22 septembre 1844

Informations générales
  • TD48.231
  • Sermon sur les associations préché le jour de la fête de saint Castor, 22 septembre 1844.
  • Orig.ms. CU 24; T.D. 48, pp. 231-236.
Informations détaillées
  • 1 APOTRES
    1 ASSOCIATION
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DOGME
    1 EGLISE
    1 ESPECE HUMAINE
    1 EVEQUE
    1 JEUDI SAINT
    1 OEUVRES DE PIETE
    1 UNITE CATHOLIQUE
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 VERITE
    2 ADAM
    2 BOSSUET
    2 CASTOR, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    3 ROME
  • 22 septembre 1844
  • Nîmes
La lettre

Sur les associations.

Ut sint consummati in unum.

La nuit même où le Sauveur des hommes prononça ces paroles, il avait établi l’eucharistie, gage le plus merveilleux de l’union de Dieu avec les hommes et des hommes entre eux. Il annonçait les persécutions, la mort et la victoire à onze disciples réunis autour de lui; le douzième s’était déjà retiré pour le trahir, et le représentant des Romains allait préluder par la condamnation du Juste à la guerre du vieux monde contre la jeune société du Christ. Or c’est en ce moment que voyant venir l’heure du sacrifice, il fait cette prière en présentant ses apôtres à son Père: Ut sint consummati in unum, qu’ils soient consommés dans l’unité. Qu’étaient donc ces apôtres? Des évêques et des pauvres. Onze évêques, onze pauvres, en voilà assez avec la grâce de Dieu pour changer la face de l’univers, pourvu qu’ils restent unis, ut sint consummati in unum.

En ce jour où nous célébrons la fête de notre glorieux patron, où nous contemplons en lui les vertus d’un grand évêque et où nous bénissons le protecteur d’une pieuse association d’hommes, il m’a paru utile, mes frères, de fixer votre attention sur ce double caractère que saint Castor présente à notre foi et à notre piété. Je me suis donc proposé de vous dire ce qu’est d’une part, la grande association catholique, c’est-à-dire l’Eglise de J.-C. fondée par lui sur les apôtres qui sont nos premiers évêques, et, d’autre part, de vous montrer ce que sont dans cette divine association les associations particulières qu’elle fonde, qu’elle encourage, qu’elle protège. Vous comprendrez mieux par là ce que c’est qu’un évêque, en comprenant mieux ce que c’est que l’Eglise; vous apercevrez mieux la puissance des pieuses associations en les considérant comme les branches de l’arbre immortel, dont les racines puisent leur sève dans le sein de Dieu même.

Ainsi qu’est-ce que l’association de l’Eglise de J.-C.? Première question. Que sont les associations dans l’Eglise de J.-C.? Seconde question; voilà tout mon plan.

Ce sujet, vous le voyez, est par lui-même plein d’intérêt, soit que nous élevant à l’idée la plus haute qu’on puisse se faire de l’association nous la voyons se réaliser dans l’Eglise, soit que descendant dans les détails nous en étudions les obstacles et les résultats. Je n’ignore pas, il est vrai, ce qu’une pareille matière présente d’épineux. Demandons à Marie, reine [de] l’Eglise, protectrice née de toutes les associations chrétiennes, de mettre sur mes lèvres ce qui pourra fortifier votre foi, exciter votre zèle, enflammer votre charité.

Première partie.

L’idée d’association explique celle d’unité(1). L’association la plus parfaite est celle qui présente le plus de liens, par lesquels les membres sont resserrés entre eux. Et toutefois comme l’idée d’association implique aussi celle d’êtres intelligents, il faut que ces liens ne froissent en rien la liberté. D’autre part, toute association implique un but pour lequel on est uni, et l’association la plus parfaite est celle dont le but sera le plus élevé. Mais qu’importe que le but soit élevé, s’il est inaccessible, en un mot si l’homme est incapable de l’atteindre. L’association la plus parfaite sera donc celle qui en proposant le but le plus élevé, donnera à l’homme les moyens les plus efficaces pour l’atteindre.

Ces principes une fois posés, je dis que l’association la plus parfaite c’est l’Eglise comme possédant au suprême degré les conditions incontestables que nous venons d’établir. En effet, si l’idée d’association implique celle d’unité, où trouverez-vous un principe d’unité plus merveilleux que celui que vous présente le dogme catholique? Unité d’origine révélée par l’unité de la nature. Nous relevons tous d’un même auteur qui est Dieu. Direz-vous que la sagesse antique l’avait soupçonné? Je ne dispute pas, parce qu’elle verrait en cette vérité comme un héritage transmis par la tradition. Mais où trouverez- vous ailleurs que dans l’enseignement catholique cette clarté d’expression, et, en même temps, cette notion de Dieu qui en apprenant à l’homme ce qu’est Dieu, autant que l’homme peut le savoir ici-bas, lui montre ce qu’est Dieu, ce qu’il est et ce qu’est Dieu pour lui, ce qu’il doit être pour Dieu.

L’unité de nature; mais l’homme n’est pas uni à l’homme seulement, parce que nous sommes tous sortis des mêmes mains. Sur la terre nous sommes tous de la même famille, parce que nous avons un père commun et en ce sens nous sommes tous frères. Acceptez cette idée, le genre humain n’est plus qu’une seule famille, que les intérêts et les passions ont divisée, mais dont les membres peuvent dire au même homme: « Vous êtes mon père », et cet homme peut dire à tous les hommes: « Vous êtes mes enfants ». Mais cet homme, père de tous les hommes, a laissé à sa postérité un triste héritage de crimes, de douleurs et de mort. Eh bien, de ce principe de dissolution surgira un nouveau bien, car si nous sommes tous frères par une même créature, par une même origine, nous sommes encore tous frères par la même réparation, par la même régénération, par J.-C. Et c’est ici que commence l’association catholique. Mais avant d’aller plus loin, revenons sur nos pas.

