[Cahier de sermons de 1838-1839]

Informations générales
  • TD50.081
  • [Cahier de sermons de 1838-1839]
  • [Sermon sur les] Dispositions pour écouter la parole de Dieu.
  • Orig.ms. BL1, pp. 63-91; T.D. 50, pp. 81-96.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ACTIONS DE DIEU
    1 AMOUR DIVIN
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 ATHEISME
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CHRETIEN
    1 CIEL
    1 COMMANDEMENTS DE DIEU
    1 COMMANDEMENTS DE L'EGLISE
    1 COMPORTEMENT
    1 CONTRITION
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRAINTE
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 CULPABILITE
    1 DECADENCE
    1 DEGOUTS
    1 DESOBEISSANCE
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DEVOIRS DU PRETRE
    1 DIEU LE PERE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 DOUTE
    1 DROITS DE DIEU
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DU DOGME
    1 ESPECE HUMAINE
    1 ESPERANCE BASE DE LA PAUVRETE
    1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FAUSSES DOCTRINES
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FOI
    1 GUERISON
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 HAINE
    1 HAINE CONTRE JESUS-CHRIST
    1 HERESIE
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 IDEES DU MONDE
    1 ILLUSIONS
    1 INJUSTICES
    1 INSENSIBILITE
    1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
    1 JOUISSANCE DE DIEU
    1 LACHETE
    1 MAITRES
    1 MALADES
    1 MENSONGE
    1 MINISTERE SACERDOTAL
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 ORGUEIL
    1 PAIX DE L'AME
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PENSEE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PRATIQUE RELIGIEUSE DES LAICS
    1 PREDICATION
    1 PREDICATIONS DE CAREME
    1 PROVIDENCE
    1 RECONNAISSANCE
    1 RESISTANCE A LA GRACE
    1 RESPONSABILITE
    1 RHETORIQUE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINTS DESIRS
    1 SCANDALE
    1 SOUVERAIN JUGE
    1 TRINITE
    1 VERBE INCARNE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTU DE RELIGION
    1 VERTUS SACERDOTALES
    1 VOIE UNITIVE
    1 VOLONTE PROPRE
    1 ZELE POUR LE ROYAUME
    2 JEREMIE
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 SAMUEL, PROPHETE
    3 FRANCE
  • 1838-1839
La lettre

Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei.

Quelle est cette nourriture que le Sauveur des hommes déclare être l’aliment propre de l’homme et le principe de sa vie? La parole de Dieu. Il fallut que ce fût au désert que cette réponse fut donnée. Satan seul semblait pouvoir la comprendre, elle était trop profonde pour la grossièreté des Juifs. La parole de Dieu devenant la nourriture de l’homme, Dieu s’unissant à l’homme par son Verbe, et l’homme par le Verbe appelé à l’union divine, tel était le but de la mission du Verbe fait chair. Et en effet, cette parole qui, considérée en soi, est Dieu même, ne pouvait pas être communiquée à l’homme sans intermédiaire. Le Verbe était descendu des cieux, il avait parlé, et après avoir enseigné, il avait encore envoyé son Esprit à ses apôtres pour leur révéler toute vérité. Et les apôtres avaient prêché, et la puissance d’instruire s’est transmise des apôtres à leurs successeurs. Et si je monte aujourd’hui dans cette chaire, c’est afin de vous aider à opérer cette union de la parole de Dieu avec vos âmes, car je vous le dis de la part de celui qui m’envoie, l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu: Non in solo pane vivit homo.

