A des dames ou jeunes filles

24 OCT 1861 Nîmes ENFANTS de Marie
Informations générales
  • A des dames ou jeunes filles
  • Retraite aux Enfants de Marie du Prieuré de Nîmes, 1861
    Habitudes et vertus
  • GN 2, pp. 17-19 (notes de V. P. Bailly); coll. dactyl. des écrits du P. Bailly, t. 26, pp. 73-74.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 COLERE
    1 CONSCIENCE MORALE
    1 GOURMANDISE
    1 GRACE
    1 HABITUDES
    1 LOI NATURELLE
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 TYRANNIE DES SENS
    1 VERTUS
    2 MAZARIN
  • Enfants de Marie du Prieuré de Nîmes
  • ENFANTS de Marie
  • 24 octobre 1861
  • 24 OCT 1861
  • Nîmes
  • Prieuré des Religieuses de l'Assomption
La lettre

Habitudes.

Il y en a de nécessaires, il y en a d’autres et il est incroyable combien on s’en crée.

Ainsi il faut manger, mais tous les hommes ont pris l’habitude de trop manger, de manger des friandises superflues. Une petite paysanne, offrant de l’eau cherchée au loin à des demoiselles, se mit à boire, elle, dans un creux du chemin en disant: cela suffit pour moi. Pourquoi pour elle cela suffit-il et pas pour nous? Habitude.

Ce que fait l’habitude? Mazarin dit que il pouvait à peine coucher dans des draps de toile de Hollande la plus fine qu’on employât alors.

1° Il y a les habitudes des sens; c’est la sensualité, cette gourmandise (assez humiliante du reste), qui fait que nous ne pouvons pas nous passer de ces friandises, qui fait que nous nous plaignons de n’avoir que ce qui ferait le bonheur de tant d’autres qui ont moins.

Ce plaisir d’entendre. L’ouïe.

Cette gêne d’un plis du vêtement, etc. Le tact, l’odorat, etc.

2° Il y a des habitudes de la volonté, qui ne veut absolument ne rien sacrifier.

3° [Blanc].

On a un esprit merveilleux pour s’accorder toutes ces habitudes. Le séminariste: j’ai pensé que j’étais un pécheur et je me suis dit: brûle, brûle, misérable.

J’ai vu une personne qui criait sans cesse et ne décolérait pas, prétendant qu’elle ne se mettait pas en colère pour cela, mais que c’était nécessaire pour faire marcher les domestiques. Or, l’entendant, je dis: qu’est-ce là? – Ce n’est rien, c’est Mr qui crie. Voilà comment on réussit. Mais il a persisté.

Vertus. Puisque nous avons des habitudes nécessairement, prenons les bonnes. Or, les bonnes habitudes sont les vertus; mais distinguons.

Il y a les vertus de tempérament, de bonnes personnes qui n’ont aucun désir de mal faire et qui végètent paisiblement. Ce sont de charmantes bouteilles, vides; au fond, si vous le voulez, il y a un petit reste, un petit débris, c’est leur vertu.

Il y a aussi les vertus naturelles. On est honnête homme, bon père, bon citoyen, et c’est là un des grands malheurs de l’humanité, car rien n’éloigne davantage des véritables vertus surnaturelles. Dieu ne commande pas d’être vertueux ainsi, et quand on lui apportera ces vertus-là pour être récompensé, il vous recevra comme un fournisseur qui viendrait nous apporter par exemple des meubles que nous ne lui avons point commandés, en disant: voyez, j’ai travaillé pour vous, payez. – Mais qui vous a demandé cela?

De ces vertus naturelles on tombe d’ailleurs dans d’étranges aberrations. Un de mes amis qui possède 70.000 fr. disait devant moi: le bien, c’est jouir; la vertu, c’est faire jouir, je ne conçois point d’autre morale, et je m’efforce de la pratiquer aussi bien que ceux qui entrent au couvent. – Eh bien! lui répondis-je, de même qu’une personne qui a 30.000 et qui entre au couvent donne sa fortune afin de faire vivre de la vie qu’elle croit le bonheur trente jeunes filles dans les mêmes dispositions, de même donnez vos 70.000 de rente pour faire vivre avec les jouissances que vous estimez 60 ou 70 hommes qui n’ont rien; vous ferez jouir beaucoup de gens et vous pratiquerez la vertu bien mieux qu’en offrant quelques dîners à vos amis; si vous ne faites point cela, même à votre point de vue, la religieuse est plus vertueuse que vous. Il ne donna point ses 70.000 fr.

Il faut pour être sauvé, ou au moins pour ne pas s’exposer à un long purgatoire, que nos vertus soient véritablement surnaturelles et entièrement telles. Un grand saint, [blanc] disait en mourant qu’il ne savait pas s’il avait accompli un seul acte de vertu qui ne fût terni par un sentiment d’amour-propre. Et nous?

Mais pour cela la résolution ne suffit point, il faut la grâce. Et voici pourquoi il faut la demander avant toutes choses. J’ai éprouvé qu’échauffé par une sainte ardeur après une lecture, une méditation ou un sermon il m’est arrivé, par exemple, [que], voulant souffrir tout ce qui arriverait, grandes maladies, tracas, etc. pour le bon Dieu, il m’a été impossible 1/4 d’heure après de supporter une démangeaison d’insecte.

Et après une réforme bien arrêtée sur ma gourmandise, immédiatement ne pas même garder la même tempérance que les jours précédents. Mon Dieu, donnez-nous la grâce.

Notes et post-scriptum
1. Notes du P. d'Alzon: D00718 et D00719.