[Notes et réflexions diverses 1834-1835]

Informations générales
  • TD49.200
  • [Notes et réflexions diverses 1834-1835]
  • *De la religion [sermon].
  • Orig.ms. BJ2, pp. 38-41; T.D. 49, pp. 200-203.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 BUT DE LA VIE
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 CREATION
    1 DEVOIRS DE L'HOMME
    1 DEVOIRS DE SOCIETE
    1 GRACE
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PENSEE
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 REDEMPTION
    1 SACRIFICE DE LA CROIX
    1 SENSIBILITE
    1 SERMONS
    1 TRIPLE CONCUPISCENCE
    1 VERTUS THEOLOGALES
    1 VOLONTE
  • 1834-1835
  • Rome
La lettre

L’homme placé sur la terre pour connaître Dieu, l’aimer, l’adorer, lui rendre goire de ses bienfaits et par l’expiation mériter de conquérir une patrie, oublie la fin de sa création, se forme au gré de ses passions et de ses désirs l’idée d’un bonheur imaginaire et court après ces fantômes comme après la réalité. Heureux si avant d’arriver au terme de sa carrière, il découvre enfin combien il s’est trompé! Je n’entre point dans le détail de tous les égarements de l’esprit humain; nous savons tous combien ils sont grands, combien ils sont nombreux, inconcevables même à la froide raison; nous savons seulement qu’ils viennent tous se ranger dans la triple catégorie que leur assigne S. Jean: concupiscentia carnis, concupiscentia oculorum, et superbia vitae.

Voilà où se prend l’espèce humaine. Mais ne vous étonnez pas, mes frères, si j’ajoute que voilà où elle doit descendre nécessairement tant qu’elle sera livrée à elle-même, tant qu’une main puissante ne viendra réparer ses ruines. L’homme frappé de l’anathème est sans cesse entraîné vers le désordre, la révolte, la destruction, la mort. Et la physiologie la moins chrétienne a été conduite à cet aveu bien remarquable qu’il est sûr que les forces générales, loin de donner la vie, tendent à l’étouffer. Ce qu’une physiologie sceptique a été forcée de reconnaître des corps, ne frappe pas avec moins d’évidence celui qui porte un coup d’oeil attentif sur le monde moral. Toutefois la raison impartiale constate le fait, mais elle ne peut remonter jusqu’à la cause, encore moins peut-elle en indiquer le remède. Or voilà précisément ce que je viens vous apprendre. Aujourd’hui je viens vous expliquer le mystère de votre existence, vous faire comprendre pourquoi vous êtes; pourquoi subsistant avec des facultés propres à recevoir la vérité, vous êtes plongés dans l’erreur; pourquoi vous portez en vous un amour infini que rien ne rassasie; pourquoi avec un désir immense d’un bien que vous ne connaissez pas, vous retombez sans cesse sur vous-mêmes, et pourquoi, soit que vous ne puissiez atteindre à l’objet de vos voeux, soit que vous vous en rassasiiez, le malheur fait toujours entendre sa voix au fond de votre âme. Mais je ferai plus, je vous apprendrai en même temps la raison de remplir les désirs de votre esprit et de votre coeur, en vous montrant le but de tout votre être; par là je montrerai à ceux d’entre vous qui ne réfléchissent pas sur leur position, combien elle est grave à ceux qui la connaissent. Mais d’abord je montrerai les moyens d’en sortir à ceux qui déjà depuis longtemps ont mis la main à l’oeuvre du salut, j’essaierai de leur inspirer de nouveaux motifs de crainte sur leur lâcheté et un zèle nouveau pour l’avenir, par la considération des bienfaits de Dieu.

En deux mots voici ma proposition. Dieu nous a créés pour lui, Dieu nous a donné un esprit pour le connaître, une volonté pour le chercher, un coeur pour le posséder.

Tant que notre esprit, notre volonté, notre coeur ne sont [pas] dirigés vers lui, nous violons la loi fondamentale de notre être. Or par suite d’une dégradation primitive nous naissons dans un état tel que de nous-mêmes nous ne pouvons connaître Dieu selon tout ce qu’il est pour nous; nous ne pouvons rectifier le vice de notre volonté corrompue pour accomplir ce qu’il nous impose, nous ne pouvons l’aimer et nous unir à lui, si sa main bienfaisante ne vient relever notre mission, et sa grâce ne vient s’emparer de nous. Pour nous valoir cette grâce, il a fallu que son Fils descendît du ciel en terre et se fît homme comme l’un de nous; il a fallu qu’il prît toutes nos misères et expirât sur une croix, mais en même temps il a réparé par trois grandes vertus l’homme dégradé. Par la foi, il lui apprend ce qu’il était, par l’espérance il lui montre jusqu’où il pourrait s’élever, par la charité il lui apprend à commencer sur la terre de jouir d’un bonheur qui sera parfait seulement dans le ciel. Voilà tout le mystère de la religion. L’homme est créé pour connaître Dieu, le péché a plongé son esprit dans l’ignorance, la foi fait briller à ses yeux la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde.

Première partie. L’homme porte dans son coeur un désir insatiable d’un bien infini. Le péché en brisant sa volonté la courbe sur la terre, où il ne trouve qu’un aliment trop insuffisant pour lui. L’espérance vient la relever, la fortifier et lui montrer un Dieu à côté de lui, un Dieu qui le soutient et le conduit jusqu’au bonheur. L’homme est né pour aimer Dieu, la charité lui vient révéler tous les mystères, toutes les jouissances de cet amour.

Vous comprenez, mes frères, combien ce sujet est vaste et combien je regrette de ne pouvoir le traiter dans toute son étendue, comment je suis obligé de passer légèrement sur une foule de questions qui s’y rapportent, comment à la question de la foi se rattache la question de l’Eglise, à la question de l’espérance la question de la rédemption, de la grâce, de l’incarnation, à la question de la charité la question de nos devoirs envers Dieu et de nos destinées futures, comment à la charité se rapportent tous nos devoirs sociaux.

Notes et post-scriptum