[Cahier de sermons de 1838-1839]

Informations générales
  • TD50.120
  • [Cahier de sermons de 1838-1839]
  • [Sermon] Sur le péché.
  • Orig.ms. BL1, pp. 181-187; T.D. 50, pp. 120-123.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 BONHEUR
    1 CATECHISME
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CONNAISSANCE
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 DECADENCE
    1 DESIR
    1 DESOBEISSANCE
    1 DIEU LE FILS
    1 DIEU LE PERE
    1 DROITS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 ETRE HUMAIN
    1 FAUTE D'HABITUDE
    1 FOI
    1 GUERRE
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 IGNORANCE
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 INTELLIGENCE
    1 LOI DIVINE
    1 MONDE CREE
    1 MORT
    1 ORGUEIL DE LA VIE
    1 PECHE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 REVOLTE
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SERMONS
    1 SOUFFRANCE
    1 SOUMISSION DES SUJETS
  • 1838-1839
La lettre

Scito, et vide quia malum et amarum est, dereliquisse te Dominum Deum tuum.

L’homme portant ses regards autour de lui se trouve comme enveloppé de mystères. S’il scrute les facultés de son intelligence, il reconnaît qu’elles sont faites pour posséder la vérité, et que cependant elles sont réduites à subir l’engourdissement de l’ignorance, à courir après la fumée de vains systèmes. S’il descend dans son propre coeur, il sent au fond de lui-même un désir invincible de bonheur, et la souffrance l’accable; s’il sort de lui-même, s’il porte ses regards au-dehors, la création lui apparaît comme un empire qui doit lui être soumis. Et cependant toute la nature lui a déclaré la guerre. Quelle est donc cette contradiction? Il demande la vérité, et l’erreur seule lui répond; il aspire au bonheur, et la douleur étend une main de fer sur son existence. Il veut user des biens de la terre, et ils lui échappent ou se tournent contre lui, et pour comble de maux, son existence est incertaine dans sa durée, lui échappe à chaque instant; à chaque instant la fin de ses semblables l’avertit que toute vie, toute existence vient s’engloutir dans un abîme que l’on appelle la mort. Quelle est donc la cause de tant de larmes, de tant de déceptions? quelle est la clef de cette énigme lugubre? A cette question la foi répond: l’esprit de Dieu planant sur les ruines de l’humanité adresse par la bouche du prophète à la triste postérité d’Adam ces lamentables paroles: Scito, et vide.

J’entreprends aujourd’hui de vous faire voir comment le péché a corrompu pour l’homme les sources de la vie et celles du bonheur. Et pour cela je me propose de le considérer dans sa nature et dans ses effets.

Révolte par rapport à Dieu, dégradation par rapport à l’homme.

Première partie. Du péché considéré dans sa nature.

C’est une question, longtemps agitée [par] la philosophie livrée à ses propres forces: Pourquoi le mal subsiste-t-il? En d’autres termes: Pourquoi si Dieu est tout-puissant, permet-il tous les désordres dont nous sommes les témoins? Sans entrer dans le fond de cette question, je renverse la proposition des philosophes et je dis: Pourquoi l’homme que Dieu avait créé bon, à qui il avait défendu le mal, l’a-t-il fait? J’irai plus loin, et je demanderai à ces hommes qui veulent le pourquoi de tout: Pourquoi, vous qui vous faites en théorie des idées si exactes de la vertu, êtes-vous forcés de convenir que quelque facilité que vous apportiez à l’accomplissement de vos devoirs, vous restez au-dessous de l’idée de perfection que vous vous êtes faite?

Hé bien, la religion va vous éclairer.

Si je prends la définition que la lettre du catéchisme me donne du péché, je vois que le péché est une désobéissance à la loi de Dieu. Or remarquez, mes frères, comment dans cette définition si simple en apparence se trouve la plus haute philosophie. Etablissons d’abord que le péché attaque Dieu. Mais en Dieu il y a trois personnes, le Père, le Fils, le Saint-Esprit. Le Père qui est la puissance infinie, le Fils qui est la sagesse infinie, le Saint-Esprit qui est l’amour infini. Le péché attaque la puissance infinie, c’est-à-dire le Père, puisque c’est une désobéissance; il attaque la sagesse infinie, puisqu’il attaque la loi qui découle de l’éternelle sagesse; il attaque l’amour infini, puisqu’il ne se révolterait pas contre Dieu s’il l’aimait. Le péché est un acte de révolte contre Dieu le Père, la puissance, un acte de désordre contre la sagesse du Fils, un acte de haine contre l’amour du Saint-Esprit. D’où, m.f., pour connaître la nature du péché, il importe de voir ce qu’il fait à Dieu, ce qu’il fait à l’homme. Or cela se voit du même coup.

Dieu est la puissance infinie, qui l’ignore? mais Dieu est tellement puissant que tout lui appartient, tout découle de son infinie bonté. Tout ce que les créatures ont, elles l’ont reçu de Dieu: In ipso enim habemus vitam, et inspirationem, et omnia. Mais quoi! malgré ces dons précieux, nous disons à Dieu que nous ne voulons pas reconnaître sa puissance, puisque nous ne voulons pas lui obéir. Que fait-on lorsqu’on se sépare d’un prince à qui on ne veut pas obéir? ou on lui donne la mort ou on l’envoie en exil. Mais si ce prince est assez fort pour se maintenir sur son trône, n’aura-t-il pas le droit de punir ses sujets rebelles? et plus le prince sera puissant, plus il aura le droit de punir. Mais si au lieu de punir, le prince dit, vous ne voulez pas de mon empire, hé bien, je vous accorde vos désirs; seulement je vais reprendre tout ce qui m’appartient et que je vous ai donné; n’aurait-il pas bien ce droit? Mes f., Dieu nous a donné le monde, Dieu nous a donné le soleil pour nous éclairer et nous réchauffer; il nous a donné les animaux pour nous servir; il nous a donné un corps, un coeur, une âme; il nous a donné la vie, n’a-t-il pas le droit de nous l’enlever, du moment que nous nous séparons de lui? Qu’il vous soit fait selon que vous avez cru. Vous ne voulez pas m’obéir, hé bien, sortez de mon royaume: c’est l’univers, puisque tout a été fait par moi, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans moi. Il fallait, m.f., vous présenter ces considérations pour vous montrer ce que fait le pécheur, quand il offense son Dieu. Il détruit Dieu autant qu’il est en lui, et à cause de cela même mériterait à l’instant même de rentrer dans le néant.

Mais Dieu se vengera, il viendra dans sa fureur et qui pourra lui résister?

Le pécheur attaque la sagesse de Dieu. Nous admirons les beautés de l’ordre physique. Elles sont sublimes, quelle perfection, quelle harmonie! Mais que le soleil suspende tout à coup la marche des saisons, vienne à errer, dans les airs quels chocs affreux, dans les astres quelles perturbations, et sur notre planète quelles désolations! Des contrées entières plongées pour un temps fatal dans d’épaisses ténèbres et dans toute l’horreur. Du fait d’astres consumés par la chaleur, plus d’ordre dans le cours des fleuves, dans le développement des arbres.

Mais qu’est-ce que le monde de l’intérieur auprès du monde de l’âme? Qu’est-ce que la terre auprès du ciel? Hé bien, ce que le soleil est pour la terre, l’homme, il faut le dire, l’est pour l’univers. Et quand l’homme se révolte, il viole les lois de la sagesse éternelle.

L’homme qui pèche attaque la sagesse de Dieu, attaque la providence: Dixerunt quomodo scit Deus, et si est scientia in excelso.

Notes et post-scriptum