[Notes d’instructions vers 1841]

Informations générales
  • TD50.288
  • [Notes d'instructions vers 1841]
  • [Notes de deux instructions sur la nécessité de l'instruction religieuse]
  • Orig.ms. BL14, pp. 129-133 et 157-169; T.D. 50, pp. 288-290 et 297-300.
Informations détaillées
  • 1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 ATHEISME
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 CALOMNIE
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 COMMANDEMENTS DE DIEU
    1 CRAINTE
    1 CREATION
    1 CREATURES
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DEVOIRS DU PRETRE
    1 DIEU
    1 DOUTE
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EDUCATION EN FAMILLE
    1 ENSEIGNEMENT
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 FAUSSES DOCTRINES
    1 IGNORANCE
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 LAICAT
    1 MISSION DES LAICS
    1 PERSEVERANCE
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 PREDICATION
    1 RENOUVELLEMENT
    1 REVELATION
    1 THEOLOGIE
    1 VERITE
    1 VIE DE PRIERE
    2 ARGAUD
  • vers 1841
La lettre

[A] Nécessité de l’instruction.

Mirabilia testimonia tua, ideo scrutata est anima mea.

Le monde est partagé entre les hommes qui ne croient pas et ceux qui croient. Or je viens dire aux uns et aux autres: instruisez-vous, soit que vous n’ayez pas la foi, soit que vous l’ayez.

1° – Nécessité de s’instruire pour ceux qui n’ont pas la foi. Ou vous croyez posséder la vérité ou vous croyez ne pas la posséder? Si vous croyez la posséder, permettez quelques questions. La vérité est une; avez-vous un système tellement complet que tout y converge? N’y a-t-il aucune difficulté pour vous dans l’explication des grandes questions?

Permettez que je vous en pose trois seulement: L’existence du monde, votre nature, la providence.

L’existence du monde. D’où sort-il? est-il créé ou non créé? Si créé, avez-vous expliqué le fait de la création? si non créé, qu’est-ce que la matière éternelle?

Votre nature. Avez-vous une âme, n’en avez-vous pas? Si vous en avez une, est-elle immortelle? si immortelle, où va-t-elle après le corps? si non immortelle, qu’est-ce que le bien et le mal moral? qu’est-ce que votre pensée? qu’est-ce que votre volonté?

Dieu. Qu’est-ce que Dieu? Qu’est-ce que la providence? Etes-vous fataliste? êtes-vous déiste? Croyez-vous aux effets sans cause? Pourquoi tant d’avortements? jusqu’à ce que vous ayez examiné tout cela et que vous ayez donné une réponse à tout, réponse dont l’un ne contredise pas l’autre, je vous dirai: étudiez. Et si vous êtes de bonne foi, vous serez forcé de convenir qu’il est quelques questions qui laissent dans le doute.

Et c’est par là que vous entrez dans la seconde hypothèse où vous doutez si vous êtes dans la vérité; mais cette position n’est pas tenable, car je vous suppose une intelligence bien faite aimant la vérité, alors qu’elle ne la possède pas encore.

Or voici les problèmes qui vous sont toujours présents:

Il est possible que Dieu soit ou non.

Il est possible que j’aie une âme ou non.

Il est possible que je sois damné ou non.

Or je vous fais l’honneur de croire que vous comprenez assez vos intérêts pour voir les conséquences que la solution de ces questions auront pour vous.

Mais, me direz-vous, la philosophie a jusqu’à ce moment laissé ces questions insolvables. Je suis de votre avis, et c’est pour cela que je pense que ce n’est pas à la philosophie que vous devez vous adresser. Mais, direz-vous, je ne puis pas croire. Ah! mon frère, ce ne sera pas moi qui vous jetterai la pierre. Qui n’a pas passé par la torture du doute? et je bénis Dieu de me l’avoir fait subir, afin de me donner un plus grand amour pour vous. Hé bien, étudiez encore en joignant à l’étude la prière, et votre âme s’éclairera: Tunc videbis, et affluens, et mirabitur, et dilatabitur cor tuum.

2. – Nécessité de l’instruction pour ceux qui ont la foi.

1. Cette instruction proportionnée aux classes. Mais vous avez la foi: elle est faible, il faut l’affermir. Mais il faut étudier dans l’ordre de la foi, et si vous doutez, ne pas douter encore plus. Mais non, vous vous contentez d’une instruction superficielle. Est-ce ainsi que vous faites pour votre état?

Médecin.

Avocat.

Négociant.

Et pour l’affaire du salut que faites-vous?

Que savez-vous depuis votre catéchisme? Ce que vous avez lu, quelques sophismes que vous n’avez pas compris et sur lesquels vous êtes resté; ces feuilletons immoraux, ces romans infâmes; et vous croyez vous instruire?

Votre foi est forte(1). Vous devez vous instruire pour rendre compte de votre foi. Beauté de la mission des catholiques: Vos estis estis sal terrae; vos estis lux mundi.

[B] Nécessité de l’instruction.

Pardonnez-moi, mes frères, si en commençant la série d’instructions que je me propose de vous donner pendant cette semaine, j’avance un paradoxe contre lequel se révoltera peut-être l’orgueil de plus d’un. On dit que nous sommes au siècle des lumières, et moi je dis que nous sommes au siècle de l’ignorance. Oui, nous sommes au siècle de l’ignorance et je dis qu’il faut en sortir. Je viens vous dire que vous êtes les enfants de la nuit, vous que Dieu avait faits enfants de la lumière et du jour.

