[Essais de jeunesse]

Informations générales
  • TD49.121
  • [Essais de jeunesse]
  • [L'humilité]
  • Orig.ms. CU 126; T.D. 49, pp. 121-122.
Informations détaillées
  • 1 ATHEISME
    1 BIEN SUPREME
    1 CONNAISSANCE DE DIEU
    1 DESIR
    1 ESPERANCE BASE DE LA PAUVRETE
    1 FOI
    1 HUMILITE
    1 INTELLIGENCE
    1 MORALE GENERALE
    1 ORGUEIL
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 REDEMPTION
    1 SUFFISANCE
    1 VIE SPIRITUELLE
  • 1830-1833
La lettre

L’humilité, fondement de la morale, est aussi le fondement de la logique; ainsi parlait l’auteur de l’Essai sur l’indifférence, au moment de nous développer son système, avant de terrasser l’orgueil de l’athéisme, avant de nous apprendre à connaître Dieu.

Mettons donc à nos pieds toute pensée superbe. Et après tout, à quoi nous servirait de nous le dissimuler? Sommes-nous donc si forts que rien ne nous arrête? Et depuis quand nous suffisons-nous seuls à nous-mêmes? Rentrons, rentrons dans la poussière, et redisons avec notre guide: je n’ai rien, je n’ai droit à rien, et c’est parce que je n’ai rien que je puis espérer tout.

Sur le point d’entrer au fond de nous-mêmes, ah, rejetons loin de nous la désolante obscurité du doute, armons-nous du flambeau de la foi et commençons par dire: je crois.

A peine avons-nous [= ai-je] prononcé ces mots que tout autour de moi et en moi-même semble rentrer dans l’ordre, les ténèbres se dissipent et mon âme est rentrée dans son état naturel. Il me semble que je me rends raison de tout, et même les mystères qui en dépassent les bornes ne me sont plus un sujet d’étonnement. J’en cherche la cause, et la foi m’apprend qu’une tache originelle a souillé mon âme, et cette tache était une tache d’orgueil. La foi a terrassé l’orgueil et mon [âme} reprend sinon sa beauté naturelle, du moins une partie de ses droits. J’étais condamné à la mort, non pas à cette mort corporelle qui laisse des espérances par-delà le tombeau, mais à la mort de l’intelligence.

La foi qui me l’apprend, m’apprend encore comment j’ai été racheté et me dispose à une nouvelle vie.

L’ignorance devait être mon partage et d’éternelles ténèbres m’étaient réservées. La foi qui me l’apprend, les dissipe et rend mon intelligence capable de recevoir la lumière. Quelle était cette lumière? Quelle est cette vie, après laquelle mon âme aspire? quelle est la cause de cette inquiétude secrète qui pour moi est un supplice insupportable? Je poursuis quelque bien que je connais pas, la foi va encore satisfaire mes voeux, ou plutôt avant même que ma raison débile en sentît le besoin, elle m’a révélé l’objet qui seul pour [= peut] la satisfaire; elle m’a fait connaître l’objet qui doit remplir l’objet de mes désirs, avant que je susse que j’avais des désirs. Elle m’a parlé de Dieu. Placée à l’entrée de la vie, elle nous montre le droit chemin; et que les hommes s’éviteraient de peines rebutantes et de tristes ennuis, si avant de s’élancer dans la voie du mensonge ils prêtaient l’oreille à sa voix! Oui, Dieu est. La foi me le dit et dès ce moment, je vois en lui la raison de tout; j’y vois la raison de mon être et de tous les êtres; tout s’explique, tout s’éclaircit, et mon âme s’élance avec impétuosité vers ce Dieu qui doit [être] sa lumière et son bonheur.

Notes et post-scriptum