Instructions du mardi aux maîtres du collège

17 DEC 1867 Nîmes COLLEGE maîtres
Informations générales
  • Instructions du mardi aux maîtres du collège
  • Utilité de la prière
  • ECRITS SPIRITUELS, pp. 1364-1366, et Cahiers d'Alzon, 5, pp. 127-131.
  • CZ 88 (notes "d'une plume inconnue", M.S.).
Informations détaillées
  • 1 APOTRES
    1 AUTORITE DU MAITRE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CONTRARIETES
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DOCTEURS DE L'EGLISE
    1 DONS DU SAINT-ESPRIT
    1 DOUCEUR
    1 ELEVES
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 FOI
    1 FORMATION DE JESUS CHRIST DANS L'AME
    1 FORMATION DES JEUNES AUX VERTUS
    1 HOMME DE PRIERE
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 JUIFS
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 PARDON
    1 PARENTS D'ELEVES
    1 PATIENCE
    1 PERES DE L'EGLISE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PRIERE DE JESUS-CHRIST
    1 PRIERES AU PIED DE LA CROIX
    1 RENVOI D'UN ELEVE
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINTS DESIRS
    2 TERTULLIEN
  • Maîtres du collège
  • COLLEGE maîtres
  • 17 décembre 1867
  • 17 DEC 1867
  • Nîmes
  • Maison de l'Assomption
La lettre

A l’exemple du Christ.

Je vous avais parlé la dernière fois de Jésus-Christ, modèle du maître qui prie; je l’avais montré formant douze élèves, les douze Apôtres, que je m’étais permis d’appeler d’un nom un peu scandaleux « imbéciles » et qui a étonné certaines personnes. Je ne retire pas cette expression, justifiée par une foule de passages des Ecritures, où l’on voit les Apôtres adresser à Notre-Seigneur les demandes les plus étranges. Mais ce que je m’étais proposé de vous montrer surtout, c’était Jésus-Christ modèle du maître qui prie et c’est cet entretien que je viens continuer aujourd’hui. Nous voyons dans l’Ecriture que Jésus-Christ avant de choisir ses Apôtres ne cessait de prier: erat pernoctans in oratione Dei; il passait tout le temps de la nuit à prier. Je ne vous dis pas de faire de même, car si vous passiez la nuit à prier, vous pourriez avoir sommeil le lendemain et vous dormiriez en classe; ce qui serait irrégulier.

a) Le support des élèves.

Mais pourquoi Jésus-Christ répétait-il à son Père cette prière incessante? Vous me direz que c’est parce qu’il allait choisir ses Apôtres. Sans doute; mais il prévoyait aussi ce qu’il aurait à souffrir et des Juifs qui devaient le crucifier et de ces mêmes Apôtres qui devaient montrer tant de faiblesse et de lâcheté. Quant à ce qui est de choisir, nous ne pouvons imiter Jésus-Christ; Jésus-Christ était libre de choisir ses Apôtres, nous ne sommes pas libres de choisir nos élèves, ils nous sont en quelque sorte imposés par la volonté de leurs parents; et encore cela, je vous l’accorde, sauf dans les cas où il nous plaît de remercier certains élèves et certains parents. Mais il est bon de prier quand on veut remplir dignement la fonction de maître chrétien, parce qu’on aura de la part des élèves bien des afflictions, bien des mécontentements ou tout au moins bien des ennuis à endurer. C’est alors que le maître chrétien doit se réfugier dans la prière au pied de la croix de notre divin Sauveur. Du haut de sa chaire, c’est-à-dire, comme l’enseignent tous les saints Pères et tous les saints Docteurs, du haut de sa croix, Jésus-Christ nous enseigne la patience, la douceur, le pardon des offenses. Les enfants sont quelquefois un peu méchants; ce sont, si vous le voulez, de petits bourreaux, mais qui moins encore que les bourreaux de Notre-Seigneur, ne savent ce qu’ils font, et la plupart du temps, hélas! ne le savent point parce qu’on ne s’est pas donné la peine de le leur apprendre. Il faut donc prier pour que Dieu change les dispositions de leurs coeurs et pour qu’il nous enseigne à nous-mêmes ce que nous devons leur apprendre. Et ici, permettez-moi de m’attrister non plus sur la stupidité des Apôtres mais sur notre propre stupidité à nous, qui semblons ne pas comprendre la puissance de cette arme que nous avons entre les mains, la prière et la croix de Notre-Seigneur. Que le surveillant ou le professeur dans leur chaire se figurent sans cesse être à la place de Jésus-Christ sur la croix, qu’ils soient des hommes de prière et ils verront que l’on peut parvenir, par ce moyen si efficace et si facile, à des résultats bien plus grands que ceux qu’ils ont obtenus jusqu’ici en usant de leur seule autorité.

b) L’effusion de l’Esprit-Saint.

Mais la prière n’est pas seulement utile pour nous donner la force de supporter les petites misères qui nous viennent de la part des élèves; c’est encore un moyen, si je puis parler ainsi, d’effusion du Saint-Esprit dans leurs âmes. Nous disons au commencement de chaque classe et de chaque étude: Veni sancte Spiritus, reple tuorum corda fidelium et tui amoris in eis ignem accende. Je passe rapidement sur ces paroles qui exigeraient un long commentaire et j’en viens à celles-ci: Emitte ou emittes (car on peut dire l’un ou l’autre) spiritum tuum et creabuntur et renovabis faciem terrae, envoyez ou vous enverrez votre Esprit et il se fera une nouvelle création. Quelle est cette création, Messieurs? Ce n’est évidemment pas la création du monde, mais une nouvelle création des âmes. Comment pourrais-je ne pas gémir en voyant que nous comprenons si peu notre puissance? Quoi! il nous est permis en quelque sorte d’entrer en participation de ce don divin et essentiellement incommunicable de la création? et nous ne savons pas en profiter! Permettez-moi de vous citer ici les admirables paroles de Tertullien: Quod limus exprimebatur, Christus cogitabatur, homo futurus. Les grammairiens trouveront peut-être qu’il faudrait plutôt limo que limus, mais je vous cite Tertullien tel qu’il est. Quoi qu’il en soit, nous avons la mission en quelque sorte de pétrir, de créer de nouveau les âmes des enfants, en nous servant de ce limon divin qui est Jésus-Christ. Et pour cela, il faut prier; il faut prier si nous voulons renouveler les âmes: et renovabis faciem terrae. Je le répète donc: ce qui m’afflige, c’est de voir que nous ne voyons plus souvent dans notre enseignement que des textes à expliquer, des problèmes à résoudre, des faits historiques à présenter plus ou moins habilement et que nous ne savons pas, à travers cette enveloppe grossière, faire pénétrer dans les âmes quelques pensées de foi et d’amour de Dieu.

Il faut donc prier; prier pour obtenir la patience, la résignation dans les tracasseries que nous pourrons avoir à subir de la part des enfants; il faut prier pour obtenir d’être les instruments du Saint-Esprit pour qu’il nous aide à embraser les âmes; il faut enfin prier pour parvenir à faire de nos enfants des saints et le devenir nous-mêmes. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum