25 août 1840 – Elèves et parents des élèves des Dames de Saint-Maur.

Informations générales
  • TD48.138
  • [Discours de] Distribution des prix des écoles gratuites des filles dirigées par les dames de Sain-Maur. 25 août 1840.
  • Orig.ms. CU 1; T.D. 48, pp. 138-142.
Informations détaillées
  • 1 DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX
    1 EDUCATION
    1 EDUCATION RELIGIEUSE
    1 ENFANCE DE JESUS-CHRIST
    1 FEMMES
    1 HOMMES
    1 HUMILITE
    1 HUMILITE DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 PARENTS D'ELEVES
    1 VACANCES
    1 VERTUS DE LA SAINTE VIERGE
    1 VIE DE FAMILLE
    2 BLANCHE DE CASTILLE
    2 LOUIS, SAINT
    3 ATHENES
    3 NIMES
  • Elèves et parents des élèves des Dames de Saint-Maur.
  • 25 août 1840
  • Nîmes
La lettre

Au moment où pour la plupart vous allez recueillir le fruit de vos études et de votre application pendant le courant de l’année, permettez, mes enfants, que me rappelant toujours mon ministère, je vous rende profitable par quelques réflexions une fête dont les joies, si elles ne prenaient leur source dans un sentiment surnaturel, ne fourniraient qu’une pâture mensongère à votre amour-propre, un souvenir stérile à votre vanité.

Ces réflexions que je vous adresse en l’absence de celui que vous avez si souvent nommé votre père et qui eût été si heureux de se trouver aujourd’hui parmi vous, ces réflexions se présentent naturellement à mon esprit, en songeant sous quel nom travaille le pieux Institut à qui vous êtes confiées. Vos maîtresses ne sont-elles pas les dames de l’Instruction chrétienne du Saint Enfant-Jésus? Et, en se présentant sous ce titre, ne semblent-elles pas vous indiquer et le modèle dont elles veulent former en vous une image, et le maître qui vous parlera par leur bouche. Or, vous le savez, les droits du divin Maître à nous instruire les premières vertus qu’il attend de nous sont renfermées dans ces paroles: Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur.

L’humilité, mes enfants, voilà ce que je viens vous demander au nom de Jésus-Enfant, en présence de ces prix et de ces couronnes, et, pour vous le dire franchement, je n’ai jamais pu comprendre une distribution de prix pour vous, si l’on n’y voit qu’une solennité où des noms qui devraient en quelque sorte craindre l’éclat du jour, sont livrés à un public curieux. La modestie ne devrait-elle pas être votre seule gloire et son voile votre plus bel ornement? La sage antiquité l’avait bien compris, et un historien d’Athènes assurait que l’éloge le plus convenable qu’on pût faire d’une femme était de n’en jamais parler. Le christianisme qui instruit toujours par des faits donne un exemple frappant dans celle qui fut bénie entre toutes les femmes, celle dont on vous présente l’image dans toutes vos classes, afin de vous avertir sans cesse d’en imiter les vertus.

Que savons-nous de l’humble Marie? A peine quelques traits qui se rattachent nécessairement à la vie de son Fils. L’Evangile nous apprend que Dieu a regardé l’humilité de sa servante, mais il cache aux yeux des hommes les trésors de grâces renfermés dans le coeur de celle que toutes les générations devaient appeler bienheureuse.

Les hommes, parce qu’ils sont les plus forts, se sont emparés de tous les moyens de briller. Que vous reste-t-il, si vous vous respectez? L’ombre, l’obscurité, le silence. Mais dans ce silence et cette obscurité vous n’êtes pas seules, si vous êtes chrétiennes. Tandis que les hommes étalent le produit de leurs efforts aux yeux de leurs semblables et reçoivent leurs applaudissements, par l’humilité vous appelez les anges et Dieu même à être témoins de vos combats ignorés et de vos victoires secrètes. Le théâtre des hommes c’est la terre, par l’humilité le vôtre c’est le ciel.

L’humilité est la gardienne de toutes les vraies couronnes, que vos anges gardiens posent sur vos têtes à chaque bonne action. L’humilité, c’est elle qui dissipera la fumée d’un succès fugitif et console[ra] des chagrins d’une défaite. Vous allez être récompensées dans un moment, mais non pas toutes. Que l’humilité tempère pour la rendre plus douce et plus durable la joie de celles dont les succès vont être proclamés, qu’elle modère les regrets de celles dont les travaux ont paru stériles!

