vers 1838-1840

Informations générales
  • TD49.214
  • *Commentaire sur l'Ecriture Sainte*.
  • Orig.ms. BJ3, pp. 51-62; T.D. 49, pp. 214-224.
Informations détaillées
  • 1 ACTIONS DE DIEU
    1 ANGLICANISME
    1 ATHEISME
    1 CHATIMENT
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CORRUPTION
    1 CREATION
    1 DECADENCE
    1 DESINTERESSEMENT DE L'APOTRE
    1 DEVOIRS DU PRETRE
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EGLISE
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 ESPECE HUMAINE
    1 ESPERANCE
    1 FOI
    1 FORTUNE
    1 GRACES
    1 GUERRE
    1 HERESIE
    1 JUIFS
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LANGAGE
    1 LIBERTE
    1 MATERIALISME
    1 MAUX PRESENTS
    1 MIRACLE
    1 MISERICORDE
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGUEIL DE LA VIE
    1 PARADIS TERRESTRE
    1 PASSIONS MAUVAISES
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PECHE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PENTECOTE
    1 PLAN DE DIEU
    1 PREAMBULES DE LA FOI
    1 RESTAURATION DES MOEURS CHRETIENNES
    1 RETOUR A L'UNITE
    1 REVOLTE
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SAINTETE DU CLERGE
    1 SANG DE JESUS-CHRIST
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 SOCIETE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOCATION
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 VOLONTE PROPRE
    2 ABRAHAM
    2 CHAM, BIBLE
    2 ISAAC
    2 JACOB
    2 JAPHET
    2 JOSEPH, BIBLE
    2 JOSUE
    2 LOTH, BIBLE
    2 MOISE
    2 NOE
    2 PIERRE, SAINT
    2 SEM
    3 ANGLETERRE
    3 EGYPTE
    3 GOMORRHE
    3 JERICHO
    3 JERUSALEM
    3 SODOME
  • vers 1838-1840
La lettre

[Genèse, chap. I] v. 2. – Terra autem erat inanis et vacua, et tenebrae erant super faciem abyssi: et spiritus Dei ferebatur super aquas.

Image du monde avant Jésus-Christ, mais du monde moral. Image de toutes les époques de renouvellement, image de notre époque.

Le ciel et la terre sont créés, mais la terre est vide et nue. L’on ne sait ce qui doit en sortir. Les eaux l’enveloppent, et l’on s’attend à quelque chose de nouveau sans savoir à quoi fixer son esprit. Les ténèbres couvrent la surface de l’abîme social, où vont s’engloutir sans cesse les institutions et les hommes, les factions et les puissances. Les ténèbres recouvrent tout cela, ténèbres de mort qui vont toujours s’épaississant de plus en plus, en sorte que la vie semble se retirer avec la lumière. Cependant l’esprit de Dieu porté sur les flots des générations humaines les couve et les féconde peu à peu. Une certaine anxiété se manifeste, on ignore l’avenir. Cependant la vertu de l’esprit opère, on attend que le mystère s’accomplisse, tous les yeux sont tournés vers le ciel. Alors Dieu parle. Il dit et l’ordre se fait.

v. 3. Fiat lux. – Etudions la marche de la foi dans le coeur de l’impie, c’est-à-dire les effets de la parole de Dieu sur cette terre aride et nue. Dieu la féconde par sa parole, elle reçoit la lumière de la vérité, mais cette lumière n’éclaire encore que le chaos. Peu à peu ce chaos se débrouille, les éléments se divisent et prennent chacun leur place: Fiat firmamentum in medio aquarum. La terre ferme commence à s’élever, cette région désolée et sans consistance perçoit des idées plus précises, les eaux du péché se retirent, son coeur prend un peu de calme, le germe des vertus y est jeté.

