[Sermons pour l’Avent de 1841 à la cathédrale de Nîmes]

Informations générales
  • TD50.173
  • [Sermons pour l'Avent de 1841 à la cathédrale de Nîmes]
  • [III] Adam et Jésus-Christ.
  • Orig.ms. BL3, pp. 33-53; T.D. 50, pp. 173-183.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ACTE DE CREATION
    1 AMBITION
    1 AMOUR DIVIN
    1 AVENT
    1 BONHEUR
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CONCUPISCENCE DES YEUX
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 CORRUPTION
    1 CULPABILITE
    1 DECADENCE
    1 DEPOUILLE
    1 DESIR
    1 DESOBEISSANCE
    1 DIEU
    1 DOGME
    1 ENFER
    1 ERREUR
    1 ESPECE HUMAINE
    1 ETRE HUMAIN
    1 GRACE
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 HONTE
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 INSPIRATION BIBLIQUE
    1 INTELLIGENCE
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LIBERTE
    1 MISERES DE LA TERRE
    1 MORALE GENERALE
    1 MORT
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGUEIL
    1 PARADIS TERRESTRE
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PENSEE
    1 PERES DE L'EGLISE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 RACE DE SATAN
    1 REDEMPTION
    1 REVELATION
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SENSATION DE DOULEUR
    1 SERMONS
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 SOUVERAIN JUGE
    1 TYRANNIE DES SENS
    1 VERBE INCARNE
    2 ADAM
    2 EVE
    2 TERTULLIEN
    3 NIMES, CATHEDRALE
  • Avent 1841
La lettre

Sicut in Adam omnes moriuntur, ita et in Christo omnes vivificabuntur.

Il n’est aucun homme qui ne se soit demandé: Pourquoi ai-je en moi le désir de bonheur? Pourquoi ne suis-je jamais complètement heureux? Pourquoi au contraire le malheur semble-t-il s’appesantir sur moi? Pourquoi le désir du bonheur? et pourquoi la souffrance? Pourquoi le mal sur la terre? Il y a longtemps que les hommes se sont posé cette question terrible, et qu’ils ont essayé de lui donner une solution. Ils en ont trouvé mille, mais pas une ne satisfait pleinement. Celle que je viens vous donner n’est ni de moi, ni bien neuve. Il y a six mille ans que Dieu la donna à notre premier père, dans le paradis terrestre. Les hommes ont fait semblant de l’oublier, soit parce qu’elle humiliait leur orgueil, soit parce qu’ils voulaient se donner le triste plaisir de trouver une autre clef à l’énigme de leurs souffrances; comme si proposer une origine fausse à un mal incurable devait changer la nature de ce mal.

Je le répète, au milieu de toutes les solutions philosophiques que hors du christianisme et dans le christianisme on a prétendu donner à l’origine du mal, je sens qu’il faut un certain courage pour revenir sur ce dont on ne veut plus, sur le péché originel. Hé bien, j’en suis fâché, mais il faut savoir présenter quelquefois la vérité toute nue. Vous êtes dans la souffrance parce que vous le méritez, et vous le méritez parce que vous avez en vous les suites du péché originel. Qu’est-ce donc que le péché originel? C’est la faute que commit Adam dans le paradis terrestre, lorsque séduit par sa femme, tentée elle-même par le démon, il mangea du fruit défendu. Adam avait été créé immortel, non qu’il lui fût impossible de mourir, mais parce qu’il pouvait ne pas mourir. Il avait, selon le langage des Pères, une immortalité inférieure, en opposition à l’immortalité supérieure: Majorem immortalitatem, à laquelle il eût été élevé et sans passer par la mort, s’il eût voulu être fidèle. Outre les dons naturels, il avait ce que les théologiens appellent la justice originelle, c’est-à-dire toutes les grâces nécessaires pour communiquer avec Dieu.

