Instructions du mardi aux maîtres du collège

NOV 1867 Nîmes COLLEGE maîtres
Informations générales
  • Instructions du mardi aux maîtres du collège
  • Le bon exemple à l'école de Notre-Seigneur
  • ECRITS SPIRITUELS, pp. 1348-1351, et Cahiers d'Alzon, 5, pp. 102-107.
  • CZ 88 (notes "d'une plume inconnue", M.S.).
Informations détaillées
  • 1 AUTORITE DU MAITRE
    1 BON EXEMPLE
    1 COLLEGIENS
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 DEMI-PENSIONNAIRES
    1 ELEVES
    1 ETUDE DES PERFECTIONS DE JESUS-CHRIST
    1 EXTERNES
    1 FORMATION DES AMES DES ELEVES
    1 FORMATION DES JEUNES AUX VERTUS
    1 HYPOCRISIE
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 MOEURS ACTUELLES
    1 PARENTS D'ELEVES
    1 PENSIONNAIRES
    1 PERES DE L'EGLISE
    1 PURETE D'INTENTION
    1 RESPECT HUMAIN
    1 THOMAS D'AQUIN
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 BAILLY, EMMANUEL
    2 BAILLY, VINCENT DE PAUL
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 HEDDE, FELIX
    3 ROME
  • Maîtres du collège
  • COLLEGE maîtres
  • novembre 1867
  • NOV 1867
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

L’enseignement chrétien n’est pas seulement un baptême, ce n’est pas seulement une purification, ce n’est pas seulement une impression de la très sainte Trinité dans les âmes; c’est encore, si je puis parler ainsi, la transformation des hommes en Dieu. Et pour opérer cette transformation, quel autre modèle peut-on étudier que Jésus-Christ qui a réuni en Lui ces deux éléments de la divinité et de l’humanité, afin que par lui, l’humanité entière se divinisât: Deus factus est homo, ut homo fieret Deus? Voilà l’enseignement de tous les Pères, admirablement résumé par saint Thomas. Nous étudierons donc Jésus-Christ: il sera le modèle d’après lequel nous nous formerons comme maîtres chrétiens.

Il faut pour cela chercher dans l’Ecriture quelqu’endroit où nous puissions trouver Jésus-Christ enseignant; entre autres passages des livres saints, je prendrai pour texte ces paroles: Coepit Jesus facere et docere qui pourraient fournir la matière d’un grand nombre d’instructions. Nous verrons plus tard la méthode de l’enseignement de Jésus-Christ, la manière dont il s’y prenait pour répandre et inculquer la vérité dans les âmes. Pour aujourd’hui je m’en tiendrai à cette seule parole: Coepit facere: je vous montrerai Jésus-Christ prêchant d’exemple, ce qui doit être le soin continuel du maître chrétien. Permettez-moi de vous rappeler encore une fois ces paroles: Verba movent, exempla trahunt.

Sans respect humain.

Vous avez besoin de l’exemple, en premier lieu pour combattre et détruire le respect humain dans les élèves. L’humilité doit ici disparaître pour faire place à la charité. Luceat lux vestra coram hominibus ut glorificent Patrem vestrum qui in caelis est. Je sais bien que MM. Durand et Allemand, quand ils avaient vingt ans de moins, pouvaient donner des exemples d’une plus grande efficacité; aussi est-ce surtout aux jeunes professeurs que je m’adresse maintenant; leur âge s’approche davantage de l’âge des élèves; ils peuvent par conséquent leur faire plus de bien par leur exemple; c’est donc à eux que je dis, en particulier, de travailler à détruire le respect humain dans les élèves: et pour cela il faut qu’ils commencent à le détruire en eux-mêmes! Ah! que je plaindrais ceux d’entre vous qui auraient le respect humain de leurs élèves. Le respect humain est, avec beaucoup d’autres sans doute, le plus grand mal qui désole notre époque. Pour le détruire, il faut étudier et étudier sans cesse, et qui faudra-t-il étudier? Jésus-Christ. Car Jésus-Christ, il faut le reconnaître, est venu à une époque étrange et qui a bien quelques analogies avec la nôtre; cette époque de l’invasion romaine, où arrivent les légistes féroces qui viennent poser en principe que: Quidquid Caesari placuerit, lex sit. Je ne sais si je cite bien le texte. Le professeur chrétien devrait donc s’étudier et étudier les élèves pour connaître par quels moyens il pourra exercer sur eux la meilleure influence possible. Il devra leur montrer dans ses oeuvres qu’il n’a pas peur d’eux, s’il veut les habituer à n’avoir pas peur d’eux-mêmes.

