15 août 1844

Informations générales
  • TD48.223
  • ASSOMPTION. Prêché à la cathédrale de Nismes, 1844.
  • Orig.ms. CU 23; T.D. 48, pp. 223-230.
Informations détaillées
  • 1 ANNONCIATION
    1 ASCESE
    1 ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE
    1 CHARITE DE MARIE
    1 COMPASSION DE LA SAINTE VIERGE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 FOI DE LA SAINTE VIERGE
    1 GLOIRE DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 JESUS-CHRIST
    1 MARIE
    1 MERE DE DIEU
    1 MERE DE FAMILLE
    1 NOTRE DAME AUXILIATRICE DES CHRETIENS
    1 PERFECTIONS DE MARIE
    1 REINE DU CIEL
    1 SATAN
    1 TRIOMPHE
    1 VISITATION DE MARIE
    2 BOSSUET
    2 MICHEL, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    3 JUDEE
  • 15 août 1844
  • Cathédrale de Nîmes
La lettre

Et signum magnum…

Assomption de Marie, fête de l’espérance chrétienne. Marie en triomphant nous donne le gage de nos triomphes.

1° En nous apprenant comment on arrive à la victoire.

2° En nous donnant les moyens de triompher, à notre tour.

I. Marie exemple du triomphe.

Nécessité du combat. Tristesse, découragement qui s’empare de l’âme. Relevez- vous, voyez les exemples que vous donne une humble créature au-dedans et au-dehors.

1° Au-dedans. Marie triomphe d’elle-même, du désir de paraître et de plaire par la retraite: quomodo…; des périls de l’innocence par la chasteté, quomodo…; des doutes par la foi, ecce ancilla; de l’orgueil par l’humilité, ecce ancilla; de sa volonté par l’obéissance; de l’amour d’elle-même par le sacrifice.

2° Au-dehors un seul principe la fait mouvoir, la gloire de Dieu: magnificat; à la Visitation, dans les rapports avec le prochain; à la crèche: magnificat; à Cana: magnificat; au calvaire: magnificat; à sa mort.

Perfection de Marie: decora facta es.

II. Marie, secours.

Marie nous donne les moyens de triompher, parce qu’elle est:

1° La mère de J.-C.

2° L’ennemi de Satan.

3° La reine du ciel.

[Première partie.]

Transportons-nous par la pensée au moment où Dieu envoie l’ange. Quels sentiments animent Marie en ce moment? Lutte avec l’ange.

Mais l’ange a manifesté la volonté de Dieu. Marie n’a qu’un sentiment profond d’obéissance qui lui rappelle ce qu’elle est, un pur néant, en présence d’un Dieu qui vient se faire créature en elle. Elle n’a qu’une parole: ecce ancilla. Et qu’est-elle autre chose, en effet? Mais quoi! La plus parfaite des créatures. Non, elle n’est que la servante, un instrument et un instrument passif: ecce ancilla, fiat. Mais, ô Marie, m’est-il permis de parler de votre néant, [ô] la plus parfaite des créatures? oui, parce que lorsque j’aurai compris le vôtre, peut-être comprendrai-je mieux le mien. Enfonçons-nous donc, s’il est possible, dans le néant de Marie. Qu’a-t-elle, en effet, qu’elle n’ait reçu et dans l’ordre de la nature et dans celui de la grâce? Mais si elle a reçu tout ce qu’elle est, elle le rapporte à son Dieu, elle découvre en ce moment les voies de Dieu sur elle. La parole que l’ange vient de prononcer, c’est cette lampe que le Seigneur fait briller pendant la nuit devant les pas du juste, cette lumière qui le dirige vers ses sentiers: lucerna pedibus meis obsequium tuum.

Mais qu’est-ce qui lui est découvert? Voici l’épreuve de la foi qui commence. Marie n’est qu’un néant. Eh bien, c’est dans ce néant que va pénétrer la plénitude de l’être. Un Dieu va descendre dans le sein d’une vierge, et cette vierge donnera le jour à un Dieu, sans perdre de tous ses privilèges le plus beau. Oh! prodige qui confond la pensée humaine! Mais un envoyé de Dieu a parlé et Marie a accepté: ecce ancilla.

Je voudrais qu’il y eût dans cet auditoire une de ces intelligences malades, parce que le froid du doute les a glacées. Je voudrais qu’elles pussent comprendre par quelles épreuves a passé l’âme de Marie par cela même qu’elle comprend l’abîme de son néant et qu’un Dieu lui déclare que lui-même va venir combler cet abîme. Certes, il y a de quoi faire tourner la tête. Mais que répond Marie? Un seul mot, elle croit à la parole de Dieu: ecce ancilla, et au même instant un Dieu s’incarne.

O chrétiens, quand comprendrez-vous que c’est par cette soumission de la foi, que c’est lorsque vous aurez rendu vos âmes les servantes de la foi, que vous pourrez faire habiter la sagesse éternelle et l’éternelle vérité dans vos âmes? Car c’est par la foi que Jésus, vérité et sagesse divines, se forme et habite dans les coeurs, selon le voeu de l’Apôtre: Christum habitare per fidem. Quand comprendrons-nous que la lumière de la foi doit nous soutenir?

Marie, dit Bossuet, après son [illisible] a conçu Jésus par la foi, mais quel doit être l’acte de foi par lequel un Dieu est conçu?

Mais y a-t-il la foi en Marie? Sans approfondir une question qui peut exercer les théologiens, je dis qu’il est très convenable, même en supposant Marie parvenue à la vision béatifique, de dire que tout n’a pas été lumière pour elle, et qu’il y a eu un moment où cette foi a dû être éprouvée. Et quel moment que celui de la salutation qui du reste la troubla! Mais j’admets qu’au moment où l’ange lui a expliqué le mystère, de nouvelles lumières lui ont été accordées. C’est encore ici, chrétiens, que le sujet de mon étonnement augmente. Car je vois Marie dans une seule parole résumer toute sa vie: Marie n’a été la plus parfaite des créatures que parce qu’elle n’a pas perdu une seule grâce, parce qu’elle a toujours dit: Ecce ancilla Domini. Et voilà ce qui fait notre condamnation, l’abus des grâces. Nous ne perdons que parce que nous le voulons bien. Marie, au contraire, profite de toutes les grâces; elle s’avance de vertu en vertu, et sa volonté se fortifiant de grâces nouvelles, Dieu la conduit de vertu en vertu jusqu’au terme qu’il lui destine.

Mais ce n’est point assez. Marie en se soumettant à Dieu, et dans les lumières dont elle est inondée et par les grâces qu’elle reçoit, découvre ce que Dieu lui réserve d’épreuves, par quelles tortures maternelles son coeur devra passer, quels sacrifices elle doit offrir avec le sacrifice de son Fils. Elle découvre et la pauvreté de la crèche, et les soucis de la fuite et les sueurs de Nazareth, et les rebuts de Cana, et les délaissements de la vie apostolique, et l’agonie du Calvaire et les angoisses de l’attente. Elle découvre toutes les douleurs dans lesquelles son âme doit être plongée, le glaive qui doit percer son coeur. La douleur lui est bonne, puisque Dieu est son maître. N’est-elle pas sa servante? Ecce ancilla Domini.

Mais à cete acceptation passive il faut unir un principe d’action. Or quel principe plus grand que celui qui fait agir Dieu lui-même? A peine le Verbe est-il dans son sein qu’il a développé en Marie quelque chose de cette charité pour les hommes, qui fait descendre le fils de Dieu du ciel en terre. En effet, que fait-elle? Elle court chez sa cousine, et quand Elisabeth l’a saluée, que répondra-t-elle? Mon âme glorifie le Seigneur, Magnificat, [de] tout ce que son Dieu a fait en elle, quia fecit mihi magna.

Elle voit la miséricorde de Dieu s’étendre dans les générations de l’Eglise. Et le vaste concert de louanges qu’elle entonne et que toutes les générations répéteront à l’envi: Et misericordia ejus a progenie.

