[Notes de lecture et réflexions]

Informations générales
  • TD51.125
  • [Notes de lecture et réflexions]
  • [Notes sur diverses questions philosophiques et religieuses]
  • Orig.ms. BN11, pp. 33-41 et 49-50; T.D. 51, pp. 125-132 et 139-140.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 DIEU
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EGLISE
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 LIVRES
    1 MAL MORAL
    1 MORT
    1 PANTHEISME
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 RATIONALISME
    1 SAINTS
    1 SCEPTICISME
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 VERITE
    1 VIE HUMAINE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 ARISTOTE
    2 BONALD, LOUIS DE
    2 CLEMENT D'ALEXANDRIE, SAINT
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MARC, SAINT
    2 MARET, HENRI
    2 MOISE
    2 NICODEME
    2 PAUL, SAINT
    2 PLATON
    2 PROCLUS, PHILOSOPHE
    2 THIBAULT, CHARLES-THOMAS
    3 ALEXANDRIE, EGYPTE
    3 ALLEMAGNE
    3 ANGLETERRE
    3 ATHENES
    3 FRANCE
    3 INDE
    3 ROME
  • vers 1843-1844
La lettre

[1] Rationalisme.

Toute controverse protestante aboutit aujourd’hui au rationalisme. C’est le terme fatal où la Réforme vient d’arriver; de là à la négation de toute vérité il n’y a qu’un pas; qui ne le voit? Il pourrait être avantageux d’étudier ce rationalisme, et montrer aujourd’hui où il en est. On pourrait examiner: 1° quel est son principe, indiquer ses premières manifestations soit dans l’histoire de la philosophie, soit dans l’histoire de l’Eglise; montrer ses développements successifs avant la Réforme; 2° le suivre depuis Luther jusqu’à nos jours; 3° arrivé à l’époque actuelle jeter un regard sur son action délétère, sur les luttes qu’il rencontre parmi les diverses communions protestantes; sa lutte avec l’Eglise; 4° expliquer nettement ce qu’est le vrai principe d’autorité, comment on en a fait une absurdité pour avoir le droit de l’attaquer; 5° expliquer l’action de Dieu, par Jésus-Christ enseignant, sur l’humanité toute entière.

[2] Scepticisme.

En un temps où les vérités même les plus fondamentales sont malheureusement ébranlées. Discussions critiques, p. 13(1). Avant d’examiner ce passage, il faut remonter un peu plus haut et fixer un moment son attention sur cette phrase: « Il n’est donné à qui que ce soit d’arrêter le mouvement de l’esprit, de le retenir en de certaines limites que quelques-uns jugent imprudent de franchir. Une irrésistible puissance le pousse toujours, toujours en avant. Sans fin, sans repos, ce qu’il a saisi n’importe par quelle voie, il l’examine sous tous les aspects, le scrute en tous sens, pressé qu’il est du besoin de comprendre. Des choses simplement connues de lui, il n’en est aucune qui ne lui devienne bientôt un problème à résoudre: c’est sa loi… »

M. de la Mennais veut-il dire qu’on n’arrête pas le cours d’une maladie, lorsqu’elle est arrivée à un certain degré, rien de plus vrai. Le mouvement de l’esprit n’est pas ce qui constitue la vie, c’est la possession de la vérité, car la vérité c’est la vie. Et tout mouvement de l’esprit n’est pas la vérité. Donc tout mouvement n’est pas une marque de bien-être. Mais vous ne l’arrêterez pas, dites-vous; tant pis! car au terme c’est la mort.

En un temps vous reconnaissez donc que les vérités sont ébranlées, mais qu’en savez-vous d’abord? et si elles sont ébranlées, vous attaquez des temps où l’humanité, au lieu d’avancer, recule. Il est des hommes qui croyant lui donner un mouvement de progression, la font rétrograder, au contraire. Mais à quoi distinguerez-vous les rétrogrades des progressifs? Au jugement de tous. Mais vous venez de dire que les vérités fondamentales sont ébranlées. Il y a aura donc un temps où l’humanité ignorera les vérités fondamentales, et quand une fois elles lui auront échappé, par quel moyen pourra-t-elle les ressaisir? Nous voilà droit au scepticisme humanitaire.

[3] Progrès.

C’est ainsi que les sciences se développent et que se développe la religion elle-même. Disc. crit., p. 13, 14.

Ceci n’est pas neuf, mais au moins faut-il que dans ce développement il y ait de l’homogénéité; que si ce développement implique des contradictions, ce n’est plus un développement.