Je viens donc vous apprendre, de la part de Dieu, que vous ayez à écouter un peu moins les suggestions de Satan; que vous vous préoccupiez moins des soins de votre corps; que vous suspendiez vos murmures contre la Providence, alors qu’elle semble veiller sur vous avec moins d’attention, parce que l’homme ne vit pas seulement de pain; mais que vous ayez à chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice, parce que le reste vous sera donné par surcroît; que vous ayez à vous occuper un peu plus de vos âmes, et que vous cherchiez à leur donner la nourriture qui leur est propre, la parole de Dieu. Cette parole est distribuée du haut des chaires chrétiennes, et cependant vous ne la recevez pas. Cette parole, vous allez l’écouter et vous l’écoutez sans fruit. Et c’est pour cela qu’elle vous laisse toujours les mêmes. Je vous avoue, mes frères, que je serais un grand orgueilleux, si j’avais la prétention de faire ici plus que n’ont fait tant de prêtres zélés qui vous ont annoncé les volontés du Seigneur du haut de cette chaire; mais enfin puisque je suis chargé de vous la distribuer pendant la station qui s’ouvre, je veux, pour n’avoir rien à me reprocher, examiner avec vous les dispositions que vous devez y apporter. Je vous les présenterai sous un point de vue extrêmement simple: c’est un Dieu qui parle à l’homme qui écoute.

C’est un Dieu qui parle, il faut l’écouter avec foi, obéissance et reconnaissance.

C’est un homme qui écoute, il doit écouter avec crainte et désir(1).

C’est Dieu qui parle, c’est l’homme qui écoute.

La parole de Dieu est une manifestation de la vérité. Il faut l’écouter avec foi.

La parole de Dieu est la loi de nos devoirs, il faut l’écouter avec obéissance.

D’abord établissons qu’il y a une parole de Dieu.

Nécessité de cette parole pour distinguer la vérité. Qui enseignera, sinon elle?

Qui aura la force de commander, sinon elle?

A qui appartient la connaissance de l’avenir, sinon à elle?

C’est l’homme qui écoute.

Il doit écouter avec crainte et amour.

Avec crainte la parole qui lui signale ses misères, qui condamne ses faiblesses.

Avec amour, la parole qui lui indique le remède et qui lui assure le bonheur.

Lutte entre le désir de connaître la vérité et l’indépendance de tout joug.

Première partie. C’est un Dieu qui parle.

Lorsque je dis, mes frères, que c’est Dieu qui parle par la bouche des prédicateurs Evangéliques, ne croyez pas que je prétende affirmer que leur inspiration est aussi formelle que celle des apôtres. Mais je soutiens qu’ils ont reçu mission particulière, et que l’Eglise leur a confié le soin de distribuer à ses enfants le pain de la parole, et cela me suffit. Ils sont chargés de distribuer la vérité, et par un effet de l’assistance du Saint-Esprit, depuis 1800 ans, par la grâce de Dieu, aucune erreur grave n’a été enseignée sans qu’aussitôt l’Eglise n’ait séparé de son sein le prophète prévaricateur. D’où je conclus que tant que l’autorité préposée par Jésus-Christ au dépôt de la foi, ne proteste pas contre un enseignement erroné, donné par ceux qui ont reçu mission de cette autorité même, leurs paroles doivent être considérées comme l’interprétation légitime de la parole de Dieu. Il importait d’établir la question sur sa base véritable, afin que l’on sût bien la différence qui subsiste entre la parole de Dieu enseignée dans les églises catholiques, et ces mille enseignements contradictoires, cet amas d’opinions, cette mêlée de systèmes qui s’entrechoquent et qui, semblables aux flots de la mer, s’agitent, se gonflent sous le vent de l’orgueil pour se perdre en un peu d’écume. Tout enseignement humain ne mérite d’autre droit au respect que l’autorité de l’homme, et l’homme semble avoir pris à tâche, de nos jours, de vérifier les paroles du Psalmiste: Omnis homo mendax. Il ne faut point pour cela leur prouver la fausseté de leurs systèmes, il ne suffit que de les opposer à eux-mêmes, il suffit de mettre en parallèle leurs opinions d’aujourd’hui avec celles d’hier, avec celles qu’on peut présumer qu’ils auront demain et leur demander laquelle est la vérité.

Je voudrais bien savoir ce qui resterait d’une foule d’auteurs, si l’on retranchait de leurs livres toutes les pages où ils se contredisent eux-mêmes.

