COURS D’INSTRUCTIONS SUR DIFFERENTS SUJETS DE PIETE.

Informations générales
  • TD51.028
  • COURS D'INSTRUCTIONS SUR DIFFERENTS SUJETS DE PIETE.
  • Effets du péché sur Jésus-Christ.
  • Orig.ms. BM3, pp. 201-204; T.D. 51, pp. 28-32.
Informations détaillées
  • 1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    2 DALILA
    2 SAMSON, BIBLE
    2 ZEBEDEE
  • A des dames.
  • 1837-1839
La lettre

Voyez p. 195(1).

Lorsque les anciens voulaient connaître l’effet du poison, c’était sur leurs esclaves qu’ils faisaient leurs expériences. Ces malheureuses victimes de la curiosité de leurs maîtres étaient forcées de porter les lèvres à la coupe mortelle, afin que leurs tyrans sussent au besoin quel moyen était le moins douloureux de se débarrasser de la vie.

Dieu fait quelque chose de semblable, mesdames, envers son Fils. Il fait sur lui l’expérience des effets du péché, et c’est de sa part que je vous invite à être les témoins de cet affreux spectacle.

J’ai aujourd’hui à vous faire assister à un grand, à un terrible spectacle. Nous avons essayé dans le dernier entretien de vous parler des effets du péché sur l’âme de l’homme, mais ce n’est pas assez. Je veux vous en faire voir, étudier les ravages sur un être, qui plus parfait est capable de souffrir davantage. Venez et contemplez Jésus aux prises avec les crimes des hommes. Les anciens pour connaître les effets de certains poisons, la rapidité avec laquelle ils donnent la mort, les tortures qu’ils causent, les douleurs qu’ils apportent, faisaient sur leurs esclaves d’horribles expériences. Ils les forçaient à porter eux-mêmes à leurs lèvres une coupe mortelle, et repaissaient leurs yeux des angoisses d’une longue agonie ou d’une mort foudroyante. Qui ne songe avec indignation à cet abus de la puissance de l’homme, qui pèse sur son semblable et se manifeste par la volupté de son supplice. Or, Mesdames, je viens vous inviter, et, s’il le faut, vous commander de la part de Dieu d’assister à une scène non moins lugubre. Ce n’est pas un homme qui immole un autre homme, c’est un père qui sacrifie son fils, afin d’apprendre à des étrangers à quel point il est outragé. C’est un Dieu qui ne pouvant assez faire comprendre à ses créatures coupables l’énormité de leur faute, toutes les fois qu’elles se révoltent contre lui, leur montre dans un Dieu tous les ravages que cause le venin du péché.

Le Psalmiste, en chantant la justice de Dieu contre les pécheurs, nous représentant le Seigneur ébranlant les colonnes sur lesquelles repose l’univers et prenant le calice de sa fureur, afin d’en abreuver tous les hommes, remarque cependant que la lie n’en a pas été épuisée. Verumtamen faex ejus non est exaninata. Pour qui donc est réservée la lie d’un calice déjà si amer? N’est-ce pas à celui qui demandait aux fils de Zébédée s’ils pourraient boire avec lui au calice qui lui était réservé? N’est-ce pas à celui qui ayant pris la ressemblance de la chair du péché, demandait à ses disciples s’il ne fallait pas qu’il bût le calice qui lui était présenté? Et présenté par son Père: Calicem quem dedit mihi Pater, non bibam illum? L’homme pèche, et Dieu verse sur lui le calice de sa fureur. Mais l’homme est une créature trop faible pour soutenir tous les coups de la colère divine, il faut un Dieu pour victime à la colère d’un Dieu. Il faut un Dieu pour apprendre aux hommes tout ce qu’ils auraient eu à souffrir, s’il leur avait fallu satisfaire à la justice d’un Dieu.

Essayons donc, Mesdames, de juger de l’énormité du péché par l’énormité des peines auxquelles Dieu condamne son Fils. Car, remarquez-le bien, Jésus reçoit le calice de ses souffrances de la main même de son Père.

Je ne m’arrête pas aux étranges abaissements d’un Dieu, que le péché oblige à se faire homme et le dernier des hommes. Je ne veux pas le suivre dans cette vie de peines, de sueurs, d’ingratitudes essuyées, de patience et de combats.

Du moment que Jésus-Christ a revêtu la ressemblance de la chair du péché, il a été dépouillé de sa gloire, dépouillé de sa sainteté, dépouillé de sa puissance, dépouillé de son bonheur.

Privé de sa force, il n’a plus celle de se soutenir; per sa gloire aux yeux des anges, mépris aux yeux des hommes: – Samson lié pour avoir aimé Dalila, Jésus lié pour avoir aimé les hommes. Jésus souffre dans son corps. Souffrances dans son âme, souffrance vis-à-vis de son Père. Maudit celui qui est attaché à la croix!

