Retraite pour les hommes à la rue François Ier, 1873

4 APR 1873 Paris Hommes

La prière, élévation de l’âme vers Dieu, est une aspiration irréalisable sans l’aide de Dieu même. Comme celle de Marie, elle doit être douloureuse, résignée et aimante.

Informations générales
  • Retraite pour les hommes à la rue François Ier, 1873
  • Du devoir de la prière
  • DA 6, pp. 25-30 (ms d'inconnu)
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 CHARITE DE MARIE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 COMPASSION DE LA SAINTE VIERGE
    1 CONTRITION
    1 FOI DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 ORAISON DOMINICALE
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 PRIERES AU PIED DE LA CROIX
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOIE UNITIVE
    2 JEAN, SAINT
  • A des hommes
  • Hommes
  • Vendredi matin [4 avril 1873]
  • 4 APR 1873
  • Paris
  • Chapelle de la rue François Ier
La lettre

Le devoir de la prière, cette grande aspiration de la créature vers son Créateur, du coupable vers son juge, est négligé ou incompris par un grand nombre de chrétiens.

Prie, c’est s’unir à Dieu, c’est s’élever jusqu’à lui; le but de la prière c’est de recevoir une grâce de Dieu, qui nous donne la force de nous élever à lui.

Il est évident que si Dieu ne s’inclinait pas pour tendre à l’homme une main secourable, l’homme dans sa nature imparfaite serait impuissant à réaliser l’aspiration de la prière. L’homme est trop bas et Dieu trop haut. Il nous a été donné par Jésus Christ le plus puissant enseignement de la prière. « Seigneur, apprenez-nous à prier », disaient les disciples, et Notre Seigneur leur enseignait cette prière des prières, qu’on appelle l’Oraison Dominicale. Dieu nous a donné, non seulement l’enseignement de la prière, mais encore un modèle dans la plus pure, la plus parfaite des créatures, la Vierge Marie.

Dieu seul sait ce qui se passait dans le coeur de Marie, quand, debout au pied de la croix où était attaché son divin Fils, elle priait avec tant de douleur, de résignation et d’amour.

Il faut que la prière renferme en elle ces trois caractères, il faut que la prière soit douloureuse, résignée et aimante.

Le premier caractère de la prière est la douleur. Méditons ces paroles du pontife Siméon à Marie: « Un glaive transpercera votre âme ». Au moment où N.S. J. Christ résumait en lui toutes les douleurs pour expier le péché des hommes, Marie s’unissait à Lui et partageait toutes ses souffrances; elle a consenti à ressentir toutes les angoisses de cette prière qui était empreinte de la faiblesse humaine, dans laquelle son fils s’était incarné, prière que N.S. adressait à son Père dans le jardin des oliviers: « Mon Père, éloignez de moi ce calice ». Marie a consenti à partager les dernières angoisses de son fils bien aimé, quand il poussa ce cri de désespoir, de découragement suprême: « Mon père! mon père! vous m’avez abandonné! ».

Nous ne devons pas trouver d’obstacle à notre prière, quand nous serions en proie aux plus grandes douleurs qui aient affligé l’humanité. Marie, dans son immense douleur, continuait à prier, sa souffrance intérieure, le glaive qui transperçait son coeur, était pour sa prière un aiguillon de ferveur. Notre prière doit avoir un caractère de sacrifice, car la douleur de Marie, aux pieds de son Dieu, de son Fils agonisant, a la signification la plus complète du sacrifice.

Notre prière doit être résignée. Marie, témoin des souffrances de son Fils, de ce Fils sorti de son sein comme un chaste rayon, Marie acceptait ce sacrifice épouvantable avec résignation. Quand Jésus Christ inclinant la tête et s’adressant à Jean son disciple bien aimé, lui dit: « Voilà votre mère », il dit à Marie: « Femme, voici votre fils ». Comprenant la grande signification de ces paroles, elle accepte sans murmurer d’être la mère des hommes, de ces hommes pour lesquels son divin fils s’immolait et qui étaient ses bourreaux.

Toutes les fois que l’ennui vient courber notre front, que les souffrances déchirent notre corps, que les chagrins, pareils à des glaives, transpercent notre coeur, notre âme, il faut prier, prier avec résignation, il faut s’écrier comme Marie: « fiat voluntas tua ». Mon Dieu, que votre volonté soit faite, car en quoi consiste la perfection, si ce n’est dans l’adhésion la plus complète aux ordres de Dieu. « Femme, voilà votre fils »: quel sublime enseignement de résignation nous donne la mère du Sauveur.

La prière de Marie était imprégnée de l’amour le plus parfait. Elle avait vu son fils trahi, garrotté, entraîné avec brutalité devant les railleries haineuses de Caïphe, l’indifférence de Pilate, elle l’avait vu flagellé, insulté, bafoué, couronné d’épines meurtrières, épuisé sous le fardeau du bois infâme qui devait servir à son supplice, dépouillé de ses vêtements, cloué cruellement sur sa croix, elle avait assisté à toutes ses souffrances et cela au milieu de la grossièreté des soldats romains, de la haine de la populace juive; elle avait été témoin de tout cela, et l’ardeur de son amour ne s’était pas refroidi. La pureté de sa foi était restée intacte. Elle a compris toute la grandeur du sacrifice, elle s’est unie, identifiée en son fils, et elle a aimé les hommes parce qu’elle aimait son fils, son Dieu; toutes les douleurs les plus intenses l’ont trouvée résignée, ce spectacle au-dessus des forces humaines n’a pu affaiblir son amour, et la haine des bourreaux de son fils n’a pu pénétrer dans son coeur de mère. Nos prières sont souvent inefficaces, parce que l’amour nous fait défaut. Voyez les effets de la puissance de cet amour dans la Ste Vierge, voyez comme elle fait abnégation la plus complète d’elle-même, comme elle s’oublie dans son acceptation pleine et entière des dispositions que Dieu prend pour elle. Jésus a aimé Marie, sa mère, au-dessus de toutes les créatures, et pour éprouver son amour sur le Calvaire, il l’a traitée sévèrement. « Femme, voilà votre fils », et Marie s’oublie, s’immole et adopte dans Jean, le chaste disciple, l’humanité tout entière. Il faut que notre prière soit aimante, il faut s’oublier, s’immoler, c’est là la perfection de l’obéissance. « Mon Dieu, je vivrai comme il vous plaira ». Jésus Christ ne nous demande pas sa perfection à lui, il nous donne sa mère comme modèle, car il était de nature divine, mais Marie était femme. Voyez comment elle a prié.

Pénétrons-nous de cet enseignement, prions, prions avec résignation, abnégation et amour; prions comme Marie, il y a toujours quelque analogie entre ses douleurs et les nôtres, prions avec Marie, au pied de la croix, et si nous sommes purs, nous serons comme St Jean, ce disciple de l’amour; si nous sommes coupables, nous serons semblables au bon larron à qui notre divin Sauveur a dit: « vous serez avec moi dans le royaume de mon Père. » Prions donc pour expier nos fautes et celles de l’humanité, donnons au monde le salutaire exemple de nos repentirs publics, prions enfin avec cet esprit véritable de la prière, la douleur, la résignation et l’amour.

Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1. Notes du P. d'Alzon: D 01936 où cette instruction porte le n° 10.