Tandis que l’esprit humain va s’égarant et se perdant sur la mer instable et orageuse des opinions, le chrétien est toujours éclairé par la sainte lampe de la vérité lorsqu’il écoute la parole de Dieu. Car malheur et trois fois malheur au prêtre, qui montant en chaire ne porte pas au fond de son coeur cette réponse de Jésus aux Pharisiens: Ma doctrine n’est pas ma doctrine, c’est celle de celui qui m’envoie. Quoi! vous pensez que je suis assez fou pour croire que par le temps qui court, je pourrai vous convaincre des vérités que je vous annonce, si je ne vous parle qu’un moment? [= en mon nom?] Non, non, je ne suis rien ici; mais c’est parce que je ne suis rien ici, que la parole de Dieu est tout; et c’est parce que la parole de Dieu est tout, que je viens vous commander de croire ce que je vous annonce de sa part. C’est pour cela que je viens vous ordonner de m’écouter. Ah! vous vous débattez en vain; dites tant que vous voudrez que le prédicateur est indigne de son ministère, – et je le sais mille fois mieux que vous, vous ne me connaîtrez jamais comme je me connais moi-même, – dites qu’il n’a aucune des conditions de l’éloquence, – mais vous ai-je dit q’une église fût une classe de rhétorique et que le surplis d’un prêtre fût une robe de professeur? – J’estime grandement, je l’avoue, ces hommes s’appliquant à donner au langage humain l’éclat et l’harmonie dont il est susceptible, mais que comme prêtre j’aie la pensée de me comparer à eux, oh blasphèmes! Savez-vous quels sont mes maîtres à moi? C’est Pierre, le pêcheur de Capharnaüm; c’est Paul le corroyeur de Tarse; je n’en connais pas d’autres. Ne me dites donc [pas]: nous ne vous écoutons pas, parce que vous n’avez aucune éloquence. Prenez garde, sous cette enveloppe qui est grossière comme moi, il y a un trésor, il y a de l’or, il y a une pierre précieuse. Quelque chose de plus qu’une pierre précieuse, il y a la parole de Dieu et parce que cette parole se voile sous l’enveloppe humaine, est-elle moins digne de vos respects, de votre foi? Mais si cette parole se montrait à vous dans toute sa splendeur, la comprendriez-[vous]? O insensés, est-ce à vous à vous plaindre de ce qu’elle consent à se voiler pour arriver jusqu’à votre coeur, lorsque vous êtes trop faible et trop corrompu pour la contempler dans tout son éclat? Oui, c’est la parole de Dieu que je vous présente, et vous le savez aussi bien que moi, car si vous ne croyez pas que je vous prêche la parole de Dieu, je suis de tous les scélérats le plus grand, et je ne vois rien à quoi je puisse comparer la grandeur de mon crime que la grandeur de votre folie.

C’est donc Dieu que vous venez entendre. Mais qui est plus digne d’être cru que Dieu? et que croirons-nous, si nous ne croyons pas ce qu’il nous enseigne? Donc vous écouterez la parole de Dieu avec foi, et laissez-moi vous faire remarquer en passant quelle puissance n’a pas la parole prêchée depuis 18 siècles, telle qu’elle est sortie de la bouche même de Jésus-Christ. Et ne sentez-vous pas ce qu’il y a de divin dans cette merveilleuse unité? Jésus-Christ du haut du ciel enseigne son Eglise, et sur tous les points de la terre les voix de ses ministres, comme autant d’échos d’un même son, répètent ses enseignements. Allez, cherchez tant que vous pourrez, vous ne pourrez jamais rien m’offrir qui m’offre un concert plus merveilleux.

Hé bien, mes frères, puis-je vous demander ce que vous faites de cette parole divine, quel fruit vous en retirez, quelle créance vous lui donnez? Ah! ne l’écoutez-vous pas comme une parole humaine, et si cela est, que je vous plains!