Vainement déclarez-vous qu’elle est une, invariable dans son essence, si vous lui faites subir d’incessantes variations. Quoi, Mr, vous n’avez fait que vous développer, lorsque vous avez nié la puissance de l’Eglise qui selon vous était la base de toute religion? Vainement direz-vous: ce n’est qu’une vérité secondaire. D’abord vous ne l’avez pas toujours cru ainsi, en second lieu c’est là précisément la question: qui fixera les vérités secondaires et les vérités fondamentales qui elles-mêmes sont ébranlées aujourd’hui selon vous? P. 22 lorsque la foi qui unissait l’homme à Dieu. Disc. crit., p. 27. Quoi! vous nous signalez les effets de la perte de la foi, et vous voulez la détruire sous l’empire de la raison! mais qu’est-ce donc qui se passe en vous?

Voy. la p. 30-31, Disc. crit. Cette disposition. p. 31. Mais remarquez donc de quel point il faut partir, que voulez-vous discuter? Si vous partez de la raison, on a tort; si vous partez de l’autorité, on a raison. p. 32. tout ce que vous dites ici attaque autant l’autorité du genre humain que l’autorité de l’Eglise.

La feuille qui devient fleur périt-elle? Disc. crit. p. 49. Non, mais où avez-vous vu une feuille devenir fleur?

Moïse… n’a révélé aucun dogme, ni J.C. non plus. Disc. crit. p. 50. C’est trop fort.

Ce qui fait que la foi aux révélateurs passés. P. 91. On ne croyait guère aux révélateurs passés et futurs à Athènes, Rome ou Alexandrie, quand saint Paul et S. Marc allèrent dans ces diverses villes, et pourtant leur révélation y fut bien admise.

Lorsqu’on ne découvrait pas. P. 52. Inconcevable manie de vouloir toujours confondre la vérité avec l’abus.

P. 292. Non, les maux ne viennent pas de celui qui est le bien même. 1° Vous reconnaissez donc qu’il y a des maux, malgré un Dieu infiniment juste, puissant et bon; 2° dès lors toute l’objection du mal retombe sur vous qui la faites contre les catholiques; 3° Vous n’expliquez point ce mal, car tout mal, souffrance est un châtiment; et châtiment de quoi dans votre système? Voyez désir p. 38(2).

[4] VIE.

Les philosophes ont longuement disserté pour savoir ce que c’est que la vie. Si nous ne pouvons sonder entièrement ce mystère, au moins pouvons-nous retirer de précieuses lumières de la méditation de deux textes de l’Ecriture sainte. Dans l’un saint Jean nous déclare que le principe de la vie était dans le Verbe, et que la vie c’est [la] lumière. In ipso vita erat, et vita erat lux hominum; plus bas Jésus-Christ nous déclare que la vie éternelle est la connaissance du vrai Dieu et de Jésus-Christ. Haec est autem vita aeterna, ut cognoscant te, solum Deum, et quem misisti, Jesum Christum. D’où l’on conclut que la vie est: 1° une lumière; 2° une connaissance. La vie est une lumière dans le principe qui la produit, elle est une connaissance dans le sujet qui la reçoit. Elle est une lumière. Tant qu’un être est dans les ténèbres, il n’a pas de vie, il n’a de vie que lorsqu’il voit le jour; il est, mais il ne vit pas encore. Il est à l’état latent, mais quand la lumière l’éclaire, il voit la vie de l’âme, il vit donc dans l’exercice de la vie. L’âme c’est un oeil, l’oeil s’ouvre, mais il n’a la conscience de sa vie que par la lumière; la lumière est le moyen par lequel l’esprit se connaît, se sait vivant. Mais quelle est cette lumière? C’est le Verbe, c’est la parole. La parole est pour l’oeil de l’âme ce que le soleil est pour l’oeil du corps. In ipso vita erat, et vita erat lux hominum. Donc pour vivre il faut voir, donc toute intelligence pour pouvoir dire: je vis, doit voir, doit se voir à la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde.

En second lieu, Jésus-Christ dit: Haec est autem vita aeterna. La vie est une connaissance. La vie tout à l’heure était considérée dans son principe, maintenant elle l’est soit dans son objet, soit dans son sujet; l’objet de la vie c’est Dieu à connaître; l’acte de la vie c’est l’acte par lequel Dieu est connu. Tout à l’heure la vie était le Verbe se communiquant à l’homme, comme la lumière qui se communique soit à un oeil, soit à un flambeau; maintenant la vie est considérée dans son alimentation: il faut quelque chose pour entretenir la vie, il faut une nourriture à l’âme, cette nourriture c’est Dieu. Mais la vie se manifeste par un acte, la vie est essentiellement active; mais l’acte suprême de la vie est celui par lequel l’être vivant s’élève jusqu’à son principe, c’est-à-dire au principe même de la vie par sa connaissance. Ce principe c’est Dieu: Haec est autem vita aeterna, ut cognoscant te, solum Deum verum.

