Instructions du mardi aux maîtres du collège

NOV 1867 Nîmes COLLEGE maîtres
Informations générales
  • Instructions du mardi aux maîtres du collège
  • Foi et science dans l'enseignement
  • ECRITS SPIRITUELS, pp. 1352-1355, et Cahiers d'Alzon, 5, pp. 108-113.
  • CZ 88 (notes "d'une plume inconnue", M.S.).
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE L'ENSEIGNEMENT
    1 CONNAISSANCE
    1 COURS
    1 ECRITURE SAINTE
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 FILLES DES ECOLES
    1 FOI
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 MISSION DES LAICS
    1 PARESSE
    1 PRETRE EDUCATEUR
    1 PROFESSEURS D'UNIVERSITE
    1 ROUTINE
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 AMMONIUS SACCAS
    2 BERRYER, PIERRE-ANTOINE
    2 DURUY, VICTOR
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 ORIGENE
    2 PAUL, SAINT
    2 SOCRATE
    3 AFRIQUE
    3 ALEXANDRIE, EGYPTE
    3 ASIE
  • Maîtres du collège
  • COLLEGE maîtres
  • novembre 1867
  • NOV 1867
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

Nous avons pris pour sujet de notre dernier entretien les paroles de l’Ecriture: Coepit Jesus facere et docere. Nous montrerons aujourd’hui le divin Maître parlant, prêchant par la parole; car si le maître chrétien doit surtout prêcher par sa vie, par sa conduite, par ses exemples, il doit encore prêcher par la parole. Et cette parole, pour qu’elle produise de grands fruits dans les âmes, doit être inspirée par la foi, par la science et l’amour.

1° La foi.

Il y a peu de temps, j’apprenais que M. Berryer, un des plus grands orateurs de notre temps, avait fait mettre dans sa chapelle ces paroles: Credidi, propter quod locutus sum. Il en est ainsi de tous les orateurs; même chez les païens, ceux qui sont véritablement éloquents ont foi en quelque chose, ils ont foi en leur république. Sans cette foi, sans cette conviction, on ne pourra qu’aligner des phrases comme Socrate, mais on ne sera pas vraiment éloquent. Je sais bien que quelquefois la passion ou un sordide intérêt remplace la foi; mais je n’ai pas à examiner la question sous ce point de vue. Ce dont je veux vous persuader, c’est que l’enseignement chrétien, digne de ce nom, ne peut être donné que par ceux qui ont la foi et que tout maître chrétien doit pouvoir se dire: Credidi propter quod locutus sum. Il faut la foi, l’enthousiasme (car les gens qui n’ont pas d’enthousiasme sont tout à fait endormants); c’est d’ailleurs en cela que consiste la vie et la fécondité de l’enseignement chrétien; c’est aussi ce qui fait qu’en dehors de cet enseignement, il n’y a plus, comme on l’a dit, que des « pédants » et des « cuistres »; et c’est parce que j’espère que vous n’êtes et ne serez jamais ni pédants ni cuistres que j’ai prononcé ces mots.

a) Science humaine.

