Notes sur l’épître de saint Paul aux Romains.

Informations générales
  • TD49.276
  • Notes sur l'épître de saint Paul aux Romains.
  • Chapitre III [de l'épître aux Romains].
  • Orig.ms. BJ3, pp. 241-248; T.D. 49, pp. 276-282.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ACTION DE DIEU
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 ANCIEN TESTAMENT
    1 APOSTASIE
    1 AUTHENTICITE BIBLIQUE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHATIMENT
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 CREATION
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 DIEU
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ENVIE
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 FIDELITE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 HOMMES
    1 HUMILITE
    1 INJUSTICES
    1 INSENSIBILITE
    1 JUIFS
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LIBERTE DE CONSCIENCE
    1 LOI ANCIENNE
    1 LOI DIVINE
    1 LOI MORALE
    1 MAL MORAL
    1 MANQUE DE FOI
    1 MECHANTS
    1 MENSONGE
    1 NOUVEAU TESTAMENT
    1 ORGUEIL
    1 PAGANISME
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PROVIDENCE
    1 REDEMPTION
    1 REGNE
    1 REVELATION
    1 REVOLTE
    1 SALUT DES AMES
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SAUVEUR
    1 TEMOIN
    1 VERITE
    2 PAUL, SAINT
    3 PALESTINE
  • vers 1837-1840
La lettre

v. 1-2. – « Quid ergo amplius Judaeo est? aut quae utilitas circumcisionis? Multum per omnem modum, primum quia credita sunt illis eloquia Dei. » Dans ces deux versets et dans le suivant s. Paul nous découvre toute la destinée du peuple juif, le mystère de leur [= son] existence, la raison de leur vocation, de leurs privilèges, de leurs lois, de leurs sacrifices, de leur crime, de leur endurcissement, de leurs supplices. Les Juifs, ainsi qu’on l’a déjà plusieurs fois remarqué, attendaient un Messie, dont le royaume s’étendrait sans doute au-delà des limites de la Palestine, mais qui devait en reculer les bornes par la force des armes. Eux-mêmes devaient se présenter en vainqueurs au monde et s’emparer de toute la terre comme leurs [aïeux] s’étaient emparés de la Terre promise. De là cet orgueil avec lequel ils considéraient le genre humain tout entier, orgueil qui leur avait attiré d’abord la crainte de leurs voisins, ensuite le mépris, toujours la haine. Un pareil esprit n’était certes pas celui que le vrai Messie avait prêché et recommandé à ses disciples avec de si vives instances, lorsque la veille de sa mort il leur avait dit: Aimez-vous les uns les autres.

Et cependant les Juifs qui se vantaient d’être ses disciples, portaient même après leur conversion le même sentiment de jalousie contre les Gentils qui se rangeaient sous la bannière de la croix. Ils ne voulaient pas croire à la possibilité de tous les hommes dans une même foi, aux droits de l’humanité entière à une participation égale de la vérité. De plus, la conversion des païens était un obstacle à celle des Juifs, qui auraient été ébranlés sans la pensée que leurs privilèges allaient se perdre, mais qui pour ne pas prendre part aux mystères à côté d’incirconcis refusaient de reconnaître que le royaume de Dieu était proche.

Ce fut pour abaisser cet orgueil que s. Paul releva dans toutes les occasions, l’impuissance de la loi ancienne à justifier, l’insuffisance de la circoncision pour la réconciliation avec Dieu. Partout il humilie les Juifs, partout il leur montre leur faiblesse. Cependant il veut leur prouver qu’il connaît leurs privilèges et qu’il les respecte, mais en même temps il leur prouve qu’eux ne les connaissent pas. Quid ergo amplius Judaeo est? Mais on me dira peut-être: quel est donc l’avantage des Juifs? A quoi bon être issu d’Abraham; à quoi bon avoir été mis à part, avoir vécu séparé des autres peuples, avoir combattu sans cesse pour une nationalité qui a survécu à tous les efforts des ennemis?

Aut quae utilitas circumcisionis? Pourquoi Dieu a-t-il pris la peine lui- même de la prescrire à Abraham? Pourquoi la commander avec tant de sévérité, et ordonner que celui qui n’aurait pas été circoncis serait rayé du nombre des vivants? Pourquoi avoir ajouté à la circoncision tant d’autres cérémonies pénibles et souvent humiliantes? Pourquoi ces jeûnes, ces sacrifices? Pourquoi ce sacerdoce auquel une tribu entière est dévouée, et le titre de Juif est un vain nom, si la circoncision n’aboutit à rien?

A cette objection s. Paul répond: primum, quia tradita sunt illis eloquia Dei. Ici se déroule tout un nouvel ordre de choses. Les Juifs croyaient que tout était fait pour eux, que la loi ne regardait qu’eux, que les prophètes n’étaient envoyés qu’à eux, que le Christ ne devait paraître que pour eux. Or voici qu’on leur apprend que la loi, les prophètes et les écrits des prophètes étaient seulement un dépôt qui leur avait été confié, et dont ils étaient comptables au genre humain; que le Messie devait sortir de leur nation, mais qu’il était venu pour tous les hommes.