Mais la vie a été brisée par le péché, et c’est pour cela qu’il a fallu un moyen de la réparer, et ce moyen c’est Jésus-Christ. Maintenant comment l’homme augmentera-t-il la vie en lui? 1° par la participation à une plus grande lumière; 2° par une plus grande connaissance de Dieu. Mais pour mieux voir et voir davantage, il faut un oeil plus pur. Tout ce qui s’interpose entre l’oeil et la lumière, entre l’oeil et l’objet que l’on veut voir, affaiblit la vue et affaiblit la vie. Voilà tout le principe de la vie spirituelle qui consiste dans la purification de l’âme par Jésus-Christ, afin de mieux voir par le Verbe et de voir davantage Dieu.

Ce qu’il y a à dire sur l’union de l’âme avec la lumière infinie par la connaissance d’un Dieu infini, sur l’amour qui en résulte.

[5] RATIONALISME.

Ouvrages à consulter: Platon, Aristote, l’Ecole d’Alexandrie, la philosophie indienne, l’histoire du gnosticisme, Proclus, les traités de saint Augustin sur la philosophie et le Manichéisme, saint Clément d’Alexandrie, l’Ecole scolastique, l’état actuel des esprits en Allemagne, en Angleterre, en France.

[6] Recherche de la vérité.

La vérité, dit M. de Bonald, (Pensées, Préface) est le premier bien des hommes, le plus sûr fondement des états. Nous ne sommes ici-bas que pour la connaître et nous n’avons pas d’autre moyen de la découvrir que de la chercher. La recherche de la vérité par la raison n’exclut donc pas le principe d’autorité à ses yeux.

[7] Mort.

« La mort, loin d’être un mal, est le premier des biens, puisqu’elle est le passage à un état meilleur, à une existence plus élevée, une transformation ascendante et non, comme elle le paraît aux sens que trompent les apparences, une destruction ». Lamennais, Passé et avenir du peuple, P. 5, chap. 1(3).

Que sera cette transformation? sera-t-elle proportionnée à l’état physique de celui qui sort de ce monde? Voilà l’inégalité dans l’autre monde. A son état moral? mais vous dites qu’il n’y a pas de punition hors de ce monde, dès lors pas de récompense, à moins d’admettre l’ordre surnaturel.

[8] Désir. Cependant il importe de ne pas se baser sur ce bien-être.

[9] Régénération.

Quid respondebitis? quare de christianis non christianus nascetur, nisi quia non facit generatio, sed regeneratio christianos. S. Aug. de Pecc. mort.

[10] Livres défendus.

Mgr de Montpellier déclare frapper d’excommunication ipso facto quiconque ferait usage, pour expliquer la doctrine chrétienne ou en donner une connaissance plus étendue, soit aux enfants, soit aux adultes de son diocèse, des catéchismes ou extraits de catéchismes émanant de personnes séculières. Une personne quelconque, curé, instituteur, insti[tutrice], père, mère, etc. qui ferait l’usage susdit de ces caté[chismes] ou extraits de cat[échismes], ferait-elle un péché mortel?

[11] ETRE.

M. de La Mennais dit que Dieu est l’être (46-47). Il a raison, mais comment s’y prend-il pour dire que au-dessus de l’idée de l’univers et de Dieu il y a l’être? N’est-ce pas comme s’il disait que au-dessus de Dieu il y a Dieu. Il me semble qu’il eût dû distinguer entre l’idée de l’être et l’être, et dire: au-dessus de Dieu et de l’univers il y a l’idée de l’être, et encore eût-il été obligé de dire qu’en Dieu se trouve l’idée de l’univers. Il faut, ce semble, en revenir à Dieu seul. Seulement en Dieu se trouvera l’idée de l’univers comme possible, et c’est bien l’état où il faut le concevoir, car si vous le mettez sur la même ligne que Dieu, vous risquez de le supposer nécessaire comme lui.

[12] SAINTETE.

S. Jean Chrysostome fait observer que les saints sont de même nature que nous, ont les mêmes passions que nous, ont passé par les mêmes épreuves que nous, et qu’il n’est pas étonnant que les saints soient les plus tentés par le démon, parce qu’il fait comme les voleurs qui laissent la paille et volent l’argent.

Le même Père nous représente les saints hospites et advenae. L’Ecriture nous propose les exemples des saints; voilà pourquoi tant d’historiques. St Chrys.

