fin 1839 – A des dames.

Informations générales
  • TD48.278
  • [Notes d'instructions de retraite] Sur le Saint-Esprit.
  • Orig.ms. CU 32; T.D. 48, pp. 278-289.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DIVIN
    1 AUGUSTIN
    1 CREATION
    1 GRACES
    1 PENTECOTE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 TRINITE
  • A des dames.
  • fin 1839
La lettre

[A]

De même que l’âme est la vie du corps, dit saint Augustin, de même Dieu est la vie de l’âme. Or Dieu nous communique sa vie par son amour, et c’est pour cela que l’âme qui n’aime pas Dieu et que Dieu n’aime plus, est morte. La cause de la vie de l’âme, c’est l’amour de Dieu; et plus l’amour de Dieu se communique à elle, plus elle est vivante.

Or Dieu ne se contente pas de lui témoigner son ampour, il le lui donne tout entier dans sa plénitude, substantiellement, dans la confirmation. Création nouvelle. Emitte spiritum tuum et creabuntur…

Voilà ce que Dieu vous a donné, mais vous n’avez réfléchi que bien peu sur ces grâces. Or, pour que vous puissiez comprendre toutes les faveurs de Dieu, il faut examiner ce que c’est que l’Esprit-Saint et quels effets il opère dans vos âmes. La troisième personne de la Trinité unit le Père au Fils, unit les hommes à Jésus-Christ et par Jésus-Christ au Père.

Signal de réconciliation et principe de force.

Mes dames, nous voyons dans les Livres Saints que le Seigneur ayant préparé la terre pour en faire l’habitation d’une créature capable de le connaître et de l’aimer, prit un peu de limon et souffla dessus l’esprit de vie. Et dès cet instant, cette créature fut l’objet des complaisances de son auteur jusqu’à ce qu’ayant abusé des dons du ciel, elle perdît cet esprit et redevînt poussière. Le genre humain, en effet, en était là, quand Dieu souffla une seconde fois sur quelques hommes, et son esprit s’étant une seconde fois reposé sur eux, la vie reparut dans le monde. Ainsi passa le jour de la Pentecôte. Par ce prodige, l’esprit de Dieu se communiqua tout entier au genre humain. Or par quel prodige les hommes repoussent-ils encore cet esprit? Il y a là sans doute une foule de motifs qu’il serait impossible de détailler, mais parmi ces motifs j’en trouve un, qui, j’aime à le croire, est celui qui plus que les autres, vous a empêchées de voir toute la reconnaissance que Dieu a droit d’exiger. C’est l’ignorance de ce qu’est le Saint-Esprit. Eh bien, mes dames, étudions un instant ce qu’est le Saint-Esprit.

Le Saint-Esprit est Dieu. C’est l’amour de Dieu; c’est le principe de la vie des hommes; c’est le don de Dieu; c’est le maître des coeurs.

Le Saint-Esprit, Dieu. Essayons de nous élever d’abord au pied du trône de l’Eternel, et quoique nous ne puissions pénétrer dans les abîmes insondables à l’oeil humain, si nous consultons Dieu sur ce qu’il lui plaît de nous faire connaître de sa nature, nous apprenons que seul, unique en nature, il a cependant comme trois existences qui reçoivent dans le langage faible et borné de l’homme les noms de Père, de Fils et d’Esprit; que le Père subsistant de toute éternité engendre éternellement sa parole, par laquelle il se connaît, et que se connaissant de toute éternité dans sa Parole ou son Verbe il s’aime éternellement; et cet éternel amour, éternel comme le Père et le Verbe, forme une personne infinie comme les deux premières, et cette personne c’est l’Esprit. Dieu comme le Père et le Fils sont Dieu, il les unit d’un lien indissoluble; et c’est dans cet amour infini que Dieu puise son bonheur, infini comme sa nature.