Quid enim si quidam illorum non crediderunt? Numquid incredulitas illorum fidem Dei evacuabit? Absit. Dieu confie le dépôt des traditions au peuple Juif, mais ce peuple toujours croyant, quoique corrompu, compte cependant dans son sein quelques hommes qui refusent de reconnaître la mission confiée aux enfants d’Israël. Faut-il en conclure que la loi n’est pas appuyée sur une autorité suffisante? A Dieu ne plaise! Dieu sait que les hommes seront toujours hommes et que parmi eux il y aura des méchants. Ce texte peut donner occasion à un développement très beau sur l’objection que les chrétiens ne sont pas tous croyants. En effet, les hommes étant donnés, il y aura toujours des faiblesses parmi eux, et Dieu n’est pas obligé de confirmer en grâce tous les chrétiens; car dès ce moment le système de la rédemption serait bouleversé et dès qu’une fois on aurait cru, il serait impossible de perdre la foi. Ce qui est trop exiger, outre que, bien sûr, les mécréants, en leur supposant toujours la même bonne volonté, ne manqueraient pas de trouver que l’homme ainsi nécessité à croire cesse d’être libre et que les catholiques ne sont que des automates. Non, il n’est pas vrai que l’incrédulité de quelques hommes détruise l’important témoignage de la société juive, pas plus que de la société chrétienne. Il n’est pas vrai, non plus, que Satan puisse prévaloir par l’apostasie de quelques hommes.

Est autem Deus verax, omnis autem homo mendax. Voilà la clé du mystère. Dieu est vrai, et c’est lui qui dit la vérité, même par la bouche du menteur. Omnis autem homo mendax. Voilà tout le fond qu’il faut faire sur l’homme: omnis homo mendax. Mais, dit l’impie, c’est donc sur l’iniquité de l’homme qu’est fondé le témoignage de Dieu. Ainsi c’est par l’iniquité du peuple Juif qu’est confirmée la vérité de l’évangile, car dans l’endurcissement de cette nation je vois la preuve de l’authenticité des Ecritures, et dans leur punition je vois encore la sentence portée contre eux. Mais qui peut nier à Dieu le pouvoir de faire sortir le mal du bien? Dieu a pu punir le peuple juif et sa punition a été une leçon, une preuve de la vérité. Quoi de plus admirable? Si autem iniquitas nostra justitiam Dei commendat, quid dicemus? Numquid iniquus est Deus, qui infert iram? Je crois qu’il faut, pour avoir le sens de ce verset, l’expliquer dans ses rapports avec ce qui précède et dans son sens naturel. Le contexte nous montre le but de s. Paul d’humilier les Juifs et les Gentils. S. Paul a montré la gloire que Dieu tire de l’incrédulité même des hommes, et pour leur ôter jusqu’à la dernière apparence de justification, il leur montre que quoique Dieu retire sa gloire du mal, le méchant ne sera pas justifié pour cela; car, dit-il: alioquin quomodo judicabit Deus hunc mundum? En effet, il n’y aurait point de jugement à exercer sur les hommes, puisque tous auraient droit à la récompense. C’est ce que le texte suivant développe encore.

Mais prenons l’objection, abstraction faite de ce qui précède. Pouvons-nous dire avec les impies que Dieu ne doit point punir les pécheurs, puisque c’est lui qui les pousse au mal? Remarquons d’abord comment Dieu pousse au mal: c’est en retirant les grâces nécessaires pour être sauvé. Mais cette soustraction de grâces n’a lieu qu’autant que l’homme se rend indigne de les avoir. Ce n’est pas tout. Dieu ne tire sa gloire du mal que par la manifestation de sa justice. Or sa justice ne peut être manifestée que par la punition du coupable, et par une punition juste; sans quoi ce serait une tyrannie.

Causati sumus Judaeos et Graecos omnes sub peccato esse. Voilà où il voulait en venir. Tous sont asservis par le péché, ceux qui ont péché sous la loi sont asservis par la loi, sont condamnés par elle; ceux qui ont vécu hors de l’empire de la loi sont condamnés par leur propre conscience. Et non seulement tous ont péché, mais par eux-mêmes sont condamnés à gémir sous le péché comme sous un joug éternel. Pour prouver ce qu’il avance, s. Paul cite plusieurs textes de la loi et ajoute: Scimus autem quoniam quaecumque lex loquitur, iis qui in lege sunt, loquitur, ut omne os obstruatur, et subditus fiat omnis mundus Deo. Saint Paul ne parle pas pour le moment des Gentils, quoique plus tard nous le verrons revenir à eux; mais il les enveloppe dans la même sentence par cela même qu’il parle des Juifs qui auraient dû avoir des droits à une plus grande indulgence. La loi, dit-il, ne parle pas seulement des Gentils, sur lesquels les Juifs auraient peut-être voulu rejeter les anathème portés par le Saint-Esprit. La loi s’adresse à ceux qui sont placés sous son empire, et tous ceux-là sont sous le péché. Et pourquoi ces anathèmes? Afin que toute bouche soit fermée, ut omne os obstruatur.