La parole du maître chrétien doit être inspirée encore par la science et ici il faut bien distinguer la science divine et la science humaine. Toujours, mais surtout dans notre temps, c’est, sous le manteau de la science humaine, si je puis ainsi parler, que l’on doit faire pénétrer la science divine. Cette science humaine, le maître chrétien devra donc la posséder et cette science, comme je l’ai déjà dit, implique la préparation. Sans cette science, l’intelligence la plus brillante, les dons naturels les plus heureux n’arrivent à aucun résultat. De quelques riches vêtements qu’on pare le rien, ce sera toujours le rien, le néant. La science humaine est pour nous une dette et vis-à-vis de nos élèves nous sommes des débiteurs et, dans notre examen de conscience, il serait bon de rechercher si nous avons toujours payé cette dette à nos élèves dans la mesure voulue. Et il ne s’agit pas ici de s’examiner seulement sur telle ou telle classe mal faite, mais sur l’ensemble de nos charges. Ne soyons pas, je vous en conjure, comme ces professeurs qui regardent à tout moment leur montre, soupirant à tout moment après la fin d’une classe où ils ne peuvent pas donner un enseignement qu’ils n’ont pas eux-mêmes. Cette science, je le sais, ne s’acquiert que par un long et pénible travail; mais ne devons-nous pas tous gagner notre pain à la sueur de notre front et cette sentence que M. de Lamennais prétend avoir été prononcée surtout pour les écrivains, n’est-elle pas encore plus vraie du professeur chrétien? Permettez-moi de vous le dire avec franchise, en toute sincérité (car il ne vaudrait pas la peine de se réunir ici, dans cette chapelle à 7 heures du matin, pour ne recevoir que des compliments): si un stupide ministre a eu l’étrange prétention de confier à des professeurs universitaires l’enseignement des filles, c’est qu’il y a dans l’enseignement donné par les maîtres catholiques plus d’une lacune. Oui, il faut le reconnaître, nous ne sommes trop souvent que des professeurs routiniers et paresseux (et je vous charge de communiquer cela au grand nombre des professeurs qui manquent ce matin à notre réunion, je ne sais trop pourquoi). Celui-ci par sa paresse, celui-là par suite de sa mauvaise humeur, sont empêchés de se livrer à des études sérieuses et commandées par leurs devoirs de maîtres catholiques. Et cependant la situation est grave; tout le vrai enseignement, l’enseignement chrétien peut être compromis par notre négligence; c’est de l’avenir des études qu’il s’agit. Si donc, je le répète, M. Duruy a eu l’étrange idée, la folie, comment dirai-je? le crime, voilà le mot, de vouloir pervertir l’enseignement donné aux filles, c’est qu’il a vu que l’enseignement était déjà perverti dans sa source et peut-être un peu par la faute, par l’incurie des maîtres catholiques. Il faut donc travailler pour acquérir cette science humaine que nous sommes obligés de distribuer à nos élèves et de plus il faut, je le répète, sous le manteau de cette science, faire pénétrer dans leurs âmes la science divine.

b) Science divine.

Mais dira-t-on, cette tâche appartient en propre au sacerdoce? Le sacerdoce est sans doute plus particulièrement consacré à répandre et à faire germer la parole de Dieu dans les âmes; mais lui est-il défendu d’appeler à son aide les maîtres laïques? Et quoi de plus beau d’un autre côté pour ces derniers que d’être les aides du sacerdoce, de lui prêter main forte? Sans doute les prêtres ont pour eux le privilège particulier, spécial, légitime de consulter les saintes Ecritures; mais ce serait une grande erreur de croire que les maîtres catholiques ne doivent pas étudier les saintes lettres. Bien plus, cette chaire chrétienne établie dans l’Eglise a pour soeur, si je puis parler ainsi, cette chaire du professeur même laïque d’où peut et doit descendre la science divine aussi bien que la science humaine. La science humaine ne sera que la forme, la science divine sera le fond et ne croyez pas que cette alliance soit un adultère, selon la parole de saint Paul: Adulterantes verbum Dei; c’est au contraire une heureuse union, qui est le but principal de notre enseignement. Ce n’est pas d’ailleurs une chose nouvelle que cet appel de l’Eglise, du sacerdoce chrétien aux laïques; la célèbre école d’Alexandrie se composait surtout à l’origine de personnages élevés sans doute plus tard à cause de leurs services à l’honneur du sacerdoce, mais qui d’abord avaient été laïques. Ammonius Saccas fut, quoique M. Durand ait prétendu le contraire, un maître chrétien; Origène, si célèbre dans toutes les églises d’Asie et d’Afrique, fut d’abord un laïque. S’il appartient au sacerdoce et surtout aux évêques de surveiller d’une manière particulière les laïques quand ils répandant la divine semence, ceux-ci n’en sont pas moins tenus à la répandre avec tout le zèle possible.

Il nous faut donc examiner si nous nous sommes toujours bien acquittés de ce devoir et si nous avons toujours distribué aux âmes le pain de vérité. Enfin remarquons que dans la parole rapportée dans l’Ecriture sur la divine semence, Jésus-Christ ne parle que de la mauvaise qualité de la terre, il n’y parle pas de la mauvaise qualité de la graine, du froment impur; examinons donc si cette semence n’a pas, pour ainsi dire, emprunté quelque chose de la grossièreté de nos mains et si nous n’avons pas été cause de son peu de fruit dans les âmes. Je reviendrai sur cette grave question de la science humaine et divine dans un autre entretien.

J’avais encore indiqué une autre division, l’amour; mais, comme le temps me manque, je réserve ce point pour mardi prochain.

Notes et post-scriptum