- TD51.054
- Sujets d'instructions données aux Dames de Miséricorde 1838-1839
- [IV] SUR LA CHARITE
- Orig.ms. BM5, pp. 15-23; T.D. 51, pp. 54-58.
- 1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
1 BONHEUR
1 CHARITE ENVERS DIEU
1 CIEL - Dames de Miséricorde
- 1838-1839
Charitas ex Deo est. Joan. I, c. 4, v. 7.
Dieu en créant le monde n’a pas voulu que sa créature fût à jamais séparée de lui.
Dieu ne crée que parce qu’il est infiniment puissant; mais s’il est infiniment puissant, par cela même qu’il désire le bonheur qui lui est propre, il doit s’approprier tout ce qui est bien et voilà pourquoi, alors qu’il ne serait pas le bien infini, il devrait chercher à se l’approprier.
Mais Dieu est infini en tout, il est donc infini en bonté, comme en puissance. Et s’il manifeste sa puissance en créant le monde, il doit manifester sa bonté en donnant à ses créatures tout le bien dont elles sont susceptibles. Or parmi ses créatures il en est dont le bonheur ne peut être réalisé que par la possession d’un Dieu infini, qui n’est autre que Dieu même. Mais ces créatures ne le savent pas, et il est nécessaire de le leur apprendre. C’est pour cela que je viens aujourd’hui vous parler du moyen de posséder le bien infini, acquérir le bonheur. Or les hommes se trompent sur le but du bonheur et je viens leur dire que ce but c’est Dieu. Mais pour arriver au bonheur, il faut leur donner le moyen, et ce moyen c’est la charité. Il faut en second lieu établir que la charité, qui est le moyen sur la terre d’arriver à la possession de Dieu, est dans le ciel la récompense même; d’où je conclus la nécessité de la charité.
En d’autres termes nous sommes faits pour un bonheur infini. Or pour l’acquérir il faut le désirer et plus nous le désirerons, plus il sera grand pour nous. En second lieu l’amour de l’objet qui fait notre bonheur, après avoir été pour nous le moyen de l’acquérir, devient encore même la source de la joie que nous procure l’objet aimé.
Je considère la charité sous deux faces: sur la terre et dans le ciel. Sur la terre elle est un moyen; dans le ciel est une récompense(1).
Dieu aime ses créatures d’un amour immense, puisque nous dit l’Apôtre de l’amour: la charité vient de Dieu, et dans son amour pour ses créatures, il leur destine un bonheur en rapport avec le degré de perfection qu’il leur a assigné; or par cela même qu’il a créé l’homme à son image et à sa ressemblance, il a voulu que le bonheur de l’homme eût quelque chose de son bonheur à lui. Comme l’amour qu’il portait à la création devait avoir quelque chose de celui qu’il se porte à lui-même. Or le bonheur de Dieu, c’est son amour. Dieu n’est infiniment heureux que parce qu’il s’aime infiniment, et qu’il jouit infiniment de ses propres perfections. L’homme ne sera donc heureux qu’autant qu’il aimera Dieu, le bien suprême, et qu’il en jouira. En Dieu l’amour et la possession de l’objet aimé n’est qu’un même acte. Dieu s’aime et se possède, il jouit de lui-même; chez l’homme, il en est autrement; il faut qu’il commence par aimer, la jouissance de l’objet aimé devient la récompense des efforts de l’amour. D’où il faut considérer dans l’homme, l’amour de Dieu sous deux phases: ses premiers développements et sa plénitude. Il croît et se développe sur la terre, il reçoit son complément dans le ciel. D’où deux points de vue, sur la terre il est imparfait, souffrant; dans le ciel, il est calme, tranquille. Mais c’est toujours le même amour; sur la terre il est moyen, dans le ciel il est jouissance. Sur la terre il cherche, dans le ciel il possède.
En d’autres termes nous sommes pour un bonheur. Voy. la page précédente(2).
L’amour de Dieu sur la terre moyen d’acquérir le bonheur du ciel. L’amour de Dieu dans le ciel récompense des travaux sur la terre(1).
