1844-1854

Informations générales
  • TD48.177
  • [Sermon] SUR LE SALUT DES AMES
  • Orig.ms. CU 14; T.D. 48, pp. 177-180.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 BAPTEME
    1 BONHEUR
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CONFIRMATION
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 CORPS MYSTIQUE
    1 EGLISE
    1 EUCHARISTIE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 SALUT DES AMES
    2 ABEL
    2 ADAM
    2 PAUL, SAINT
    3 NAZARETH
  • 1844-1854
La lettre

Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret. S. Jean.

Si l’homme peut arriver à quelque grandeur, je ne pense pas que ce soit d’une autre manière qu’en s’appliquant à imiter celui qui est la grandeur par essence et le principe de toute grandeur. Et comme la grandeur du coeur c’est le développement de l’amour, je ne vois pour l’homme d’autre moyen d’agrandir son coeur que d’aimer comme Dieu aime. Or je trouve dans les paroles de mon texte la mesure de l’amour de Dieu. Sic Deus dilexit. Mais comme il faut donner des preuves de cet amour en le manifestant par quelque chose d’extérieur, l’amour le plus grand ne peut être manifesté que par le zèle le plus haut pour les intérêts les plus importants de ceux que l’on aime. Et comme de tous les intérêts les plus précieux et, à proprement parler, le seul nécessaire c’est le salut, j’établis que l’on ne peut donner une plus grande marque de la grandeur de son amour qu’en se dévouant au salut du prochain.

J’entends, mes frères, une foule de personnes dire aussitôt: « Il est possible, mais ce genre de grandeur n’est pas fait pour nous ». Je tiens, mes frères, à les détromper, et c’est pourquoi je viens vous parler du devoir qui pèse sur les hommes de travailler au salut du prochain, et afin de donner un motif de plus, après vous avoir fait considérer cette mission comme un devoir, j’en ferai ressortir tout le bonheur.

Voici donc en peu de mots tout mon plan:

1° Nécessité de travailler au salut du prochain.

2° Bonheur de travailler au salut du prochain.

Première partie: Devoir de travailler au salut du prochain.

Ne pensez pas, mes frères, je le répète, que lorsque je viens vous dire: Travaillez au salut de vos frères, parce que c’est un devoir rigoureux pour vous, je veuille vous supposer dans une catégorie à part. Non, mon frère, je prends mes raisons dans ce qu’il y a de plus général et je dis que c’est un devoir pour vous: 1° envers l’humanité, en tant que fils d’Adam; 2° envers l’Eglise, en tant que chrétien; [3°] envers tous ceux que vous connaissez, en tant qu’être sociable.

1° Et d’abord, c’est un devoir pour vous envers l’humanité, en tant que fils d’Adam. On a beaucoup parlé, de nos jours, de la loi de solidarité humaine, comme d’un progrès de la science moderne. Il y a soixante siècles que cette loi fut promulguée, lorsque Adam fut chassé du paradis terrestre. Ce qui fut le châtiment d’un seul crime devint la ruine de tous, parce que tous avaient péché dans un seul homme: omnes in uno peccaverunt. Depuis lors, un joug écrasant sur les enfants d’Adam.

Cette loi est encore promulguée par le Seigneur en face du cadavre d’Abel: vox sanguinis fratris tui clamat ad me de terra. Vainement Caïn a-t-il dit: Numquid custos fratris mei sum ego? La solidarité de la peine implique une solidarité d’efforts pour la repousser, en en repoussant la cause qui est le péché. Obligation pour vous de repousser le péché, d’écarter le scandale. Vous tous qui avez quelque influence, ce vous est une rigoureuse obligation: Vae illi per quem scandalum venit. Oh, quand les hommes comprendront-ils qu’il est bon de s’unir pour repousser le mal, comme les pécheurs s’unissant pour en répandre le règne?

2° Devoir envers l’Eglise, en tant que chrétien. Mais l’homme n’est pas uni à ses frères par les douleurs et la dégradation d’une origine commune. Nous du moins, chrétiens, qui avons reçu une seconde naissance, nous, les enfants de la lumière et les enfants du jour, nous savons ce que nous pouvons espérer, et c’est ce que nous devons communiquer à nos frères. Amour de nos frères. Nous ne faisons qu’un: unum corpus, multi sumus.

Le triple mystère du baptême, de la confirmation, de l’eucharistie nous unit, nous rend solidaires. Par le baptême nous sommes tous frères. Par la confirmation nous n’avons qu’un esprit. Par l’eucharistie nous n’avons qu’un même corps. Et nous ne serons pas unis à ceux qui sont nos frères, notre esprit, notre corps? Carnem tuam ne despexeris, dit l’Apôtre en parlant de l’aumône matérielle. Qu’est-ce que l’aumône de l’âme?

3° Envers tous ceux que vous connaissez, en tant qu’être sociable.

Dieu qui vous a placé dans un coin de la terre, n’a pas voulu perdre vos relations dans des généralités; il a voulu que vous pussiez aimer des êtres, à qui vous seriez uni d’une manière plus intime. Sainteté de l’amitié chrétienne, dont l’exemple est donné par Jésus, Marie, Joseph, Jean. Eh bien, vous direz que cette amitié doit s’éteindre au tombeau? Anathème à une doctrine si désolante? Mais quoi? Vous marchez dans la voie du bien et votre frère dans la voie du mal. Voyez donc ce que vous avez à faire pour le sauver.

Deuxième partie: Bonheur de travailler au salut des âmes.

1° Rien de plus excellent. Pater meus usque modo operatur, et ego operor. C’est là le but de la pensée de Dieu. Sic Deus dilexit mundum. Pour cela il crée le monde, bouleverse les empires, répand les prodiges, exalte sa puissance. Sic Deus dilexit mundum. Là est sa gloire, là sont ses complaisances.

Tout sera fait pour une âme. Savez-vous, en effet, ce que c’est qu’une âme? Savez-vous ce qu’est le prix d’une âme? Sic Deus dilexit mundum. Les rebuts ne l’arrêteront pas. – Le pécheur lutte et Dieu le poursuit, et quand il l’a terrassé, il y a plus de joie au ciel pour ce pécheur que pour quelques justes. Dieu est content. Voulez-vous participer à l’action de Dieu, à la gloire extérieure qu’il se rend? Vous ne pourrez davantage honorer Dieu, et Dieu vous le rendra.

2° Rien ne prouve davantage votre amour pour Jésus-Christ. Pourquoi est-il venu sur la terre. Filius hominis venit quaerere, et salvum facere quod perierat. Pourquoi la crèche, Nazareth, le Calvaire? O croix teinte de son sang, rendez témoignage de ce que Jésus-Christ a fait pour les âmes! O Jésus, pourquoi avez-vous soif sur la croix?

3° Bonheur de travailler au salut des âmes. Examinez. Oui, mes frères, le ciel quelquefois n’est pas comparable au bonheur de travailler au salut des âmes. Voyez saint Paul. Coarctor autem a duobus: cupio dissolvi, et esse cum Christo, multo magis melius; permanere autem in carne, necessarium propter vos.

4° Grandeur des récompenses. Paul nous l’expliquera encore. Ego enim jam delibor, et tempus resolutionis meae instat. Bonum certamen certavi, fidem servavi, cursum consummavi. In reliquo reposita est mihi corona justitiae, quam reddet mihi in illa die justus judex.

Notes et post-scriptum