COURS D’INSTRUCTIONS SUR DIFFERENTS SUJETS DE PIETE.

Informations générales
  • TD51.004
  • COURS D'INSTRUCTIONS SUR DIFFERENTS SUJETS DE PIETE.
  • Sur l'homme intérieur.
  • Orig.ms. BM3, pp. 61-68; T.D. 51, pp. 4-9.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CORPS DE JESUS-CHRIST
    1 INCARNATION MYSTIQUE
    1 MORT DE L'AME
    1 RENOUVELLEMENT
    1 SAINT-ESPRIT
    2 ACHAB
    2 ANANIE
    2 ELIE, PROPHETE
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 JEREMIE
    2 MARIE-MADELEINE, SAINTE
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 SAPHIRE
    2 ZEBEDEE
    3 ANTIOCHE DE SYRIE
    3 CADES
    3 DAMAS
    3 JERUSALEM
    3 LIBAN
    3 MONT CARMEL
    3 SAMARIE
    3 SICHAR
  • A des dames.
  • 1837-1839
La lettre

Rien n’égale les trésors de sagesse et d’amour que prodigue l’esprit de Dieu, quand il a résolu de subjuguer une âme, de détruire en elle l’orgueil de la vie ou de ranimer ses forces épuisées dans le combat, ou bien encore de guérir des blessures faites au coeur par les traits des passions.

Tantôt c’est une voix divine qui renverse les cèdres du Liban, remue jusque dans leurs profondeurs les déserts de Cadès. Tantôt c’est le souffle d’un vent léger qui soupire dans les solitudes du Carmel et fortifie Elie contre les persécutions d’Achab. Ce sont les pleurs de Jérémie versés sur Jérusalem coupable et captive. Ce sont les espérances du prophète qui a découvert dans l’avenir le libérateur attendu et salue de loin les promesses. C’est une voix douce et persuasive comme celle de Jésus, alors qu’il appelait à lui les fils de Zébédée, attendait au bord du puits de Sichar la pécheresse de Samarie, bénissait les petits enfants et instruisait à ses pieds Madeleine pardonnée.

C’est aussi une sentence de mort qui renverse, à la parole de St Pierre, Ananie et Saphire pour apprendre aux nouveaux croyants que l’on n’insulte pas en vain le Seigneur. C’est enfin un tonnerre qui terrasse Paul sur le chemin de Damas et le force à rendre gloire au Dieu qu’il persécutait.

Mais là où les prodiges de l’Esprit de Dieu éclatent surtout, c’est dans une âme qui s’est entièrement donnée à lui et qui le laisse maître, d’arracher et de planter, de renverser et d’édifier. Celles d’entre vous, m. D., qui ont soumis leur coeur aux saintes influences de l’amour savent ce que je veux dire. Plaise à Dieu que mes paroles inspirent le désir d’éprouver combien le Seigneur est bon pour ceux qui l’aiment, à celles d’entre vous, qui chancelantes encore n’osent avancer d’un pas ferme dans le sentier où la grâce les appelle! Pour comprendre l’étendue de ces prodiges, il faut établir d’abord avec saint Paul que le premier [pas] fait par une âme pressée par l’amour de J.-C., est un pas vers la mort. Ne vous étonnez pas de ces paroles. Pour vivre il faut que vous commenciez par mourir d’une mort spirituelle et que vous descendiez au tombeau avec Jésus-Christ, et que de même que le divin Sauveur se dépouille dans le sépulcre de la ressemblance de la chair du péché, vous participiez aux bienfaits de sa sépulture en vous dépouillant par le péché même. Or, l’apôtre nous avertit que le chrétien a été une fois enseveli avec Jésus-Christ dans les eaux du baptême, et toutes les fois qu’il retourne à la vie du péché, il faut qu’il retourne à une mort nouvelle par la grâce.

Toutefois le chrétien qui s’est généreusement élancé dans la voie des commandements de Dieu, n’éprouvant que rarement ces chutes lamentables, pour lui les choses de l’ancienne vie, les actions du vieil homme sont passées; tout pour lui est renouvelé, et la grâce brisant les liens de l’homme terrestre, il est revêtu par le Seigneur d’un homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la sainteté et la justice de la vérité.