L’homme cependant manque de la dernière perfection dans l’esprit de la vie surnaturelle, la vie ne l’anime pas encore. Qui est-ce qui la lui donnera? Et inspiravit in faciem ejus spiraculum vitae, complevitque Deus die septimo opus suum quod fecerat. Les choses humaines vont ainsi: un chaos, une parole du ciel, la lumière, l’ordre, la société, le repos, voilà son [mot illisible]; mais comme les phases de l’humanité ont un terme par le repos, la décadence arrive et vient détruire ce qui ne peut plus se développer. La mort suit et le chaos recommence, et du chaos sortent des combinaisons nouvelles, qui se développeront et se détruiront pour faire place à d’autres combinaisons.

v. 5. Non enim Dominus pluerat super terram. Avant la chute de l’homme Dieu ne fait pas pleuvoir, la rosée suffit pour entretenir la fraîcheur et fournir de l’eau aux fontaines. Après la chute de l’homme, les éléments reçoivent une impulsion plus violente. Le soleil attire les vapeurs avec plus de force, malgré les vents soufflant avec plus d’impétuosité, et l’es destinée à développer les germes se précipitant sur la terre par torrents, principe de désastres. Avant la chute, l’homme fait le bien naturellement, c’est sans effort qu’il cède à la grâce divine. Mais après la chute, Dieu, soleil des intelligences, prépare une plus grande abondance de grâces indiquées par les nuages, mais les vents des passions changent souvent ces principes de sanctification en causes de péché.

cap. VII, v. 18. Porro arca ferebatur super aquas.

Les saints Pères ont tous vu dans l’arche portée sur les eaux l’Eglise subsistant au milieu de l’erreur. Cette figure est aujourd’hui plus vraie que jamais. L’Eglise est en effet portée sur les eaux; mais à la différence de l’arche de Noé l’arche céleste peut recevoir dans son sein tous ceux qui demanderont d’y entrer: purs et impurs tous pourront y être admis. Ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’aujourd’hui le genre humain commence à sentir que l’état actuel est un véritable déluge; il sent la nécessité de se réfugier dans une arche, il sent que l’Eglise est cette arche. Mais comment lui persuader d’y entrer, voilà le mystère. Déjà l’Angleterre s’aperçoit que la barque sur laquelle elle s’était réfugiée, peut sombrer; elle cherche à entrer dans la barque de Pierre. Qui lui en fournira les moyens? Dieu évidemment veut agir seul, veut sauver le monde seul. Gloire à lui! Admirons ici encore une autre allégorie. Dieu seul ne suscite pas des déluges, ou plutôt quand dans un siècle coupable un déluge est nécessaire, quand les sociétés devenues matérielles ont corrompu leur voie, Dieu ouvre de nouveau les cataractes de sa colère, et l’on voit les vieilles opinions submergées gémir et demander qui pourra leur apporter un peu de force pour résister aux tempêtes. Cependant les eaux montent toujours, le désespoir s’accroît avec l’impossibilité de se sauver. Dieu qui veut renouveler le monde déverse toujours avec plus d’impétuosité sur la terre les flots de sa fureur. Alors les eaux se précipitent avec désespoir dans les abîmes, au-dessous desquels ils ont surnagé quelque temps; les autres demandent un asile à l’arche que les flots supportent…

Cap. IX, v. 4 – Carnem cum sanguine non comedetis. Je vois deux raisons à cet ordre: la première est que Dieu voulait apprendre aux hommes le prix du sang par lequel ils devaient être rachetés; la seconde, en leur inspirant l’horreur du sang, adoucit les moeurs que la volupté rend toujours cruelles.

