Retraite sur l’esprit des Oblates de l’Assomption.

Informations générales
  • TD51.306
  • Retraite sur l'esprit des Oblates de l'Assomption.
  • II - La Vie Religieuse.
  • Orig.ms. ACOA; cop.ms. J48; T.D. 51, pp. 306-310.
Informations détaillées
  • 1 DECADENCE
    1 DEVOIR
    1 ILLUSIONS
    1 LIVRES
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 OBLATES
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RELIGIEUSES
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VERTUS RELIGIEUSES
    1 VIE RELIGIEUSE
  • Oblates de l'Assomption.
  • septembre 1876
  • Nîmes.
La lettre

Aufertur a vobis regnum Dei, et dabitur genti facienti fructus ejus.

Paroles effrayantes adressées par Notre-Seigneur aux Juifs, bien plus effrayantes si l’on songe à toutes les communautés, qui dans les siècles passés ont subi cet épouvantable châtiment. On y servait Dieu d’abord avec une perfection très grande. Les premiers religieux étaient des saints, puis peu à peu la décadence est venue et Dieu s’est retiré; le royaume de Dieu a été enlevé, il ne reste que des ruines dans ces couvents, et les ruines matérielles ne sont rien auprès des ruines morales. Or ces maux sont arrivés, parce que les maisons de la pénitence sont devenues des maisons de relâchement, parce que les maisons de prière sont devenues des maisons de dissipation, parce que les maisons de sacrifice et de zèle sont devenues des maisons de vie personnelle, d’égoïsme, et d’amour-propre. Quel malheur si vous en étiez là un jour! Pour prévenir une calamité pareille, étudions ce que doit être la vie d’une religieuse. A quelque ordre qu’elle appartienne, sa vie est nécessairement mêlée de vie contemplative et de vie active.

Disons donc que la religieuse qui ne veut pas perdre sa vocation, mais avancer dans la sainteté, doit donner une partie de sa vie à méditer sur ses grands devoirs, et l’autre à travailler pour les accomplir.

1° Méditation des devoirs de la vie religieuse.

Rien de triste comme de constater combien peu connaissent leurs devoirs, et dès lors sont dans l’impossibilité de les accomplir.

1. – Mais que dire de l’ignorance des devoirs de la vie religieuse? Alors qu’êtes-vous venues faire au couvent? Mais vous n’avez pas le prétexte de n’avoir pas fait un suffisant noviciat. Ce noviciat vous l’avez fait, mais je vais vous dire la vérité très dure, mais la vérité.

2. – Vous ne l’avez pas pris au sérieux, pourtant ces souvenirs sont importants. Direz-vous que vous avez peu de mémoire; mais les instructions que vous entendez; mais les bons livres que vous lisez; mais les méditations que vous faites; en tout cela n’est-il pas question de vos devoirs?

3. – Mais je vais vous dire quelque chose de plus dur encore. On a dit de l’impie qu’il n’a pas voulu comprendre, de peur de bien agir, et vous en êtes là. Pour l’impie, il s’agit du comble des crimes; pour vous, de la vie tiède et molle dans laquelle vous vous complaisez par mauvaise volonté.

4. – Que dirai-je des illusions de certaines lectures qui enfantent les plus absurdes sentiments? On s’y perd, on s’y enfonce avec d’autant plus de complaisance que l’on trouve par lui des notions exactes mais sévères de la perfection. Que faire donc? Evidemment vous avez certaines lumières, si affaiblies qu’elles soient. Et bien, profitez, profitez-en pour comparez ce que vous devriez être avec ce que vous êtes, et tenez pour certain que vous aurez bientôt d’utiles remords.

5. – Vous avez fait d’autres retraites, vous avez pris des résolutions, relisez-les si vous les avez écrites. Dans tous les cas, il est impossible que vous ne vous rappeliez pas les principales. Je ne vous en demande pas davantage.

6. – Mais ce sur quoi j’insiste plus particulièrement, entrez généreusement dans l’oraison, n’ayez pas peur de Dieu et prenez surtout les choses par le côté pratique.

7. – Voilà assez de matière pour réfléchir pendant cette retraite. Dieu vous appelle, mais il faut l’écouter, il faut vouloir aller jusques à lui, il faut penser à lui dans le silence, il faut dire avec le psalmiste : memor fui… Seigneur, je me suis souvenu de votre nom et j’ai gardé votre loi.

Oh! que la religieuse qui méditant sur ses grands devoirs prend dans une oraison sincère des résolutions pratiques, fait de rapides progrès! Quand en ferez-vous de cette sorte?

2° Pratique des devoirs qu’impose la vie religieuse.

1.- Je les fais consister dans la résolution permanente de tendre à la perfection, c’est le passage de l’oraison à la pratique. La méditation des devoirs n’est encore qu’un travail de l’esprit, il faut arriver aux actes de la volonté. Or il faut avant tout vouloir être parfaite. Le voulez-vous? Oui et non: oui en théorie, non en pratique. C’est là le point difficile qu’il faut surtout traiter pendant une retraite.

