vers 1840

Informations générales
  • TD49.147
  • [Analyse du] *Manuel du droit ecclésiastique* de toutes les confessions chrétiennes par M. Ferdinand Walter, traduit de l'allemand avec la coopération de l'auteur par A. de Roquemont, docteur en droit.
  • Orig.ms. CU 134; T.D. 49, pp. 147-151.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DEVOIRS DU PRETRE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 DROIT CANON
    1 EGLISE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 IGNORANCE
    1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
    1 JUSTICE
    1 LOI ECCLESIASTIQUE
    1 MATIERES DE L'ENSEIGNEMENT ECCLESIASTIQUE
    1 MAUX PRESENTS
    1 PRIMAUTE DU PAPE
    1 PROTESTANTISME
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SOCIETE
    1 UNITE CATHOLIQUE
    2 ROQUEMONT, A. DE
    2 THOMASSIN, LOUIS
    2 WALTER, FERDINAND
    3 FRANCE
  • vers 1840
La lettre

La force de l’Eglise catholique, la raison de son influence sur l’humanité consiste dans la perpétuelle unité de ses dogmes qui la rend immortelle, comme la vérité qu’elle enseigne, au milieu de tous les bouleversements de la terre, et dans l’intelligence avec laquelle elle sait, selon les temps, modifier les lois de sa discipline et se mettre, autant qu’il est nécessaire, en harmonie avec les sociétés humaines dont les membres sont ses enfants.

On ne comprendrait donc rien à son histoire, si l’on prétendait voir toujours les mêmes formes extérieures, les mêmes moyens d’action. Ce qui ne change pas en elle, c’est l’esprit de charité. Mais c’est cet esprit de charité même qui la porte, selon les vices et les faiblesses des siècles, à se montrer tantôt sévère et tantôt indulgente, comme les idées sociales des peuples, dans la succession des âges, déterminent les diverses manifestations de son pouvoir. Cette observation, que Thomassin a cru nécessaire de placer en tête de son grand ouvrage sur la discipline de l’Eglise, est la clé de la science du droit canon. Identité dans les principes, modifications dans leur application, c’est ce qui ressort à chaque pas que l’on fait sur un terrain si fécond.

Il est plus que jamais nécessaire d’insister sur cette observation, aujourd’hui où en France et successivement dans les autres Eglises la discipline subit l’effet des révolutions sociales. Jamais l’étude des lois de la société religieuse ne fut peut-être plus intéressante et ne trouva plus de lumières prises dans les circonstances où se trouvent placés ceux qui veulent remonter à la source de ces lois.

Ce qui depuis cinquante ans se passe sous nos yeux nous explique ce qui s’est passé à d’autres époques, comme aussi la nécessité, au milieu de la législation qui se renouvelle, de conserver toujours le même esprit, oblige ceux qui veulent combattre sous ces lois à étudier cet esprit dans les temps antérieurs. Et ici se présente une objection à laquelle nous avons hâte de répondre. « Pourquoi, nous dira-t-on, s’occuper de semblables questions? Ne vaut-il pas mieux en laisser la décision à ceux qui ont mission pour commander et prescrire? La soumission est notre seule règle ».

A cela nous répondons d’abord que l’intention de ceux qui s’occupent de ces matières ne doit certes point être telle. Mais on doit savoir aussi que plus que jamais les préjugés contre l’Eglise sont si grands qu’il est bien nécessaire de les dissiper. Il importe dès lors que l’on réfute tant d’idées fausses, dont sont imbus ceux qui s’efforcent tous les jours d’attaquer l’institution catholique, parce qu’ils ne la connaissent pas. Ce n’est pas en gardant le silence qu’on dissipera des préjugés. Or dans les lois ecclésiastiques qui ont un rapport direct avec les lois civiles le préjugé du législateur humain peut beaucoup. Cependant qu’est-il arrivé pendant assez longtemps? Les changements apportés dans la science du droit canon ont été si grands que l’on a cru impossible de s’en occuper. De là la difficulté même du travail. Les anciens auteurs n’étaient plus suffisants et traitaient une foule de matières rendues inutiles par les dispositions nouvelles, en sorte que là où les nouvelles positions que prenait l’Eglise semblaient exiger de plus grandes lumières, on s’est trop souvent contenté de fermer les yeux.

Ce reproche toutefois ne saurait être aujourd’hui mérité, car de tous côtés la science du droit canon acquiert un intérêt nouveau. Tous les jours de nouveaux ouvrages viennent nous apporter le résultat d’une science persévérante, qui s’efforce de renouer la chaîne d’un de nos plus beaux enseignements. Nous croyons devoir mettre en tête l’ouvrage de M. Walter, dont M. de Roquemont vient de nous donner la traduction.