Je sais qu’ici, tout d’abord, je choque les idées, non seulement du monde philosophique de nos jours, mais encore d’une foule de docteurs qui se disent chrétiens et qui, à mon gré, devraient franchement reconnaître qu’ils ne le sont plus, puisqu’ils détruisent le but de la mission du Christ sur la terre. Je sais qu’on prétend nier: 1° la nécessité de l’ordre surnaturel, c’est-à-dire le besoin où nous sommes pour faire le bien d’être aidés de Dieu; 2° la possibilité que Dieu nous parle directement. On dit: Dieu ne peut pas nous aider, parce que cela n’est pas nécessaire. On dit en second lieu: Dieu ne peut parler à l’homme directement, parce qu’il n’y a aucun rapport entre Dieu qui est infini et l’homme qui est fini. A quoi je réponds que les deux objections se détruisent elles-mêmes. Quoi! vous dites que l’homme n’a pas besoin d’un secours plus fort que sa nature ne le comporte, et vous-même vous déclarez ensuite que l’homme ne peut s’élever directement jusqu’à Dieu. Mais s’il ne peut s’élever directement jusqu’à Dieu, c’est parce que sa nature est trop faible. Donc il a besoin d’une secours pris en dehors de sa nature. Mais, dites-vous, Dieu infini ne peut parler à l’homme qui est fini. Je pourrais vous répondre tout d’abord: oui, vous avez raison, Dieu ne peut parler à l’homme le langage divin, et voilà pourquoi la parole de Dieu qui est son Fils s’est faite homme. Mais je veux vous répondre différemment. Vous dites: Dieu ne peut parler à l’homme. Laissez-moi vous faire une seule question: Croyez-vous que je puisse vous entendre? croyez-vous que je puisse vous voir? croyez-vous que je puisse vous parler? Quoi! la faculté que Dieu m’a donnée, il ne l’aura pas? Qui plantavit aurem, non audiet, aut qui finxit oculum, non considerat?

Mais, je l’avoue avec vous, cela n’est pas dans l’ordre naturel, et c’est précisément pourquoi cela est dans l’ordre surnaturel. Donc il n’y a aucune absurdité à établir: 1° qu’Adam créé avec ses facultés naturelles seules ne pouvait correspondre directement avec Dieu; que Dieu l’avait élevé à cause de cela même à quelque chose de plus haut que sa nature. Et c’est ce que les théologiens appellent la justice originelle. Adam est tenté, il succombe, il est puni: 1° par la perte de ses dons surnaturels; 2° par l’affaiblissement de ses facultés naturelles; 3° par la mort.

C’est beaucoup pour une pomme, s’écrient certaines gens. Oui, j’en conviens, c’est beaucoup, mais ce n’est pas trop. C’est beaucoup, mais si vous voulez y réfléchir, Adam ne méritait pas moins: 1° Etablissons quel était celui à qui il désobéissait; c’était son Dieu et son bienfaiteur; 2° l’état où il avait été élevé; 3° la nature de l’ordre qui lui était donné. Ce n’était qu’une pomme? Eh oui, et c’est à cause de cela même qu’il était coupable, car c’était être bien fou que malgré les menaces de Dieu il sacrifiât son bonheur éternel à une pomme.

On a trouvé plus digne de Dieu de supposer que l’histoire du serpent et de la pomme était une fable, une allégorie, une parabole, un mythe, pour me servir de l’expression reçue. Et pourquoi? Parce que ce récit est trop peu digne de la dignité de Dieu. Pour moi, qui crois que Dieu connaît bien mieux que les hommes ce qui est de sa dignité et qui crois que Dieu a dicté la Bible, je crois qu’en dictant ce chapitre, il ne pensait pas très fort à sa dignité, mais qu’il voulait l’établir sur l’humiliation de l’homme. Le péché était entré dans le monde par l’orgueil, et Dieu voulait le punir cet orgueil en vous et en moi par le récit honteux de la manière dont Adam s’était laissé séduire; qu’il deviendrait un Dieu, parce qu’il mangerait d’un certain fruit. – Il était trop éclairé pour le croire. – Mais cependant il voulut l’essayer, et les incroyables superstitions de la plupart des incrédules sont là pour attester que sur ce point la nature humaine ne change pas.

