COURS D’INSTRUCTIONS SUR DIFFERENTS SUJETS DE PIETE.

Informations générales
  • TD51.013
  • COURS D'INSTRUCTIONS SUR DIFFERENTS SUJETS DE PIETE.
  • [Instructions à des dames sur le péché]
  • Orig.ms. BM3, pp. 181-186; T.D. 51, pp. 13-18.
Informations détaillées
  • 1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 HAINE CONTRE DIEU
    1 LOI DIVINE
    1 PECHE
    1 REVOLTE
    2 EZECHIEL
  • A des dames.
  • 1837-1839
La lettre

[1] DU PECHE

Je me propose de vous faire connaître le péché par l’insulte qu’il fait à Dieu, et par la manière dont Dieu le punit.

1° L’insulte.

Le péché est une révolte contre Dieu.

Le péché attaque: 1° sa puissance; 2° sa sagesse; 3° son amour.

1° sa puissance. Il donne à l’athée le prétexte de dire: Si Dieu est, comment permet-il que le mal subsiste?

Ascendit leo de cubili suo, et praedo gentium se levavit, egressus est loco suo, ut ponat terram tecum in solitudinem. Ecce non abbreviata est manus Domini ut salvare nequeat, neque aggravata auris ejus ut non exaudiat, sed iniquitates nostrae diviserunt inter vos et Deum vestrum, et peccata vestra abscinderunt faciem ejus a vobis ne exaudiret. Isaïe, 5 9.1.

Peccata vestra quasi quidam in medio murus oppositus, vos et Deum dividunt. Hieronymi, com.

Le péché se transforme en une seconde nature. Si mutare potest aetiops pellem suam, aut pardus varietates suas, et vos poteritis benefacere, cum didiceritis malum. Jerem. 13.

Voir la fin du chp. 5 d’Ezéchiel, pour prouver que tous les maux ont leur source dans le péché. Si un péché est la punition d’un péché, qui vous dit, quand nous nous mettons à pécher mortellement et volontairement, que nous n’arriverons enfin à donner de ces scandales qui effrayent les villes?

Puissance de Dieu dans le châtiment. Deus aemulator, et ulciscens Dominus; ulciscens Dominus, et habens furorem; ulciscens Dominus in hostes suos, et irascens ipse inimicis suis. Dominus patiens, et magnus fortitudine, et mundans non faciet innocentem. Dominus in tempestate et turbine viae ejus et nebulae pulvis pedum ejus. Increpans mare, et exsiccans illud; et omnia flumina ad desertum deducens. Infirmatus est Basan, et Carmelus, et flos Libani elanguit. Montes commoti sunt ab eo, et colles desolati sunt: et contremuit terra a facie ejus, et orbis et omnes habitantes in eo. Ante faciem indignationis ejus quis stabit? Et quis resistet in ira furoris ejus? Indignatio ejus effusa est ut ignis, et petrae dissolutae sunt ab eo. Nahum, 1, 1, 6.

Ténèbres, suites du péché: Et inimicos ejus persequentur tenebrae.

[2] SUR LE PECHE

Je ne sais, Mesdames, si vous avez été frappées quelquefois des délicatesses de la miséricorde divine, qui se proportionnant à notre faiblesse et à nos infirmités nous donne, pour ainsi dire, relâche dans le cours de ses grâces, afin que nous sollicitant ensuite avec plus d’instances et plus de vigueur, nous soyons forcés de céder à ses efforts. Le temps de la trêve accordée au péché a expiré, le combat recommence et Jésus-Christ vous demande de lui ouvrir enfin la porte de vos coeurs. Naguère c’était du fond de sa crèche, aujourd’hui sa voix vous appelle au désert et vous invite à préparer vos âmes pour entendre la parole divine, qui du haut de la croix tombera dans quelques jours avec son sang. C’est de sa part que nous venons vous engager à l’imiter dans cette pénitence, par laquelle il se prépara à l’oeuvre du salut des hommes. C’est de sa part que je viens vous dire: faites pénitence, car le royaume de Dieu est proche. Je me propose de traiter la question de la pénitence. Mais enfin pourquoi faut-il faire pénitence? Pourquoi? Parce que vous avez péché, et comme malheureusement vous avez la plupart du temps les idées les plus fausses du péché, je vais essayer de vous en donner une notion exacte, afin de vous en inspirer toute l’horreur qu’il mérite, et vous engager à user promptement des remèdes qui en arrêteront les tristes fruits dans vos âmes et préviendront de nouvelles rechutes.

