1841

Informations générales
  • TD49.132
  • Ce que M. Frossard ne croit pas(1).
  • Orig.ms. CU 135; T.D. 49, pp. 152-157.
Informations détaillées
  • 1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 CONNAISSANCE MORALE
    1 DEVOTION A LA SAINTE VIERGE
    1 DEVOTION AUX SAINTS
    1 EVANGILES
    1 FOI
    1 INSPIRATION BIBLIQUE
    1 MINISTRES PROTESTANTS
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PECHE ORIGINEL
    1 POLEMIQUE
    1 PRIMAUTE DU PAPE
    1 PROTESTANTISME
    1 SACRIFICE DE LA MESSE
    1 TRADITION
    1 VENERATION DES IMAGES SAINTES
    2 FROSSARD, EMILIEN
    2 JACQUES, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 JOB, BIBLE
    2 LUTHER, MARTIN
    2 MACCABEES
    2 MATTHIEU, SAINT
    2 MOISE
    2 NICODEME
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 SALOMON
    3 ALLEMAGNE
  • 1841
La lettre

M. Frossard se propose dans quelques pages de donner ce qu’il appelle le symbole négatif du protestantisme. Qu’il donne le sien, nous le comprenons, mais celui de ses coreligionnaires, c’est un peu hardi. Ne pourrions-nous pas lui faire observer en passant d’user, lorsqu’il parle de lui, de la forme adoptée par les protestants lorsqu’ils s’adressent à Dieu. Ils croient mieux faire de dire tu au lieu de vous; tout protestant ferait très bien de dire: Je au lieu de nous. Ce que je ne crois pas eût été beaucoup plus vrai que Ce que nous ne croyons pas. Parlez pour vous, M. Frossard; vos coreligionnaires ne sont pas toujours de votre avis et vous n’avez, vous le savez bien, ni la mission de leur enseigner la vérité, ni le droit de leur faire changer d’opinion.

Oui, croyez-moi, parlez au singulier. C’est beaucoup plus individuel et dès lors beaucoup plus protestant. Vous avez la responsabilité de votre foi, ne prenez pas celle de la foi de vos frères; elle pourrait encore être trop lourde pour votre conscience. Parlez pour vous seul. On s’en doute quelque peu, vous ne vous entendez plus les uns les autres: témoin la lutte qui se prépare dans nos contrées, nous le savons, entre les méthodistes et le vieux calvinisme. Parlez pour vous et pour vous seul, car si vous persistez à parler au nom de tous, on pourrait vous porter un défi embarrassant, ce serait celui de faire signer votre croyance positive et négative dans la prochaine assemblée des ministres, où vous devez, je crois, prononcer le discours d’ouverture. Oui, faites signer votre symbole par les représentants du protestantisme français méridional, faites-le adopter dans le Nord, et nous nous engageons à nous faire protestants aussitôt.

Quoi qu’il en soit, voici ce que M. Frossard ne croit pas. Nous citerons textuellement.

1° L’Eglise ne refuse jamais l’usage des Ecritures, quand il peut être utile à ses enfants. Mais M. Frossard pourrait-il nous dire en quelle langue il faut mettre l’Ecriture entre les mains des fidèles? Si c’est l’original qu’il leur faut lire, voilà les simples fidèles obligés d’étudier l’hébreu, le chaldaïque, le grec et même le latin. Ceci finirait par être embarrassant. Si c’est une traduction, laquelle faut-il confier au peuple? On sait qu’elles ne s’accordent pas. M. Frossard pourrait-il nous indiquer à quel signe on reconnaîtra la bonne?

M. Frossard cite un texte de l’Ancien Testament. Nous croyons savoir que la majorité des protestants d’Allemagne ne le reconnaissent plus pour inspiré et que bon nombre de protestants français sont assez de cet avis. A quelle marque M. Frossard en reconnaît-il l’inspiration?

2° M. Frossard croit-il à la nécessité d’une tradition pour transmettre la parole de Dieu écrite? S’il y croit, pourquoi ne pas croire à la tradition pour transmettre la parole de Dieu non écrite? Et s’il n’y croit pas, quel moyen a-t-il de savoir que la Bible, telle qu’elle était au temps de Luther, a traversé quinze siècles sans s’altérer?