Essayer d’aller au-delà dans la connaissance de la nature divine est dangereux. Dieu est jaloux, il ne soulève pour nous du voile qui le dérobe à nos regards que ce qui est indispensable. Mais ce que nous savons est bien suffisant pour nous donner une idée de sa tendresse pour les hommes. Car que n’en faut-il pas penser?…

[B]

Je suis péniblement affecté en considérant le petit nombre de personnes qui rendent au Saint-Esprit l’honneur qui lui est dû. Cependant peu de dévotions sont aussi avantageuses, et je me propose aujourd’hui de vous faire comprendre les avantages et les moyens d’en profiter.

Le culte du Saint-Esprit, c’est le culte de l’amour de Dieu, puisque le Saint-Esprit est Dieu lui-même. Le Saint-Esprit est l’amour qui unit le Père au Fils et qui par Jésus-Christ nous unit à Dieu. Le Saint-Esprit est le don de Dieu par excellence. Le Saint-Esprit est le principe de tout le bien que nous pouvons faire.

Moyens de se préparer à le recevoir.

Le Saint-Esprit est un esprit de paix. Il a le trouble en horreur. L’agitation. – Danger des personnes de piété qui prennent l’agitation pour la vie.

L’Esprit-Saint est un esprit de lumière. Il faut être résolu à tout voir.

L’Esprit de Dieu est un esprit de vie. Oter de soi tout ce qui sent la corruption, la mort.

Enfin, c’est un esprit de grâces. Prendre la résolution d’en profiter.

Spiritus Domini replevit orbem terrarum, et hoc quod continet omnia scientiam habet vocis. Emitte spiritum tuum, et creabuntur, et renovabis faciem terrae. Création nouvelle.

[C]

Mes dames,

Si nous sommes frappés par la pensée des prodiges que l’amour tout-puissant de Dieu laissa échapper et tomber, pour ainsi dire, sur la face du chaos, quand il fit entendre dans l’espace muet jusqu’alors sa parole éternelle, féconde, créatrice; si nous sommes émus au spectacle d’une Providence qui conserve l’ordre merveilleux de l’univers, contient les sphères célestes dans les limites de leurs révolutions, et jette une pensée d’amour et de vie sur l’existence du plus imperceptible des insectes; si ces grandes pensées de puissance, d’ordre et de conservation, gravées à chaque point de l’immensité, surprennent toujours le cri d’admiration sur les lèvres de l’homme disposé à douter de tout, et jettent l’âme croyante dans d’inexprimables extases, pourquoi tant de chrétiens ferment-ils les yeux à un spectacle bien autrement sublime, et pour eux d’un intérêt bien autrement grand?

Le monde extérieur, mes dames, n’est que la figure, l’ombre d’un monde supérieur auquel, dès ici-bas, nous sommes appelés: monde où une lumière et une chaleur célestes pénètrent l’essence même de notre être, comme, vers la fin de l’hiver, le soleil communique avec ses rayons le mouvement, la beauté et la joie à la nature qui s’éveille. Or s’il est, dans le monde des corps, un foyer général dont l’action universellle s’étend à tout et porte partout le principe du développement et de la conservation, il est pour le monde des esprits un foyer de vie bien autrement fécond, bien autrement puissant, et qui pénétrant de son irrésistible influence nos âmes et nos coeurs, les sollicite sans cesse à s’épanouir en présence de Dieu et à lui offrir sans cesse les fruits célestes de nos vertus.

Ce foyer, qui repose dans le sein même de la divinité, qui en est l’amour, Dieu lui-même, fut pendant 4000 ans voilé aux hommes par les vapeurs montées vers le ciel du fond de l’abîme, et par les écailles que les passions mauvaises avaient étendues sur leurs yeux infirmes. Le mal ne devait pas éternellement reléguer le bien dans la solitude des cieux; et, de même qu’après de longues nuits et de longues journées d’orage et de ténèbres, la main bienfaisante du créateur commande aux vents de dissiper les nuées grosses de tempêtes et rend aux matelots épuisés la pureté du ciel et la chaleur longtemps désirées; de même, après que le genre humain eut été pendant de longs siècles poussé contre tous les écueils, eut heurté contre tous les rochers, quand le moment de la miséricorde fut venu, Jésus-Christ, vainqueur de la mort, commanda aux flots de faire silence, s’élança dans les cieux, et déchirant le voile d’erreurs qui nous cachaient les splendeurs de la vérité, commanda enfin à un vent céleste de pousser le vaisseau de l’humanité vers le port de la véritable vie.

