- Aux Religieuses de l'Assomption
- Retraite aux Religieuses de l'Assomption de Sedan
De l'Esprit de Foi - CD 26 (ms de Sr Marie du Saint-Sacrement de Gouy).
- 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
1 ADORATION
1 AMOUR DU CHRIST
1 CHARITE ENVERS DIEU
1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
1 EVANGILE DE JESUS-CHRIST
1 EXAMEN DE CONSCIENCE
1 FOI
1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
1 IMITATION DE JESUS CHRIST
1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
1 LUTTE CONTRE LE MONDE
1 MORTIFICATION
1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
1 RESPECT HUMAIN
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 UNION A JESUS-CHRIST
1 VOIE UNITIVE
2 DAVID, BIBLE
2 PAUL, SAINT - Religieuses de l'Assomption
- RA
- 24 août 1859
- 24 AUG 1859
- Sedan
Je vous parlerai aujourd’hui de l’esprit de foi. C’est une grande chose que l’esprit de foi et nous verrons ensemble la différence des procédés d’une personne qui agit avec esprit de foi et de celle qui s’en passe. Quelle est votre vie? St Paul nous le dit: Vita vestra Christus est. Mihi vivere Christus est. Votre vie est J.C. Quel est votre but? C’est Dieu par J.C. La vie éternelle consiste à vous connaître, mon père, vous et J.C. que vous avez envoyé. Voilà donc votre vie, votre but, votre tout: J.C.
Je suppose une religieuse pleine de bonnes et aimables qualités, d’un bon caractère, fidèle à tous ses devoirs, dévouée pour ses élèves. Voilà une religieuse accomplie aux yeux du monde. Mais est-ce là tout? Laissez-moi vous le dire: toutes ces choses ne sont rien, car pour valoir quelque chose, il leur manque une chose souverainement nécessaire. Votre édifice doit reposer sur des bases plus solides, il doit être fondé sur J.C., autrement il tombera. Pour une âme religieuse, J.C. doit être sa vie, sa pensée de chaque jour, de chaque instant.
Vous êtes en vacances, quand à la fin de l’année vous avez vu partir vos enfants, vous avez été heureuse de rentrer dans le repos après une année de travail. Faisons ensemble un petit examen. Pendant cette année vous vous êtes appliquées à vos devoirs d’emploi avec zèle et activité, vous avez donné tous vos soins aux élèves qui vous étaient confiées. Si vous l’avez fait par des motifs naturels, malheur à vous. Qu’en reste-t-il? Après que le monde a pu juger que vous êtes une charmante religieuse, que vous vous êtes dit: J’ai enseigné telle ou telle chose à mes élèves avec succès, je les ai formées à telle et telle qualité, que restera-t-il de cela quand vous serez entre quatre planches? Dites-vous bien sérieusement à vous-même: dans tout le cours de cette année ai-je véritablement travaillé pour J.C. et en J.C. Ah! si alors vous pouvez répondre que cela a été votre application constante, que semblable à l’aigle qui ne fait que fendre les airs, saisir sa proie sur la terre et la reporter dans les nues du ciel, vous aussi comme l’aigle vous n’êtes descendue sur la terre que pour saisir les âmes et les reporter à J.C. Si loin de vous arrêter ici-bas dans des pensées terrestres et humaines vous avez repris votre élan vers le sanctuaire sacré de Dieu, vers le coeur de J.C., comme vers l’aire divine qui doit être à jamais le lieu de votre repos et de votre demeure, alors tant mieux, vous avez bien travaillé et vous porterez des fruits.
On raconte que vers la fin du siècle dernier un célèbre prédicateur qui avait une grande renommée dans le monde touchait à sa dernière heure et paraissait livré au plus profond désespoir. Un prêtre appelé près de lui voulait le contenir, le rassurer, en lui disant de se confier aux mérites de J.C. Ah! ne prononcez pas ce nom devant moi, je ne puis y avoir confiance car le respect humain m’a empêché de le prononcer une seule fois dans mes sermons. C’était alors cette malheureuse époque où la foi avait presque disparu; dans leurs discours les prédicateurs parlaient beaucoup de l’Etre Suprême, quelquefois de Dieu, des vertus morales; mais de J.C., mais de l’Evangile jamais ou presque jamais. Aujourd’hui on prêche J.C. dans les chaires, mais on ne s’applique pas assez à le faire vivre dans les coeurs.