3° Pais mes agneaux, pais mes brebis. Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.

4° Nous ne vous avons jamais fait un article de foi de cette question.

5° Mais afin que vous sachiez que le fils de l’homme peut remettre les péchés, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel.

6° Nous ne comprenons pas cet article. Voulez-vous dire que le Pape n’est pas confirmé en grâce? Nous sommes de votre avis. Voulez-vous refuser au Pape le titre de Sainteté qu’on lui donne, refusez aussi aux rois le titre de Majesté, parce qu’il en est en effet fort peu de majestueux. Il ne valait pas la peine de faire un article sur ce point.

7° Voir le n° 3. Les catholiques en disant que saint Pierre est le successeur, le vicaire de Jésus-Christ, laissent au Sauveur tous ses droits.

8° Le texte même cité par M. Frossard prouve: 1° qu’il est question non de prières, mais de discours prononcés par des fidèles; 2° que du temps de saint Paul on parlait dans les réunions des fidèles des langues étrangères au pays, ce que saint Paul ne pouvait condamner en soi, puisque c’était le privilège des langues accordées par le Saint-Esprit. Et pour peu qu’on y réfléchisse, c’était le moyen le plus sage de préparer l’Eglise à conserver par ses prières une langue, dont l’intelligence n’arrivait pas jusqu’au peuple.

9° Pourquoi Jésus-Christ montait-il, comme les autres Juifs, au temple de Jérusalem?

10° Ni moi, non plus.

11° Saint Paul priait les saints vivants; à plus forte raison peut-on prier les saints morts. Dans tous les cas les uns et les autres ne prient, vous le savez bien, que par Jésus-Christ.

12° Il est étonnant que les saints Pères aient vu dans ce texte une preuve de la puissance de Marie sur son fils, puisqu’ils font observer que pour elle son Fils avança son heure en changeant l’eau en vin. Mais j’oubliais que M. Frossard s’inquiète peu de trouver des gens de son avis dans l’antiquité ecclésiastique. Que lui importent les traditions! Quant au second texte, il prouve seulement que Notre-Seigneur ne faisait aucune attention à nos liens de parenté.

Nous ne les adorons pas, non plus.

Ceci est curieux. Est-ce que chez les Juifs on ne fêtait pas le jour du sabbat. Qu’étaient les néoménies, Pâques et Pentecôte, etc.?

M. Frossard pourrait-il nous dire dans quel passage de l’Ecriture l’Eternel a transféré le repos du septième [jour] au premier? Et s’il ne le trouve pas, ne ferait-il pas bien d’en revenir au sabbat?

Les jeûnes et les abstinences étaient connus des Juifs. Jésus-Christ a jeûné, les apôtres ont jeûné. Jésus-Christ et les apôtres se sont abstenus de viandes prohibées par la loi. Les apôtres défendent aux chrétiens de la primitive Eglise des viandes suffoquées. Maintenant que le droit est constaté par l’exemple de Jésus-Christ et les ordonnances des apôtres, qu’importent le mode et le temps du jeûne et de l’abstinence!

Plusieurs d’entre vous veulent des images, d’autres n’en veulent pas. Quand vous serez d’accord, vous saurez notre avis et nos raisons. Si, du reste, il faut entendre le texte dans le sens de M. Frossard, comment se fait-il qu’il y eut des figures sculptées ou fondues dans le tabernacle de Moïse et dans le temple de Salomon? Nous disons que c’est une affaire de discipline ecclésiastique.

Prendre acte de ces paroles, mais pour vous le demander en passant, vous admettez donc, vous, l’épître de saint Jacques.

Ni nous, non plus. Quid ad rem?

Si l’on ne fait rien de bien, tout ce qu’on fait est mal. Et si tout ce qu’on fait est mal, comme il n’y a pas selon vous de distinction entre les péchés véniels et les péchés mortels, toute action est souverainement mauvaise, à moins que vous ne préfériez dire que toute action est indifférente. Rien n’est bien, rien n’est mal, mais qu’est donc alors la morale?