Il faut l’écouter avec obéissance. La parole de Dieu est la vérité même, ce qu’elle enseigne à notre esprit serait, quoique incompréhensible, reçu de lui, si en même temps la connaissance des dogmes qu’elle révèle n’établissait certains rapports entre Dieu et nous, entre nous et le prochain, ne prescrivait certains devoirs qui répugnent à notre nature. Je n’ai pas voulu vous demander, il y a un moment, si vous écoutiez la parole de Dieu avec foi, parce qu’à coup sûr vous vous seriez récriés contre l’insulte que j’aurais paru vous faire. Mais laissons de côté les professions d’une foi trop souvent justifiée par les oeuvres, et répondez à ma question: Ecoutez-vous la parole avec obéissance, lorsque du haut de la chaire évangélique on vous rappelle vos devoirs? vous persuadez-vous de la nécessité où vous êtes de les pratiquer? Je ne crois pas qu’un coupable puisse entendre sans quelque émotion la lecture de la loi qui le condamne, comment entendez-vous les anathèmes que le Seigneur lance contre les pécheurs? Vous êtes blasés là-dessus et lorsque vous entendez quelque chose qui vous convainc de crime, vous faites comme ces grands d’Israël au temps de Jérémie, vous trouvez étrange qu’on n’impose silence à ce téméraire qui a l’audace de prétendre réveiller en vous le remords.

Il faut écouter la parole de Dieu avec obéissance. Y a-t-il rien de plus juste que celui qui a le droit de commander ait le droit de se faire obéir? Souvenez-vous-en, mes frères, car pour moi je veux me laver de votre sang et je ne veux pas porter sur ma tête le poids de votre damnation. Quand j’aurai fait ce que j’aurai pu pour vous persuader, quand je serai descendu, autant qu’il aura dépendu de moi, dans le détail de votre conduite et de vos devoirs, si vous ne voulez pas me comprendre, si vous ne voulez pas ouvrir votre oreille; si au contraire semblables à l’aspic vous la fermez pour ne pas entendre ma voix, si vous êtes du nombre de ceux de cet auditoire qui paraîtront devant le tribunal de Dieu, avant que commence un autre carême, ne pensez pas jeter sur moi le retard de votre conversion. Plaise à Dieu que je ne sois pas contre vous un témoin accusateur, et que le Seigneur ne vous reproche pas d’autant plus votre révolte contre ses commandements que vous les aviez entendus plus récemment développés par ma bouche!

Il faut écouter la parole de Dieu avec obéissance. Et songez, mes frères, à ce que serait le monde s’il accueillait ainsi la parole de Dieu, si comme le jeune Samuel dans le temple les chrétiens, au moment où le prêtre ouvre [la bouche] pour annoncer les volontés d’en haut, si, dis-je, chaque chrétien disait dans le fond de son coeur: Parlez, Seigneur, car votre serviteur écoute: Loquere, Domine, quia audit servus tuus. Ou si comme Marie, l’âme pénétrée de la lumière qu’elle a reçue, s’écriait avec transport: Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon sa parole, quels fruits ne porterait pas alors cette semence divine, et comme par elle tout serait réformé!

Faites-y attention, mes frères, ceux qui ont le malheur de ne pas croire et qui vous voient écouter la parole de Dieu, comme si vous n’y croyiez pas vous- mêmes, sont confirmés dans leur incrédulité; votre conduite après les instructions que vous entendez est une des plus fortes objections contre leur retour à la foi.

Il faut écouter la parole de Dieu avec obéissance. Ah! voilà ce qui révolte aujourd’hui que personne ne veut obéir, et n’est-il pas plus commode, en effet, de se faire sa règle à soi-même et de ne s’imposer que ce qu’on veut bien supporter. On comprend alors que le joug que l’on se fait soit doux et facile, mais vous aurez beau faire, vous n’empêcherez pas plus la parole de Dieu qui commande d’exister, que vous n’empêcherez l’existence de Dieu même, car la parole de Dieu est sa vérité et la vérité du Seigneur subsiste éternellement: et veritas Domini manet in aeternum.

Mais je ne saurais trop le répéter, Dieu ne commande pas seulement d’une manière fatale, il ne tient pas tant à ployer par la violence qu’à persuader par la douceur et par l’amour. Or, quel amour ne mérite pas Dieu? Et avec quelle reconnaissance ne doit-on pas accueillir sa parole, lorsqu’elle se manifeste à nous comme le plus grand des bienfaits? Cette parole est une lumière qui nous découvre les profondeurs de notre origine, les devoirs de notre position présente, les biens d’une vie meilleure. Et lorsqu’on considère la clarté avec laquelle toutes ces importantes et terribles questions sont résolues pour le plus simple fidèle, pour le plus humble chrétien, quand on songe à tout le calme, toute la paix que jettent dans l’âme les enseignements évangéliques et qu’on les compare aux troubles, aux agitations, aux incertitudes de tant d’esprits nobles, généreux, élevés, mais qui livrés à eux-mêmes ne savent qu’errer d’illusion en illusion, et affamés de vérité ne peuvent que s’enfoncer dans le doute, il est impossible de ne pas bénir la Providence de ce qu’elle a ménagé notre arrivée dans le temps, au moment et dans un point de la terre où le flambeau de la foi pût éclairer les yeux de notre intelligence, au moment où nous les ouvririons.