Non, je le répète, je ne comprends pas une distribution de prix pour de jeunes personnes, si elle n’est qu’une satisfaction d’amour-propre à vous procurer. Il faut que j’y voie, au contraire, un compte rendu par les hommes à qui sont confiés les grands intérêts d’une cité, aux parents qui veulent savoir ce que l’on a fait en faveur du plus cher de ces intérêts, en faveur de l’éducation de leurs fils et de leurs filles; il faut que j’y voie la vérification des efforts faits pendant une année et des résultats obtenus pour le perfectionnement de votre instruction. Ces résultats vous sont favorables, on vient de vous le dire, et je suis heureux de le constater de nouveau. On a beaucoup obtenu de vous, et, ce qui n’est pas moins heureux, on espère obtenir beaucoup encore. Et comment en serait-il autrement avec des maîtresses pleines de zèle? N’ont-elles pas à leur tête deux vénérables supérieures qui ont tant de droit à votre amour? Celle qui posa le première pierre de cet établissement et celle qui lui donne chaque jour une nouvelle perfection, en sorte que vous pouvez cueillir à la fois les fruits des conseils et de la longue expérience de l’une, d’activité et de l’énergie de l’autre, de la tendresse et des vertus de toutes les deux.

Mais l’humilité ne vous suffit pas. Vous avez, quoique jeunes, une mission à remplir, mission qui grandira avec vous et dont le succès dépend d’une condition essentielle, de votre douceur. Vous allez passer au sein de vos familles des moments plus longs pendant les vacances. Laissez-moi vous donner un moyen de les sanctifier. Vos frères ont commencé eux aussi à se reposer; qu’aucune querelle ne s’élève entre eux et vous, ne soyez jamais l’occasion d’une dispute, et, s’il s’en élève en votre présence, que votre douceur soit toujours empressée à l’assoupir. Ne vous mettez jamais dans le cas d’être punies, afin que si vos frères le sont, vous puissiez être les médiatrices entre eux et leurs parents. Loin de prendre un plaisir mauvais à la vue de leur châtiment, mettez-vous à même par votre sagesse d’avoir le droit d’intercéder pour eux avec succès et de leur faire comprendre avec des paroles bien douces qu’ils doivent réparer leurs fautes.

Cette tâche est bien belle, mais elle n’est pas au-dessus de vos forces; j’en ai des preuves. Votre père pourrait-il vous refuser le pardon que vous solliciterez pour un autre, au nom de votre constante obéissance? Et votre frère à qui vous l’aurez mérité, repoussera-t-il les avis pleins de tendresse que vous lui suggérerez, lorsqu’il viendra de recevoir une preuve si touchante de votre affection? Par là, mes enfants, vous préluderez à l’accomplissement d’un devoir dont la religion vous fera comprendre plus tard l’importance. Loin d’attirer de malheureuses haines, vous aurez le soin de les apaiser. Sans cesse vous serez les anges de la paix autour de vous; vous travaillerez dans l’ombre, mais votre travail n’en sera pas moins précieux et fécond. L’arbre, au printemps et à l’automne, ne se couvre de fleurs et de fruits que parce qu’au temps de l’hiver il a poussé de profondes racines dans le sol nourricier.

Et vous, parents chrétiens, témoins d’une fête à laquelle vous apportez de douces émotions, nous ne vous adresserons point d’autre invitation pour vous engager à travailler, de votre côté, à l’éducation de vos enfants que le souvenir de vos devoirs envers eux. Et ces devoirs, j’en trouve l’expression magnifique dans les paroles qu’une illustre princesse adressait à son fils, dont l’Eglise célèbre aujourd’hui même la mémoire: « Mon fils, disait la reine Blanche à saint Louis, Dieu sait combien vous m’êtes cher, et pourtant j’aimerais mieux vous voir mort à mes pieds que de savoir votre âme souillée d’un seul péché mortel ». Voilà sur quelle base fut établie l’éducation de ce roi, l’une des gloires de l’Eglise et de la France.

Ne donnez pas à d’autres l’éducation de vos familles et vous coopérerez dignement aux fatigues des pieuses maîtresses de vos enfants. Vous aurez compris la pensée de ces hommes qui s’occupent d’obtenir sans cesse des résultats plus avantageux de l’enseignement. Vous payerez votre dette au premier magistrat de cette cité, dont le zèle éclairé ambitionne la gloire d’un bien durable, parce qu’il le sème dans le coeur des jeunes générations. Et je suis heureux en ce moment de lui témoigner, au nom de tous ceux à qui il a été dit: Allez et enseignez, l’expression d’une reconnaissance unanime et sincère pour ses efforts à mettre les bienfaits d’une instruction solide en harmonie avec les devoirs de l’éducation religieuse.

En un mot, parents chrétiens, vous développerez dans le coeur de ces enfants, dont vous aurez à rendre compte, l’élément le plus essentiel à la prospérité des familles, au bonheur de notre cité, au triomphe de la religion.

Notes et post-scriptum