Genèse, cap. IX, v. 21. – Bibensque vinum inebriatus est. Telle est encore la figure sous laquelle on aime à se représenter J.-C. endormi du sommeil mystique sur la croix, où il répand son sang. Ceux qui le méprisent dans cet état sont maudits, ceux qui le respectent sont bénis et sauvés. Mais en cherchant quels remèdes on pourrait opposer aux maux de l’impiété, quel moyen de rendre la foi à tant d’âmes malades, parce qu’elles ne peuvent croire, ne peut-on pas voir dans l’ivresse de Noé, dans la malédiction de Cham et la bénédiction de ses deux autres enfants l’emblème de ce qui arrive aujourd’hui. Supposons que Noé soit l’Eglise et qu’oubliant un moment ce qu’elle est, ou plutôt que des premiers ministres oubliant la sublimité de leur mission tombent dans l’ivresse, c’est-à-dire dans quelque abus; ceux qui sont frappés de ces abus maudissent leur mère et sont maudits à leur tour; ceux qui la respectent et couvrent sa nudité sont bénis. Je vais plus loin. Les trois fils de Noé sont pères d’une nombreuse postérité, mais celle de Sem et de Japheth est seule bénie. Ne peut-on pas dire que le prêtre qui aussi est appelé à être père d’une nombreuse postérité, s’il veut la voir bénir, doit respecter les abus de l’Eglise, tout en les couvrant, c’est-à-dire en s’efforçant de les faire disparaître. Cette figure expliquée ainsi me fait comprendre bien des événements présents.

Cap. XI, v. 1. – Erat autem terra labii unius et sermonum eorumdem.

Etrange destinée de l’humanité qu’elle ne puisse rester unie par la même langue, sans pouvoir concevoir des pensées d’orgueil! La voilà qui vient de recevoir de Dieu la leçon la plus terrible et déjà elle songe à se révolter. Elle pourra rester unie sans conspirer contre le ciel. Il faut qu’elle soit divisée par la langue et par la pensée. Comparons cette division de langues avec la communication des langues faite le jour de la Pentecôte. Ici ce sont des hommes dont la langue est la même, mais dont les pensées sont contre Dieu. Dieu les divise et change leur langage. L’orgueil de ces hommes attire sur eux un châtiment terrible, car les hommes se dispersant et n’ayant plus le même langage, la chaîne des traditions perdue pour quelques-uns ne put nécessairement être renouée. Ils se dispersent, et comme l’orgueil les avait unis, une fois séparés l’orgueil ne peut les réunir. Chacun ne s’occupera plus que de ses intérêts personnels, et les divisions, les querelles, la guerre, feront douter si les hommes ainsi acharnés les uns contre les autres ont la même origine.

Transportons-nous maintenant à trois mille ans plus tard dans la ville de Jérusalem. Douze hommes sont réunis pour reconstruire, eux aussi, un édifice qui s’élèvera jusqu’au ciel et qui préservera les hommes des flots du déluge. Un grand vent se fait entendre, et les hommes qui ne savent rien peuvent cependant parler à toutes les nations et s’en faire entendre. Les langues commencent à se rapprocher, les hommes retrouvent une doctrine à laquelle leur esprit se soumet sans peine, ils sont étonnés d’entendre la même langue. Cependant le prodige s’est-il opéré? Ils n’en savent rien. Pourquoi s’est-il opéré? C’est que le genre humain a été convaincu par une expérience de trois mille ans que tant qu’il s’unirait contre Dieu, ses efforts seraient impuissants, mais que cependant Dieu veut qu’il soit uni; il veut que tous les peuples concourent à la construction de cet édifice qui s’élèvera jusqu’au ciel. Chaque nation doit y apporter sa pierre. Toutes se réuniront donc peu à peu, et à mesure qu’elles se réuniront, elles prendront un langage commun, une langue pourra être entendue sur tous les points de la terre et célébrer les louanges de Dieu.

Pareille chose arrive à toutes les sociétés qui s’unissent contre Dieu, surtout aux sociétés modernes. Les hommes veulent bâtir un édifice sans Dieu, malgré Dieu, contre Dieu, et Dieu les laisse commencer, et ces architectes insensés se mettent à l’ouvrage et commencent à abattre ce qui est construit pour édifier de nouveau, comme ces barbares qui renversent des monuments antiques pour construire quelques misérables cabanes. Mais un jour Dieu descend au milieu des ouvriers et il confond leur langage. Descendamus et confundamus ibi linguam eorum. Et voilà que leur raison se trouble, que leurs projets se confondent, que leurs systèmes se choquent, et que mille opinions diverses se forment; ils s’arrêtent pour disputer entre eux, et l’ouvrage reste inachevé, souvent même il les écrasera sous ses ruines.