Mais Dieu en nous prescrivant des devoirs veut nous exciter à les accomplir, et pour cela il nous propose une récompense. L’homme n’est pas placé sur la terre pour accomplir une tâche et disparaître à jamais dans le néant. Du moment que l’homme subsiste et subiste pour toute l’éternité, il subsiste pour jouir d’un bonheur sans terme. La parole de Dieu ne se borne donc pas à l’instruire de son origine dans le passé, de ses devoirs dans le présent, elle lui révèle ses espérances pour l’avenir; et l’homme à la vue des biens qui lui sont préparés dans un monde meilleur, et des secours divins mis à sa disposition dès ce monde pour atteindre cet avenir de bonheur et de gloire, ne peut qu’aimer la parole de Dieu et l’écouter avec reconnaissance.

Et dites-moi, mes frères, je vous le demande quelles espérances plus magnifiques que celles offertes à l’homme? Vous êtes-vous fait jamais une idée de ce que doit être le honheur de jouir d’un Dieu, autant que la capacité d’une créature peut en jouir? Hé bien, si vous avez cru vous en faire une idée, je vous dis que vous vous êtes trompés, puisque la foi nous enseigne qu’il est impossible de comprendre ce que Dieu destine à ceux qu’il aime; et cependant la parole divine tout en laissant le voile dont Dieu a voulu couvrir jusques à l’heure du réveil les joies de la patrie, la parole divine nous enseigne tout ce qu’il y a de plus grand. Par ce mot, le premier que le Seigneur adresse lui-même au père des croyants: Je serai ta récompense surabondante, Ego ero merces tua magna nimis. Un Dieu qui est la récompense de l’homme! Et le second, que le Saint-Esprit met dans la bouche du prophète: Seigneur, je serai rassasié quand votre gloire m’apparaîtra, Satiabor, cum apparuerit gloria tua. Mais ce qui dépasse tout, ce sont les paroles du Sauveur, qui demande à son Père que ses disciples ne fassent qu’un avec Dieu, comme le Père et le Fils ne font qu’un. Avez-vous compris ces paroles, mes frères, et si vous les avez comprises, que pouvez-vous désirer de plus?

Et maintenant laissez-moi vous demander combien de temps vous résisterez à cette parole. C’est un Dieu qui enseigne: Tanquam Deo exhortante per nos. C’est un Dieu qui donne ses commandements. C’est un Dieu qui, avec la facilité de les accomplir, promet au serviteur fidèle une récompense. Qu’est-ce qui vous arrête? Direz-vous, lorsque Dieu vous enseigne, qu’il n’est pas la vérité? direz-vous, lorsqu’il vous commande, qu’il n’en a pas le droit? direz- vous, lorsqu’il vous présente les plus merveilleuses récompenses, qu’il n’est point fidèle à ses promesses? Vous n’oseriez pas, vous ne pousseriez pas le blasphème jusques là. Pourquoi donc ne pas le croire lorsqu’il parle? Est-ce que vous n’avez pas la foi? Est-ce que vous n’êtes pas catholiques? S’il en est ainsi, je dois me taire. Mais si vous êtes catholiques, si vous croyez, pourquoi n’obéissez-vous pas à ses commandements? Ah! c’est que les espérances qu’il vous offre ne vous séduisent pas; courbé vers la terre, vous refusez de lever les yeux vers le ciel. Hé bien, marchez dans votre voie, poursuivez vos projets, mais souvenez-vous que le père qui offre à ses enfants son héritage, est en même temps le juge qui punit les sujets rebelles, et que cette même parole qui vous instruit, vous commande, vous promet le bonheur, sera dans la bouche du Seigneur l’arrêt de votre condamnation. Mais il n’en sera pas ainsi, vous l’entendrez cette parole de Dieu comme parole de Dieu, ses traits enflammés perceront votre coeur et cette parole vous fera connaître de Dieu ses commandements et vous obligera à l’aimer.