Donc Adam a très bien pu manger d’une pomme et être très cruellement puni. Rien ne s’y oppose, mais voici ce qu’il y a de plus terrible, c’est qu’en lui nous avons tous péché. Les philosophes déclarent qu’ils ne comprennent pas. Je n’en suis pas surpris. Dieu ne veut pas que vous compreniez, et il ne veut pas que vous compreniez précisément à cause du péché originel. Que disions-nous tout à l’heure? Qu’Adam coupable avait été dégradé dans ses facultés naturelles, son intelligence a été enveloppée de ténèbres, et voilà pourquoi vous ne comprenez pas. Il est très juste que vous ne compreniez pas pourquoi vous êtes coupable, afin que comprenant au moins que vous êtes puni par l’affaiblissement de votre intelligence, vous compreniez que vous êtes puni parce que vous êtes coupable.

Mais, me direz-vous encore: Je ne suis pas puni. Oh! ceci est trop fort, et vous eussiez été capable, lorsque le Seigneur après avoir lancé contre Adam la sentence de sa justice, se prenant à rire avec une ironie divine, dit: voilà qu’Adam est devenu comme l’un de nous; Ecce Adam quasi unus ex nobis factus est; vous eussiez été capable de regarder Dieu en face et de lui dire: Vous avez raison.

Quoi! vous n’êtes pas puni? quoi! vous ne ressentez aucune blessure dans votre orgueil? vous n’avez jamais formé de désir qui n’ait pas réussi? vous avez toujours écrasé vos rivaux? vous avez obtenu toutes les places que vous recherchiez; tous les genres de gloire vous les avez obtenus? vous n’avez jamais éprouvé des mouvements de rage, au triomphe de votre rival? vous n’avez jamais éprouvé de dépit de vous trouver éclipsé? vous avez trouvé quelque chose de réel dans la fumée de la gloire humaine? vous l’avez toujours obtenue selon la mesure où vous la vouliez? et quand vous l’avez eu acquise, vous n’en avez pas été rassasié?

Hé bien, montez sur le piédestal de votre ambition, couronnez-vous de vos succès et bravez le Seigneur; vous êtes son égal en puissance comme Adam: quasi unus ex nobis factus est.

Vous n’êtes pas puni? Laissez-moi donc percer les ténèbres de votre intelligence, elle ne réclame aucune lumière, votre mémoire ne vous faillit jamais, et votre raison résoud tous les problèmes. Vous savez ce qui est et ce qui a été et ce qui sera. Dites-moi donc ce qu’est l’homme à son origine, ce qu’est la terre, ce qu’est la matière, l’intelligence, ce que c’est que le temps, ce qu’est la vie, la mort; vous savez tout cela et vous avez pénétré Dieu dans son essence(1).

Vous n’êtes point puni? Quand donc votre ambition a-t-elle été satisfaite? Quand votre orgueil a-t-il été content? Quand avez-vous eu fait assez de bruit? Quand avez-vous eu assez triomphé de votre ennemi? Quoi! vous n’avez jamais éprouvé de déboires, de répits, de rages?

Mais non; tout vous réussit, tous vous admirent, les honneurs objet de vos désirs vous environnent de toutes parts. Montez donc sur le piédestal de votre ambition, couronnez-vous de vos succès, bravez le Seigneur. Oui, vous êtes très grand, vous êtes l’égal de sa puissance, Ecce Adam quasi unus…

Vous n’êtes point puni? mais quand votre raison vous a-t-elle appris quelque chose? que sait-elle?

Quoi! Vous pourriez me dire ce qu’est l’univers? l’origine des choses? mais non, vous avez tout approfondi, tout scruté; la lumière de votre intelligence défie la lumière qui est Dieu même. Vous êtes aussi sage que lui. Votre science égale la sienne, Ecce Adam quasi unus ex nobis factus est.