Alors quelques hommes réunis dans une retraite sentirent se remuer au-dedans d’eux-mêmes un sentiment inconnu; une ardeur qui n’était pas une ardeur humaine coulait avec leur sang dans leurs veines, et leur coeur palpitait dans leur poitrine, comme s’il eût voulu étreindre dans un amour immense le genre humain tout entier. Ces hommes, c’étaient douze pêcheurs qui venaient de recevoir la mission d’incendier la terre. L’esprit de Dieu les avait remplis. Ils n’étaient plus libres de se taire, et il fallait qu’ils publiassent partout l’heureuse nouvelle de la rédemption. L’esprit consolateur était descendu dans leurs âmes; il fallait qu’ils le communiquassent à toute créature.

Et ce que le Saint-Esprit a opéré en eux, il l’opère tous les jours. Etudions cette action.

Pour nous faire une idée exacte des prodiges opérés en nous par le Saint-Esprit, dans le mystère de la sanctification de nos âmes, il faut écouter l’Esprit-Saint, lui-même parlant par la bouche de saint Paul. Ce grand apôtre, pour nous manifester toute l’étendue des dons de Dieu, établit que le monde, depuis que le mal y est entré, a été sous l’influence du mal qui se fait sentir à l’homme dans ses sens; et c’est pour cela qu’il l’appelle la loi de la chair, de servitude, de péché. Loi terrible, qu’il ne peut pas plus éviter que le condamné placé sous le glaive du bourreau ne peut éviter le coup fatal. Et toutefois à cette loi funeste Dieu, dans son amour, oppose une loi de régénération, que saint Paul appelle la loi de l’esprit, loi de liberté, de justification, de vie. Par elle l’homme est affranchi, purifié, rendu à l’existence.

La méditation de ces deux lois et de leurs conséquences sera le sujet de la première partie. Mais Dieu a délivré l’homme du mal, il veut encore le faire participer à certains biens, et c’est ce que je vous ferai voir dans la seconde partie.

[D] Sanctification des âmes par le Saint-Esprit.

Rien de plus inconnu en général que l’action du Saint-Esprit sur nos âmes, et toutefois rien de plus important. Il faut étudier ce mystère. Or, pour en suivre les développements, méditons attentivement ce que le Saint-Esprit lui-même nous en apprend par la bouche de saint Paul.

Loi de servitude. Pour comprendre l’action du Saint-Esprit sur nos âmes, telle que saint Paul la définit au chapitre VIII de l’épître aux Romains, il faut poser, avec cet apôtre, deux lois que l’homme est obligé de choisir, la loi de la chair et la loi de l’esprit. La loi de la chair qui nous tyrannise dès notre naissance, est la loi des sens, des passions et des mauvais désirs. Saint Paul l’appelle successivement une loi de servitude, de péché, de mort.

Loi de servitude, car par elle nous sommes les esclaves du démon; par elle nous perdons notre liberté, car nous sommes incapables de faire le bien, incapables de briser nos chaînes, et, jusqu’à ce qu’une main libératrice vienne rompre nos fers, nous sommes condamnés à porter un joug dont nous sentons la pesanteur, sans pouvoir la secouer. Cette servitude est par moments insupportable, et par moments nous contribuons nous-mêmes à l’augmenter, à la rendre plus dure. C’est ce qui nous arrive toutes les fois que nous laissons s’affaiblir en nous les bons désirs et se développer les mauvais.