Nous essaierons de donner une idée de cet ouvrage, dont nous ne saurions trop recommander la lecture à ceux qui croient devoir s’occuper sérieusement de la législation ecclésiastique, à cause des documents précieux et des nombreuses sources qu’il indique, et à ceux à qui une étude rapide de ces questions serait suffisante à cause de la clarté avec laquelle sont exposés en peu de mots les sujets les plus importants. Quant au plan de l’ouvrage, écoutons l’auteur lui-même, p. 5.

Le but du Sauveur en fondant l’Eglise a été d’unir les hommes à Dieu en les unissant entre eux, afin que par de réciproques communications ils s’entr’aidassent mutuellement, et ne faisant qu’une société sur la terre, éclairée par la même vérité, unie par le même amour dont les splendeurs et les feux devaient les enivrer dans l’éternité. L’homme était faible et avait besoin d’un appui. Cet appui, Dieu l’a mis à la disposition des hommes en en confiant la dispensation à quelques-uns plus particulièrement, et voilà la raison du pouvoir dans l’Eglise: de l’essence et du but, p. 18.

Donc deux classes dans l’Eglise, ceux qui exercent le pouvoir, ceux qui en reçoivent les bienfaits. De là les clercs et les laïques. Mais il ne faut pas croire que les clercs n’aient qu’à donner, les laïques qu’à recevoir. Les clercs sont débiteurs envers tous, et le pouvoir constitue dans leurs mains un devoir et non pas un droit. Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu? Et c’est parce qu’ils ont reçu qu’ils sont obligés de donner. Mais en acquittant une dette ils sont obligés de se mettre à même de la payer dans toute son étendue. De là l’obligation de la science pour instruire et juger. De là la pureté des moeurs pour traiter saintement les choses saintes. Les laïques, de leur côté, sont obligés à faire valoir les dons que le clergé leur distribue, de rendre en quelque sorte en prières ce qu’ils reçoivent en grâces extérieures, et c’est ainsi que par un concours de sentiments sur la prière s’élève l’édifice saint consacré au Seigneur: in quo omnis aedificatio…

En face de ce magnifique coup d’oeil l’auteur nous offre, comme pour opposer un contraste, le double tableau du schisme oriental et du protestantisme européen. La double pensée qui a dominé ces deux corps séparés du grand ensemble de l’Eglise catholique ont [= a] amené des résultats divers. Là où une apparence d’autorité s’est maintenue, les Eglises ont conservé une certaine unité, qui est à l’Eglise ce qu’une momie est aux corps vivants. Ce sont deux touts: l’un vit, l’autre est embaumé.

Le principe protestant, au contraire, a tout pulvérisé; leurs lois ne pouvaient avoir plus de consistance que leurs dogmes.

Les catholiques font remonter le pouvoir de donner des lois à Jésus-Christ et le prouvent par la tradition vivante de ce pouvoir dans leurs pontifes. Les Grecs prétendent à la même origine, mais sont forcés de convenir qu’ils se sont séparés de la source que leurs pères avaient reconnue. Les protestants nient à l’Eglise le pouvoir de donner des lois religieuses. Ce pouvoir, ils l’ont accordé à leurs magistrats: d’où une fluctuation perpétuelle, car les magistrats n’étant pas infaillibles pour l’enseignement des dogmes, ne pouvaient l’être dans les questions où le dogme avait un rapport direct avec les lois. De là divers systèmes qui se succèdent et se contredisent, se produisant tantôt successivement dans la même contrée, tantôt simultanément dans des pays limitrophes. De là le système épiscopal, territorial, collégial, etc. p. 46.

Mais l’Eglise n’est pas isolée sur la terre, elle est sans cesse en rapport avec la société, et c’est pour cela qu’elle doit chercher à établir des rapports avec le pouvoir extérieur. Ces pouvoirs, quels sont-ils? L’Eglise fera toujours la force de ce pouvoir, quel qu’il soit, qui saura comprendre qu’en prêchant les deux grandes lois de justice et de charité l’Eglise calme sans effort les passions, les haines, fait taire l’ambition, en un mot attaque dans leurs germes les principes subversifs de toute société, et répand au contraire, avec la notion du devoir, une vie surhumaine dans le corps social.

C’est ce qu’on avait compris au moyen âge; c’est ce qui, malgré la barbarie de l’époque, fit la force des sociétés d’alors, et c’est ce que l’on ne comprend plus de nos jours. Dans la détermination, p. 52.

L’auteur termine le premier livre par un coup d’oeil sur les législations des diverses communions entre elles. Il est curieux de faire la comparaison entre ce que les protestants peuvent reprocher aux catholiques de sévérité, et ce que les catholiques peuvent reprocher aux protestants. Peut-être après un examen consciencieux trouverait-on que les catholiques n’ont pas été les seuls coupables, et, à force de comparer, trouverait-on les dragonnades mêmes un acte de clémence(1).

Notes et post-scriptum
1. Ainsi que le fait remarquer le P. Vailhé, ce texte était vraisemblablement destiné à l'impression. Peut-être même parut-il sans signature dans quelque feuille du Midi.