DOCUMENTS NE FIGURANT PAS DANS LES T.D.

Informations générales
  • DOCUMENTS NE FIGURANT PAS DANS LES T.D.
  • Quelques notes à propos du futur concile.
  • Orig.ms. DY 4.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU PAPE
    1 ASSOCIATIONS OEUVRES
    1 ATHEISME DE L'ETAT
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BESOINS DE L'EGLISE
    1 BIENS DE L'EGLISE
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONCORDATS
    1 DEMOCRATIE
    1 EVANGELISATION DES PAUVRES
    1 EVEQUE
    1 EXPULSION
    1 GALLICANISME
    1 INDIFFERENCE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 OUVRIER
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SEPARATION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
    1 TOLERANCE
    1 VOEU DE PAUVRETE
    1 VOEUX SIMPLES
    1 VOEUX SOLENNELS
    2 PIE IX
    3 AMERIQUE
    3 ANGLETERRE
    3 BELGIQUE
    3 FRANCE
  • 1868 ou 1869(1)
La lettre

1° Est-il opportun que le concile soit différé ?

Sauf les impossibilités absolues, rien ne serait plus funeste qu’un délai.

D’abord parce que les révolutionnaires et les gallicans le désirent, preuve qu’il est nuisible.

Ensuite parce qu’il diminuera le prestige attaché par l’univers entier à cette solennité,

ensuite parce que bien des questions dont la solution est très urgente seraient renvoyées.

Enfin et surtout parce que ce délai donnerait à certains hommes le temps d’ourdir des intrigues et de diminuer l’influence pontificale au nom de certaines combinaisons politiques, mises en avant avec habileté.

[2°] Que penser des concordats ?

En fait la révolution les déchire partout et par conséquent la solution de fait amènera la solution pratique à accepter ou à subir par l’Eglise.

En principe il faut se souvenir qu’il n’y a plus un seul état chrétien, qu’aucun gouvernement n’a plus de doctrines religieuses comme société. Les états modernes n’ayant plus de doctrines n’ont plus que des intérêts, et les intérêts sont changeants. On ne peut compter avec eux sur autre chose que sur l’instabilité. Des états sans doctrine ne peuvent protéger l’Eglise qui vit de doctrines; ils en sont radicalement incapables. Ce serait une absurdité à l’Eglise de compter sur la protection de gouvernenements qui par leur nature sont impuissants à croire à sa vérité.

Dans ces conditions de jour en jour plus manifestes, quelle inconséquence [serait] de tenir aux concordats.

L’Eglise peut-elle donc y renoncer ?

Non, mais quand les peuples les foulent aux pieds, elle doit s’en consoler afin d’obtenir une liberté plus grande dans la nomination des Evêques. En fait ce sont des mauvais catholiques, des déistes, des athées, des libres-penseurs qui dans les pays à concordat font le choix des Evêques. Quelle chance pour en avoir de bons ?

En principe ces choix doivent être faits par des gouvernements sans doctrines religieuses, au point de vue d’une société incroyante, avec le désir d’atténuer ce qu’on appelle les excès du zèle et de l’indépendance épiscopale, et de développer cet esprit de tolérance moderne qui n’est autre que le crime de l’indifférence religieuse. Il ne serait pas difficile de citer de nombreux exemples à l’appui de cette assertion.

D’où il importe de considérer que, les états étant ce qu’ils sont, et l’Eglise ne pouvant être protégée par eux, il faut trouver dans la séparation de fait, la liberté qui, dans les conditions actuelles, ne peut être autrement obtenue.

Il importe très fort de remarquer que les gouvernements qui ne veulent pas aujourd’hui la séparation de l’Eglise et de l’Etat la repoussent de peur de perdre l’occasion d’asservir l’Eglise. L’union pour eux c’est l’envahissement.

[3°] Resterait une grave question. Et les biens ou budgets ecclésiastiques ?

L’Eglise n’a le droit de rien sacrifier. Si les biens étaient entièrement volés, si les budgets étaient supprimés, il y aurait un grand moment de crise, mais après une rude secousse, le clergé se retremperait dans la pauvreté, et peut-être y aurait-il à examiner à ce point de vue si les congrégations religieuses, d’hommes surtout, n’auraient pas à être encouragées. Evidemment certains pays deviendront pays de mission.

Mais pour qui connaît les projets des révolutionnaires modérés, c’est-à-dire la suppression progressive du budget, et ceux des révolutionnaires rouges, c’est-à-dire la suppresion complète, radicale, immédiate, il n’y a pas à se faire illusion.

