[Essais de jeunesse]

Informations générales
  • TD49.139
  • [Essais de jeunesse]
  • [Prédication]
  • Orig.ms. CU 132; T.D. 49, pp. 139-142.
Informations détaillées
  • 1 APOTRES
    1 CATHOLICISME
    1 DOCTEURS DE L'EGLISE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT DU DOGME
    1 FOI
    1 JUIFS
    1 MINISTERE SACERDOTAL
    1 PAGANISME
    1 PREDICATION
    1 PREDICATION DE JESUS-CHRIST
    1 PRETRE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 TEMOIN
    1 VOCATION SACERDOTALE
    2 AARON
    2 JEAN, SAINT
    2 MOISE
  • 1830-1833
La lettre

La parole de Dieu est toujours la même, et depuis que Jésus-Christ a envoyé ses apôtres évangéliser le monde, une seule doctrine a été enseignée. Mais les formes sous lesquelles cette doctrine a été prêchée ont varié, et ce n’est pas une des études les moins utiles et les moins importantes de nos jours que de considérer les modifications de ces formes. Elles ont des rapports immenses avec la connaissance des temps et des moeurs et du développement de l’esprit. Obligés d’attaquer en face les vices de chaque époque, les orateurs chrétiens ont dû en faire nécessairement des peintures fidèles et c’est chez eux que l’on peut le mieux suivre les aberrations, les maladies de l’esprit humain. Ces aberrations étant nécessairement redressées dans la chaire chrétienne, on y découvre aussi mieux que partout ailleurs quelle méthode frappait le plus ces différentes époques, comment selon la disposition des esprits ils ont employé tantôt la simple exposition des faits, tantôt le développement moral des vérités, tantôt un enchaînement logique de ces mêmes vérités. Le catholicisme a eu ce caractère particulier que ses ministres ont été à la fois prêtres et docteurs. Dans le paganisme le sacerdoce n’instruisait pas; à peine révélait-il ses mystères à quelques initiés. Parmi les Juifs on voit toujours une différence marquée entre les prêtres et les docteurs de la loi – sacerdotes et scribae(1). Cette expression qui revient si souvent dans l’Evangile montre une différence marquée entre celui qui offrait les sacrifices et celui qui commentait la loi, et encore ces docteurs gardaient-ils la plupart du temps leur science pour eux. Le peuple juif n’était pas admis à la science des scribes; on lui lisait la loi, mais nous ne voyons nulle part qu’on s’occupât beaucoup de la lui faire comprendre.

Il appartenait à Jésus-Christ de réunir ce double caractère, et d’apporter à la double plaie dont l’humanité avait été frappée dans le premier homme un double remède: à la concupiscence il opposait sa grâce, à l’ignorance la vérité, gratia et veritas per Jesum Christum facta est. Et que l’on observe d’abord l’influence que le sacerdoce donne au docteur de la loi chrétienne. Ce n’est plus un homme qui parle, c’est un envoyé de Dieu, c’est un médiateur entre lui et les hommes; après avoir promulgué, expliqué la loi, il est encore juge pour appliquer la peine au coupable; il est quelque chose de plus, il est roi pour faire grâce.

Cette puissance nouvelle que Jésus-Christ devait donner à ceux qui annonceraient la vérité en son nom, on la sentait bien en lui, et le peuple dès sa première prédication reconnut qu’en lui était une vertu nouvelle, qu’il parlait avec autorité et non point comme les docteurs qu’il avait entendus dans le Temple, sous le portique de Salomon, disputer entre eux.

Admirabantur turbae super doctrina ejus: erat enim docens eos, sicut potestatem habens, et non sicut scribae eorum et pharisaei.