Je prouve ma proposition: quelle est la véritable science? C’est celle qui dit à l’homme ce qu’il est. Or quelle philosophie aujourd’hui l’affirme? Je suppose pour un moment que je ne suis pas catholique. Je suis philosophe. Qui sait ce qu’il sera un jour? Donc sous ce premier rapport vous n’êtes que des ignorants. Mais je vous fais beaucoup d’honneur de croire que vous cherchez, vous ne cherchez pas. Quand cherchez-vous? Quand avez-vous cherché? Avec quelle légèreté avez-vous fait votre première communion? et depuis, qu’avez- vous fait? depuis, quels bons livres avez-vous lus? A quelles instructions avez-vous assisté? Quelles causes de ne pas croire dans votre conduite?

Mais vous avez des doutes. Et quand avez-vous cherché à les résoudre, à les éclaircir? Vous vous y plaisez dans ces doutes: Illic trepidaverunt timore, ubi non erat timor. Mais, dites-vous, l’ignorance n’est pas si grande. Voulez-vous que nous comptions dans cet auditoire combien d’hommes savent combien il faut croire de principaux mystères pour être sauvés? J’admets pour un moment que vous n’admettez pas ces mystères, mais avant de dire que vous ne croyez pas les dogmes religieux, faudrait-il savoir quels sont les trois dogmes fondamentaux du christianisme. Tous les jours nous recueillons les faits les plus inouïs. Un jour c’est une femme qui vient se confesser pour son mari, mort il y a dix ans; une autre fois, M. Argaud et le préfet.

Mais, me direz-vous, il faudrait que le clergé fût lui-même plus instruit. Et quand il le serait, à quoi cela vous servirait-il? Savez-vous quelle est la difficulté d’un prêtre? c’est d’être toujours au-dessus de son auditoire. Si le clergé parlait selon son instruction, vous ne le comprendriez pas. C’est vous qui êtes cause que le clergé n’est pas instruit ou ne vous prouve pas son instruction. Le clergé n’est pas instruit, mais il parle pour son auditoire. Or vous ne venez pas l’entendre; n’ayant qu’un auditoire de femmes, il parle pour des femmes.

Le clergé n’est pas instruit, ce n’est pas vrai. Quel est le corps qui achète le plus de livres? Témoignage de textes. Hé, encore une fois, mon frère, faut-il tant d’instruction pour vous dire: songez à votre salut? Mais non, vous avez peur du clergé et vous êtes bien aise de le déprimer, afin d’étouffer les remords que la vue d’une soutane réveille au fond de votre conscience. Si vous pensiez que cet homme est plus instruit que vous, vous n’auriez pas peur. Mais c’est un ignorant. Eh bien, oui, mon frère, c’est un ignorant; c’est bientôt dit.

Mais il est nécessaire de vous instruire, si vous n’avez pas la foi et si vous l’avez.

Si vous n’avez pas la foi. De quoi vous occupez-vous, mon frère, avocat, médecins? Autrefois quand les proconsuls citaient les martyrs, ils répondaient: chrétien. Mais, mon frère, il y a une cause qu’il faut gagner, une maladie qu’il faut guérir, y avez-vous pensé, vous en occupez-vous? Rappelez-vous qu’une négation ne détruit pas une vérité; rappelez-vous que la vérité c’est un fait et non pas un système; que quand vous aurez donné cent mille raisons pour prouver que le soleil n’existe pas, le soleil n’en existera pas moins.

Et qu’avez-vous fait jusques à aujourd’hui pour vérifier ce fait? Quoi! vous allez au tombeau, et vous n’y pensez pas. Quelles preuves avez-vous? Je vois chez vous des raisons de ne pas croire, mais aucune croyance, vous ne pouvez affirmer que des négations.

Quelles sont vos doctrines? Franchement je vous plains, si vous vous êtes mis à la remorque de quelques philosophes modernes. Oui, je vous plains, je les ai quelque peu étudiés; franchement c’est pitoyable. Seriez-vous par hasard inventeur vous-même? Je commence par vous déclarer que je vous crois capable de faire aussi bien que vos devanciers, mais ce n’est pas beaucoup dire. Et cependant voilà la planche sur laquelle vous espérez vous sauvez dans ce vaste naufrage de toutes les croyances. Insensé!

Mon ami, allons au but. Croyez-vous en Dieu? Oui ou non? Si vous n’y croyez pas, avez-vous examiné pourquoi vous n’y croyez pas? et les conséquences qu’aura pour vous la négation de la divinité?

Si vous croyez en Dieu, croyez-vous à la révélation? Si vous n’y croyez pas, avez-vous la certitude que par vous-même vous connaissez vos devoirs envers Dieu? Si vous croyez à la révélation croyez-vous seulement à la bible ou à l’autorité de l’Eglise? Si vous ne croyez qu’à la bible, êtes-vous assuré d’avoir le sens véritable? Et si vous croyez en même temps à la tradition, comment se fait-il que vous ne veuillez pas soumettre votre raison à l’autorité de l’Eglise? Je ne raisonne pas avec vous, mais je vous somme de la part de Dieu, si vous croyez en lui, de vous rendre compte de votre destinée. Car après tout, mon frère, moi, je sais. Je me trompe, je crois d’une foi certaine, invincible, qu’il y a un Dieu, et je sais que ce Dieu punit ceux qui le méprisent.

Mais, me direz-vous, j’ai la foi. Nécessité de vous instruire, mon frère, selon votre position. Voyez la foi attaquée. Il faut croire pour pratiquer et la foi se fortifie par l’instruction. Il faut être instruit pour élever vos enfants, il faut être instruit pour remplir votre mission. Mission des catholiques dans les temps modernes.

Notes et post-scriptum
1. A la hauteur de ce paragraphe, sur la page de gauche (p. 132), généralement non écrite, on lit la note suivante: "Il y a une autre arène sur laquelle les catholiques sont traînés."