Cet homme nouveau est encore appelé l’homme intérieur, mais quoique nouveau il n’est pas encore parfait, il ne le sera que lorsque nous aurons atteint la plénitude de l’âge du Christ.

Mais en attendant que ce jour arrive, il est pour nous nécessaire de travailler à acquérir, avec l’aide de la grâce, les qualités de l’homme intérieur, telles que saint Paul nous les peint dans l’épître aux Ephésiens.

Je considère trois caractères principaux que l’apôtre nous signale lui-même: 1° Jésus-Christ habite par la foi dans le coeur de l’homme intérieur; 2° Cet homme est fondé, est enraciné dans la charité; 3° Il a la science des saints. Et ces trois caractères réunis en forment un quatrième qui en est la perfection, c’est qu’il est rempli de toute la plénitude de Dieu.

1.

Je ne sais si vous avez remarqué, m. D., que l’on rencontre à chaque pas dans les Livres saints, tantôt que Jésus-Christ habite dans le fidèle, et tantôt que le fidèle habite dans Jésus-Christ. Saint Augustin nous explique le sens de ces paroles, lorsqu’il observe que l’on trouve aussi dans l’Ecriture que Dieu est appelé notre héritage et que nous sommes appelés l’héritage de Dieu. Haereditas nostra Deus dicitur, quia ipse nos pascit et continet, et haereditas Dei dicimur, quia ipse nos administrat et regit. De même l’Esprit-Saint dit que Jésus-Christ habite en nous, quand nous sommes mus et conduits par son esprit, et nous sommes dits habiter en Jésus-Christ, quand nous adhérons par la volonté à son impulsion. Jésus-Christ habite en nous en agissant sur nos âmes, et nous habitons en J.-C. quand nous cédons à son action sur nos volontés.

Il habite donc en nous par l’influence de sa grâce, mais lorsqu’il y habite par la foi, il y habite de manière à ce que nous reconnaissons sa présence. Dans combien de chrétiens, en effet, n’habite-t-il pas, sans que ces chrétiens veuillent le reconnaître; chez ceux-là il n’habite pas par la foi.

Mais si vous voulez vous faire une idée de ce qu’est cette habitation de Jésus-Christ dans nos âmes, il faut peser attentivement une parole de saint Jean Chrysostome. Ce Père commentait aux chrétiens d’Antioche la partie de la 1re Epître aux Cor., où l’Apôtre pour inspirer l’horreur des crimes de la chair, leur disait: Ignorez [-vous] que vos corps sont les membres de Jésus- Christ? et il s’écrie: Oui, il est très vrai, autant les membres d’un corps sont unis à la tête, autant nos corps sont unis à Jésus-Christ qui est la tête du grand corps formé par l’Eglise et dont nous sommes les membres. Et cette doctrine est parfaitement conforme à celle de saint Augustin, qui ne craint pas de dire, toujours d’après les paroles de l’Apôtre, que de même que tous les hommes ont péché en un seul homme et sont condamnés à la mort, en tant qu’ils sont nés de cet homme; de même les chrétiens ne peuvent espérer de salut que par un seul homme et qu’en tant qu’ils sont ensevelis par le baptême dans cet homme: Consepulti enim sumus cum illo per baptismum. De façon que de même que nous recevons d’Adam une vie qui pour nous est la source de la mort, nous recevons de Jésus-Christ la mort qui sera la source de la vie, en sorte qu’à proprement parler il n’y aura qu’un seul homme qui ressuscite, Jésus-Christ, et les autres ne ressusciteront que par lui et en lui, autant qu’ils auront reçu en lui la vertu de son corps ressuscité.