Ne pensez pas, Mesdames, que je prétende vous donner ici le tableau exact de toutes les souffrances de notre Maître, je veux vous aider seulement, vous aider à découvrir en lui le mal que le péché lui a causé. Quand le moment où il faut que la sentence s’exécute, est accompli, considérez notre divin Maître saisi d’une terreur profonde, semblable à un criminel condamné à expirer dans un cruel supplice et qui compte les heures et les instants qui le séparent du moment où son corps sera livré à la rage du bourreau: Mon âme, dit-il, mon âme est triste jusqu’à la mort. Les angoisses, les craintes l’accablent.

C’est dans la solitude qu’il va recevoir des mains de son Père le redoutable calice; déjà certes il en avait épuisé une partie, mais le plus amer était resté, et la sentence de son père est aussi irrévocable que sa justice est inflexible. « Mon Père, mon Père, que ce calice s’éloigne de moi! » Non, il ne s’éloignera pas, la lie n’est pas encore épuisée, Faex ejus non est exinanita, et Jésus se soumet: « Que votre volonté soit faite et non pas la mienne! » Et à peine a-t-il consommé cette coupe par une dernière acceptation qu’il n’est plus le même. Voyez, ce n’est plus un homme, c’est un ver: Ecce autem vermis, et non homo, toute sa beauté s’est retirée de lui. Voyez, vous le regarderez et vous ne le reconnaîtrez plus; voyez, c’est le dernier des hommes, et avec quelle fureur la souffrance ne s’abat-elle pas sur lui! – Toute la laideur de votre âme semble passée dans la sienne.

Ainsi abattu, son Père pour augmenter sa honte le présentera en spectacle aux hommes, mais après qu’il l’aura montré en ce déplorable état à toutes les intelligences célestes, il enverra un ange pour le fortifier. Ah! quel étonnement et quelle stupeur ne dut pas être celle du séraphin, à qui fut confiée la mission de fortifier et de soutenir, de rassurer son Dieu abattu, expirant, effrayé par la vue de ce qui l’attend!

Mais il faut que le poison agisse. Ses amis ne [le] connaissent plus, que dis-je, ils le trahissent ou le renient; il porte la tache du péché, il ne peut plus se fier à rien. Il est méprisé, le péché l’a défiguré. Autrefois Samson fut pris pour avoir trop aimé une femme; Jésus est pris, il est aveuglé comme lui, traité avec mépris, mais comme Samson il entraînera ses ennemis dans sa mort.

Il souffre dans son corps. Faut-il vous rappeler cette sueur de sang, ces soufflets, ces crachats, cette flagellation, cette nudité, cette couronne d’épines, ces cordes, cette croix, ce sang, ces clous, ce crucifiement, cette suspension? Ah, je veux vous dire quelque chose de plus, cette soif!

Et son âme? C’est l’heure du prince des ténèbres, c’est maintenant que le démon a la puissance. Et maintenant que Jésus est attaché à la croix, il faut que les démons se vengent sur lui, de ce qu’ils ne peuvent l’empêcher de sauver les hommes. Combien ils voudraient l’empêcher de mourir! Et voilà pourquoi ils lui font dire par les pharisiens: « Si vous êtes le Fils de Dieu, descendez de la croix ». Mais ce qui m’effraie surtout, c’est l’horreur qu’il inspire à son Père.

Le péché ne pouvait manifester sa puissance sur une créature aussi faible que l’homme. J’ai vu la mort frapper des corps usés par l’âge ou la maladie, ce n’était rien. Je l’ai vue lutter dans un corps jeune et vigoureux, contre un tempérament vigoureux et une vie puissante, et qui semblait se retirer en frémissant. Ah! c’était un spectacle terrible que de lui voir redoubler ses coups, à mesure qu’elle trouvait une plus grande résistance. Mais que dirons- nous de l’âme de Jésus, luttant contre le péché; de cette âme qui souffrira tant que Jésus voudra, parce qu’il n’abandonnera pas la vie de lui-même? Que dire de cette âme intimement unie à la divinité et qui en est maudite. Jésus a été fait pour nous malédiction: Maledictus qui pendet in ligno.

Qui pourra dire cette séparation opérée dans le Dieu homme? Mais je vais plus loin: Qui expliquera le désordre que le péché introduit dans l’admirable Trinité elle-même? Ici, j’ai besoin de peser toutes mes paroles: Qui meurt sur la croix? n’est-ce pas un Dieu? qui frappe ce Dieu victime? N’est-ce pas un Dieu?

Notes et post-scriptum
1. C'est-à-dire TD.51, p. 26 (D01606, TE/27-28).