A des dames ou jeunes filles

NOV 1863 Nîmes Tertiaires Dames
Informations générales
  • A des dames ou jeunes filles
  • Retraite [sur la Passion], commencée le 8 novembre 1863
    Sixième instruction [Au jardin des olives]
  • Cahiers d'Alzon, 17, pp.123-127.
  • BZ 5 (notes de Cécile Varin), pp. 17-22.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AGONIE DE JESUS-CHRIST
    1 DETACHEMENT
    1 LUTTE CONTRE LE CORPS
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 REFORME DU COEUR
    1 RENONCEMENT
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 VIE CONTEMPLATIVE
    1 VIE DE SACRIFICE
  • Tertiaires de l'Assomption
  • Tertiaires Dames
  • Du 8 au 15 novembre 1863
  • NOV 1863
  • Nîmes
  • Prieuré des Religieuses de l'Assomption
La lettre

Tristis est anima mea usque ad mortem. Mon âme est triste jusqu’à la mort.

En vous invitant à venir méditer ce matin sur la prière de N.S. au jardin des olives, je viens vous demander, mes chères filles, si vous voulez être des personnes d’oraison, si vous voulez suivre N.S. dans cette affreuse tristesse qui lui faisait dire: mon âme est triste jusqu’à la mort. N.S. a voulu souffrir cette tentation de tristesse pour notre salut et pour notre enseignement, car les âmes qui veulent se livrer à l’oraison sont appelées à goûter les mêmes amertumes, et l’exemple de J.C. leur apprend comment elles doivent se soutenir. Une âme qui veut entrer dans une vie d’oraison doit se rendre compte avant, de tout ce qu’elle doit laisser et de tout ce qu’elle doit accepter. Ce que je vais vous dire est effrayant, et cependant ce n’est qu’un commencement, puisque l’oraison de N.S. n’était qu’un prélude de son sacrifice, mais si vous voulez le suivre, il faut passer par les mêmes épreuves que lui. Dieu le veut ainsi et il a commencé par faire souffrir son Fils avant tous les saints.

Il faut donc laisser beaucoup de choses pour entrer dans l’oraison; en premier lieu, il faut sacrifier son repos. N.S. veut qu’on veille et qu’on prie, et nous le voyons allant par trois fois réveiller ses apôtres et leur dire: non potuistis una hora, etc.: il faut veiller pour ne pas succomber à cette tentation, à cette fugue de la souffrance qui saisit N.S. pendant cette douloureuse prière; il faut sacrifier bien des idées humaines et ne pas s’endormir comme firent les apôtres, dans de bonnes résolutions qu’on n’exécute jamais. Lorsqu’on a pris franchement son parti de vivre en chrétienne fervente, il faut agir et combattre sans jamais se reposer, il faut veiller avec N.S. et se laisser envahir par ce torrent d’amertumes qui inonda son âme divine. C’est affreux, j’en conviens, mais ce n’est pas fini; il faut secondement se séparer de toutes les jouissances humaines. Nul ne peut servir deux maîtres, et une âme qui conserve dans son coeur quelque désir de jouissance en dehors de Dieu ne peut faire des progrès dans l’oraison. Il faut se refuser tout secours venant des créatures, sacrifier surtout toute curiosité de quelque nature qu’elle soit, parce que tout ce que nous goûtons en dehors de Dieu nous éloigne de lui. Mais ce qu’il y a de plus terrible à sacrifier ce sont les affections humaines, et cependant c’est ce que N.S. demande. Regardez-le seul dans son agonie, pas un ami qui partage sa peine, ses apôtres, après lui avoir fait les plus belles promesses, ont fui, ou les plus fidèles se sont endormis. Cherchez à comprendre cet isolement affreux et voyez dans quels délaissements J.C. nous appelle à le suivre. Supportez donc avec courage ces brisements d’affections humaines, ces déceptions de l’amitié, et contemplez le divin Maître seul allant comme il est dit dans l’Ecriture fouler seul le pressoir pendant sa Passion.

Allons plus loin et voyons tout ce que N.S. a accepté de la part des hommes, de sa part à lui-même et de la part de son Père. J.C. voyait tout ce qu’il aurait à souffrir de la part des hommes, il se voyait abandonné, chargé de tous les crimes du monde, et son âme en fut tellement troublée que l’effet de ce trouble sur son corps fut une sueur de sang. Voyez, mes filles, ce divin Maître prosterné jusqu’à terre, inondé du sang qui transperce ses vêtements et qui ruisselle sur le sol. Quand aurez-vous assez souffert pour répondre à cet amour de J.C.? Ne vous étonnez donc pas de tout ce qui pourra vous arriver de la part des hommes, et si à la vue des mépris, des injustices, des tribulations qui pourront vous assaillir vous êtes troublées, ne vous découragez pas et restez étendues sur la terre sous les arbres de ce jardin jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de vous fortifier par un secours céleste comme fut l’ange qu’il envoya à son Fils, mais comptez uniquement sur Dieu et nullement sur les créatures, car Dieu veut qu’on s’appuie seulement sur lui.

Comptez sur Dieu aussi lorsque les tempêtes des passions s’élèveront au-dedans de vous-mêmes. N.S. qui n’avait pas de passions a voulu cependant que son âme humaine fût troublée et agitée pour nous apprendre qu’il fallait comme lui marcher sur les flots agités et que son calme divin les apaiserait. Il a accepté aussi de la part de son Père ce calice d’amertume dont il demandait un instant l’éloignement. Quelquefois, je le sais, on est comme accablé, comme anéanti, et on dit: mon Père, que ce calice s’éloigne; mais dites bien vite comme N.S.: non pas ma volonté, mais la vôtre. Oui, mon Dieu, j’accepte toutes les amertumes que vous me réservez dans l’oraison. Avec Jésus, je veux souffrir et je veux souffrir seule. Comme lui il faut se présenter à vos bourreaux, à toutes les douleurs, et demeurer seule comme lui. Son regard renverse les soldats, il leur ordonne de ne pas toucher à ses disciples et il est obéi parce qu’il avait puisé dans sa prière une force et un calme divins. Ayez donc aussi la force de rester seules et d’entrer dans l’oraison dépouillées de tous secours humains. Laissez aller ceux-ci, disait N.S. Renvoyez aussi toutes les idées humaines, tous les désirs humains, toutes les affections, acceptez un affreux isolement et vous serez prêtes à marcher au sacrifice dont tout ceci n’est que la préparation.

Notes et post-scriptum