- Instructions du mardi aux maîtres du collège
- Prière du Maître
- ECRITS SPIRITUELS, pp. 1359-1363, et Cahiers d'Alzon, 5, pp. 120-126.
- CZ 88 (notes "d'une plume inconnue", M.S.).
- 1 ANCIEN TESTAMENT
1 ANGES
1 APOTRES
1 AUTORITE DU MAITRE
1 COLERE
1 CONCILE OECUMENIQUE
1 DON D'INTELLIGENCE
1 DOUCEUR DE JESUS-CHRIST
1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
1 ESPERANCE
1 FAMILLE
1 GLOIRE DE DIEU
1 HABITUDE PSYCHOLOGIQUE
1 HOMME DE PRIERE
1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
1 JESUS-CHRIST MODELE
1 JUIFS
1 MAITRES CHRETIENS
1 PAPE
1 PERES DE L'EGLISE
1 PRIERE DE DEMANDE
1 PRIERE POUR L'EGLISE
1 PUNITION DES ELEVES
1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
1 RENVOI D'UN ELEVE
1 REPRESSION DES DEFAUTS DES JEUNES
1 SAINT-SIEGE
1 SALUT DES AMES
1 THOMAS D'AQUIN
1 VIE DE PRIERE
2 DARBOY, GEORGES
2 DENYS L'AREOPAGITE
2 ESPATERO, BALDOMERO
2 GREGOIRE I LE GRAND, SAINT
2 ISAIE, PROPHETE
2 MOISE
2 PAUL, SAINT
2 PIERRE, SAINT
3 EGYPTE
3 FRANCE
3 PARIS
3 ROME
3 SINAI - Maîtres du collège
- COLLEGE maîtres
- 10 décembre 1867(1)
- 10 DEC 1867
- Nîmes
- Maison de l'Assomption
1° Puissance de la prière.
Je vais aujourd’hui vous montrer Jésus-Christ, modèle du maître qui prie, et permettez-moi d’abord de vous dire que je me reproche bien souvent de ne pas avoir assez poussé les maîtres à prier. Quand je considère l’influence qui est promise à la prière par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même: Petite et accipietis, quaerite et invenietis, pulsate et aperietur vobis, quand je considère cette influence et que je vois d’un autre côté le peu de résultats que nous obtenons, je suis tout naturellement porté à conclure que nous ne sommes pas des hommes de prière. En effet si nous demandions constamment le salut des âmes de ceux qui nous sont confiés, nous le recevrions, petite et accipietis; si nous cherchions sans cesse les moyens de leur faire du bien, nous les trouverions, quaerite et invenietis; et quand nous frapperions à la porte des âmes, la prière serait la clef qui nous les ouvrirait, pulsate et aperietur vobis. C’est là une vérité incontestable pour quiconque a foi dans le mystère de la grâce.
Dans les révolutions dont le Saint-Siège est entouré en ce moment, d’où vient à l’Eglise sa plus grande force, si ce n’est des prières que font sans cesse les fidèles pour leur père persécuté? Soyez même persuadés que si, comme au temps de saint Pierre, toute l’Eglise se mettait à prier avec ardeur, le successeur de saint Pierre serait encore plus vite délivré. Tenez, je ne suis ni prophète ni fils de prophète, et je ne veux point affirmer que le monde oecuménique promis par le Pape pourra se tenir bientôt. Mais l’indiction de ce concile devait être fixée, le 8 décembre; eh bien! grâce aux prières de l’Eglise, il y a eu, en France, le 5 de ce même mois de décembre, un vote dont le Pape peut déjà avoir été instruit par le télégraphe, de sorte qu’il a été possible de fixer l’indiction du concile, le 8 décembre; je n’assure pas cependant qu’il en ait été ainsi. Mais pouvait-on espérer, je vous le demande, le premier décembre, après le discours de l’Archevêque de Paris, que les affaires de Rome se seraient terminées aussi heureusement. Quelques-uns d’entre vous peuvent se rappeler, sinon les plus jeunes, combien furent efficaces les prières des fidèles contre ce révolutionnaire espagnol Espatero. Je sais bien que les rationalistes diront: post hoc, ergo propter hoc. Mais nous, nous dirons: les prières ont été faites dans ce but, or le but a été atteint, donc…
2° Exemple de Moïse.
