Carême 1849. Cathédrale.

Informations générales
  • TD51.187
  • Carême 1849. Cathédrale.
  • 5. PREDESTINATION. - Sujet supprimé(1).
  • Orig.ms. BN11, pp. 247-252; T.D. 51, pp. 187-192.
Informations détaillées
  • 1 BAPTEME
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 ENFANTS
    1 LIBERTE
    1 MORT
    1 PECHE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PREDESTINATION
    2 ADAM
    2 GREGOIRE I LE GRAND, SAINT
  • mars-avril 1849
  • Cathédrale de Nîmes.
La lettre

Certains pensent que la prescience de Dieu ne peut s’accorder avec la liberté de l’homme.

Dieu comme cause suprême des êtres connaît tout.

D’abord notre volonté est en notre pouvoir, car je sais que je suis libre de vouloir ou de ne vouloir pas.

Neque ideo peccat homo, quia Deus illum peccaturum esse praescivit… Qui si nolit, utique non peccat, sed si peccare noluerit, etiam hoc ille praescivit. De civ. Dei, lib. 5, c. 10.

Nam sicut in hac carne vivere sine adjumentis alimentorum in potestate non est, non autem in ea vivere in potestate est; quod faciunt qui se ipsos necant: ita bene vivere sine adjutorio Dei, etiam in paradiso, non erat in potestate, erat autem in potestate male vivere, sed beatitudine non permansura, et poena justissima secutura. Cum igitur hujus futuri casus humani Deus non esset ignarus, cur eum non sineret invidi angeli malignitate tentari? nullo modo quidem quod vinceretur incertus; sed nihilominus praescius quod ab ejus semine adjuto sua gratia, idem ipse diabolus fuerat sanctorum gloria majore vincendus. Ita factum est, ut nec Deum aliquid futurorum lateret, nec praesciendo quemquam peccare compelleret, et quid interesset inter propriam cujusque praesumtionem, et suam tuitionem, angelicae et humanae rationali creaturae, consequenti experientia demonstraret. Quis enim audeat credere aut dicere, ut neque angelus, neque homo caderet, in Dei potestate non fuisse? Sed hoc eorum potestati maluit non auferre; atque ita et quantum mali eorum superbia, et quantum boni sua gratia valeret, ostendere. St Aug. De civ. Dei, lib. 14, c. 27.

Quo etiam peccato suo teste convincitur bonum conditum se esse naturam. St Aug. de civ.(2)

Suites du péché.

Il y a réaction contre tout effort – donc réaction de Dieu, auteur de l’ordre, contre le pécheur auteur du désordre. Quaedam peccata sunt poenae peccati. St Grégoire. Certains péchés entraînent l’enfer, ibunt hi in supplicium aeternum. Tant que reste le mal, la peine doit durer, la peine du péché est infinie et elle ne l’est pas.

C’est la perte d’un bien infini éprouvée par une nature finie.

Péché du premier homme et ses suites.

Plan.

1.

En admettant que Dieu ait donné des lois, nous les voyons violées, dont il n’est pas puissant; nous voyons des actes mauvais, nous y voyons de la malice, nous y voyons des habitudes, donc Dieu n’est pas bon.

L’objection est forte. Elle est pourtant résolue par ceci: Dieu était libre de donner à l’homme la liberté en lui fournissant tous les moyens d’en faire un bon usage, – sa puissance et sa sagesse sont donc justifiées, – mais l’homme peut faire un mauvais usage de sa liberté. Toute la question est le mérite d’offrir à Dieu sa volonté libre. Marie conçue sans péché; mais elle aussi a pu faire son choix, son choix comme celui des anges a pu être fait au premier instant, mais elle l’a fait. – Oui, il manquerait quelque chose aux dons de Dieu s’il ne faisait pas l’homme libre.

Mais, direz-vous, l’homme n’est pas libre: de quelles chaînes de passions n’est-il pas entouré? quelles révoltes aussi, quelles luttes, quels orages! Je veux le bien et je ne le fais pas, la fatalité m’entraîne, la volonté affaiblie, les sens plus puissants, la raison obscurcie, est-ce de la liberté?

J’en conviens, la liberté est amoindrie; j’irai plus loin, l’homme en est venu à ne pouvoir faire le bien, ses vertus sont menteuses.

Mais ici nous touchons encore à la révélation.

L’homme s’est aimé plus que Dieu, il a fait un mauvais usage de sa liberté, il le subit.

Mais pourquoi, dès sa naissance, cette pente au mal, à la destruction? Nouveau mystère qui n’est que la suite du précédent; que la raison se taise et écoute.

Le péché originel. – Histoire. – Adam devait être transporté dans les cieux, lui et les siens, tous eussent été créés dans l’état d’innocence.

Il place l’humanité comme un seul corps, dont la volonté d’Adam est la volonté, in quo omnes peccaverunt. On peut expliquer, non discuter. Mais quoi! un seul homme? oui, responsabilité.

