Sermons divers

16 DEC 1879 Ribaute-les-Tavernes (Gard)
Informations générales
  • Sermons divers
  • Discours du P. d'Alzon aux funérailles de Mr de Lascours, 16 décembre 1879
  • BZ 8, pp. 99-105 (cahier de Cécile Varin d'Ainvelle).
Informations détaillées
  • 1 ARMEE
    1 BON EXEMPLE
    1 BONNES OEUVRES DES LAICS
    1 CERCLES MILITAIRES
    1 CIEL
    1 DEVOTION EUCHARISTIQUE
    1 EDUCATION EN FAMILLE
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 EVANGELISATION DES PAUVRES
    1 FUNERAILLES
    1 PARENTS
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 THEOLOGIE
    1 VIE DE PRIERE
    2 LASCOURS, DE
    3 RIBAUTE-LES-TAVERNES, CHATEAU
  • 16 décembre 1879
  • 16 DEC 1879
  • Ribaute-les-Tavernes (Gard)
La lettre

Justum deduxit Dominus per vias rectas, et ostendit illi regnum Dei, et dedit illi scientiam sanctorum.

J’ai longtemps hésité, mes frères, sur le texte des Stes Ecritures qui me serviront à vous retracer la vie et les vertus de celui que nous pleurons. Il y a des vies qui ressemblent partout à ces fleurs cachées dont le parfum révèle seul la présence. Il était votre père, votre modèle, habitants de Ribaute, mais il était surtout le Juste dans le sens le plus élevé et le plus complet que l’Esprit Saint donne à ce mot. Il est dit que Dieu a conduit le Juste par les droits sentiers? Dès son enfance, ce grand chrétien a été conduit dans les sentiers de la foi et de la vertu, par une mère que j’ai toujours entendu appeler la sainte Dame. Plus tard, à l’âge où son âme s’ouvrait à toutes les impressions de la jeunesse, il voyait son père, valeureux soldat, commandant dans l’une des plus grandes villes de France, se préoccuper surtout de rendre le soldat chrétien et lui faciliter les pratiques de la religion. Ainsi le royaume de Dieu lui a été montré dès sa jeunesse, et ostendit illi regnum Dei, il l’a entrevu dès son enfance, il a affermi ses pas dans cette voie droite, et lorsque, renonçant un jour aux brillantes espérances d’une noble carrière, il est rentré dans la vie privée, nous pouvons le contempler étudiant la science des Saints, que Dieu donne toujours à ceux qui la cherchent, et dedit illi scientiam sanctorum.

Où puisait-il cette science des Saints? D’abord dans la lecture, les études sérieuses si appropriées à sa noble intelligence, à son coeur si élevé, mais surtout dans cette connaissance intime et profonde de J.C. fils de Dieu, de J.C. Verbe incarné et caché dans les profondeurs de l’Eucharistie. Qui nous racontera, mes frères, ces longues oraisons, qui n’avaient que de si rares témoins, ces heures passées devant ce tabernacle qu’il avait édifié dans sa propre maison, ce recueillement profond avec lequel il étudiait J.C. caché et abaissé? C’est là le secret de cette science des Saints, qui étonnait dans un homme du monde, mais cette science ne serait pas complète si elle n’était en même temps éminemment pratique. Ce grand chrétien l’avait compris, aussi quelle ferveur, quelle ardeur dans ces travaux entrepris pour la gloire de Dieu, ces travaux dont parle l’Esprit Saint louant toujours le Juste: Honestavit illum in laboribus. Dieu l’a rendu honnête dans ces travaux, telle est la fidèle traduction du texte; il l’a sanctifié dans cette vie qui paraissait obscure aux yeux du monde, par ces oeuvres qu’il aimait parce qu’elles étaient humbles et cachées, par ces aumônes si abondantes qu’il répandait dans le sein du pauvre, et laissez-moi, mes frères, vous rappeler ce trait qui suffirait à dépeindre un saint: jamais une autre main que la sienne, pas même celle de ses plus fidèles serviteurs, ne donnait l’aumône au pauvre qui venait l’implorer, et lorsque ses forces le trahissant, il ne pouvait plus aller à ceux qui lui représentaient J.C., c’était à la compagne de sa vie qu’il confiait cette fonction, la considérant comme un honneur et comme un gain.