Cap. XIV. – Nous voyons dans ce chapitre que Dieu commence à exercer sa justice sur les rois de Sodome et de Gomorrhe, puisqu’il permet qu’ils soient abattus par leurs ennemis, et cependant voilà qu’Abraham, l’ami de Dieu, va à leur secours pour délivrer Loth, il est vrai, mais il les soustrait en même temps à la fureur de leurs ennemis. Pourquoi cela? Nous pourrions faire observer d’abord que Dieu sans doute eut pitié de ces deux rois à cause de Loth, c’est-à-dire que le juste fit pardonner aux coupables. En second lieu nous voyons qu’Abraham vainqueur reçoit des offres avantageuses qu’il refuse: ne dicas, ego ditavi Abraham. Ce patriarche comprend que son butin pourrait être souillé par l’impureté de ceux qui le lui offrent, il ne veut pas qu’il soit dit qu’un impie l’a enrichi, et qu’il a partagé avec lui l’objet de ses débauches.

Cap. XV, v. 4. Noli timere, Abraham: ego protector tuus sum, et merces tua magna nimis. Que l’âme fatiguée du spectacle que lui présente la lutte des impies contre la vérité, que l’âme effrayée par les progrès du mal et craignant que l’Eglise n’ait plus de postérité jette les yeux sur ce passage. Voyez Abraham arracher les rois à l’esclavage, et les rois veulent le récompenser, mais Abraham refuse: Ne dicas, ego ditavi Abraham. Ce ne sont pas des récompenses des hommes qu’il veut. Et que lui importent ces richesses? Dieu ne lui en a-t-il pas assez donné? Et voilà que le Seigneur lui apparaît: Noli timere, ne crains point, car je veux être moi-même ta récompense. Je suis ton protecteur; que l’on s’élève contre toi, que l’on te fasse la guerre, je suis là pour te protéger. Protector tuus sum, et merces tua magna nimis. Quelle récompense chercher, quand Dieu lui-même s’offre comme une récompense? O mon Dieu, soyez ma récompense! Merces mea magna nimis. Que les efforts des impies ne m’effrayent plus. Vous m’avez dit de ne pas craindre: noli timere. Non, je ne craindrai pas, non pas même quand je verrai les enfants du véritable Abraham gémir 400 ans sous la servitude de leurs ennemis. Je sais que vous les délivrerez pour leur donner la terre en héritage. Soyez ma récompense, et donnez à votre Eglise de nouveaux et d’innombrables enfants. J’ai regardé le ciel et je n’en ai pu compter les étoiles. Je crois qu’ainsi seront les enfants d’Abraham. Je crois: que ma foi me soit imputée à justice!

Ch. XVIII. – Il est impossible de lire l’histoire d’Abraham sans se sentir pénétré de la foi de ce grand patriarche. Voyez-le toujours sous la main de Dieu, toujours plein de son néant, mais en même temps tout confiant en Dieu. Dieu lui parle et Abraham semble en lui répondant découvrir son essence. Absit a te ut hoc facias, et occidas justum cum impio. Non, Dieu ne confond jamais le juste avec l’impie, et lorsqu’il semble les confondre, on peut dire que c’est de sa part un acte de miséricorde. Il veut sauver l’impie au prix du sang du juste. Le juste fait victime reçoit une récompense double, et l’impie arrosé du sang du juste voit diminuer sa peine, quand elle ne lui est pas entièrement pardonnée. Malheur à la nature, où Dieu sépare le juste de l’impie! Ses jugements sur elle seront terribles.

Chap. XIX, 21. – Dixitque ad eum: Ecce etiam in hoc suscepi preces tuas, ut non subvertam urbem pro qua locutus es.

Admirable puissance de la prière, Dieu accorde à la prière d’un homme le salut d’une ville. Combien d’âmes qui prient dans le secret et qui obtiennent miséricorde pour les nouvelles Sodomes! Voilà ce que l’on ne comprend pas assez aujourd’hui.