Et quand le moment de mettre au monde Jésus-Christ sera venu, ne s’unira-t- elle pas aux anges qui chantent: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux »? ne la publiera-t-elle pas la gloire du tout-puissant, cette vierge qui tient entre ses bras le prodige des inventions de Dieu, pour tirer la gloire qui lui est due de sa toute-puissance? O Marie, que vous êtes grande, lorsque je vous vois pontife de la vie future, préludant au sacrifice que votre Fils offrira lui-même!

Sublime privilège de la maternité chrétienne. La mère qui tient un enfant baptisé entre ses bras est comme Marie.

La suivrons-nous dans la vie de Judée? Mais qui pourrait raconter ce qui se passe ici? Vie cachée, vie humble, vie de rebuts, vie de presque tous les chrétiens. Et pourtant Marie poursuivra sa pensée.

Et au Calvaire? Oh! qui dira ce qui s’y passera? Vous tous qui avez souffert, venez et voyez. Quelle douleur plus grande? Marie se tait, Jésus parle pour elle. Et pourquoi parlerait-elle? Laissez-la dans son silence. Pourquoi s’occuperait-elle des hommes? Elle est entrée dans le sanctuaire de Dieu.

Jésus est ressuscité. Pourquoi Marie ne le suit-elle pas au ciel? Pourquoi trouvez-vous la vie trop rude? C’est vous qui forcez Marie à la supporter. Mais il fallait qu’il en fût ainsi. La voix de l’Eglise pour louer Dieu était encore trop faible sur la terre, il fallait que Marie lui prêtât sa voix.

Marie loue le Seigneur par sa patience, par son amour pour les chrétiens.

Mais viendra la mort, le moment du triomphe, de la perfection. Decora facta es. Magnificat.

Seconde Partie.

Que Marie nous donne dans son triomphe le gage des secours les plus puissants, à l’aide desquels nous triompherons nous-mêmes, c’est ce que je crois évident si nous réfléchissons à trois circonstances du triomphe de Marie. Marie est élevée dans son triomphe à une si haute puissance, parce qu’elle est mère de Dieu, et comme mère de Dieu elle implore son Fils pour nous.

Marie dans son triomphe célèbre sa victoire sur Satan et nous assure la victoire que nous remporterons, à notre tour, sur son ennemi, si nous le voulons.

Marie par son triomphe prend possession du ciel et désire en étendre les limites.

On a établi, je le sais, que Marie avait été couronnée dans le ciel et revêtue d’un si haut degré de gloire, non parce qu’elle était la mère de Dieu, mais parce qu’elle était la plus parfaite des créatures. Et ceci est incontestable. Mais pourquoi a-t-elle été la plus parfaite des créatures? Sans doute, parce qu’elle a correspondu aux grâces de Dieu, mais aussi parce qu’elle a reçu les grâces les plus étonnantes, et elle les a reçues parce que Dieu la prédestinait à être sa mère. D’où il m’est permis de conclure que Marie, comme mère de Dieu, ayant reçu des grâces ineffables, trouve dans le ciel la conséquence des grâces dont elle a été inondée sur la terre. Aller contre une pareille pensée serait aller en opposition avec toute la théologie des Pères de l’Eglise. En effet, qu’est-ce que Marie possède en elle-même et par elle-même qui attire les grâces de Dieu? Rien, absolument rien. Marie par elle-même n’est qu’un néant comme créature, et sa gloire consiste à le proclamer plus haut qu’aucune créature. Mais Dieu ayant fixé les yeux sur elle et l’ayant prévenue par sa grâce, Marie n’a laissé perdre aucune de ces grâces. Et voilà le principe de sa gloire.

