Aux Religieuses de l’Assomption

24 AUG 1859 Sedan RA
Informations générales
  • Aux Religieuses de l'Assomption
  • Retraite aux Religieuses de l'Assomption de Sedan
    De Jésus-Christ
  • CD 26 (ms de Sr Marie du Saint-Sacrement de Gouy).
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 EGOISME
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 MARIAGE
    1 MORTIFICATION
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 PAUVRETE DE JESUS-CHRIST
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 ROI DIVIN
    1 SENTIMENT DES DROITS DE DIEU
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 SOUMISSION SPIRITUELLE A JESUS-CHRIST
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VIE CACHEE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 VOEU DE CHASTETE
    1 VOEU DE PAUVRETE
    2 ANANIE
    2 JOB, BIBLE
    2 JOSEPH, SAINT
  • Religieuses de l'Assomption
  • RA
  • 24 août 1859
  • 24 AUG 1859
  • Sedan
La lettre

L’auteur et le consommateur de cette foi dont je vous parlais ce matin, c’est N.S.J.C. C’est lui qui a inspiré les prophètes, qui a enseigné les nations, c’est lui qui nous a donné la foi dans son saint Evangile; il est donc impossible de parler de la foi sans parler de J.C. Je dirai plus, il me semble qu’il est impossible d’aborder aucun point de perfection en parlant à des Religieuses de l’Assomption sans arriver à parler de J.C. qui doit être le centre, le but de toute votre vie. Je suis heureux de voir cette dévotion à l’adorable personne de J.C. et à l’adoration de son divin sacrement prendre une si rapide extension dans notre petite Congrégation qui déjà possède deux maisons d’adoration bientôt perpétuelle, et je suis heureux de voir cet esprit se répandre et s’imprimer de plus en plus dans votre coeur et devenir un des grands buts de votre vie religieuse. Mais en quoi faites-vous consister cette dévotion envers J.C.? Voilà la grande question: qu’est-ce que J.C. pour vous et que doit-il être? C’est ce que je voudrais vous faire comprendre aujourd’hui.

Et d’abord, J.C. doit être votre modèle; il a dit pendant sa vie mortelle: Je vous ai donné l’exemple, il doit donc être votre modèle dans toutes les actions de votre vie et il vous serait impossible d’en trouver une seule où vous ne puissiez imiter J.C. Est-ce dans la prière? Jésus priait et passait ses nuits entières à prier. Comme Dieu il n’en avait aucun besoin, mais comme homme il s’abaissait devant son Père. Est-ce dans l’obéissance, il a obéi jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. Est-ce dans la pauvreté, le Fils de l’homme n’avait pas où reposer sa tête. Je ne vous parle pas de la chasteté du Roi des Vierges. Est-ce dans le détail de la vie? Pendant 10 ans J.C. a vécu caché, menant la vie la plus obscure et la plus laborieuse. J’ai vu moi-même cette pauvre maison où N.S. aidait St Joseph aux travaux rudes de son état; la pauvre écuelle où la tradition nous apprend qu’il prenait ses repas; il travaillait, il servait sa mère et son père nourricier; on montre encore la fontaine où l’enfant Dieu allait puiser l’eau nécessaire au ménage de la Ste Famille. Aucune action, je vous défie de m’en trouver une seule où vous ne puissiez trouver un modèle en J.C. Vous mortifiez-vous? jamais votre pénitence si austère qu’elle soit égalera-t-elle les souffrances de J.C.! Et quand par impossible vous trouveriez une circonstance où J.C. ne se soit pas trouvé, n’avez-vous pas à défaut de ses actes son esprit qu’il nous a enseigné à chaque page de l’Evangile. Est-ce la dépendance que l’on vous demande? Il nous dit: Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir; est-ce l’humilité, apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur; toujours, remarquez, il se propose pour modèle. Je conviens avec vous qu’il est impossible que vous parveniez jamais à la perfection infinie des actions de J.C., mais sera-t-il possible de calculer à quel degré de perfection vous élèverez les vôtres si vous vous abandonnez sans réserve à l’action de son esprit. Quand vous priez en union avec J.C., quel sera le mérite de votre oraison; quand vous enseignez, souvenez-vous de celui qui est le docteur des nations; quand vous étudiez, unissez-vous à cette sagesse merveilleuse du Fils de Dieu interrogeant les docteurs de la loi et lui [sic] expliquant les Ecritures; toutes ses études peuvent être rapportées à celle-là, et ainsi vous y rencontrerez sans cesse J.C.

Mais il n’est pas seulement le modèle que vous devez imiter, il est aussi le roi, le maître dont vous devez dépendre. Je vous le disais tout à l’heure et je suis heureux de vous le répéter, je vois avec un vrai bonheur quels progrès rapides a faits en vous toutes la dévotion à l’adorable sacrement de nos autels, et à l’exposition surtout du St Sacrement. Mais quand vous demandez au prêtre d’exposer le St Sacrement, que faites-vous? Vous lui dites de prendre N.S.J.C. lui-même, non pas son image, mais son corps, son sang, son âme, sa divinité, et de le placer sur un trône, sur le tabernacle, si pauvre, si modeste qu’il soit, n’importe c’est un trône; vous l’adorez comme votre roi.