Invocation des saints. Ce qu’elle est dans le plan de la régénération. Les saints, dit S. J. Chrys., vivent parmi nous par leurs paroles et leurs actions, qui sont comme le portrait de leur âme.

Nous sommes tous sauvés par la grâce, mais non pas tous de la même manière.

[13] EGLISE.

Union de Jésus-Christ et de l’Eg[lise].

Nemo, inquit, ascendit in caelum, nisi qui descendit de caelo, filius hominis qui est in caelo. Sic, inquit, fiet generatio spiritualis, ut sint caelestes homines ex terrenis, quod adipisci non poterunt, nisi membra mea efficiantur, ut ipse ascendat qui descendit, quia nemo ascendit nisi qui descendit. Nisi ergo in unitatem Christi omnes mutandi, levandique concurrant, ut Christus qui descendit, ipse ascendat, non aliud deputans corpus suum, id est Ecclesiam suam, quam se ipsum, quia de Christo et Ecclesia verius intelligitur: erunt duo in carne una, de qua re ipse dixit. Itaque jam non duo, sed una caro, ascendere omnino non poterunt, quia nemo et caet. S. Aug. de Pecc. mort. lib. n. 60. La suite est très remarquable. J.C. veut prouver à Nic[odème] les choses plus faciles à croire par les plus difficiles, car si J.C. a pu ne faire qu’une seule personne de sa divinité et de son humanité, à combien plus forte raison pourra-t-il ne faire qu’un seul tout des hommes qui sont de même nature.

[14] ECRITURE.

Duo considerari possunt in scripturis, quae difficillima reperiuntur. 1° res quae dicuntur; 2° modus quo dicuntur res. Si res considereres, multa reperiuntur difficillima, nempe mysteria; si vero modus, et adhuc sermo difficillimus et perobscurus saepe reperitur.

[15] Panthéisme(4).

Essai sur le panthéisme par M. Maret(5).

Double caractère du siècle, qui se rattache de plus en plus au principe de foi ou qui s’enfonce dans la négation de toute vérité.

Souffrance pour une foule d’âmes incrédules.

Petitesse de certaines âmes qui ne peut être égalée que par leur orgueil: trop faibles pour croire en Dieu, elles-mêmes se croient Dieu. Manie du panthéisme d’écarter les mystères.

Toute doctrine se traduit en pratique. Rien de plus dégradant que la pratique du panthéisme.

Est-il vrai que ceux qui attaquent le christianisme aient de bien hautes vues?

Qu’est-ce que l’amour de la science pour elle-même?

Qu’y a-t-il de vrai dans le panthéisme?

Comment ce que le panthéisme a de vrai conserve-t-il ce qu’il a de faux?

Opposition entre le panthéisme et l’idée de progrès.

Dissimulation du panthéisme.

Si les dogmes se corrompent, l’humanité ne progresse pas.

Différence de l’idée que les éclectiques et les catholiques se forment par rapport à l’imperfection de l’intelligence humaine pour saisir la vérité pure.

Incertitude sur ce que les panthéistes affirment de Dieu. Les St-Simoniens prêchent la cessation de l’antagonisme; pour cela il faudrait qu’il ne fût pas dans l’individu.

On a posé la question: y a-t-il de véritables athées? Je voudrais que l’on posât la question: y a-t-il de vrais panthéistes? que l’on nie une cause première, on le peut, puisque l’on peut nier tout, mais qu’avec l’esprit nécessaire pour concevoir une idée de panthéisme, on consente à admettre toutes les absurdités qu’implique la doctrine d’une seule substance, c’est ce qui dépasse les bornes.

Parler de la conception dans l’ordre de la science catholique.

Motifs pour lesquels on est entraîné au panthéisme.

1° la prétention de tout expliquer. Prouver qu’on n’explique pas tout.

Notes et post-scriptum
1. *Discussions critiques et pensées diverses sur la religion et la philosophie*, 1841.
2. Ci-dessous TE/29 (= T.D. 51, p. 130). - La portée de ce renvoi nous échappe.
3. *Du passé et de l'avenir du peuple*, composé pendant son séjour à Ste-Pélagie (1841). Lamennais y défend ses idées sur le progrès.
4. La chronologie du *Maître spirituel* considère comme un texte unique auquel elle donne le titre *Du Panthéisme* les pp. 49 à 58 du ms (= T.D. 51, pp. 139-148). De cet ensemble nous préférons détacher les pp. 49-50 et les joindre ici (= TE/46 à 65) aux autres notes sur diverses questions philosophiques et religieuses. Dans les autres pages, en effet, le P. d'Alzon s'adresse à un auditoire.
5. *Essai sur le panthéisme dans les sociétés modernes*, 1840.