Chap. XXII. – Tous les Pères de l’Eglise ont vu dans Isaac la figure du Christ qui est immolé pour les péchés des hommes, du Christ innocent comme un enfant. Le Christ soumis comme un enfant, le Christ portant son bois comme Isaac; le Christ courageux comme Abraham, le Christ se levant la nuit pour aller accomplir le sacrifice. Abraham de nocte surgens. Comparez avec ce passage prononcé la nuit: Surgite, eamus hinc.

Pour être agréable à Dieu, il faut avoir la foi d’Abraham, il faut avoir l’esprit de sacrifice d’Abraham. Dieu ne l’épargne en rien, il l’éprouve pendant cent ans et quand il voit que pendant tout ce temps Abrahm n’a pas douté, il lui donne un fils; et ce fils il le lui enlève, il le réclame. Voilà l’homme entièrement tué, et c’est lorsque Abraham a accompli son sacrifice que Dieu arrête son bras: Va, je suis content de toi. Oh! je comprends maintenant pourquoi Abraham est appelé le père des croyants.

Prêtres de Jésus-Christ, voulez-vous avoir une postérité aussi nombreuse que celle d’Abraham; voulez-vous qu’en vous soient bénies les nations, ayez la foi d’Abrahm, ayez son esprit de sacrifice. Sachez attendre, alors que vos travaux semblent couronnés de moins de succès; espérez contre toute espérance, et si au bout de vos travaux, lorsque vous croirez avoir fait un peu de bien, Dieu vous en demande le sacrifice, offrez-le lui encore, fiez-vous à sa parole et marchez toujours. Oh! oui, la foi, la foi! Voilà ce qui me manque, mon Dieu. Donnez la foi. O Abraham, je ne vous demande pas une goutte d’eau, je vous demande la foi. Votre âme éprouvait sans doute de rudes combats, lorsque séparé de vos parents de la terre, de votre naissance, vous voyez autour de vous les hommes oublier la notion du vrai Dieu et s’enfoncer dans les crimes les plus abominables. Seul ou presque seul vous marchiez devant le Seigneur et vous étiez parfait. Oh! que cette perfection devait vous coûter d’efforts! Comme vous étiez obligé de supporter le Seigneur, selon l’expression de l’Ecriture! Aussi Dieu vous éprouve bien durement, et vous supportez toutes ces épreuves avec foi, avec amour. Aussi votre postérité devient plus nombreuse que le sable de la mer.

Exode, chap. III. – Quoique je me propose de revenir plus tard sur la fin de la Genèse, pour aujourd’hui je passe tout ce qui a rapport à Jacob et à Joseph, je viens à Moïse. La mission de ce patriarche qui a tant de rapports avec celle de Jésus-Christ, mérite toute notre attention. Mais ce qui me frappe le plus, c’est la manière dont Dieu le choisit. Il le sauve des eaux, le fait élever à la cour d’un roi ennemi de sa nation, le conduit au désert, et lorsqu’il semble qu’obscur berger il doit passer la vie à garder les troupeaux de son beau-père, Dieu le prend par la main et l’oblige d’aller se présenter devant le tyran de son peuple. Mais surtout considérons les craintes que manifeste Moyse et la sévérité avec laquelle Dieu lui parle, les marques que Dieu lui donne pour lui prouver qu’il est réellement envoyé. Et après cela Moïse qui s’écrie encore: Obsecro, Domine, mitte quem missurus es. Moïse veut- il dire par là: Envoyez un homme plus digne que moi de remplir les fonctions que vous me confiez; ou bien pénétrant dans l’avenir demande-t-il à Dieu de hâter le temps et de faire descendre du ciel celui en qui les nations de la terre doivent être bénies?

Chap. VII. – Les dix plaies d’Egypte demandent toute attention, soit que l’on y voie la figure de la délivrance de l’humanité, soit que l’on y voie les prodiges que Dieu opère pour arracher l’âme à la terre d’Egypte.

Chap. XIV, v. 11. – Forsitan non erant sepulchra in Aegypto, ideo tulisti nos ut moreremur in solitudine: quid hoc facere voluisti, ut educeres nos ex Aegypto? Nonne iste est sermo, quem loquebamur ad te in Aegypto, dicentes: Recede a nobis, ut serviamus Aegyptiis? Multo enim melius erat servire eis, quam mori in solitudine.