Et s’il est votre roi, en qualité d’Epoux, vous êtes reines, mais vous dépendez de lui car vous êtes aussi ses sujets et ses créatures. En effet, mes chères Soeurs, une religieuse qui a tout quitté au monde, qui s’est séparée de tout ce qu’elle aimait sur la terre, que lui reste-t-il? Elle a abandonné toutes les créatures, que trouvera-t-elle en dehors des créatures; il n’y a que le Créateur. Elle doit donc se réfugier en J.C., s’attacher à J.C., dépendre corps et âme, être tout entière à J.C. Or dites-moi, n’est-il pas vrai que la raison pour laquelle nous restons si fort en dehors de l’action de J.C. sur nous, c’est précisément cette trop constante occupation de nous-mêmes, qui nous fait nous contempler sans cesse, nous préoccuper sans cesse de ce que nous avons, de ce qu’on nous doit, de ce que nous sommes, au lieu de nous occuper de J.C., cette beauté éternelle qui mériterait toutes les pensées, toutes les affections de notre âme. Et à propos de ceci, je vous dirai que quelqu’un me disait un jour qu’un religieux avait des droits. Je me suis permis de lui répondre, et vous jugerez si j’ai eu tort, que [le] religieux n’a que des devoirs, pour des droits je ne lui en connais pas. Est-ce aux richesses, vous avez fait voeu de pauvreté. Est-c e aux plaisirs, vous avez fait voeu de chasteté; est-ce la liberté et l’indépendance, vous avez fait voeu d’obéissance. Vous n’avez donc droit à rien. Par votre nature vous êtes néant et péché, vous ne méritez pas la grâce que Dieu vous donne, si vous pouviez la mériter ce ne serait plus une grâce. Oh! comme la vie serait simplifiée si l’on se persuadait fortement de cette maxime: Je n’ai droit à rien, par conséquent on ne me doit rien, je n’ai rien à demander, rien à réclamer; comme on serait bien vite désoccupé de soi pour reporter toutes ses pensées, toutes ses occupations sur N.S.J.C. tout seul. Lui, le plus beau, le plus adorable objet des efforts de notre intelligence qui devrait s’abîmer tout entière dans l’étude de ses divines et infinies perfections.

Dites-moi comment à présent reconnaître l’immense bonté de J.C. qui ne nous devant rien a voulu nous donner la grâce et de créancier se faire notre débiteur. Est-ce trop après cela d’exiger de votre part une dépendance complète, absolue, sans réserve. Et prenez-y garde, les droits que Lui, votre Seigneur, a sur vous, il les exercera ces droits que vous le vouliez ou non. L’avez-vous voulu jusqu’ici; faites un retour sur vous-mêmes; interrogez-vous et voyez. Qu’avez-vous fait pour répondre aux volontés de J.C. sur vous, que veut-il de vous. Vous êtes une orgueilleuse, il vous demande l’humilité, la lui donnerez-vous? Vous êtes indépendante, il vous demande la soumission, l’obéissance, la lui donnerez-vous? Poursuivez cet examen et répondez-vous à vous-même. Dans le cours de l’année qui vient de s’écouler, avez-vous fait toutes vos actions dans la dépendance de J.C.?

Mais je vous le répète, prenez-y garde, ses droits sont absolus, il les exerce sur toutes ses créatures, Dieu lui a donné toutes choses: Postula a me et dabo tibi… Cet héritage, c’est vous, et dans vous c’est surtout votre coeur qu’il réclame comme la noble portion de son héritage. Si vous ne la lui donnez pas, prenez garde: Reges eos in virga ferrea. Il brise ceux qui se révoltent contre sa volonté souveraine, mais il brise de deux manières; il brise le pécheur obstiné comme le potier brise un vase à jamais inutile, en le précipitant de l’abîme éternel. Il brise l’âme élue qui veut résister aux desseins de perfection qu’il a sur elle en la faisant passer par des souffrances et des tribulations, et disant comme autrefois à Ananie pour St Paul: Je lui montrerai combien il faut qu’il souffre pour mon nom. Mais s’abandonner à cet empire de J.C., c’est s’abandonner, j’en conviens, à de terribles conséquences. Voulez-vous dépendre de J.C., de cette question dépend tout, et si vous y répondez, tout sera fait. Mais ne l’oubliez pas et ne vous étonnez pas si, ayant mis la main à l’oeuvre, vous trouvez la coupe amère et le travail rude. Je vous en préviens, et quoique les voies de Dieu soient différentes et qu’il puisse choisir pour vous un chemin plus doux, le plus ordinairement la route est pénible et difficile, et quoi d’étonnant, J.C. notre Dieu est un feu consumant, et en vous il y a des fautes, il y a des imperfections qui sont un obstacle à son amour, il les dévorera.