Vous n’êtes point puni? et les désirs de vos passions sont toujours satisfaits, vous jouissez d’un bonheur inaltérable, les passions les plus honteuses ne vous livrent aucune guerre, vous vivez en paix avec elles, elles ne vous ont jamais courbé sous leur joug, vous n’avez jamais gémi d’être leur esclave.

Je vous comprends, vous avez effacé le nom divin de votre vocabulaire, et vous avez dit: il n’y a plus ni vices ni vertus. Vous avez brisé toute loi et vous avez dit que vous n’obéiriez plus à Dieu. Vous avez raison, s’il est vrai qu’il n’y ait ni vices ni vertus. Vous êtes l’égal de Dieu, il me charge de vous le dire de sa part: Ecce Adam…

Vous n’êtes point puni? mais expliquez-moi cette honte qui s’attache aux mystères de la formation des familles. Il y a six mille ans, Adam pécheur dit au Seigneur: J’ai craint, parce que j’étais nu. Pourquoi éprouvez-vous la même impression de honte? pourquoi les vêtements? Mais non, vous n’êtes pas puni, la pudeur n’est qu’un mot et vous êtes prêt à renouveler ces scènes de turpitude dont le paganisme a rougi. Votre nudité est votre parure. Vous avez raison, Dieu est votre égal: Ecce Adam quasi unus ex nobis factus est.

Vous n’êtes pas puni? Quoi! la douleur physique ne vous a jamais atteint? quoi! vous n’avez pas senti ses impressions? Ah! de grâce, parlons sérieusement. Si vous êtes un heureux du siècle, je comprends que vous ne voyez pas cette nouvelle sentence portée contre les enfants d’Adam. Le sourire même de l’indignation ne saurait convenir. Quoi! tant d’enfants qui demandent du pain sans que personne le leur rompe, tant de familles où le père ne sait le matin ce qu’il donnera le soir à ses enfants, tant de mères dont la faim a tari le lait, tant de travaux et de si rares réjouissances? tant d’incertitudes de l’avenir, tant de déceptions, tant de larmes, tant de déchirements, et vous dites que nous ne sommes pas punis? Ah! mais non, le genre humain est en progrès, la misère s’enfuit, nous le voyons tous les jours, la somme des jouissances augmente, le paradis terrestre reparaît sur tous les points du globe, le véritable ciel c’est la terre, et l’homme en est le Dieu tout-puissant, souverainement heureux. Ecce Adam…

Vous n’êtes point puni? mais vous n’avez jamais ressenti la dissolution de votre corps, vous n’avez jamais vu un cadavre, vous n’avez jamais perdu quelqu’un? quoi! tant d’enfants morts en naissant! Quoi! tant de contagions, de guerres qui moissonnent les générations, ces terreurs que la mort inspire, cette horreur des cadavres, ce déchirement d’une séparation, tout cela n’est point un châtiment, la main de Dieu ne s’y montre pas? Eh bien, bâtissez-vous un temple avec les ossements de vos pères, pétrissez-en le ciment avec de la poussière humaine, déclarez-vous-y éternel, et dites à Dieu qu’il n’est rien de plus que vous, Ecce Adam quasi…

Vous n’êtes pas puni? L’incertitude des mystères que renferme la tombe n’est donc rien pour vous? bravez tant que vous voudrez le remords; pour moi, qui ai la foi, je vous dis de la part de Dieu que quand votre orgueil humilié, votre ignorance, la tyrannie de vos passions, les douleurs physiques, la mort ne seraient rien pour vous, ce n’est non plus rien pour Dieu. Ce n’est qu’un prélude, le commencement des douleurs: Haec initia dolorum, et que c’est au seuil de la vie qu’il vous attend pour vous faire connaître ce que pourra votre orgueil contre sa puissance, l’indépendance de votre raison contre sa sagesse, votre amour de vous-même contre son amour outragé. Ici, je n’ai plus à raisonner. J’ai quelque chose de mieux à faire. J’ai à vous avertir de la part de mon Dieu. Prenez donc garde de fatiguer sa patience par vos résistances, qu’il supporte parce que plus [il] attend, plus il est terrible dans ses vengeances.