Voilà le langage de ces âmes faibles et pusillanimes, incapables de commprendre le bien de la liberté. Dieu qui par des voies secrètes la prépare à ses enfants, envoie de temps à autre des hommes extraordinaires pour briser leurs chaînes, et ils ne veulent pas qu’elles soient brisées. Leur tête a pris le pli du joug, pourquoi vouloir qu’elle se relève? N’ont-ils pas en regardant la terre à voir des objets qui les satisfassent? N’ont-ils pas les oignons d’Egypte? Recede a nobis, ut serviamus Aegyptiis. Un confesseur est parvenu à délivrer une âme de la servitude du péché: Recede a nobis, ut serviamus Aegyptiis. Oh! qu’il est difficile de conduire le peuple à Dieu, à la vérité, à la liberté!

Et cependant il faut que des hommes se dévouent pour sauver leurs frères, malgré eux. Il faut que, nouveaux Moïses, ils acceptent la terrible mission de se placer entre Dieu et le peuple. Il faut que leur charité désintéressée, au lieu de reconnaissance, n’attende que malédictions. Il faut qu’ils s’attendent à trouver une opposition plus grande peut-être de la part des Juifs que de la part des Egyptiens. Et cependant Dieu les protège.

Chap. XXXIV. – Signa faciam, quae numquam visa sunt super terram. Rien de plus inconcevable peut-être que la manière dont les Juifs sont traités par la bonté divine, rien de plus inconcevable que la manière dont ils répondent à ces traitements. Dieu les accable de prodiges et sans cesse ils l’oublient. Oh! que l’intelligence humaine avait reçu une plaie profonde par la désobéissance du premier homme et qu’il lui était difficile de revenir sous la loi!

Nombres, cap. XXI, v. 2. – At Israel voto se Domino obligans, ait: si tradideris populum istum in manu mea, delebo urbes ejus.

Pourquoi cet anathème, jeté sur des villes? Pourquoi Dieu se plaît-il ainsi dans la destruction? Je trouve trois raisons principales. La première, c’est que Dieu voulait punir le peuple qu’il allait livrer aux Hébreux et donner par là un exemple de sa justice. La seconde est qu’il ne voulait pas que son peuple se mêlât avec les peuples étrangers; pour cela il fallait que la destruction totale séparât les vainqueurs des vaincus, il fallait que les autres nations apprissent quelle était la puissance d’Israël. la troisième raison est que Dieu voulait faire comprendre qu’il était encore irrité, qu’il lui fallait du sang. Voilà ce dont les Hébreux avaient besoin d’être convaincus.

Josué, cap. VI. – La prise de Jéricho par les Israélites est une preuve frappante de la protection de Dieu sur son peuple, et encore une leçon que Dieu donne à son Eglise représentée ici par les enfants de Jacob. Omnia propter electos. Voilà ce qu’il ne faut pas oublier. Dieu fait tout pour ses élus et il fait tout pour l’Eglise. Pour elle il est disposé à renverser les remparts de toutes les hérésies; pour elle il fera remonter à leur source les eaux du Jourdain. Il suffit que son intérêt s’y trouve, mais souvent les membres de cette Eglise sont indignes de leurs faveurs. Les Juifs ne sont pas les seuls dont il puisse être dit: Populus dura cervice; les chrétiens s’éloignent de Dieu, et Dieu pour les empêcher de l’oublier entièrement a permis que tous leurs ennemis ne fussent pas abattus. Voilà ce que Dieu fait, et voilà pourquoi tant de combats, tant de luttes ou pour mieux dire cette longue lutte du bien et du mal.

Chap. VII, v. 8. – Heu, Domine, quid voluisti traducere populum tuum? La leçon que nous donne Josué est admirable, et voilà pourquoi Dieu permet les revers pour nous forcer à jeter les yeux vers lui. Malheur à qui, poursuivi par la justice de Dieu, ne se précipite pas dans les bras de cette justice!

Notes et post-scriptum