J’ai dit que trois principes d’union sont révélés au chrétien: en Dieu, en Adam, en J.-C. Nous sommes tous sortis d’un même créateur qui est Dieu, d’un même père coupable, Adam, d’un même réparateur, J.-C.

De Dieu nous avons reçu la même nature, le même corps, la même intelligence, la même volonté. De Dieu nous avons reçu la même loi, les mêmes devoirs. Mais si c’est Dieu qui commande, raison d’obéir. Et dans l’obéissance, principe d’union. La révolte sépare, l’obéissance unit. Si c’est Dieu qui commande, il faut lui obéir, et si Dieu commande l’union, il faudra bien qu’elle subsiste.

D’Adam nous avons reçu les mêmes douleurs, les mêmes besoins. Infirmes, nous avons des besoins. Faibles, [nous sommes] incapables de nous les procurer. Qui n’a compris ces choses? Qui n’a éprouvé le besoin d’un ami, d’un appui.

Eh bien, ce sont ces éléments dont s’est emparé J.-C. pour fonder l’association. Malheur à celui qui est seul! Vae soli. J.-C. est venu calmer nos douleurs, satisfaire nos besoins. Mais il a voulu que ce fût dans l’union que nous pussions trouver notre force. Les remèdes qu’il a apportés à ces maux, il a voulu que nous ne pussions les trouver que dans l’association. Nous sommes donc arrivés à une unité de nature, de besoins et de secours.

Autre fondement encore, J.-C. vient sur la terre. Il chasse l’erreur et donne à son association l’unité de l’enseignement, la vérité.

Force de la vérité, unité de la foi.

Il vient combattre le péché et donne en second lieu la vertu la plus pure, la vertu telle qu’il en a puisé la notion dans le sein de son père et qu’il la sait réalisable par les hommes. Les hommes seront unis par leurs efforts pour la pratique de la vertu, et pour les encourager, il leur montre le ciel. – Unité d’espérance.

Mais pour cela il faut de la force. Il la leur donnera dans la charité qui va du coeur de Dieu au coeur de l’homme. Unité de la charité.

La vérité, la vertu, l’amour, quels liens plus forts pour une association! Or si cette vérité est enseignée par un Dieu, si cette vertu est commandée par un Dieu, si cet amour est communiqué par un Dieu, quels liens plus forts et cependant quoi de plus libre!

Mais j’ai dit que l’association la plus parfaite était celle qui proposait à l’homme le but le plus élevé. Quel but plus élevé que Dieu? Dieu enseigné, votre intelligence ira-t-elle plus haut? Dieu, soutien de l’association, l’infini pour limite, êtes-vous assez à l’aise? Dieu pour propriété pendant l’éternité, vos sens peuvent-ils soupçonner quelque chose de plus?

C’est magnifique, direz-vous. Mais pour arriver là, il faut bien de puissants secours. Ce secours, ce sera Dieu lui-même. Ce sera Dieu qui viendra par son Fils, ut sit Christus omnia in omnibus. Et comme c’est le centre, il attire tout à lui dans une unité divine, ut sit Christus omnia in omnibus.

Mais ce côté de ce travail interne. Il faut à l’homme, esprit et chair, une manifestation extérieure. Prédication de la vérité. – La promulgation de la loi. – La régularisation des hommages dus à Dieu. – La réparation des torts. – La naissance des droits. – La distribution des secours par les sacrements. – Le pouvoir de l’Eglise.

L’Eglise: le Pape, les évêques tenant le milieu entre les prêtres et le Pape. Entre les hommes et Dieu l’association s’étendant par les évêques dans la durée et dans l’espace. Qu’elle est belle cette association bâtie sur les fondements des apôtres et des prophètes! supra fundamentum apostolorum et prophetarum.

Beauté de l’Eglise dans l’union à J.-C. par les évêques. Qu’est-ce donc qu’un évêque?

Et voilà la société que l’on attaque. Comment se défendra-t-elle(2)?

Seconde partie.

L’Eglise est un grand corps, mais est-ce cette vaste unité qui fait sa force? Elle s’appuie sur chacun de ses membres qui peuvent s’unir pour divers buts. Deux buts sur la terre, le vrai et le bien.

Force de ceux qui prêchent la vérité. – Education, missions.

Deux biens: le soulagement des corps, le bien des âmes par la prière et la pénitence.

Pour cela ils se dépouillent de ce qui enchaîne l’homme, des créatures par la pauvreté, de leur corps par la chasteté, d’eux-mêmes par l’obéissance.

Voilà les soldats de l’Eglise. Faites ce que vous pourrez, il faudra toujours en venir là. L’Eglise se retrempera toujours dans les associations, elle y puisera une force qui vous fera frémir, mais dont vous n’aurez pas le secret.

A côté de ces associations en surgissent d’autres.

Destinés à vivre dans le monde, à y donner l’exemple, à y combattre le respect humain, à y pratiquer la charité, à s’y exciter à la pratique des sacrements.

Notes et post-scriptum
1. Unité d'origine. Unité de but. - Unité de moyens. Origine. - Dieu, Adam, Jésus-Christ. - But, la vérité, la vérité divine. - Moyens, la grâce, la charité, les sacrements, le sacerdoce, le pouvoir. [Ces mots auxquels nous donnons la valeur d'une note de l'auteur se trouvent en marge].
2. Le mystère de l'unité de l'Eglise est dans les évêques comme chefs du peuple fidèle. Le mystère de l'unité universelle de l'Eglise est dans l'Eglise romaine et dans le siège de saint Pierre. Bossuet.