Ecoutez les plaintes de Job livré à cet esprit de foi et de domination auquel il s’était abandonné: Seigneur, je suis comme réduit au néant, encore un instant et je ne serai plus, mes pensées m’échappent, je ne puis les ressaisir et cependant elles torturent mon coeur et vous me broyez sous votre main, comme le raisin dans le pressoir.

Et qu’importe, mes soeurs, un peu de travail ici-bas. N.S. ne dit-il pas dans l’Evangile que le royaume des cieux est semblable à un festin des noces; à ce festin les conviés arrivent les uns à la première place, les autres à la dernière. Le maître arrive: mon ami, montez plus haut. Vous aussi vous êtes invité au festin des noces de J.C. Vous êtes là dans votre pauvre petit coin de religieuse, si vous voulez vous abandonner dépendra de J.C., le moment viendra et il est venu où il vous dira: mon amie, montez plus haut. Ne l’entendez-vous pas en ce moment, ne sentez-vous pas sa main s’emparer de votre âme et l’élever peu à peu jusqu’à des hauteurs inconnues, lui découvrir des lumières que vous ne soupçonnez pas; abandonnez-vous.

Mais cette voie vous effraie car il y a de durs sacrifices à faire pour y marcher; ne craignez pas. Quand Jésus s’est emparé d’une âme, il sait lui donner ses grâces de force, quand elle se croit le plus dénuée de courage et d’énergie. Voulez-vous dépendre de N.S.? Répondez, tout est là.

Enfin je passe à une 3e considération. N.S. est votre Epoux, vous devez l’aimer. Vous êtes bien heureuses de n’être pas mariées, car il y a des maris de toute façon. Les uns sont aimables, les autres et la plupart fort désagréables et fort fantasques, n’importe il faut bon gré mal gré qu’on leur obéisse. N.S. n’est pas ainsi; peu lui importe qu’on lui obéisse, il demande qu’on lui obéisse par amour. Il faut prier, mais ce n’est pas assez, il faut prier avec amour. Ce ne sont pas ceux qui disent: Seigneur, Seigneur, qui entreront dans mon royaume. Je vous fais un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés, en cela on connaîtra que vous êtes mes disciples. L’amour, voilà le grand moyen d’union à J.C. Aimer en dépendant et dépendre en aimant, voilà ce que J.C. demande de vous. Vous connaissez cette parole de J.C.: Il y en a qui me diront au dernier jour, Seigneur n’avons-nous pas fait des miracles, prophétisé en votre nom, et je leur dirai: en vérité, en vérité, je ne vous connais pas. Comment, Seigneur, des hommes qui ont fait des oeuvres si grandes en votre nom. Je ne les connais pas parce que la charité n’était pas dans leurs âmes, les oeuvres sans l’amour ne sont rien. La foi même, toute excellente qu’elle soit, si elle n’est unie à l’amour ne peut sauver une âme; les démons croient, mais ils tremblent. Aimez donc de toute votre âme votre divin Epoux, et comme je vous le disais ce matin, il vous deviendra facile d’accomplir les obligations de votre état et d’avancer à grands pas dans le chemin si rude parfois de la perfection religieuse.

Ainsi voilà J.C. qui se présente à vous sous trois formes adorables. Je suis ton modèle, imite-moi, ton maître et ton Dieu, dépends entièrement de moi, ton Sauveur et ton Epoux, aime-moi. Lequel de ces besoins se fait le plus vivement sentir à votre âme? Est-ce l’imitation. Est-ce la dépendance. Est-ce l’amour. Voyez, ce sont peut-être tous les trois à la fois, et d’ailleurs l’un ne peut aller sans l’autre; si vous vous appliquez à imiter parfaitement N.S.J.C. vous ne pourrez ne pas dépendre entièrement de lui, et ne pas l’aimer; si vous voulez vous attacher à une parfaite dépendance, vous devrez nécessairement imiter ses vertus et lui donner le tribut d’amour qu’il a droit d’exiger de vous, et ainsi de l’amour. C’est de ce point que va se former votre plan de vie religieuse. C’est à cela que vont tendre vos pensées, vos désirs, votre volonté forte et arrêtée. Veux-je imiter J.C., veux-je aimer J.C. Dans la prière je trouverai la force d’imiter, de dépendre, je demanderai la grâce d’un amour plus grand, plus généreux, plus effectif; dans l’action je m’appliquerai à réaliser ce que J.C. demande de moi, et ainsi s’enchaînera ma vie à celle de mon Epoux, de mon Dieu, J.C. Tout dépend pour moi de la résolution que je vais prendre; je vous laisse sur cette considération, et je vous quitte en vous abandonnant cette triple question qui n’en formera qu’une pour vous quand vous y aurez répondu. Veux-je imiter J.C.? Veux-je dépendre de J.C.? Veux-je aimer J.C.?

Notes et post-scriptum
1. Le ms ne compte aucun paragraphe.