Rien de plus important que la méditation du péché, pour les personnes qui ne tombant pas habituellement dans des fautes mortelles, endorment leur conscience, considèrent le remords comme inutile, engourdissent en elles les sentiments de contrition, et vivant sur leur réputation de personnes de piété sont convaincues, sans se le bien avouer, qu’il serait fort heureux que tout le monde fût comme elles. Elle n’est pas moins utile aux personnes que le péché tient captives depuis longtemps, ou que des chutes récentes, en leur donnant la triste preuve d’une faiblesse dont elles avaient trop douté, porteraient à désespérer de la bonté divine; voici pour elles le moment favorable et le jour du salut. Dieu est prêt à leur pardonner, à une seule condition: elles n’ont qu’à dire comme l’enfant prodigue: j’ai péché et Dieu oubliera leurs fautes, mais pour bien comprendre avec quels sentiments elles doivent en faire l’aveu, il faut nécessairement qu’elles méditent sur la nature du péché et sur ses tristes résultats. Les quelques réflexions que je vais vous suggérer s’appliquent donc à tous tant que nous sommes. Efforçons-nous de nous en appliquer franchement et généreusement ce qui en revient à chacun d’entre nous.

La beauté des lois du monde physique qui fait notre continuel étonnement, parce qu’elle s’adresse à nos sens, n’est qu’un faible reflet de la beauté des lois du monde des intelligences, par lesquelles des êtres capables de connaître et d’aimer entrent en rapport avec l’intelligence et l’amour infini.

On se fait aisément une idée des perturbations qu’amènerait dans le monde physique la violation d’une des lois principales. Que le soleil, par exemple, s’arrêtant dans sa course n’éclaire plus qu’un hémisphère, tandis qu’une partie du globe sera consumée par les feux, l’autre privée de lumière et de chaleur deviendra bientôt le domaine de la mort.

Pourquoi les perturbations de l’ordre moral nous frappent-elles moins? Pourquoi ne sommes-nous pas frappés des tristes effets que le péché a portés dans le monde?

Car le péché est une révolte contre les lois de Dieu. Or, ces lois sont l’expression de la volonté de Dieu même, elles sont l’image de cette loi éternelle qui est Dieu même. C’est par elles que l’homme arrive à la connaissance de Dieu, et que Dieu se prouve à l’homme; et l’homme qui pèche affaiblissant par sa révolte la connaissance de la loi affaiblit l’idée de la puissance et de la sagesse de Dieu; il affaiblit l’idée de son amour infini, car la suite du péché étant la souffrance, celui qui pèche soulève toujours cette objection de l’impie: Comment un Dieu bon peut-il former une créature pour souffrir et préparer des êtres pour les torturer?

Le péché est donc une protestation continuelle contre la puissance, la sagesse et l’amour de Dieu infinis. C’est une négation pratique de l’existence de Dieu. Négation de sa puissance. Nous avons péché, et que nous est-il arrivé de triste? Négation de sa sagesse: Dixerunt, quomodo scit Deus, et si est scientia un excelso. – Ergo sine causa justificavi cor meum.

Négation de son amour par l’ingratitude, par le désespoir ou par les objections que la vue des souffrances excite. Voilà pourquoi l’habitude du péché conduit à l’athéisme. Or Dieu ayant créé le monde pour être connu et glorifié voit son oeuvre attaquée dans son essence. Il n’est pas connu comme puissant, comme sage, comme bon.

Tentation pour le juste: Existimabam ut cognoscerem hoc, et labor est ante me.

Il faut considérer le péché dans les rapports qu’il viole entre l’âme et Dieu, et la manière dont il attaque Dieu extérieurement. Le pécheur dit à Dieu: je suis plus puissant que toi; je fais ce que tu m’as défendu, je brave tes coups; je suis plus sage et je combine les choses différemment; tes préceptes sont insensés, ta volonté n’est pas la mienne, que ta volonté se taise et que la mienne s’exécute. Et il lui dit: tu n’es pas bon; tu m’aimes, et moi je ne t’aime pas; garde ton amour, je réserverai le mien pour moi et pour les créatures que tu as mises à ma disposition; mais je ne remercierai ni de l’existence que tu m’as donnée, ni des biens dont tu m’as entouré. Je me réserve de murmurer contre toi et de blasphémer contre ta providence, quand tu appesantiras sur moi le bras de tes vengeances.

Ce n’est pas tout, et puisque je t’ai déclaré la guerre, je te la ferai à la face du ciel et de la terre, devant les hommes, les anges et les démons. Devant les hommes j’attaque ta puissance en me révoltant. Devant les anges j’attaque ta sagesse, pourquoi ne m’as-tu pas créé aussi puissant qu’eux? – Devant les démons, j’attaque ton amour. Dieu cruel, pourquoi les tourmentes-tu? Ah, dusses-tu me réserver un supplice semblable, autant je haïrai toujours ta bonté et je te haïrai pour moi et la créature.

Je porterai les hommes à douter de ta puissance, – je t’offense à la face du soleil et tu ne me punis pas! – de ta sagesse, à laquelle j’oppose la mienne; de ton amour par mes reproches.

Notes et post-scriptum