J’ai dit en second lieu que si Dieu parle, c’est l’homme qui écoute, voyons les dispositions qui découlent de ce second point de vue.

Deuxième partie. C’est l’homme qui écoute.

On ne peut réfléchir attentivement sur la nature de Dieu et sur celle de l’homme, sans être profondément touché à la vue d’une puissance, d’une perfection, d’une grandeur infinie, qui consent à entrer en rapports avec l’extrême faiblesse, l’extrême dégradation, l’extrême misère. Dieu et l’homme. Ah! je ne prétends pas vous dire ce qu’est Dieu. Mais qu’est-ce que l’homme? être borné, chétif, atome dans l’univers, c’est à lui que Dieu veut s’adresser, c’est à lui qu’il veut faire entendre la voix de ses commandements et [le] conduire à une éternité de bonheur. Et l’homme, tel est son orgueil, repousse les avances de Dieu et lui dit: Garde ta parole, je me contente de ma raison, et nous savons, mes frères, ce que cette raison a produit. L’homme a voulu marcher seul. Que sait-il? Il a été plus loin, il a pris la parole de Dieu écrite, il a pris la lettre de cette parole, cette lettre qui tue. Qu’est-il arrivé? Qu’y a-t-il de certain? il fallait que la parole de Dieu fût vivante, non seulement en elle-même, mais encore dans l’instrument qui la communiquait. Mais pour cela il fallait briser l’orgueil. On ne l’a pas voulu. Où en est-on avec la parole de Dieu, et qu’est-ce qui est la parole de Dieu? Oui, l’homme devait se souvenir de ce qu’il était, pauvre créature, trop heureux de se relever par les moyens qui lui étaient donnés, et il ne l’a pas voulu, il est tombé.

Et vous, catholiques, que faites-vous tous les jours quand vous citez au tribunal de votre raison la parole de Dieu, disant: ceci me paraît raisonnable et ceci ne l’est pas. Savez-vous ce que vous faites, un acte d’hérésie? Puisque vous vous mettez au-dessus de ceux qui sont chargés de vous instruire.

Pour moi, lorsque je considère l’abîme qui sépare Dieu de l’homme, je suis bien plutôt tenté de dire avec certains déistes que Dieu est trop grand pour avoir des rapports directs avec nous, et pour nous parler par la révélation, pour nous parler tous les jours par la bouche de ses ministres. Et, en effet, qu’est-ce que l’homme pour que vous vous en rappeliez, après lui avoir donné l’être? Quid est homo, quod memor es ejus, auf filius hominis, quoniam visitas eum? Quel titre a-t-il à votre souvenir plein d’amour? je cherche et n’en trouve aucun. Je trouve bien plutôt des titres à votre colère, et puisque malgré tant de raisons de le haïr, vous consentez à l’aimer, à lui parler, à l’instruire, à le former, à le diriger dans la voie de vos commandements vers la patrie, quel n’est pas son crime lorsqu’il perd le souvenir de ce qu’il est? qui est… aut filius hominis. Ne perdez pas de vue cette expression, elle est d’une philosophie profonde. Cet homme ici c’est le premier homme que l’homme nouveau venait visiter, c’est l’homme dégradé, l’homme révolté, l’homme de colère, dont nous sommes tous les enfants.

Quelle est grande votre bonté, Seigneur, de vous souvenir de nous et de ne pas vous souvenir des motifs qui devaient nous condamner à un éternel oubli, de votre part! Ah! faites que nous nous souvenions toujours de ce que nous sommes, afin d’écouter toujours votre parole avec le respect qu’elle mérite!