Courbe, courbe la tête, créature orgueilleuse; vois ce que Dieu déclare de toi. Il n’est point de juste, il n’en est aucun qui fasse le bien; il n’en est point qui fasse le bien, pas un seul. Et c’est Dieu qui l’a permis, ut subditus fiat omnis mundus Deo. Pensée bien profonde et qui donne pour ainsi dire, la clé de toute la conduite de Dieu envers le genre humain. Pourquoi le mal? Afin que toute bouche soit fermée et que ceux qui font le bien se soumettent à Dieu et n’aient pas le fol orgueil de penser que le [bien] qu’ils font, ils l’ont fait par leur propre vertu et leur propre bonté: quia ex operibus legis non justificabitur omnis caro coram illo. Voilà donc renversé tout l’édifice d’orgueil que les Juifs bâtissaient sur la loi ancienne. Il est donc vrai que toutes les cérémonies judaïques ne pouvaient absoudre que des souillures légales, mais les souillures que la chair faisait contracter à l’âme, celles-là la loi était impuissante à les laver.

Per legem enim cognitio peccati. Mais, dira-t-on, si la loi n’amène que la connaissance du péché, il faut conclure que la loi est mauvaise, puisqu’elle fait sentir un mal sans en indiquer le remède. Oui, sans doute, si l’on veut dire qu’un homme ne pouvant guérir un homme ferait mieux de le laisser dans l’ignorance de son mal que de l’en avertir, lorsque après cet avertissement le malade pourra chercher des remèdes. Or voilà précisément ce qui arrive. Le malade, c’est le peuple juif. La loi l’avertit, ne le guérit pas sans doute, mais lui fait comprendre la nécessité d’un médecin, et ce médecin c’est Jésus-Christ. Donc la loi a été d’un grand avantage, et les Juifs qui ont eu l’avertissement de la loi ont été traités bien plus favorablement que les Gentils qui ne l’ont pas eue.

Mais, poursuit le même Apôtre, maintenant la justice de Dieu a été manifestée sans la loi, et elle est attestée par la loi et les prophètes. Voilà l’enchaînement admirable de la Providence. Jésus-Christ, ce n’est pas la loi, c’est quelque chose de plus, c’est son accomplissement, c’est la manifestation de la justice de Dieu. Mais cependant entre Jésus-Christ et la loi il y a un lien intime, c’est le témoignage que la loi et les prophètes rendent à Jésus- Christ. Et c’est certes un bien beau spectacle que celui que déroule ce troisième chapitre, et l’on ne saurait trop le méditer, lorsque avec la grâce de Dieu on commence à le pénétrer.

O mon Dieu, je vois votre marche triomphale de l’éternité. Vous créez le monde pour vous y manifester, et Satan voyant qu’il n’y a aucun rapport entre les ténèbres et la lumière étend les ténèbres sur le monde par le péché, et il ne peut empêcher votre manifestation, et il ne sait pas que la lumière a lui au milieu des ténèbres et les dissipe; il ne sait pas non plus que Dieu peut, s’il le veut, dire une seconde fois: Que la lumière soit; et vous dissipez ces vapeurs, ou plutôt pour confondre tout orgueil, vous commencez par les rendre plus épaisses, et lorsque les intelligences sont tellement obscurcies qu’il semble impossible à la vérité d’y pénétrer, lorsque les coeurs sont tellement fatigués par le mal que l’immobilité de la mort semble devoir être leur partage, alors vous vous révélez du haut des splendeurs célestes, vous éclairez les esprits, vous réchauffez les coeurs, vous rendez la vie à l’humanité.

Que peut-on désirer de plus digne de la puissance divine que la réponse que Dieu fait à l’homme, lorsqu’il lui dit: Je ne servirai pas. Eh bien, ne sers pas, plonge-toi dans tous les maux qu’amène ta révolte; je te laisserai faire, mais je t’aimerai malgré toi, et quand le moment sera venu, malgré toi je te sauverai? Et voilà que Dieu pendant quatre mille ans, rentre dans son silence et laisse l’humanité toute entière vers ses passions. Toutefois comme son élan était trop rapide, il l’arrête un moment par le déluge, mais elle reprend bientôt sa course vers l’abîme, et c’est lorsqu’elle y est parvenue que Dieu lui tend la main et la relève.

Notes et post-scriptum