice digne de lui, et tous les animaux qui les habitent ne suffiraient pas pour un holocauste. Toutes les nations sont devant lui comme si elles n’étaient pas; elles sont comme le néant et comme le vide, et cependant les peuples et les rois se sont révoltés.
Qui a donné des barrières à la mer, quand elle s’élançait comme d’une écluse? Les portes de la mort te sont-elles ouvertes, et as-tu considéré le seuil du palais des ténèbres? Qui racontera l’harmonie des cieux et qui endormira les astres dans leurs concerts?
Pourquoi ces merveilles pour l’homme? Toutes ces créatures que l’homme ne comprend pas sont pour lui, et cependant il ose dire: Je ne servirai pas. – Peinture de son orgueil. – Et pourtant c’est l’être des êtres qui veut l’attirer à lui, qui lui donnera des lois: Sum qui sum.
Oui, Dieu est tout-puissant. Malheur et anathème à qui blasphème contre ce pouvoir, qu’il ne nous fait connaître que par ses bienfaits! Oui, Dieu est tout-puissant. Trouvons donc notre bonheur et notre joie de dépendre de lui. Dieu est tout-puissant; quelle espérance pour notre avenir dans la contemplation de son amour uni à sa toute-puissance? Songeons-y souvent à cet avenir, songeons à cette éternité qui n’a pas plus de limites que la puissance de Dieu. Pensons à la nécessité où nous sommes d’être par nos supplices ou notre bonheur une preuve de la puissance divine.
Et lorsque cet ange, que saint Jean vit descendre revêtu d’une nuée, couronné de l’arc-en-ciel, dont le visage était comme le soleil et les pieds comme des colonnes de feu, posera un pied sur la terre et l’autre sur la mer, qu’il criera comme un lion lorsqu’il rugit, et qu’après avoir crié il étendra la main vers le ciel et jurera par Celui qui vit dans les siècles des siècles, par le ciel et tout ce qui le peuple, par la terre et tout ce qu’elle renferme, par la mer et tout ce qui est dans la mer, que le temps ne sera plus, puissions-nous, sur le seuil de l’éternité, à la vue des torrents de délices dont le Seigneur enivrera ceux qu’il aime, entonner le cantique vraiment nouveau et proclamer, dans le sentiment de la reconnaissance et de l’amour, que si Dieu a manifesté sa puissance dans la création de l’univers et le salut des hommes, il la manifeste bien plus encore par les récompenses dont il comble ses élus. Ainsi soit-il.