C’est pourquoi la loi ancienne a été abolie. – Du reste, nous accordons bien que la loi seule ne justifie pas.

C’est vrai, nos souffrances seules ne suffisent pas. Cependant elles font quelque chose, car l’apôtre dit: J’accomplis ce qui manque à la passion du Christ.

Et comme Jésus a envoyé ses apôtres, comme son Père l’avait envoyé, il leur a dit: Je te donnerai la clé du ciel…

Vous savez bien, M. Frossard, que vous qui admettez certains livres de l’Ancien Testament, en avez rejeté quelques-uns. Vous avez rejeté les Macchabées, parce qu’il y était question de jeûner et de prier pour les morts.

Franchement je ne comprends pas la force du texte. Fiat lux!

M. Frossard rejettera-t-il le péché originel? Le texte, dans le sens qu’il le cite, semblerait-il l’indiquer, ce qui après tout ne ferait rien au fond de la question. M. Frossard sait très bien que [d’après] ce passage de Job personne n’est exempt de souillure, pas même l’enfant qui ne parle pas, et cet autre d’un psaume: Car j’ai été engendré dans l’iniquité et ma mère m’a conçu dans le péché. M. Frossard sait très bien le sens des paroles du Sauveur à Nicodème.

On ne s’attendait guère à voir le [illisible] dans cette affaire. Est-ce que saint Paul ne dit pas que ce qui est insensé aux yeux de Dieu est au-dessus de toute sagesse humaine? Vous citez un texte qui prouverait contre vous. La chose ne sert de rien pour juger le mystère que je propose. L’esprit de Dieu donne la vie, en donnant la foi, à mes paroles qui sont esprit et vie, et ces paroles sont celles-ci: Ma chair est vraiment un aliment et mon corps [= sang] réellement un breuvage.

Nous croyons que l’usage de la coupe est une affaire de discipline.

Ceci serait trop long à discuter. Seulement comprenez bien que les catholiques n’admettent qu’un seul sacrifice, comme ils n’admettent qu’un seul prêtre et une seule victime, qui est Jésus-Christ. Mais pour avoir la foi à ces choses, la chair ne sert de rien, et votre bon sens ressemble beaucoup à la chair, avec les yeux de laquelle Jésus-Christ reprochait aux Capharnaïtes de juger le mystère qu’il leur proposait.

Je pense que M. Frossard nous supposera dans la bonne foi, comme nous supposons qu’il y est. Il nous a cité des textes, nous lui avons répondu par des textes, auxquels nous croyons avec la plus grande sincérité le sens que nous leur donnons et que ne leur donne pas M. Frossard. Certainement l’un des deux se trompe, car le oui et le non ne sauraient être vrais en même temps. Ce sont des points essentiels sans doute et sur lesquels il importe d’être éclairés. L’Ecriture ici semble ne pas plus servir que la chair.

Ne semble-t-il pas qu’il faille chercher ailleurs l’esprit qui vivifie, que la lettre de l’Ecriture tue et que l’esprit qui parle la vivifie? Question terrible pour ceux qui n’ont voulu que l’Ecriture. Ils n’ont voulu que l’Ecriture d’abord, puis ils ont rejeté l’épître de saint Jacques, puis les livres des Macchabées, puis l’Ancien Testament en masse, puis l’Apocalypse; enfin ils n’ont admis que les évangiles. Ont-ils assez retranché? Non, un seul a suffi à plusieurs: on a pris tantôt l’évangile de saint Matthieu, et tantôt celui de saint Jean, en ayant soin d’en retrancher les miracles. Enfin les évangiles n’ont plus été qu’une légende, et la vie de Jésus-Christ l’histoire figurative du peuple juif, dont pas un fait n’était vrai. Comment en est-on venu là? En disant: [Voici ce que] nous ne croyons pas.

Notes et post-scriptum
1. M. Frossard, pasteur à Nîmes, avait publié à la fin de 1840, une brochure intitulée *Ce que nous ne croyons pas*. Le texte du P. d'Alzon parut peut-être sans nom d'auteur dans un journal du Midi.