Convenez-en, vous êtes puni, et Dieu étant juste vous êtes puni justement; mais si vous êtes puni, pourquoi? la révélation vous répond, à cause d’Adam qui a transmis à ses descendants la sentence portée contre lui. Mais vous êtes puni et vous ne pouvez vous relever de vous-même, car vous ne pouvez satisfaire; que ferez-vous?

Frappés de cette dégradation qui n’est incertaine que pour les aveugles volontaires, des hommes qui se disent chrétiens ont voulu l’expliquer à leur manière. Les uns ont dit: le péché originel subsiste, et il subsiste si bien qu’il vicie la nature de l’homme au point de le rendre à jamais incapable de faire aucun bien. Il y a dans sa nature une substance devenue mauvaise. Ce système renverse la morale, puisque si l’homme est nécessairement forcé de faire le mal, il n’y a plus de mérite ni de démérite pour lui. La main qui donnera la mort ne sera pas plus coupable que le poignard qui servira à frapper. Conséquense monstrueuse et que cependant on n’a pas craint de soutenir, il y a trois cents ans, en disant qu’il est inutile à l’homme de tenter de faire le bien, puisque par l’effet du péché originel ses actions bonnes aux yeux de Dieu, sont aussi coupables que les plus grands crimes.

A ce système on en a opposé un autre. On a dit que le péché originel n’était autre chose que l’imperfection qui s’attache à toute créature par cela même qu’elle n’est pas infinie. Mais de cette imperfection la faute en est à Dieu et non pas à l’homme. Si l’homme a été créé primitivement tel qu’il est, il n’y a point eu de dégradation en lui; si l’homme n’a pas été dégradé, il n’a pas été fait l’esclave de satan; s’il n’a pas été fait l’esclave de satan, il n’a pas eu besoin d’être racheté; s’il n’a pas eu besoin d’être racheté, il ne l’a pas été; s’il n’a pas été racheté, Jésus-Christ qui a déclaré qu’il répandait son sang pour la rédemption des pécheurs, a menti; s’il a menti, la religion qu’il a fondée est une imposture. Or cette religion c’est le christianisme. Mais si le christianisme est une imposture, rester chrétien et être forcé à cette conséquence c’est le fait d’un insensé ou d’un hypocrite. Choisissez. Donc: 1° on ne peut expliquer le désordre du monde que par le péché originel; 2° il faut admettre le péché originel tel que l’Eglise l’admet ou cesser d’être chrétien. Mais quel remède la doctrine de l’Eglise oppose-t-elle à ce péché? – Sujet de la seconde partie.

Seconde partie.

Je commence par avouer, chrétiens, que l’Ecriture qui a appelé Jésus-Christ le second Adam s’est appliquée à prendre le langage infirme des hommes, car à proprement parler le premier Adam était Jésus-Christ, puisque c’est sur celui-là que le père de la race humaine a été formé. Les saints Pères sont formels à cet égard, et Tertullien ne craint pas de dire qu’en tout ce que Dieu façonna avec le limon était dans la pensée de Dieu l’image de Jésus- Christ qui devait se faire homme: Quidquid exprimabatur, Christus cogitabatur, homo futurus. Suivons cette belle pensée, Dieu s’était proposé dans la formation du premier homme le modèle que son Fils devait réaliser un jour. Mais remarquez, je vous prie, avec moi la conséquence. Quand la copie se dégrade, Dieu manifestera le modèle. C’est ce qui eut lieu, en effet. L’homme tombe, il perd la justice originelle, et aussitôt son être tout entier est dégradé. L’ignorance s’empare de sa raison, la concupiscence de son coeur, la douleur de son corps. Il commence à mourir jusqu’à ce que son être frappé par la sentence du souverain juge meure d’une mort éternelle. Le crime et les suites du crime, tout passera à sa postérité. Et Dieu cependant veut le sauver et faire éclater les merveilles de son amour. Là où abondait le péché, là surabondera la grâce. Adam créé dans la justice pèche et meurt. Le Verbe de Dieu, la justice éternelle, mourra en prenant une chair de péché et détruira le péché par la peine du péché, c’est la mort, et Jésus-Christ payera la peine du péché afin que le péché soit vaincu. Mais remarquez toutefois la différence de l’origine. Primus homo de terra terrenus. Le premier homme est sorti de la terre, et il s’est fait terre en quelque sorte encore plus en prenant les désirs de la terre. Voyez, tous ses penchants l’y ramènent. Mais l’homme nouveau est descendu du ciel, Secundus homo de caelo caelestis. Adam est sorti de la terre, Jésus est descendu du ciel nous apportant l’amour du ciel, les biens du ciel, les désirs du ciel. Secundus homo de caelo caelestis. Voilà déjà ce qui nous indique deux natures différentes, ce qui nous offre deux principes d’action opposés; l’un agira pour jouir de la terre, l’autre pour posséder le ciel.

