Aux Religieuses de l’Assomption

23 AUG 1860 Auteuil RA
Informations générales
  • Aux Religieuses de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le P. d'Alzon aux Religieuses de l'Assomption d'Auteuil du 17 au 23 août 1860
    Septième jour - Deuxième instruction - Sur l'Eglise
  • Ecrits Spirituels, pp. 1040-1043.
  • DA 11 (notes de Sr M.-Antoinette d'Altenheim), pp. 193-199.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU CHRIST
    1 BAPTEME
    1 BONHEUR
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 CONFESSION DU RELIGIEUX
    1 CONTRARIETES
    1 DEPASSEMENT DE SOI
    1 DEVOTION A JESUS CRUCIFIE
    1 EGLISE
    1 EGLISE CELESTE
    1 EGOISME
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 EXAMEN
    1 FILLE DE L'EGLISE
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 UNION DES COEURS
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 VOIE UNITIVE
    2 FRANCOIS II, NAPLES
    2 GARIBALDI, GIUSEPPE
    2 ISAIE, PROPHETE
    2 JACQUES, SAINT
    2 PIE IX
    3 GAETE
    3 JERUSALEM
    3 NAPLES
  • Religieuses de l'Assomption
  • RA
  • 23 août 1860
  • 23 AUG 1860
  • Auteuil
La lettre

Mes chères filles, permettez-moi de vous soumettre en terminant ces exercices que je regrette d’interrompre, quelques dernières considérations. Dans les premiers entretiens, je vous ai parlé beaucoup de vous; j’ai des excuses à vous faire si je vous ai fait vous envisager sous un côté peu agréable: je l’ai cru utile. Plus tard, je vous ai présenté quelques considérations sur les vérités de la foi, la perfection de votre état; il y a eu, là aussi, des conséquences pratiques. Je regrette de ne pas m’être appuyé sur un sentiment qui est le sentiment de toute âme catholique, et un des sentiments fondamentaux de notre chère petite communauté… [l’Eglise. Mais le P. d’Alzon n’a pas achevé].

Il est un côté indispensable dans une retraite, qui est de connaître N.S., de l’étudier. Je n’ai pas eu le temps de l’aborder: les forces de l’homme sont limitées et nul ne le sait mieux que moi. Je vous ai peut-être trop engagées dans la préoccupation de vous-mêmes par ces examens que nous avons faits, et qu’il est quelquefois bon de faire; je ne vous aurais pas tant parlé de vous, si je n’avais pas le désir de vous prêcher une autre retraite. J’ai une série de considérations que je tiens en réserve, je n’ai pas voulu les aborder, j’ai même cherché à m’en écarter de plus possible; mais avant de terminer, il est indispensable que(1) je vous présente une pensée fondamentale, la notion de ce que vous devez à l’Eglise, le sentiment avec lequel vous devez l’aimer. Je ne vous parlerai pas des malheurs actuels de l’Eglise; et certes pour une fille digne d’une pareille mère, il y aurait de quoi exciter sa ferveur, mais à une condition, c’est qu’elle s’oublierait elle-même.

Au milieu de ces grands événements, de ces angoisses du chef de l’Eglise, de ce flot de révolutions qui monte tous les jours, quand je rencontre des âmes se préoccupant tant d’elles-mêmes, gémissant sur leurs souffrances: – une supérieure ne les comprend pas; elles ont un confesseur trop rude; on n’a pas assez d’égards pour elles; – voulez-vous que je vous dise tout simplement ma pensée? Ce ne sont que de triples petites sottes. Je vous le dis avec le respect que j’ai pour vous, mais aussi avec le sentiment de vérité qui part de mon coeur. Si nous avons un peu de foi dans le coeur, toutes les épreuves doivent s’effacer devant l’épreuve de l’Eglise. Quand des riens m’arrivent – car j’ai les miens, comme vous avez les vôtres, – je vous le dis simplement, j’éprouve du bonheur à l’offrir à Notre-Seigneur crucifié dans ce moment. De l’infiniment petit au très grand, il y a cependant relation. Le vicaire de Jésus-Christ souffre; il est juste que je souffre. C’est un bonheur pour moi, car cela me montre que je suis catholique. Le serviteur n’est pas au-dessus du maître, le disciple au-dessus de celui qui l’enseigne.