Mais pour vous faire voir encore plus l’importance de la prière, je prendrai Moïse, ce personnage de l’Ancien Testament pour lequel j’ai une dévotion toute particulière. Moïse avait fait sortir les Hébreux de l’Egypte et les avait conduits à travers le désert au pied du mont Sinaï. Vous avez fait de même pour les enfants: vous les conduisez au pied de votre chaire après les avoir arrachés à leurs familles qui sont bien souvent une sorte d’Egypte pour eux. Moïse arrive au sommet de la montagne et pendant ce temps les élèves, c’est-à-dire les Hébreux, pour me servir d’un mot familier, font des « farces ». Moïse descend furieux, brise les tables, mais cela ne lui sert de rien et il remonte pour prier de nouveau le Seigneur. Le Seigneur lui dit alors: « Laisse-moi faire, Dimitte me, et je vais te mettre à la tête d’un autre peuple. – Pas du tout, dit Moïse, je veux ceux-là; ce sont des coquins sans doute, mais c’est précisément pour cette raison que je les veux. » – Bien souvent, Messieurs, nous avons à élever de petits mauvais sujets, des gamins comme ceux de Moïse. Il serait sans doute plus facile et plus court d’en débarrasser la maison; mais est-ce cela le parti le meilleur parce que c’est le plus avantageux à notre paresse? Avons-nous auparavant demandé avec ferveur le salut de ces âmes? Ne nous sommes-nous pas trop souvent servis de notre seule autorité? Sans doute il est bon de se servir de cette autorité, de la faire respecter; mais n’est-il pas évident par cet exemple de Moïse qu’il est bon quelquefois de substituer à la brutalité qui punit, la douceur patiente et ferme dont Jésus-Christ nous offre le plus parfait modèle. Je sais bien que quelquefois la grâce vient se heurter contre certaines difficultés imprévues, telles que certaines manies de professeur, une fausse manière d’enseignement, le mauvais vouloir des élèves, etc.
3° Exemple d’Isaïe.
Permettez-moi encore de vous citer ici l’exemple d’un autre personnage de l’Ancien Testament, Isaïe. Il eut une vision, il voyait Dieu sur son trône, super elevatum et excelsum solium; il vit des anges qui avaient six ailes, dont deux servaient à voiler la face, deux à couvrir les pieds du Seigneur et les deux autres pour voler. Et ils chantaient, sanctus, sanctus. Et que disait Isaïe? Isaïe, tout effrayé de cette vision, s’écrie: Vae mihi, quia vir pollutus labiis ego sum. Malheur à moi parce que j’ai les lèvres souillées et que j’ai vu le Seigneur, et Regem Dominum exercituum vidi oculis meis. Examinons-nous bien nous-mêmes, Messieurs, et voyons si nous n’avons pas à nous adresser le reproche qu’Isaïe se faisait à lui-même. Purifions nos lèvres dans l’oraison et alors un séraphin s’approchera de nous, avec un charbon ardent à la main et nous dira comme à Isaïe: Ecce tetigit hoc labia tua.
4° Les hiérarchies célestes.
Puisque je vous ai parlé des anges qui répandent sans cesse des prières devant le trône de l’Eternel, permettez-moi de vous dire que vous avez une mission semblable; et cela est basé sur l’enseignement de saint Thomas, de saint Grégoire le Grand et de saint Denys l’Aréopagite. Saint Thomas qui n’admet que des anges d’une espèce différente, c’est-à-dire que d’après lui chaque ange a son espèce, de manière que les différentes espèces d’anges se multiplient à l’infini, bien qu’elles se rangent en plusieurs choeurs, en hiérarchies; saint Thomas, dis-je, regarde les maîtres chrétiens comme accomplissant la fonction des anges auprès des enfants, comme des anges terrestres. Cet enseignement, il l’avait pris dans saint Grégoire le Grand, qui lui-même le tenait de saint Denys l’Aéropagite. Voyez que nous sommes bien près des Apôtres, puisque saint Denys avait reçu l’enseignement de saint Paul. C’est en effet une chose grave; car de même que les anges de la hiérarchie supérieure qui reçoivent la lumière de Dieu la transmettent aux anges inférieurs, de même vous devez aller par la prière puiser dans le sein de Dieu les trésors d’illumination que vous répandrez ensuite dans le coeur et l’âme des élèves.
C’est encore l’enseignement des Pères que l’homme, bien que par sa nature il soit un peu au-dessous des anges, Minuisti eum paulo minus ab angelis, peut arriver cependant jusqu’à la hiérarchie supérieure; car par sa grâce il est au-dessus des anges, à l’exemple de la Sainte Vierge et de Jésus-Christ. Ainsi vous pouvez directement puiser dans le sein de Dieu les vérités que vous devez transmettre aux enfants et pour cela vous n’avez qu’à prier. C’est là le secret de votre sainteté: soyez des hommes de prière.
Je ne suis pas encore arrivé à Jésus-Christ, modèle du maître qui prie; mais voilà l’heure et je ne veux point entamer cette question qui pourra faire le sujet de plusieurs instructions. Je vous engage, en finissant, à examiner si vous avez toujours prié suffisamment pour rendre votre enseignement efficace et, d’autre part, si vous avez travaillé suffisamment pour vous guérir de ces manies, de ces défauts, de ces mille travers qui font que, tout en étant des hommes de prière, vous ne faites pas aux élèves tout le bien que vous pourriez leur procurer. Je vous parlerai donc la prochaine fois de Jésus-Christ comme modèle du maître qui prie; je vous le montrerai conduisant une école de douze imbéciles qui lui font des questions les plus saugrenues; ce qui doit bien nous montrer qu’il ne faut pas nous désespérer quand dans notre classe nous avons des élèves un peu « ganaches », un peu brutes même, pourvu que nous placions toute notre confiance dans le secours de Dieu, dans la prière, et que nous remplissions à l’égard des enfants le rôle des archanges à l’égard des anges inférieurs. Ainsi soit-il.