Or, remarquez que la servitude est l’état d’une intelligence condamnée à subir la volonté d’un être qui n’a pas le droit de lui commander, ou qui lui impose une loi pour laquelle elle n’était pas créée. Et, sous ce rapport, l’homme est triplement esclave de Dieu, de lui-même et du démon. De Dieu, qui devient son tyran, quand il ne devait être que son père; de lui-même quand il se courbe sous la tyrannie de ses sens et de ses passions, auxquelles il devait commander; du démon qui n’avait naturellement aucun droit sur lui.

Loi de péché. Mais cette servitude n’est que l’effet du péché. En effet, c’est le péché qui m’a fait perdre ma liberté. Et l’effet du péché est de m’imprimer une tache, de façon que je porte en moi la trace du péché, comme le coupable marqué par le fer de la justice porte, empreintes sur son épaule, les stigmates de son crime. Tant que je suis pécheur, je suis l’ennemi de Dieu, puisque Dieu étant le bien par essence déteste autant le mal qu’il s’aime lui-même. Et tant que je suis ennemi de Dieu, je suis sous la loi du péché.

Loi de mort. Mais la loi qui condamne le péché est accompagnée nécessairement de la loi qui le punit. Car Dieu ne serait pas juste, si étant infiniment puissant il n’usait pas de sa puissance pour détruire le mal. Or la manière dont Dieu punit le mal, c’est en se séparant de celui qui le commet. Or comme il est la vie de l’âme, dès qu’il s’en retire, l’âme meurt. Et comme il se retire, en effet, de l’âme qui fait le mal, il s’ensuit nécessairement que l’âme qui fait le mal tombe dans la mort. Et voilà pourquoi saint Paul unissant les deux lois: celle qui fixe le crime et celle qui le punit, l’appelle la loi de péché et de mort.

Et remarquez toutes les conséquences de cette loi. L’homme tombait sous la loi de la mort, parce qu’il avait voulu vivre d’une vie séparée de Dieu; sous la loi du péché et du mal, parce qu’il avait voulu trouver le bien en lui et non dans son auteur; enfin sous la loi de servitude, parce qu’il avait voulu ne reconnaître d’autre maître que lui-même. Il importait de comprendre l’état auquel l’homme était descendu sous l’empire de la chair, pour comprendre en même temps ce cri de saint Paul: Malheureux homme que je suis! Qui me délivrera du corps de cette mort?

Loi de l’esprit. L’Apôtre répond aussitôt: ce sera la grâce de Dieu, par Jésus-Christ, et la grâce de Dieu ou le secours de Dieu n’est autre que le Saint-Esprit, qui vient renouveler la face du monde.

Or, cette loi nouvelle que saint Paul appelle d’abord la loi de Dieu, parce que, comme fait observer saint Jean Chrysostome, elle appartient à la Sainte Trinité, est aussi appelée la loi de l’esprit: parce qu’en effet étant le don de Dieu, une marque de son amour, elle est plus particulièrement attribuée à la troisième personne de l’adorable Trinité. Et de même que la loi de la chair a le triple caractère de servitude, de péché et de mort, la loi de Dieu ou la loi de l’esprit a un triple caractère de liberté, de justification et de vie. En d’autres termes, elle détruit l’esclavage en nous affranchissant, elle détruit le mal ou le péché en nous justifiant, elle détruit la mort en nous vivifiant.

Loi de liberté. Et d’abord cette loi nous donne la liberté. Ecoutez saint Paul: Lex spiritus vitae in Christo Jesu liberavit me a lege peccati et mortis. Voilà la délivrance. Mais par qui est-elle faite? Par l’esprit de vie en Jésus-Christ, afin que nous sussions bien que, quoique cette délivrance fût attribuée plus particulièrement à l’Esprit-Saint, autre ne devait être l’action de l’Esprit et autre l’action du Rédempteur. Non, c’est la même action qui se réalise successivement dans le temps. Et Jésus-Christ nous l’explique, lorsqu’il dit qu’il enverra son esprit, l’Esprit qui est en lui et qui recevra du sien, que cet Esprit enseignera toute vérité, et que la vérité délivrera ceux qui l’écouteront.