Omne gaudium existimate, fratres mei, cum in tentationes varias incideritis (Jac. I, 2). Ce sont les propres paroles de saint Jacques aux fidèles. Vous n’avez rien à répondre à cela. Si vous vouliez mettre ce conseil en pratique, que de paix vous donneriez à vos Supérieurs! Que d’abrégements de confessions! Vous trouveriez matière pour faire oraison, vous n’auriez pas de temps pour penser à vous, tellement vous penseriez à l’Eglise. Vous seriez heureuses d’avoir quelque chose à endurer pour Jésus-Christ. C’est pour son épouse, la sainte Eglise. Emportez ceci comme conséquence de votre retraite: ce sera le plus excellent moyen de balayer de vos âmes une foule de petites misères.

« Tout cela va devenir pour moi – pardon de l’expression – du pain bénit. Si une Soeur me froisse, si elle n’a pas d’égards pour moi, elle ne sera jamais pour moi ce qu’est Garibaldi pour le roi de Naples(2). Ma supérieure me donne un ordre rigoureux, impérieux: ce ne sera pas le pèlerinage de Pie IX à Gaète, ni celui qu’il fera peut-être ailleurs un jour. » Vous embrasserez toutes vos diverses situations avec grande joie: Omne gaudium existimate, fratres mei, cum in tentationes varias incideritis.

Vous trouverez le bonheur dans la tentation, dans la souffrance, dans l’épreuve. Si cette pensée vous anime, si vous avez ce sentiment de filles de l’Eglise, toute peine sera transformée en joie, vous serez joyeusement tristes de pouvoir témoigner à l’Eglise votre amour et souffrir avec elle. Vous allez donc courir au-devant des peines, des contradictions, de la souffrance, pour être plus semblables à l’Eglise, épouse de votre Sauveur. Laissez-moi espérer que je vous quitte avec cette résolution.

Après tout, ce n’est que le simple catéchisme, la doctrine que je vous prêche. Qu’est-ce que le baptême? C’est un sacrement par lequel nous sommes faits enfants de Dieu et de l’Eglise. Ayez donc les sentiments de votre père et de votre mère. Votre mère souffre, souffrez avec elle. Ce n’est que le commentaire du premier des sacrements, par lequel vous êtes régénérées et faites citoyennes du ciel. Cette communauté sera donc la plus joyeuse, la plus gaie, la plus saintement gaie des communautés. Les souffrances de l’Eglise lui causeront une joie intérieure et vous pourrez dire avec Isaïe: Ecce in pace amaritudo mea amarissima (Is. XXXVIII, 17). Parmi tous les ennuis possibles: ennuis de l’oraison, fatigues de l’observance du règlement, susceptibilités avec mes compagnes, ordres injustes, insuccès auprès des enfants, observations mal fondées, etc., mon Dieu, je serai joyeuse d’avoir quelque chose à vous offrir. Après tout, c’est le meilleur moyen de passer la vie. Qu’est-ce que la vie? Bien peu de chose. Saint Jacques dit: Vapor est ad modicum parens, et deinceps exterminabitur (Jac. IV, 15); et les Livres Saints sont remplis de pareilles comparaisons. Vous savez, des chemins de fer il sort une fumée qui se répand sur les champs et semble baiser la terre, et dans ce baiser elle trouve la mort. C’est pour moi une image de la vie. Qui a de la joie, qui de la tristesse: tout cela est bien court. Vous devez, en ces jours, unir vos petits efforts aux combats des grands saints pour l’Eglise. Il importe qu’il y ait des hommes sur les remparts de Jérusalem pour défendre l’Eglise extérieurement; mais il y a aussi une défense intérieure par les larmes qui apaisent le ciel. Comparant ce que l’Eglise souffre avec ce que vous souffrez, soyez joyeuses. Est-ce donc que je vous souhaite beaucoup de souffrances, d’épreuves, etc.? Non, j’en souhaite à chacune d’entre vous autant qu’elle sera capable d’en porter, dans la mesure de son amour et de son intelligence spirituelle des voies et des desseins de Dieu, afin qu’épurées quasi per ignem, un jour vous fassiez la plus belle partie de l’Eglise triomphante dans le ciel. Ainsi soit-il!

Notes et post-scriptum
1. Ce qui précède n'est pas reproduit dans les *Ecrits Spirituels*.
2. Garibaldi envahissait alors le royaume de Naples.