Ceci ne s’explique pas par la raison, c’est un fait, c’est de l’histoire, c’est la seconde page des annales de l’unviers, puisque la création en est la première. Déchirez-la, si vous le voulez, mais souvenez-vous que vous renversez le christianisme; c’est bien ainsi que vous l’entendez peut-être, mais vous n’êtes pas à bout.

Je vous porte le défi d’expliquer l’histoire dans son ensemble, aucune histoire, contre laquelle je ne vous porte des objections plus fortes. – L’humanité elle-même, son état présent; voilà donc l’appui du dogme du péché originel: 1° la révélation qui s’appuie sur l’histoire de l’humanité; 2° sur l’état présent du genre humain. Rien de vrai, rien de faux.

Expliquez-moi les traditions de tous les peuples, expliquez-moi le sacrifice, expliquez-moi une foule de mouvements.

Expliquez-moi l’état présent du genre humain.

Expliquez-moi les contradictions du coeur humain, les ténèbres de son esprit, je vous placerai devant d’insolubles problèmes, que le fait inexplicable du péché originel explique aussitôt.

Expliquez-moi les révoltes de la chair. Expliquez-moi le voile jeté par la pudeur sur les sources mêmes de la vie.

Mais l’orgueil n’en veut pas.

Cela suffit, je comprends. Poursuivons encore et voyons quelles sont les conséquences.

2.

Mais, direz-vous, que d’objections! Ainsi les enfants morts sans baptême. J’en conviens, natura filii irae. Mais arrêtons-nous, ils n’auront point de part avec Dieu, ils ne le connaîtront pas d’après les lumières de la grâce. Le connaîtront-ils d’après les lumières de la raison? Incertain; mais ce qu’il est permis de croire, c’est qu’ils seront plus heureux que ne le sont les hommes ici-bas. Supposez la vie la plus douce que dans vos désirs terrestres vous puissiez concevoir, rien ne s’oppose à ce que les enfants morts sans baptême aient cette vie; il faut dire seulement avec Bossuet, ils n’auront point de part avec Jésus-Christ. C’est certes un très grand malheur, mais grandement diminué, car ils n’en auront pas la connaissance, et c’est un moindre mal que la perte d’un bien inconnu. Mais, direz-vous encore, Dieu prévoyant qu’il y aurait des damnés, eût pu ne pas les créer; il l’eût pu, il ne l’a pas voulu. Mais rien ici n’attaque la bonté de Dieu. Avant posons cette bonté même. L’objection que nous ne comprenons pas tombe devant ce qui est sûr de sa bonté. Puis il ne sont pas damnés, parce que Dieu l’a prévu, mais il a prévu parce qu’ils devaient l’être.

On peut dire: Dieu avait un certain nombre d’invités, ils refusent, il en prend d’autres jusqu’à ce que le nombre soit parfait; tous ceux qui sont venus avant, invités, ils ont refusé. Ce n’est pas la faute de Dieu, si Dieu se venge de leur refus. Que Dieu ensuite sachant qu’ils profiteraient, ait multiplié les grâces pour eux, quoi d’étonnant? Ils ont reçu – et remarquez, Nam quos praescivit, et praedestinavit, il sait d’abord, puis il prédestine.

Mais qu’est-ce que ce péché originel? Est quaedam inordinata dispositio, proveniens ex dissolutione illius harmoniae, in qua consistebat ratio originalis justitiae.

Le péché originel est la perte de cette justice et constitue un état que les théologiens appellent langueur de l’âme, l’âme est flétrie.

Et qu’est-ce que cette justice originelle? Tota ordinatio originalis justitiae ex hoc est, quod voluntas hominis erat Deo subjecta. Ainsi St Thomas.

L’état qu’il constitue c’est la concupiscence, c’est-à-dire une révolte permanente de la partie basse de l’homme.

Mais où cela se passe-t-il? dans l’âme – et d’abord dans la volonté, car c’est la volonté que la justice originelle touchait.

Aussi un péché en entraîne-t-il un autre, suite des péchés actuels après le péché originel.

L’homme est tombé tout entier, Totus cecidit. Quatre blessures: ignorance, malice, faiblesse, concupiscence: blessure de la nature.

Or de la mort du corps, qui n’était pas naturelle, Deus mortem non fecit, l’homme eût été transfiguré.

Pour l’âme, perte de sa beauté [qui n’est] plus illuminée par le Verbe, tache, douleur. Tribulatio et angustia super omnem animam facientis malum. Haine de Dieu, réaction du pouvoir contre le perturbateur de l’ordre pour le punir.

Péchés, peine du péché.

Enfer: tant que le mal dure, la peine doit durer.

En sera-t-il toujours ainsi? – Il pourrait en être ainsi – si Dieu n’écoute que sa justice; – s’il en est autrement, c’est qu’il est miséricordieux.

Notes et post-scriptum
1. Cette mention est du P. d'Alzon lui-même.
2. Une ligne horizontale est tirée sous ce paragraphe.