Cette puissance il la communique à ses disciples, et c’est ce qui distingue encore essentiellement l’enseignement catholique de tout autre enseignement. Le prêtre de Jésus-Christ ne parlant pas en son nom, mais au nom de celui qui l’envoie, commande, tandis que tout autre enseignement n’étant que le résultat d’une conception humaine n’a aucun droit à imposer la foi, et peut tout au plus obtenir la persuasion. La religion catholique n’est pas un système, elle n’a donc pas besoin de se prouver par le raisonnement. C’est un fait qu’il s’agit de constater, et voilà encore un caractère de l’enseignement catholique; voilà pourquoi au commencement du christianisme si peu de raisonnements contre les philosophes et tant de témoins qui signaient leur déposition de leur sang. Le prêtre instruisant le peuple n’est donc pas un rhéteur qui disserte, c’est comme saint Jean un disciple qui rend témoignage. Hic est discipulus ille qui testimonium perhibet (Joan. XXI, 24).

Observons encore deux traits particuliers de l’orateur chrétien qui nous feront mieux comprendre sur-le-champ la différence des plans généraux adoptés dans les premiers siècles et de ceux suivis plus tard. Le prédicateur chrétien a pour but ou de convaincre l’incrédule ou l’hérétique, ou de convertir le pécheur, ou d’éclairer l’ignorant. A celui qui n’a pas la foi il faut l’inspirer par des témoignages; il faut, en plus, lui faire connaître la lumière, le bienfait de la vie, le bien de l’intelligence; il faut lui faire comprendre qu’il est dans les ténèbres, qu’il est mort. A celui qui croyant ne pratique pas il faut l’aiguillon du remords, la peinture des charmes de la vertu méconnue, et des… [Incomplet]. A celui qui croit, mais d’une foi mal éclairée, il faut une explication simple, nette, précise, capable de se graver dans la mémoire. Jésus-Christ nous donne lui-même dans l’évangile des exemples admirables de ces diverses manières de procéder. Il vient de prouver sa mission par des miracles, le bruit s’est répandu dans les pays voisins; il a guéri les malades, chassé les démons, la foule s’assemble autour de lui (Matth. V., 23, 24, 25). Alors il monte sur une colline, et, entouré de ses disciples, il commence à instruire le peuple avide de l’écouter par ces prodigieuses paroles qui vont bouleverser toutes les notions du bonheur. Heureux les pauvres d’esprit!… Qu’on suive le discours. Ce sont des préceptes simples, faciles à retenir par leur forme, des développements tirés de toutes les idées que le peuple pouvait avoir. Et le peuple étonné de le comprendre l’admire, parce qu’il explique la vérité dans sa pureté et sa clarté divine, et qu’il ne se perd point dans toutes les discussions ténébreuses et sophistiques des scribes et des pharisiens.

Mais Jésus-Christ veut-il reprocher à ces mêmes scribes et à ces mêmes pharisiens leurs désordres(2), il sait bien que les docteurs de la loi ne la violent que sciemment, qu’il est inutile de la leur rappeler: il ne fait donc que leur reprocher leur conduite. A la Samaritaine il tiendra un autre langage; car cette femme est moins instruite, elle n’a pas tous les jours la loi devant les yeux. Il la lui rappellera donc, quoique indirectement, mais si les pharisiens révoltés prétendent l’attaquer à leur tour au nom de la loi, il leur répond par la loi et les somme d’interroger les Ecritures: scrutamini scripturas, ipsae testimonium perhibent de me; et, armé de ces mêmes Ecritures, lui dont l’esprit les avait inspirées, lui, la parole vivante, les terrasse de sorte que personne n’ose plus l’interroger; Nec ausus fuit quisquam ex illa die eum amplius interrogare (Matt. XXII, 46).

Le Fils de Dieu s’élève au ciel, à la droite du Père; les apôtres ont reçu le Saint-Esprit et se disposent à accomplir leur mission. Voyez le discours de saint Pierre.

Notes et post-scriptum
1. Et qui semble autorisé[e] par Dieu lui-même qui sépare les fonctions d'Aaron de celles de Moïse, et qui à côté de la tribu sacrée suscita les prophètes qui sortirent indifféremment de toutes les tribus et de toutes les classes, reprochaient au peuple ses crimes et lui annonçaient les vengeances et les miséricordes du Seigneur.
2. Discours après la Cène, instruction mystique [en marge à cet endroit dans le ms].