Remarquez, je ne dis pas que vous ayez fait le voeu de perfection, je dis qu’il faut vivre comme si on l’avait fait. Tous les théologiens vous le disent. Votre vie peut avoir ses moments de faiblesse, mais ne vous faites pas illusion, la perfection vous est indispensable ou vous vivrez dans un perpétuel mensonge vis-à-vis de Dieu; ceci est grave.

2.- Dans l’intensité la plus grande de cette disposition en vous. Or sur quoi doit-elle se porter? Sur des actes, et les voici.

La lutte la plus énergique contre vos tentations; impossible que vous n’en ayez pas. Et bien, il faut ne jamais les écouter. Ne jamais leur permettre de se développer en vous, mais les poursuivre avec le plus grand acharnement. Je ne parle pas aujourd’hui de vos péchés, pourtant n’en avez-vous pas dont vous subissez l’habitude. Eh bien, une religieuse qui laisse passer en elle le péché à l’état d’habitude, finit par ne plus être une religieuse. Parlerai-je de vos vices? C’est triste, mais il faut bien en parler, si vous en avez: non pas des vices grossiers, mais des vices délicats, comme les chenilles qui ne vivent que sur les fleurs. Ah! ils sont délicats d’abord, mais puis? Votre orgueil, vos colères, vos révoltes, vos haines sont peu de chose d’abord, mais si la bride est lâchée, où n’arrive-t-on pas?

3. – Dans la pénitence que vous devez faire selon votre état. L’esprit de pénitence est le même partout, mais ses manifestations sont diverses: aux unes on demande la solitude, aux autres le travail, à l’autres l’austérité corporelle, à d’autres encore l’oubli de soi dans les ordres donnés; mais l’esprit commun, c’est le sentiment de la justice de Dieu et de ce qui lui est dû. L’âme religieuse doit à ce point de vue ne pas se ménager, sous peine de faire contraste avec l’homme parfait qui a été l’homme de douleurs.

4. – Dans l’acquisition des vertus. Celui qui a arraché les vices de son coeur a défriché un champ couvert de ronces; il n’a pas encore semé les moissons, planté les arbres utiles. Il faut encore travailler à l’acquisision des vertus qui le conduiront à la perfection. Quel travail que celui-là et que c’est peu de toute la vie pour l’accomplir! Ah! que la religieuse a d’efforts à faire pour acquérir à un degré convenable les vertus de foi, d’espérance et de charité! Que de luttes pour rendre surnaturelles les vertus cardinales connues des païens, mais qui n’ont rien de commun avec les vertus chrétiennes du même nom, à cause de la différence et du point de départ et du but! Les païens partaient de l’intérêt humain pour arriver à une jouissance humaine. Les chrétiens partent de nos devoirs envers Dieu pour arriver à la possession de Dieu. Mais que les vertus s’élèvent bien plus encore, comme nous le verrons plus tard, dans l’âme religieuse!

5. – Dans la pratique des voeux. On les a faits, mais si sans cesse on ne les rappelle pas à l’esprit et au coeur, combien facilement ils s’oublient! Pourtant pour la religieuse tout est là. Ce sont les voeux qui la distinguent du reste des chrétiens. Veut-elle les observer? qu’elle y mette une application constante. Les néglige-t-elle? pourquoi alors a-t-elle pris l’habit religieux, accepté une règle, s’est-elle séparée du monde?

6. – Dans la perfection avec laquelle ses voeux sont observés. Oh! quel terrain brûlant sur lequel se posent les pieds! Quand je contemple tant de saints religieux, dont la vie a été une immolation perpétuelle d’eux-mêmes pour arriver à la perfection, et que je songe à la mollesse, à la torpeur de tant d’âmes qui se disent religieuses, je suis frappé d’épouvante. Qu’est-ce donc que la perfection religieuse, si on la cherche dans certaines âmes qui n’ont de religieux que le nom et certaines formes vaines, qui se portent partout elles-mêmes avec leurs défauts constants et leurs misères toujours croissantes? Et pourtant qu’y a-t-il de plus beau que l’âme vraiment religieuse et éclairée des lumières de la foi, conformant sa vie non pas au précepte, mais aux conseils de la loi nouvelle, foulant dédaigneusement la terre comme une prison, aspirant d’un effort immense vers la patrie, aimant Dieu d’une plénitude d’amour, que Dieu lui-même lui communique, se séparant des biens menteurs pour ne vouloir que des richesses divines, faisant de son corps une victime de pureté, de sa volonté une victime d’obéissance, regardant sans cesse Jésus-Christ et disant: voilà le modèle que je dois imiter, afin de devenir moins indigne de lui être unie? Voilà le terme de tout. C’est cette perfection que j’aspire à réaliser jusqu’à mon dernier soupir. Que telle soit votre ambition, mes filles! Devenez, en effet, d’autres Jésus-Christ et vous aurez atteint votre but.

Notes et post-scriptum