Quelle différence! L’un est frère des brutes, l’autre des anges. Que dis-je? par sa nature il est un peu au-dessous des anges, mais l’homme par excellence est au-dessus des anges, et c’est à lui que les anges doivent leur persévérance. Voyez-le s’élancer du haut des cieux: exultavit ut gigas ad currendam viam, et a summo coelo egressio ejus. Le prophète et l’Apôtre s’unissent; l’ancien et le nouveau testament n’ont qu’une voix pour nous avertir que son origine est le ciel: Secundus homo de coelo coelestis.

Mais voyez la différence quant aux effets: Factus est primus homo Adam in animam viventem, novissimus Adam in animam vivificantem. Le premier Adam est vivant, le second est vivifiant, la chair de l’un donne la mort à l’âme, la chair de l’autre donne la vie.

Et quel moyen emploiera-t-il? C’est toujours Adam, mais quelle supériorité! Dieu ne veut pas que l’homme soit seul. Dieu ne veut pas que le Christ soit seul. Il envoie un sommeil à Adam et forme Eve sa compagne. Jésus-Christ entre aussi dans un sommeil mystérieux, et l’Eglise est formée: Dormit Adam, ut fiat Eva; moritur Christus, ut fiat Ecclesia. Dormienti Adae fit Eva de latere, mortuo Christo lancea percutitur latus, ut profluant sacramenta, quibus formetur Ecclesia. Et le sacrement est grand en Jésus-Christ et dans l’Eglise. Sacrementum hoc magnum est, dico autem in Christo et in Ecclesia.

Suivons l’ordre de la dégradation: Per unum hominem peccatum in hunc mundum intravit.

Le péché entraîne la condamnation: Per unius delictum in omnes homines, in condemnationem. La condamnation entraîne un état de péché habituel: Per inobedientiam unius, peccatores constituti sunt multi.

L’état du péché entraîne la mort de deux manières: Per peccatum mors, et ita in omnes homines mors pertransiit, in quo omnes peccaverunt. Et la conséquence de la révolte, c’était le péché de chaque homme, Regnavit peccatum in mortem.

Jésus-Christ vient.

1° Il a l’abondance de la grâce: Abundantiam gratiae, et il est juste; il accomplit la loi, et sa justice est la justification des hommes.

Sicut per unius inobedientiam peccatores constituti sunt multi, ita per unius obeditionem justi constituentur multi.

Et sicut regnavit peccatum in mortem, ita et gratia regnat per justitiam in vitam aeternam, per J.C.D.N.

Sicut in Adam omnes moriuntur, ita in Christo omnes vivificabuntur.

Adam orgueilleux; Jésus-Christ humble, vidimus eum, nec reputavimus eum.

Adam curieux; Jésus-Christ: Nonne hic est faber, et fabri filius.

Adam sensuel; Virum dolorum.

Notes et post-scriptum
1. L'auteur a passé une ligne et tiré un trait entre ce paragraphe et le suivant.