Mais sans nous perdre en d’inutiles discussions, disons que, d’une part, le Fils de Dieu ayant de toute éternité choisi Marie pour sa mère, avait de toute éternité préparé à sa mère les grâces les plus excellentes, et que Marie y ayant parfaitement correspondu, rien n’empêche le Fils de donner à sa mère toutes les marques de son amour, puisqu’en même temps qu’il la reçoit dans le ciel comme sa mère, il la reçoit aussi comme la plus parfaite des créatures. Or ici je trouve que Dieu peut accorder deux sortes de récompenses: l’une qui est un bonheur proportionné au mérite de la créature que Dieu couronne, – et je n’ai pas à m’en occuper aujourd’hui, – l’autre qui est analogue au caractère de sainteté qui a brillé dans ceux que Dieu récompense. Or qui niera que Marie s’est surtout sanctifiée comme mère de Dieu? Elle doit donc être récompensée comme mère de Dieu, et il est très convenable que l’amour du Fils prodigue les trésors de sa puissance à une pareille mère.

Et c’est en effet ce qu’il fera. Maintenant cherchez à vous faire une idée [de] la puissance que l’amour de J.-C. peut accorder à Marie. Rappelez-vous qu’il lui a donné tous les hommes pour enfants et qu’il les lui a donnés au moment où il les achetait par son sang. Et si je puis traduire littéralement l’énergique expression de saint Paul, c’est au moment où par le mystère de la croix le genre humain devient l’acquisition de J.-C., que J.-C. en fait hommage à sa mère. Mais quoi? Si c’est au moment des ignominies de son fils que Marie devient la souveraine des hommes, que sera-ce donc quand elle entre dans le palais des cieux?

Et cette puissance lui est nécessaire, car Marie est une puissante guerrière qui doit combattre un redoutable ennemi. C’est Satan: Inimicitias ponam. Raison de cette haine: de la part de Satan, jalousie, haine, orgueil, et cela se conçoit; de la part de Marie, la même cause que chez saint Michel. De plus, le mal que Satan a voulu faire à Jésus. – Il y aura donc lutte.

Or je vois deux camps: l’enfer d’un côté; le ciel, de l’autre; Satan et Marie en présence. La terre est le champ de bataille. De quel côté voulez-vous vous ranger? Toutefois, sachez-le, Satan ne vous poursuit que parce qu’il vous hait. Voulez-vous être pour Marie? La victoire doit lui rester. Et ipsa conteret caput tuum. Toutes les gloires lui sont assurées. Elle triomphe aujourd’hui, mais elle triomphe tous les jours.

Haine de Satan contre l’Eglise, et je ne sais comment il se fait que les destinées de l’Eglise et la gloire de Marie son inséparables. Ce que le Saint-Esprit dit de l’Eglise, l’Eglise se plaît à l’appliquer à Marie.

Marie est reine du ciel, mais elle doit chercher à en reculer les limites. Elle ne le peut qu’en le peuplant. Donc elle a intérêt à nous accorder des grâces.

Marie, reine du ciel, en recule les limites, en assure le bonheur.

En recule les limites. Reine du ciel, la lune à ses pieds, le soleil est son vêtement, les étoiles sa couronne. Ce qu’il y a de plus éclatant dans le firmament sert à sa gloire. – Explication.

Mais qu’est-ce que le ciel? N’est-ce pas l’âme des saints? Comment recule-t- elle les limites des cieux? Par les grâces qu’elle obtient, par les élus qu’elle introduit dans la gloire. Et n’est-elle pas la mère de la grâce? Citation de saint Bernard.

Marie recule les limites du ciel par les grâces qu’elle distribue. Le ciel étend ses eaux, Marie en a la distribution.

La gloire de Marie image de notre gloire. – Voilà jusqu’où nous pouvons prétendre. Marie est notre reine et notre soeur.

Marie veut un grand empire, l’ambition lui sied bien. Elle veut des sujets innombrables, parce qu’elle veut les rendre tous heureux. Marie appelle à son secours Dieu, les anges et les hommes.

Et voyez, en effet, ce qu’elle fait. Elle est reine des anges et elle leur commande de vous protéger. Elle est fille du Père, mère du Fils, épouse du Saint-Esprit.

Tous les saints la proclament leur reine, et ce qu’elle a fait pour tant de saints, elle ne le fera pas pour nous?

Notes et post-scriptum