[Essais de jeunesse]

Informations générales
  • TD49.137
  • [Essais de jeunesse]
  • Sur les tombeaux.
  • Orig.ms. CU 131; T.D. 49, pp. 137-138.
Informations détaillées
  • 1 ANCIEN TESTAMENT
    1 BIEN SUPREME
    1 CATHOLICISME
    1 CIMETIERE
    1 CRAINTE
    1 PAGANISME
    1 PRIERES POUR LES AMES DU PURGATOIRE
    1 SANCTUAIRE
    1 TOMBEAU
    2 ABRAHAM
    2 DARIUS
    2 ISAAC
    2 JACOB
    2 JOSEPH, BIBLE
    2 NEHEMIAS
    2 SARA
    3 ASSYRIE
    3 EGYPTE
    3 ISRAEL
    3 JERUSALEM
    3 JUDA, ROYAUME
    3 MAMBRE
  • 1830-1833
La lettre

Le respect pour les tombeaux a toujours été comme un point de dogme chez les peuples doués de la foi. Quelque chose de mystérieux s’unissait à cette croyance si ancienne. Nous voyons les premiers patriarches se choisir un tombeau, Abraham acheter la caverne de Mambré, y déposer le corps de Sara et recommander à Isaac de ne pas se séparer d’elle. Isaac, Jacob sont portés dans la même sépulture, et Joseph mourant en Egypte fait promettre à ses enfants qu’ils ne laisseront pas sa dépouille sur la terre étrangère.

Les tombeaux ne sont pas l’objet d’un moindre culte, alors même que Dieu semblait oublié. On désigne avec ignominie les rois d’Israël et de Juda qui ne furent pas sensevelis dans les tombeaux de leurs prédécesseurs. Nehemias, échanson du roi d’Assyrie, appelait Jérusalem la ville du tombeau de ses pères.

Les peuples païens n’avaient pas un moindre respect pour les tombeaux. On sait le jugement que les Egyptiens faisaient subir à leurs rois, avant de leur accorder les honneurs de la sépulture; on sait les dépenses de ces mêmes rois pour se préparer une dernière demeure digne d’eux. Les Scythes poursuivis par Darius échappaient toujours à ses armes au milieu de leurs vastes déserts. Il leur reprocha par ses envoyés cette faute. « Qu’il approche des tombeaux de nos pères et il verra si nous fuyons », telle fut leur réponse.

Les violateurs des tombeaux étaient regardés comme des sacrilèges, et les cadavres étaient chose tellement sacrée que les médecins n’avaient pas le droit de leur faire subir les outrages que leur prodiguent nos Diafoirus modernes.

La religion catholique avait compris tout ce qu’avait de céleste ce culte des morts, elle l’avait purifié de tout ce qu’il pouvait avoir de superstitieux, elle l’avait surnaturalisé par ses prières, sachant quel lien puissant subsiste même après la mort entre ceux qui ont été et ceux qui ne sont plus [sic]. Elle attirait les vivants dans ses temples en en faisant la demeure des morts; par là elle ôtait au trépas ce qu’il a d’horrible pour la nature humaine, elle surnaturalisait la douleur en la changeant en prière, elle augmentait la charité et resserrait les rapports qui unissent le ciel à la terre par cette communication de secours apportés aux âmes qui souffrent encore dans le lieu de l’expiation, et les grâces envoyées à la terre par celles dont la délivrance avait été hâtée. L’âme du chrétien puisait dans ces pensées une vie bien plus pure, bien plus généreuse. Ce commerce habituel qu’il doit avoir avec ce qui est au-delà du tombeau l’initie par avance à sa véritable vie, en même temps que la leçon du sépulcre toujours devant ses yeux lui rappelait sans cesse et la nécessité de quitter ce monde, et l’incertitude du dernier moment, et le tribunal du juge suprême, et le compte à solder avant d’être admis dans la céleste patrie.

Et qu’on ne dise pas que le peuple s’accoutumait à de pareilles leçons. L’on ne s’accoutume pas avec la mort, et il faut avoir perdu le sens moral pour n’être jamais impressionné par la pensée qu’en entrant dans un temple on foule les cendres de ceux qui, il y a quelques instants, s’agitaient comme nous sur cette terre de passage. Et la meilleure preuve que l’on ne s’accoutume pas à voir des tombeaux aussi facilement que prétendent certaines gens, c’est leur empressement, du moment qu’ils ont été les maîtres, à les éloigner de nos villes; ils n’ont pas voulu que même s’ils entraient dans nos églises, la vue de ces tombes vînt les affecter péniblement. Il a donc fallu les reléguer loin des villes, la pensée d’un mort a perdu le respect qu’elle inspirait pour revêtir une teinte d’horreur.

Notes et post-scriptum