Il importe que dans le concile, à propos de l’Amérique, de l’Angleterre, on trace les règles à suivre, un peu plus tôt un peu plus tard, dans le reste du monde catholique et pour proposer une formule qui porterait le dernier coup aux concordats, ne pourrait-on pas dire ?

Le s[ain]t et sacré concile respectant avant tout les droits du souverain pontife sur la nomination des Evêques, vu l’état présent des affaires et les dangers qui menacent, désire que désormais les Evêques soient élus le plus tôt possible d’une manière analogue à celle employée pour les Evêques de Belgique, d’Angleterre et d’Amérique.

[4°] Que faire avec les protestants ?

On a beau dire. Il y a des protestants, il n’y a plus de protestantisme. Où est le lien ? Il n’en existe pas. Comment les combattre ? Uniquement en les laissant faire. Leur seul drapeau c’est la haine contre l’Eglise. Que l’Eglise les laisse tranquilles et se contente de leur tendre les bras. Ils se tourneront bien vite les uns contre les autres. Le temps de la controverse est passé.

Par ce qui vient d’être dit plus haut, il est facile de prévoir la suppression du budget des catholiques. Il est facile de prévoir aussi que cette mesure atteindrait aussi promptement le culte protestant. Cette mesure serait la ruine de la prétendue réforme au moins en France. Il ne resterait que des rationalistes et des libres-penseurs, c’est-à-dire les protestants conséquents, mais ceux-là ne sont plus chrétiens et ont de moins en moins besoin d’un culte.

[5°] Que faire pour les ordres religieux ?

Si les ordres religieux sont l’armée de l’Eglise, la substance de la vie religieuse doit toujours y subsister, mais les formes doivent varier.

On dit, ne convient-il pas d’en diminuer le nombre ?

Je réponds, je laisse la question de fond, mais pour le moment je trouverais une restriction quelconque très dangereuse au moins pour la France.

Voici pourquoi.

Avec les choix faits pour les Evêques, le seul centre d’amour pour le St-Siège se réfugie dans les communautés religieuses. Or il est facile de voir, dans certains diocèses, les efforts tentés pour que les congrégations prennent les idées d’une portion toujours plus nombreuse de l’Episcopat. En multipliant ou laissant multiplier les congrégations, on arrive au résultat que si quelques familles religieuses subissent de funestes influences, d’autres peuvent y échapper. Or qu’il y ait un plan formé à cet égard, il suffit de voir le système adopté envers les Dames de l’Assomption, de St Maur, de St Joseph de Cluny et bien d’autres pour prévoir ce qui se passera si l’on y met obstacle. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut favoriser les morcellements sollicités par certains Evêques et dont le résultat est d’ôter toute vie propre aux congrégation trop amoindries.

On peut se demander vers quoi le concile pencherait ? Vers les voeux simples ou vers les voeux solennels ?

Pour répondre à cette question il faut se préoccuper de cette vérité. La situation des ordres vis-à-vis des pouvoirs humains est toute changée. La sanction de la loi religieuse pouvait être, par l’effet du concours de l’état, la coaction. Aujourd’hui on n’a plus que l’expulsion. Il faut pouvoir chasser les membres corrompus. D’où il résute que la mesure de renvoi doit être la grande puissance des supérieurs. Pour cela il faut absolument se placer à un tout autre point de vue que jadis.

Je dirai la même chose à propos du voeu de pauvreté, les lois civiles s’opposant à tout ce qui pourrait favoriser l’engagement que le voeu solennel de pauvreté suppose. Il y a là une modification à opérer. Je n’ose(2) indiquer laquelle est la préférable.

[6°] Quant aux classes ouvrières. La matière est trop vaste. Il y a seulement un fait plus clair que le soleil, nous sommes en pleine démocratie. C’est un bien, c’est un mal, peu importe, c’est un fait. La conclusion est qu’il faut s’occuper de la démocratie par toutes les associations, toutes les prédications, toutes les publications possibles, par toutes les oeuvres populaires imaginables. C’est le moment de donner cette grande preuve de christianisme que Notre-Seigneur donnait dans sa propre mission. Pauperes evangelizantur. Il faut sous toutes les formes et par tous les moyens que l’Eglise s’empare des classes pauvres.

Notes et post-scriptum
1. On ne peut parler de différer le concile que lorsque la date en a été fixée. Or c'est le 19 juin 1868 que Pie IX convoqua le concile pour le 8 décembre 1869.
2. Lecture incertaine.