Mais Dieu avait ses vues sur cette âme d’élite, et il voulut lui-même compléter, rendre parfaits et entiers les labeurs de son fidèle serviteur, et complevit labores illius… Comment la sagesse éternelle s’y prend-elle pour accomplir les oeuvres parfaites, pour couronner de succès les labeurs terrestres? Ses vues ne sont pas les nôtres, et l’homme charnel ne les comprend pas. Plus Dieu affectionne une âme, plus il veut la rendre semblable à son divin Fils. Comment J.C. a-t-il sauvé le monde? par ses souffrances et par sa mort, et toute âme associée aux oeuvres de la Rédemption, est marquée par ce sceau. Vous avez donc vu, mes frères, ce grand chrétien aux prises avec la souffrance, vous l’avez vu se consumer et mourir chaque jour, et c’est ainsi que ses travaux s’accomplissaient. En effet, il y a 15 jours à peine, remuée par une parole apostolique, cette paroisse se renouvelait, les âmes revenaient à Dieu, et avant d’aller recevoir au ciel la récompense promise à ceux qui ont fidèlement travaillé, celui qui repose dans ce cercueil voyait le fruit de ses souffrances, les âmes sanctifiées, ses travaux accomplis!…

Que dit encore l’Ecriture sur ce Juste que l’Esprit Saint se plaît tant à louer? Justus ut palma florebit, il fleurira comme le palmier, in memoria aeterna erit justus, sa mémoire sera éternelle. Comment ces magnifiques promesses s’accompliront-elles, et peut-on même les rappeler devant un cercueil qui renferme hélas! toutes nos espérances terrestres! Vous me direz: sa mémoire sera éternelle dans nos coeurs, oui, mes frères, et tant que durera cette génération, ce souvenir vibrera fort et puissant dans cette paroisse de Ribaute. Mais après que vous-mêmes qui m’écoutez l’aurez suivi dans l’éternité, qui fera revivre ce nom si cher et désormais effacé?… Il faut cependant que les promesses divines aient leur effet. Justus ut palma florebit, sicut cedrus Libani multiplicabitur. Le juste fleurit surtout par ses oeuvres, il se multiplie dans les âmes qui lui doivent leur salut, sa mémoire est éternelle lorsqu’elle repose sur ces choses, qui commencées dans le temps, se terminent dans l’éternité. Il appartient à ces âmes d’élite que Dieu retire de ce monde avant que selon nos idées humaines elles aient achevé leur tâche, de fonder des choses durables, inaccessibles aux variations du temps. Par leurs soins, les enfants reçoivent une éducation chrétienne, la maison de Dieu est embellie et rendue digne de celui qui l’habite, les vocations sont favorisées et affermies, des âmes virginales trouvent l’abri qu’elles cherchent au milieu des dangers du monde, les pauvres sont secourus, et ainsi la mémoire de ce Juste, gardée d’abord dans un coeur que sa mort a brisé, se perpétuera dans l’éternité.

Ab auditione mala non timebit, il ne craindra pas d’entendre une parole mauvaise, c’est encore une récompense promise aux travaux du Juste. Fortifié dans ses souffrances par les promesses divines, il a entendu au dernier moment cette parole consolante qui le conviaient aux joies éternelles, l’ennemi de tout bien n’avait plus de prises sur son âme, et désormais nulle parole ne s’élèvera contre lui. Sa mémoire sera en bénédiction dans la terre où il repose, et son âme enivrée des joies de l’éternité.

Notes et post-scriptum