A des dames ou jeunes filles

JAN 1864 Alès Dames Miséricorde
Informations générales
  • A des dames ou jeunes filles
  • Retraite commencée le 18 janvier 1864
    Cinquième instruction [La lutte contre soi-même]
  • BZ 6, pp. 74-79 (notes de Cécile Varin).
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DES AISES
    1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EGOISME
    1 ESPRIT ETROIT
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MEDISANCE
    1 OUBLI DE SOI
    1 REFORME DU COEUR
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 VARIN d'AINVELLE, CECILE
  • Dames de la Miséricorde d'Alès
  • Dames Miséricorde
  • Du 18 au 24 janvier 1864
  • JAN 1864
  • Alès
La lettre

Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à soi-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.

Après vous avoir parlé de la lutte contre le monde et contre son prince, je vous ramène au fond de votre propre coeur et je viens vous montrer un nouvel ennemi à combattre, qui n’est autre que vous-même. On s’aime soi-même et on se préfère à Dieu: voilà le grand mal de l’égoïsme contre lequel tout le monde a beaucoup à lutter, car tous nous portons en nous le germe de ce mal qui se développe ensuite de mille façons différentes. Examinons d’abord quelques faces de l’égoïsme; nous verrons ensuite quelles en sont les conséquences.

L’égoïsme ramène tout à soi et ici, mesdames, si j’entrais dans les détails, je serais infini. La femme vulgairement égoïste déchire son prochain pour se faire comme un piédestal des ruines que sa langue accumule; une autre qui croit avoir de l’esprit veut le montrer et tombe alors sur le prochain pour exercer sa langue; une autre s’entoure de mille douceurs, et depuis le moment de son lever jusqu’à celui de son coucher, ne pense qu’à elle; les personnes pieuses ont aussi leur égoïsme; quelques-unes ne voient dans le monde que leur confesseur et elles-mêmes; d’autres arrangent leur vie pour elles seules, donnant un peu à la dévotion, mais parce que cela leur est commode; enfin chaque personne a son égoïsme particulier, et pour ceux qui étudient le coeur humain, rien n’est affreux comme de constater les conséquences de ce désordre inhérent à la nature humaine. C’est quelque chose de si triste, mesdames, qu’on éprouve le besoin de reposer les yeux sur quelques âmes dans lesquelles les racines de l’égoïsme se sont desséchées et ont fait place à de sublimes vertus.

L’une des conséquences de l’égoïsme c’est l’étroitesse de l’esprit, et c’est ici, mesdames, que le tableau est quelquefois désolant. Songez donc que Dieu dit à sa créature: je suis la lumière incréée, la perfection par essence, celui que l’univers ne peut contenir, laisse-moi remplir ton âme, m’y écouler tout entier, la rendre lumineuse, la faire participer à ma divinité. Oublie-toi et, quittant les choses de la terre, élève-toi jusqu’à moi. Et cette âme répond: je veux rester en moi-même, cela me donnerait trop de peine d’élargir les parois de mon coeur pour vous y recevoir, je préfère rester dans la boue, dans la fange des choses de la terre et y chercher toute ma satisfaction. Voilà comment les esprits se rétrécissent en se repliant sur eux-mêmes, comment l’intelligence devient incapable de comprendre les choses d’en-haut, et le racornissement d’une âme égoïste ne peut être comparé à aucun vieux parchemin racorni. Mais si une âme laisse faire en elle l’invasion divine, combien ses idées sont agrandies! non par l’étude, non par le savoir, mais par ces lumières que Dieu répand avec tant d’abondance sur les coeurs qui regardent en haut. Oh! comprenez, mesdames, combien vous devez lutter contre ce rétrécissement des esprits qui va toujours croissant. Où trouve-t-on ces vastes intelligences et surtout ces coeurs généreux qui ont opéré tant de merveilles? Car une seconde conséquence de l’égoïsme, c’est la stérilité du coeur. Il y a, je le sais, des exceptions, mais trouve-t-on encore dans les masses cet amour de l’Eglise, cet amour des grandes choses, que nous admirons dans des siècles passés? La notion du sacrifice, du dévouement pour une grande cause semble être perdue, et cela parce que les coeurs ne savent plus s’élancer hors d’eux-mêmes vers le bien infini; on ne sait plus se donner ni s’immoler. Voyez, mesdames, combien vous vous recherchez vous-mêmes dans vos plus légitimes affections; allez à Dieu, allez de clarté en clarté, perdez-vous, abîmez-vous dans les profondeurs inénarrables de la Divinité, et dans cette perfection de l’amour vous apprendrez à aimer comme des chrétiennes doivent aimer, non pour elles-mêmes, mais pour Dieu et en Dieu.

Si vous voulez sortir de vous-mêmes, mesdames, je vous prédis la souffrance, mais il y a des âmes qui n’en seront pas effrayées. N.S.J.C. les appelle, elles le suivront, et dans la douleur, dans le sacrifice, dans l’immolation, elles goûteront les douceurs que ce divin Epoux réserve aux âmes qui se livrent à lui sans réserve; il les conduira à travers les épreuves de cette vie jusqu’au ciel où l’amour divin se consommera pour l’éternité.

Notes et post-scriptum