Loi de justification. C’est toujours pour nous faire comprendre la même doctrine que l’Apôtre ajoute: Nam quod impossibile erat legi, in quo infirmabatur per carnem, Deus filium suum mittens in similitudinem carnis peccati et de peccato damnavit peccatum in carne, ut justificatio legis adimpleretur in nobis, qui non secundum carnem ambulamus, sed secundum spiritum.

Voilà toute la Trinité concourant encore à la même oeuvre, mais agissant par l’Esprit. C’est par l’Esprit qu’est appliqué le fruit de la mission du Fils. Le Fils a pris un corps dans la ressemblance de la chair du péché, afin de détruire le péché dans la chair même, c’est-à-dire dans son foyer, afin que ceux qui sont encore retenus dans les liens de la chair ne pussent plus trouver leur excuse dans la chair même; et en même temps s’est accomplie la justification de la loi pour ceux qui ne marchent non plus selon la chair, mais selon l’esprit. Car, fait observer l’Apôtre, il y a une opposition irréductible entre la chair et l’esprit. La prudence ou si vous voulez, le sens de la loi de la chair est mort; l’intelligence de la loi, de l’esprit, est vie et paix. Prudentia carnis non est, prudentia autem spiritus vita et pax.

Loi de vie. Voilà donc la liberté, la justification et la vie apportées par la loi de l’esprit. Et comme s’il ne s’était pas assez expliqué, l’Apôtre y revient encore et [dit] que le corps meurt à cause du péché, mais que l’esprit vit à cause de la justification. Et par esprit il ne faut pas entendre notre esprit propre, mais bien l’esprit de Jésus-Christ, comme l’appelle l’Apôtre. Et voyez les effets de cet esprit en nous. Que si, poursuit l’Apôtre, l’esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts vivifiera vos corps sujets à la mort, à cause de l’Esprit Saint qui habite en vous.

Voilà les effets de l’esprit poussés à leur dernière conséquence. Sous la loi de la chair, le corps entraînait l’âme à la mort éternelle; sous la loi de l’esprit, l’âme fera participer le corps à son immortalité, à cause de l’Esprit-Saint qui habite en elle.

Esprit d’adoption. Mais quand nous aurons en nous l’esprit de vie, voyez les conséquences. Nous ne nous appartenons plus en quelque sorte à nous-mêmes, nous appartenons à l’esprit par qui nous sommes guidés; et cet esprit, loin de nous avilir par cela même qu’il a le droit de nous commander, nous fait trouver dans notre obéissance le principe de notre grandeur. En effet, dit saint Paul, ceux qui sont guidés, mus, conduits par l’Esprit divin, ceux-là sont les enfants de Dieu: Quicumque enim spiritu Dei aguntur, ii sunt filii Dei.

Car ne pensez pas avoir reçu, avec la loi de l’esprit, un esprit de servitude qui vous inspirera de nouveau la terreur; vous avez, au contraire, reçu l’esprit d’adoption des enfants, en qui nous crions: Mon père, mon père! Non enim accepistis spiritum servitutis iterum in timore, sed accepistis spiritum adoptionis filiorum, in quo clamamus: Abba, Pater. Et c’est l’esprit de Dieu qui rend à notre esprit le témoignage que nous sommes les enfants de Dieu. Ipse enim spiritus Dei testimonium reddit spiritui nostro, quod sumus filii Dei. Et voyez les privilèges nouveaux qui découlent de ce privilège si grand. Si nous sommes enfants [de Dieu], nous sommes donc héritiers et héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ. Si autem filii et haeredes, haeredes quidem Dei, cohaeredes autem Christi.

Lutte. Chrétiens, voilà la gloire à laquelle votre Dieu vous appelle; voilà le privilège auquel il vous fait participer par son esprit. C’est par cet esprit qu’effaçant les traces de la servitude il vous a délivrés; c’est par cet esprit qu’arrachant l’empreinte du péché, il vous a marqués comme lui appartenant: Signasti nos et qu’il vous a donné un gage d’immortalité. Ce gage, c’est son esprit qu’il a déposé dans nos coeurs: Et dedit pignus spiritus in cordibus nostris. Dieu habite donc en nous comme un gage. Tant que nous le porterons en nous, nous serons assurés d’être libres, d’être justifiés, de vivre, de ressusciter, de participer à l’adoption des enfants de Dieu, à son héritage de partager le royaume du Christ. Ah! comprenons-en le prix et conservons cet esprit, qui nous glorifiera avec notre Maître, si nous savons partager ses souffrances. Si tamen compatimur, ut et glorificemur.

Ah! ne pouvons-nous pas, en contemplant la récompense, la palme qui nous est offerte, comprendre cet élan de l’Apôtre qui s’écrie: Existimo enim, quod non sunt condignae passiones hujus temporis ad futuram gloriam, quae revelabitur in nobis!

Sans doute il y aura des moments d’attente. Les créatures attendent, elles sont en suspens, jusqu’à ce que soit révélé le sort des enfants de Dieu. Nam exspectatio creaturae, revelationem filiorum Dei exspectat. C’est là un sujet d’épreuve pour les faibles. Nous savons que toute créature gémit et éprouve comme les douleurs d’un enfantement terrible. Nous aussi nous attendons, nous aussi nous gémissons; jusqu’à ce que soit accompli le mystère, nous avons à lutter.

Secours de l’esprit, l’espérance et la prière. Mais u milieu de cette lutte l’esprit de Dieu nous abandonnera-t-il? Non, il nous soutiendra sur les ailes de l’espérance et de la prière. Spe enim salvi facti sumus.

Et quand l’espérance vient à faillir, lorsqu’au milieu des épreuves nous ne savons plus ce qu’il convient de demander, l’esprit de Dieu se trouve là au-dedans de nous-même, pour nous apprendre à prier. Similiter autem et Spiritus adjuvat infirmitatem nostram: nam quid oremus, sicut oportet, nescimus: sed ipse spiritus postulat pro nobis gemitibus inenarrabilibus. Et notre prière sera sûrement exaucée. Car celui qui sonde les coeurs saisit très bien ce que demande l’Esprit-Saint, car il demande selon Dieu pour les saints. C’est l’esprit de Dieu qui fait choix des élus.

Voilà donc l’homme, par la loi de l’esprit de Dieu, affranchi de la loi de la chair et des lois? Certes, ces biens sont immenses et Dieu a sans doute assez fait pour lui. Quel captif ne baiserait la main de celui qui brise ses chaînes? Quel criminel livré aux angoisses terribles qui précèdent un supplice affreux, n’éprouverait un bonheur inexprimable en entendant prononcer une sentence de grâce et de pardon? Quel malade, arrivé au milieu des douleurs les plus atroces aux portes du tombeau, ne tressaillerait en éprouvant la vie et la force et la santé renaître rapidement dans ses membres.

Et cependant il est vrai de dire si Dieu, après avoir tant fait pour l’homme, le laisse seul encore à lui-même, que de dangers ne l’attendent pas et qu’il est à craindre qu’il ne puisse pas surmonter de nouveaux dangers; semblable à ces infortunés que la justice humaine, après les avoir jetés longtemps dans les fers, rejette à la porte de ses bagnes, sans appui, seuls, objet d’horreur pour la société qui les repousse de son sein et qui refuse de les y recevoir de nouveau. Non. Le Saint-Esprit achèvera son oeuvre.

Lutte qui s’établit entre Dieu qui comble l’homme de biens et l’homme qui poursuit Dieu de ses injures.

Peindre la lutte de ces deux lois. Déchirements du coeur.

Haereditas nostra Deus dicitur, qui ipse nos pascit et continet, et haereditas Dei dicimur, qui ipse nos administrat et regit. S. Aug. in ps. V.

Notes et post-scriptum