Mais combien l’écoutent ainsi, et voilà ce qui fait mon sujet d’effroi. Que de nations que [la] lumière divine a éclairées et qu’elle laisse aujourd’hui dans les ténèbres! Sur combien de peuples le soleil des intelligences s’est-il levé et pour qui il est couché depuis longtemps? Mon Dieu, en sera-t-il de même de la France et le nombre de ses insultes approche-t-il de la mesure fixée par votre justice? Mes frères, je tremble, lorsque je songe à l’abondance d’instructions que reçoivent les catholiques et au peu de fruits que ces instructions produisent. Je tremble en pensant à cette terrible parabole, par laquelle le Sauveur des hommes expliquait les effets de la parole divine. Ah! laissez-moi vous le demander, en quelle classe faut-il vous ranger? Votre coeur est-il comme ces chemins publics sur lequel le grain ne germe pas? ou s’est-il desséché par l’aridité de votre prière qui n’attirait pas la rosée de la grâce? ou bien encore a-t-il été étouffé par le tumulte des affaires et des passions? Mes frères, où en sont vos résolutions? où en sont les résultats après tant d’instructions, tant d’avertissements, tant de traits lancés du haut de la chaire évangélique? Encore un coup, mes frères, où en êtes-vous? Et toutefois rappelez-vous que la parole ne revient pas vide vers le Seigneur; non, elle ne revient pas vide, et c’est pour cela que lorsqu’elle ne revient pas avec des fruits de grâces, elle revient avec des fruits de vengeance. Mes frères, encore un coup qu’avez-vous fait de la parole? Verbum meum non revertitur ad me vacuum.

Hélas! hélas! va venir le temps où s’accomplira ce dont le fils de l’homme menaçait un évêque de la primitive Eglise: Voilà que je vais déplacer le flambeau que j’ai mis dans votre Eglise: Movebo candelabrum.

Ah! mes frères, que je tremble pour vous, et qui ne tremblerait pas lorsqu’on pense aux lumières dont vous êtes entourés et à l’abus que vous en faites, tandis que tant de malheureuses nations gémissent dans les ténèbres! Que je tremble, lorsque je pense à tous ces accusateurs qui se lèveront un jour pour vous demander compte du bien que vous auriez pu en retirer! Mais qu’arrive-t-il pour la plupart du temps? c’est que vous ne l’écoutez pas cette parole, vous la fuyez pour deux motifs opposés en apparence, mais qui s’expliquent lorsqu’on réfléchit sur les incroyables contradictions du coeur humain; vous n’allez pas l’entendre par dégoût et par peur. Oui, par dégoût et par peur. Vous n’allez pas l’entendre par dégoût, et pourquoi? Parce que, dites-vous, les prédicateurs de nos jours ne semblent pas assez à la portée du siècle. Hé bien, je vous l’accorde pour un moment, je vous accorde que les ministres des autels sont les hommes les plus ignorants de leur époque, qu’ils prêchent sans aucune des qualités nécessaires pour charmer vos oreilles, qui ont le droit d’être difficiles, et toucher votre coeur qui ne s’est jamais laissé aller qu’aux émotions noblement exprimées. Une seule question, mon frère, vous êtes catholique et vous croyez après tout que ce qui se prêche dans nos églises, quelque grossière qu’en soit la forme, est pourtant la parole de Dieu. Hé bien, qu’y a-t-il de plus étonnant ou de la bonté de Dieu, qui pour arriver à l’homme consent à se voiler sous cette parole rude et grossière, incorrecte de ses ministres, ou de l’insolence de l’homme qui refuse d’écouter la parole de son auteur, de son maître souverain, parce qu’elle ne lui parvient pas en des termes assez recherchés? Si quelqu’un avait ici à se plaindre serait-ce l’homme ou serait-ce Dieu? Or Dieu non seulement ne veut pas une parole trop recherchée, il nous le déclare positivement par son apôtre et le Saint-Esprit nous en donne la raison: Ut non evacuetur crux Christi.