Je ne sais, m. D., si ces paroles vous donnent une idée suffisante de la puissance du corps de Jésus-Christ, et si vous comprenez maintenant l’union qui s’opère entre son corps et le corps de tous les hommes. Cette union s’opère dans le tombeau, et je comprends maintenant pourquoi Isaïe déclare qu’il sera glorieux. Ce n’est pas seulement parce qu’il sera le seul qui au dernier jour n’aura rien à rendre, mais encore parce qu’en lui Jésus-Christ se revêt de la gloire qu’il est venu chercher sur la terre, et en revêt en même temps l’humanité, en s’unissant à elle. Oui, nos corps sont les membres de Jésus-Christ, et c’est par notre union à celui qui est la tête du corps de l’Eglise que nous pouvons aspirer à la gloire et au bonheur. Mais si une union si grande subsiste entre nos corps et le corps de notre Sauveur, quelle union ne doit donc pas subsister entre nos âmes et son âme, et par son âme avec sa divinité! Car tout ce que je viens de dire n’avait d’autre but que de vous faire comprendre cette union spirituelle, que les paroles de l’homme ne pourraient exprimer. Union tellement intime qu’on n’en peut concevoir de plus grande que celle qui subsiste entre les personnes de l’adorable Trinité. Comprenez-vous? un être spirituel qui vient habiter dans un autre être spirituel pour l’animer, le diriger et lui faire produire des fruits de vie? Voilà le premier mystère que l’apôtre nous révèle dans l’homme extérieur. Mais reconnaissons-le, tant que nous sommes sur la terre tout ceci n’est aperçu que par la foi, mais en même temps la foi est la mesure de l’action de Jésus-Christ dans nos âmes…

Avais-je tort, m. D., de vous dire que rien n’égalait les prodiges de l’esprit de Dieu en faveur de l’âme dont il veut s’emparer. Hé bien, voici quelque chose de plus grand encore.

2.

C’est que non seulement Jésus-Christ habite en nous, mais nous habitons en Jésus-Christ. Et voyez les deux comparaisons dont saint Paul se sert pour nous faire comprendre ce mystère. La première est celle d’un arbre qui, planté dans un sol fertile, plonge de profondes racines et puise dans une telle terre une sève abondante. Ainsi l’âme du chrétien est plantée en Dieu même, ses racines s’alimentent de ses perfections et sa sève s’entretient de la substance divine. In charitate radicati. Et la charité ici c’est Dieu ou plutôt l’Esprit-Saint, qui en est l’amour. Voulez-vous une autre comparaison? Je ne fais que développer la pensée de l’apôtre: Vous avez vu ces monuments bâtis sur un roc inébranlable, braver les siècles et partager la force de leurs bases. De même le chrétien est un temple bâti sur Dieu même. Dieu en est la base, et le sang d’un Dieu versé par l’amour en est le ciment.

L’amour qui est Dieu est la base. Le sang de Jésus Fils de Dieu en est le ciment. Dieu le Père le couvre de sa gloire. Quel souffle de l’enfer sera assez puissant pour le renverser?

Mais le chrétien ainsi renouvelé dans tout son être par l’action divine est un homme changé et ne doit plus rien faire que sous l’influence de l’amour. Voilà ce qui devrait être. Est-ce ce qui est? Aussi l’apôtre qui comprenait combien il était difficile d’arriver à ce degré, déclare qu’il fléchit les genoux devant Dieu le Père, de qui toute paternité découle au ciel et sur la terre, pour qu’il daigne répandre de si grands dons sur eux.

Car il faut comprendre par contre-coup les obligations que cette charité nous impose. Dieu est amour et qui demeure dans la charité demeure en Dieu, nous dit St Jean. Si donc nous voulons avoir ce commerce si prodigieux avec Dieu, c’est pour nous une obligation de demeurer dans la charité. Et vous comprenez dès lors à quels efforts nous sommes obligés. Car si nous recevons avec l’amour de Dieu une vie divine, nous sommes obligés à ne plus vivre que pour Dieu et conformément à l’amour de Dieu. Et vous comprenez que l’amour de Dieu exclut l’amour de nous-mêmes, et que le règne de Dieu ne sera fortement établi dans nos âmes qu’autant que le règne de notre égoïsme en sera banni. La charité doit être le principe de toutes nos actions. Et de même que le tronc de l’arbre sert de canal à la sève pour parvenir des racines jusqu’aux fruits, de même nous ne devons, pour ainsi dire, que servir de canal à l’amour de Dieu pour vivifier toutes nos actions.

Mais si nous devons porter des fruits de charité, comment les manifesterons-nous? par notre amour envers le prochain. Ah, m. Dames, voici le principe de toutes vos bonnes oeuvres: Dieu et son amour.

Ne l’oubliez donc jamais, avec Dieu vous pouvez tout. Vous êtes une plante, et séparée de la terre elle meurt. Vous êtes un édifice; séparez-le de sa base, il s’écroule. Restons, restons appuyés, fondés, enracinés en Dieu.

3.

Science des saints. Charité de la science de J.-C.

Notes et post-scriptum