Et c’est là que j’en arrive; la question importante qu’il nous faut poser en ce moment: A quel point en suis-je par rapport à cette vie de J.C. dans mon âme; mes idées, mes sentiments, mes dispositions sont-elles celles de J.C.? Dans mon travail sur les coeurs, sur les âmes qui m’étaient confiées, ai-je laissé passer cette partie de ma vie qui est J.C. Ai-je paru toujours environnée de cette pure lumière de foi que la pensée habituelle de J.C. devait répandre sur tous mes actes, et que je devais imprimer dans tous ceux qui m’entouraient. Prenons-y garde. Depuis le moment où vous levant vous devez en vous revêtant vous revêtir de la pensée de J.C., vous surtout dont les habits sanctifiés et bénis doivent vous rappeler sans cesse cette parole de l’Apôtre: Induimini Dominum Jesum Christum, revêtez-vous de J.C., depuis ce moment où par un premier acte d’adoration vous vous donnez à Dieu jusqu’à celui où vous vous dépouillez, après avoir demandé à Dieu sa dernière bénédiction pour vous étendre dans votre lit comme dans un cercueil, en attendant que le terme de votre course soit arrivé pour vous, quel est l’esprit qui vous anime? Toutes vos pensées, vos paroles, vos actions sont-elles dirigées à cette fin et portent-elles l’empreinte de J.C.? Cela est difficile, j’en conviens, mais voyez quels biens vous appartiendront, si vous agissez ainsi. Je me rappelle avoir développé autrefois cette parole de la Ste Ecriture appliquée à la Ste Vierge: Elle a saisi le fuseau et a mis sa main aux choses fortes. Qu’est-ce en soi que de tourner un fuseau, quelle chose plus futile et plus petite en apparence! Et cependant les Pères ne craignent pas d’affirmer que faite par les mains de la Ste Vierge cette petite action avait plus de mérite que les plus grandes mortifications des Sts, à cause du grand amour qui l’animait. Mettant à part le degré auquel vous restez en arrière, voyez quels biens, quels avantages pour vous de faire toutes choses dans cet esprit de foi; les moindres choses prennent une valeur incroyable, tout est compté, tout est méritoire pour le ciel. Il est vrai que j’ai été quelquefois moi-même effrayé des conséquences auxquelles entraîne nécessairement l’abandon de l’âme à cet esprit de foi, à cette vie en Dieu.
Mais rappelez-vous bien que l’acte d’adoration, acte nécessaire à votre nature, vous êtes surtout à reconnaître le souverain domaine de Dieu sur toutes les créatures. Or vous et moi nous sommes des créatures, donc nous devons reconnaître nécessairement le souverain domaine de Dieu sur nous. Or ce domaine s’étend à tout notre être. Si en visitant un coffret vous trouvez dans un coin une pierre commune, dans l’autre un diamant, auquel attacherez-vous plus de prix comme étant tous deux votre possession: au diamant sans doute. Nous sommes composés de 2 choses, le corps qui honore le moins Dieu et l’âme avec ses facultés d’intelligence, de volonté et d’amour. Donnez à Dieu le corps, c’est bon, mortifiez-vous, c’est très bon, jeûnez, c’est très bien, faites l’aumône, c’est excellent, mais surtout donnez à Dieu ce dont il est le plus jaloux dans sa créature, c’est-à-dire les puissances de votre âme. Elles ne vous appartiennent légitimement pas, et toutes doivent être dans l’ordre de la justice consacrées à Dieu. Vous devez comprendre les choses pour Dieu, les vouloir pour Dieu, les aimer pour Dieu, en même temps que d’abord et principalement vous devez connaître, vouloir et aimer Dieu lui-même au-dessus de toutes choses. Et n’est-il pas vraiment incroyable, mes soeurs, que vous qui avez le bonheur de communier plusieurs fois par semaine, qui recevez si souvent J.C. dans votre coeur, vous puissiez avoir des sentiments, des pensées, des dispositions qu’il réprouve. Quand nous voyons dans St Paul les sentiments admirables qui animaient les anciens patriarches à la pensée de ce Messie dont ils n’entrevoyaient cependant la divine lumière que dans cette vision prophétique qui les faisait déjà tressaillir en considérant ces jours de salut, que devons-nous penser de nous qui jouissons de la lumière admirable du jour évangélique, nous qui possédons la doctrine de J.C., qui connaissons ses enseignements, ses préceptes et leurs conséquences, nous qui recevons si souvent ce même J.C. dans nos poitrines et qui ne sommes pas cependant imprégnées de sa loi divine au point que nous ayons encore des sentiments autres que les siens: Ma nourriture, disait le Sauveur, c’est de faire la volonté de mon père. C’est là ce que je viens de vous dire, faites la volonté de J.C. qui est votre vie tout entière soit pénétrée de la foi, de cet esprit de foi qui n’est autre que la présence réelle et intime de J.C. au fond de l’âme, et par conséquent le sentiment intime de sa loi, comme il disait par son aïeul David: Mon Dieu, votre loi est toute dans mon coeur, et N.S. dit: je vous ai donné l’exemple afin que vous fassiez comme j’ai fait.