Dieu est parfait, il aime sa perfection et cet amour fait son bonheur. Il veut que l’homme participe à son bonheur. L’amour de Dieu est le bonheur de l’homme. Mais en Dieu l’amour et la jouissance ne sont qu’un acte; en l’homme il y en a deux: l’amour sur la terre, qui est effort à cause de la dégradation, l’amour dans le ciel qui est récompense.
1ère Partie.
L’amour de Dieu sur la terre, principe de notre bonheur dans le ciel.
Si l’homme ici-bas était dans son état normal, il est évident qu’il suffirait de lui présenter la notion de Dieu pour l’engager à l’aimer. Qu’y a-t-il de plus beau, de plus grand, de plus parfait que Dieu, principe de tous les êtres? il les aime d’un amour digne de lui; et comme chaque être lui doit un amour proportionné à son amour et aux marques de tendresse qu’il donne à chaque créature, quelle ne devrait pas être la reconnaissance de l’homme inondé des bienfaits de son auteur? Quid est homo, quod memor es ejus, aut filius hominis, quoniam visitas eum? Or Dieu non seulement se souvient de l’homme, non seulement il le visite, mais encore il l’appelle son ami: Vos amici mei estis. Que ne devrait pas l’homme après un pareil appel?
Mais sans doute, le premier ange, le premier homme ont méconnu leur Dieu. Mais voilà leur crime et jugez combien il a été grand par le châtiment qui a suivi. Mais quoi qu’il en soit, l’homme aujourd’hui est arrivé à un état tel que seul, il ne peut aimer Dieu, sa vie s’est tellement obscurcie, que si le Seigneur ne lui ouvre les yeux, il ne peut rien découvrir, son coeur est paralysé et incapable de battre à un sentiment divin; il faut que Dieu se révèle une seconde fois à lui, le relève et le soutienne.
Et toutefois, il est vrai d’une part que tout ce qu’il fera de bien n’aura de mérite aux yeux de Dieu qu’autant qu’il l’aura fait pour Dieu; il est évident que le Seigneur ne se contente pas d’une vertu naturelle, d’une inclination innée, vers je ne sais quelle bienveillance à l’égard du prochain que ce qu’on appelle probité(3).
La charité sur la terre, principe de notre bonheur dans le ciel; la charité dans le ciel, récompense de nos travaux sur la terre.
1. – La charité sur la terre, principe de notre bonheur dans le ciel.
Nos actions n’ont de mérite aux yeux de Dieu qu’autant que nous les faisons pour lui. D’où plus nous les faisons avec amour, plus nous les faisons avec mérite. D’où l’illusion de ceux qui croient, parce qu’ils sont honnêtes aux yeux du monde, qu’ils recevront la récompense dans le ciel.
Mais la charité est un don: Charitas Dei diffusa est.
Si l’amour de Dieu nous a été donné, c’est donc Dieu qui est le principe de notre mérite. Mais si Dieu est le principe de notre mérite, il faut dire que c’est moins notre amour pour Dieu que l’amour de Dieu pour nous qui est le principe de notre bonheur.
Mais c’est ce qui nous fortifie et nous soutient: 1° parce que nous savons que de nous-mêmes nous ne pouvons rien, mais aussi que par Dieu nous pouvons tout. Le gage donc de mon bonheur, c’est l’amour que Dieu a pour moi. Foi, espérance. Mais Dieu ne peut pas tout faire, il faut que je l’aide.
2. – Amour de Dieu dans le ciel récompense des travaux de la terre.
Le bonheur c’est ce que tous les êtres désirent; mais tout ce que les êtres désirent, c’est le souverain bien. Or le souverain bien c’est Dieu.
Etres dévoyés.
Mais Dieu se présente à nous sous deux faces: sur la terre avec un voile; au ciel face à face.
Je sais que Dieu est infiniment bon, mais je sais aussi qu’il est amour. Aimer et être aimé, voila le bonheur. Mais qui m’aimera comme celui qui a donné à toutes les créatures la faculté d’aimer?
Qui m’aimera comme celui [inachevé].
2. C'est-à-dire le paragraphe 5 de ce document (ms p. 17 et T.D.51, p. 55).
3. Toute la suite du document se trouve sur une feuille volante.