Hé bien, dites-moi, quand vous avez cru trouver un prédicateur tel qu’il vous le fallait, que vous vous êtes extasié devant les pompes de ses phrases, l’harmonie de ses périodes, le choix de ses épithètes, la finesse de ses pensées, la pureté de son style, quel fruit en avez-vous retiré? en êtes-vous sorti plus convaincu des vérités de la religion, de la profondeur de votre misère, de la nécessité de votre conversion? Non, vous êtes allé entendre ses prédications, comme vous seriez [allé] entendre une composition de musique. L’église a été pour vous un théâtre, la chaire une scène, et le ministre de l’évangile un acteur. Que ma langue se dessèche, avant de participer à un pareil mystère d’iniquité!

Mais non, mon frère, ce n’est pas seulement parce que les ministres de l’évangile ne sont pas à la hauteur de leur mission qu’habituellement vous allez si peu vous [= l’] entendre. Ce n’est pas à moi à faire l’éloge d’un clergé auquel je suis fier d’appartenir; mais je crois que si l’on établissait une proportion entre les talents des divers corps, il pourrait se présenter avec quelque confiance. Mais il y a un autre motif pour lequel vous fuyez la parole de Dieu, c’est que vous en avez peur, et vous, mon frère, qui n’avez pas peur, qui venez ici avec tant d’empressement, apprenez un secret auquel il est bon que vous soyez initié: La foi n’est pas aussi éteinte dans les coeurs que certains hommes le prétendent. On a beau dire [que] l’on ne croit plus, la parole de Dieu est trop brûlante pour ne pas faire ressentir son influence à une foule d’âmes qui se disent glacées. Mon Dieu, votre parole est violemment enflammée, s’écriait votre prophète: Ignitum eloquium tuum vehementer, et servus tuus dilexit illud. Ceux qui ne la craignent pas l’aiment, mais ceux qui ont des motifs de la redouter la fuient. Et vous avez peur de ses atteintes; le remords allait s’éteindre dans votre coeur et vous sentez que la parole de Dieu va le rallumer. Voilà pourquoi vous ne venez pas. Elle va, cette parole divine, jeter une lumière effrayante sur vos habitudes corrompues, sur votre fortune injustement acquise, sur une haine que vous ne voulez pas sacrifier, sur le mépris des lois de l’Eglise dans lequel vous voulez vivre, et c’est pour cela que vous la fuyez.

Qu’à moins d’être aussi insensé que coupable, vous devez à cause de cela même la désirer! Oui, vous êtes insensé, si vous ne la désirez pas; oui, parce qu’il n’y a qu’un fou qui étant malade repousse le remède qui pourrait le guérir. Et vous êtes malade, grandement malade, et c’est parce que vous êtes malade que vous refusez le remède. Oui, vous êtes coupable, parce que la parole de Dieu c’est la vérité, et la vérité subsiste éternellement. Il ne dépend pas de vous que Dieu ne soit Dieu, qu’il n’ait donné des commandements aux hommes, et qu’il n’ait confié à ses ministres le soin de les interpréter; et il ne dépend pas de vous que Dieu ne punisse d’un supplice éternel ceux qui n’obéissent pas à ses lois, ceux qui refusent d’en prendre connaissance. Voilà la vérité, et vos négations ne l’ébranleront pas, parce qu’elle subsiste de toute éternité et que le terme de sa durée est encore l’éternité. Et veritas Domini manet in aeternum.

Prenez donc votre parti, écoutez-la cette parole avec le désir d’un être qui cherche le moyen d’arriver au bonheur. Recherchez-la cette parole comme le trésor de tous le plus précieux, et elle vous éclairera, et elle vous gardera, et elle vous fortifiera. Recherchez-la en vous souvenant de ce que vous êtes, du danger de la profaner. Désirez-la de toute l’ardeur de vos désirs. Heureux, s’écriait le prophète, ceux qui scrutent les témoignages que le Seigneur donne aux hommes et qui les cherchent de tout leur coeur! Beati qui scrutantur testimonia ejus, in toto corde exquirunt eum. Ah! si elle vous parle, ne la rejetez pas: Hodie si vocem ejus audieritis, nolite obdurare corda vestra, et Dieu sera avec vous.

Notes et post-scriptum
1. Les paragraphes qui suivent (6 à 17) jusqu'à la première partie sont des notes jetées par l'auteur sur une page paire (la p. 64) de son cahier, dont les pages impaires sont réservées au texte même des sermons.