Maintenant réfléchissez et voyez ce que vous avez fait dans l’année qui vient de s’écouler, si vous n’avez pas perdu votre temps dans les travaux que vous avez accomplis, ce que vous avez fait chaque fois que vous avez agi autrement que dans la lumière de Dieu, dans la pensée de J.C. Car remarquez, dans tous vos emplois depuis celui de supérieure jusqu’à celui de la soeur qui balaie les classes et les dortoirs, il y a 2 parties: l’extérieur et l’intérieur. Pour l’extérieur, je vous l’ai déjà dit, il suffit souvent de peu de choses, d’un peu d’application ou d’habileté pour contenter les hommes; mais c’est dans cette partie toute intérieure qui est la pensée intime, l’intention secrète du coeur, que réside le mérite ou le démérite aux yeux de Dieu et c’est par là qu’il vous faut étudier vos actions. De ce côté il y a eu pour vous en plusieurs circonstances des ennuis, des fatigues, une enfant qui a mal répondu à vos soins, telle autre peu aimable, des parents qui ne savent pas apprécier ce que vous faites, etc. Comment ai-je supporté cela, ai-je tout rapporté à J.C. mon maître et mon époux, ai-je tout fait tourner à sa gloire, à son avantage, comme dit St Paul: Tout tourne au bien de ceux qui aiment Dieu; c’est là que je puis voir dans quel esprit vous agissez. C’est par ce côté qu’il vous faut voir si vous voulez dans l’année qui va commencer agir d’une manière plus parfaite. Si vous m’entendiez dire à Dieu: Mon Dieu, je conviens que je vous dois un tribut d’adoration, que je dois vous rapporter toutes mes actions, toutes mes pensées, oui, mais pourtant, mon Dieu, il y a des choses que je ne vois pas tout à fait comme vous les voyez, et comme je dois avoir de la sagesse, de la prudence, de l’habileté aux choses de ce genre, vous me permettrez d’agir comme je crois devoir le faire. Vous trouverez sans doute mes paroles d’une grande impertinence; eh! mes chères Soeurs, notre conduite n’est-elle pas bien souvent de cette impertinence-là, n’avons-nous pas bien souvent dit à Dieu, moi comme vous, non par nos paroles, mais par nos oeuvres, chaque fois que connaissant le désir de Dieu, quelquefois même sa volonté, après nous agissions suivant la foi que nous avions en notre prudence ou notre sagesse.
Oh! laissez-moi vous dire en me pardonnant la vulgarité de l’expression que si vous vouliez une bonne fois faire un feu de joie de toutes les idées humaines, les opinions humaines, les vues, les dispositions humaines, pour n’avoir plus d’autres vues, d’autres dispositions ou d’autres sentiments que ceux que l’esprit de J.C. mettra lui-même en vous, quels progrès vous ferez dans votre vie religieuse. Vous vous direz encore: cela est difficile; je le sais, je n’ai jamais dit qu’il en fut autrement; mais dites-moi pourquoi J.C. est-il descendu du ciel en terre; pourquoi est-il né dans une crèche, pourquoi a-t-il souffert la pauvreté, les persécutions, pourquoi encore a-t-il été un homme de douleurs, pourquoi a-t-il été rassasié d’opprobres, pourquoi a-t-il fait toutes ces choses, sinon pour nous apprendre à faire les choses difficiles. D’ailleurs, mes chères Soeurs, essayez, et vous expérimenterez la force de la foi. Les commencements paraissent pénibles, la vue de ce qu’il faut faire effraie souvent, vous ferez un pas et puis vous croirez n’en pouvoir faire deux, et voici qu’un peu après vous en aurez fait 3, puis 10, puis 20, puis 100. Ainsi vous marcherez, bien plus vous courrez dans la voie des commandements, selon cette parole que vous dites tous les jours à Prime: J’ai couru dans la voie de vos commandements parce que vous avez dilaté mon coeur. Pour cela il faut de la force, la foi vous la donnera, elle agrandira votre coeur et vous soutiendra jusqu’au bout.
Plaise donc à Dieu que vous vous pénétriez de ces pensées, qu’elles agissent fortement sur votre intelligence et sur votre coeur, afin qu’ayant vu et compris la lumière de la foi, vous trouviez dans l’amour la force de l’accomplir jusqu’à la fin. Amen.