La portée du bon exemple.

Et dans ce mot facere (je vous demande pardon d’entrer dans tant de subdivisions), je distinguerai encore l’exemple et le savoir-faire de l’exemple; car il y a des gens qui mettent de la maladresse jusque dans le bon exemple. C’est pour cela qu’il faut bien distinguer entre l’exemple secret et l’exemple public. Si vous n’êtes en effet qu’un honnête homme, si vous ne donnez le bon exemple que parce que vous y êtes obligé, si vous vous dites: « cela me coûte bien un peu, mais il faut faire un petit effort, car je dois le bon exemple », je vous plains bien sincèrement. En d’autres termes si vous vous faites une morale douce et large dans votre particulier et une morale austère en public, soyez sûrs que les élèves s’en apercevront et qu’alors vous échouerez auprès d’eux et, permettez-moi cette expression familière: vous serez « coulés ». Or, c’est ce qui ne doit pas arriver. Mais que les élèves s’aperçoivent de cette différence que l’on met entre la conduite publique et la conduite particulière, j’en ai depuis quelques jours des preuves incontestables. Depuis que le P. Vincent est à Rome, je vois un grand nombre de papas et de mamans (bien que j’en laisse encore une bonne partie au Père Emmanuel) et j’apprends d’eux des choses étonnantes. Des révélations singulières me sont faites sur la plupart d’entre vous et résultent des observations, soit des pensionnaires, les jours de sortie, soit des demi-pensionnaires et des externes, mais surtout de ces derniers. Vous ne saurez croire combien ces gamins observent, critiquent toute chose. Il y a bien des occasions où vous ne croyez donner assurément aucun mauvais exemple et même quelquefois aucun exemple ni bon, ni mauvais; eh bien! c’est surtout en ces occasions-là que vous êtes surveillés. C’est surtout sur l’exemple secret que les élèves vous jugent en public. Le professeur s’étale en quelque sorte, il pose; on n’y fait pas attention; mais c’est surtout le professeur qui se cache qu’on surveille, on veut savoir ce qu’il y a là-dessous et que bien souvent on devine juste! Permettez-moi de vous en citer un exemple: l’élève Hedde, dont vous avez vu le portrait dans mon cabinet, dit un jour d’un maître que j’avais dans la maison: « Avant deux ans un tel sera épuisé ». Jugez de mon étonnement, moi qui voulais faire de ce maître un religieux (il a maintenant femme et enfants) en apprenant ce jugement prononcé par un élève deux ans avant que le maître ne fût épuisé. Comment l’élève peut-il deviner si juste, sinon parce qu’il est sans cesse à observer, à flairer en quelque sorte la conduite du maître? Vous voyez par là combien il vous est nécessaire de vous surveiller, autant en secret qu’en public et même davantage, afin qu’à l’exemple du divin Maître vous entraîniez sans cesse vos élèves après vous dans le chemin de la vertu et que vous ne démentiez pas par votre conduite les préceptes que vous êtes chargés de graver dans leur esprit. Etudiez sans cesse le divin modèle qui vous est proposé afin que par la grâce de Dieu vous puissiez le réaliser, autant que l’infirmité et la faiblesse humaine peuvent vous le permettre. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum