Sermons divers

10 FEB 1850 Nîmes
Informations générales
  • Sermons divers
  • Sermon pour l'Association des bons livres, 10 février 1850
  • CZ 117 (sténographie d'un inconnu).
Informations détaillées
  • 1 ABSOLUTISME
    1 ANARCHISTES
    1 ASSOCIATIONS OEUVRES
    1 AUGUSTIN
    1 CATECHISME
    1 CHATIMENT
    1 CONCILE PROVINCIAL
    1 CONVERSIONS
    1 DECADENCE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DESINTERESSEMENT DE L'APOTRE
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DOGME
    1 ECRITURE SAINTE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENNEMIS DE LA RELIGION
    1 ESPERANCE
    1 FILS DE L'EGLISE
    1 FOI
    1 GRANDEUR MORALE
    1 HAINE ENVERS LA VERITE
    1 HERESIE
    1 IDEES DU MONDE
    1 LIVRES
    1 LUTHERANISME
    1 MANQUE DE FOI
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 MAUX PRESENTS
    1 PAGANISME
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PRESSE
    1 PRESSE CATHOLIQUE
    1 PRESSE REVOLUTIONNAIRE
    1 QUETES
    1 REDEMPTION
    1 RELIGION NATURELLE
    1 RESTAURATION DES MOEURS CHRETIENNES
    1 SCEPTICISME
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 VERITE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 PAUL, SAINT
    2 TIMOTHEE, SAINT
    3 AVIGNON
    3 EUROPE
    3 FRANCE
  • 10 février 1850
  • 10 FEB 1850
  • Nîmes
La lettre

Nous touchons à ces temps où des périls vont s’accumuler autour de nous, c’est une vérité trop évidente pour la prouver ici: l’horizon s’est tellement obscurci, le soleil s’est caché derrière des nuages si épais, on entend déjà si distinctement les sourds mugissements de la tempête, qu’il serait insensé de nier qu’un orage approche. On ne discute plus seulement sur la forme de la société, on demande si cette société est possible encore. On en est venu là; toutefois n’y a-t-il aucune espérance? Je ne dis point cela, Dieu est puissant, et parmi les vertus du chrétien, je trouve l’espérance: espérons donc, espérons que la volonté de Dieu s’accomplira, et cependant ceux-là mêmes qui sont prédestinés au bonheur se tromperaient s’ils s’imaginaient qu’ils n’ont plus qu’à se croiser les bras et à laisser faire la Providence. Non, il faut agir, il faut arrêter le mal. Mais quel en est le principe, quels sont les remèdes qu’on peut y apporter, voici les deux questions que je vais traiter. Ave Maria.

I. Si l’on recherche la cause des maux de l’Eglise et de l’humanité tout entière, un fait palpable frappe d’abord les gens: le mal vient de la perte de la foi chez quelques-uns, de son affaiblissement chez la plupart. Il y a bien aussi des causes secondaires mais je ne m’arrête qu’à celle-ci: l’affaiblissement de la foi est une des causes primordiales des maux qui nous menacent. Malheureusement il s’est trouvé des hommes qui ont déclaré que la morale suffisait, et que le dogme était de peu d’importance. Mais les sociétés ne reposent pas seulement sur le bien matériel, il n’y a société qu’entre les êtres intelligents et pour les unir il faut plus que la matière; l’homme ne vit pas seulement de pain, il vit encore de vérité. S’il en a besoin pour nourrir son intelligence, le premier de tous les besoins pour l’homme, c’est celui qui concerne la partie la plus noble de lui-même, c’est donc à la vérité qu’il doit le plus s’attacher, et de même qu’un aliment empoisonné fait mourir celui qui le prend, de même si on sature une société du poison des mauvaises doctrines, elle tombe dans de grands périls.

La société, je le répète, subsiste parce qu’elle est formée par des intelligences, et comme toutes les intelligences ne peuvent pas arriver à la vérité de la science il faut qu’elles y arrivent pas un moyen plus simple, plus populaire et en même temps plus divin, par la foi; la foi qui présente à l’homme les vérités dont il a besoin et lui montre son origine, sa nature et sa fin. Vous comprenez donc quelle est la nécessité de la foi, non pas seulement dans notre religion mais dans une religion quelconque. On a calculé que chez les peuples sans foi il y avait dix fous là où chez les peuples pleins de foi, il y en avait un. Or si l’absence de la foi produit de telles perturbations chez les individus, quelles perturbations n’apportera-t-elle pas chez un peuple. Remarquez avec moi l’expérience des temps: on ne trouve pas un seul peuple qui, après avoir fait de grandes choses, ne soit tombé dans l’avilissement s’il a perdu la foi.

Voyez vers l’orient de l’Europe ce petit état des Grecs (que je ne cite que malgré moi, car j’ai(1) déjà assez des Grecs et des Latins) qui étend dans tout le monde la gloire de son nom et dont une poignée de braves arrête des milliers d’ennemis. Dès que le scepticisme est venu saper la base de son édifice social, dès que la philosophie a pris la place de la religion – et ce n’était qu’une fausse religion – dès que la foi a disparu, la Grèce cessera d’être grande. Depuis elle s’est endormie: un sommeil de 18 siècles ressemble beaucoup à la mort.

Considérez les Romains. D’autres, dit un de leurs poètes, peuvent sculpter le marbre et l’airain mais nous, nous ne voulons que gouverner le monde. Ils furent grands sur la terre jusqu’à ce que la religion se perdît et, à mesure que leur foi s’en allait, ils penchaient vers la décadence et s’en allaient enfin épuisés de débauches courber leur tête avilie sous le joug des barbares.

Ce que je dis de ces deux peuples, je puis le dire des temps modernes. La France jadis avait porté loin sa gloire, des sentiments généreux faisaient battre le coeur de ses enfants. D’où vient que de si grands autrefois, nous soyons maintenant si peu de chose? Il ne faut pas faire de phrases, il faut en venir aux réalités. Où est notre puissance morale, avons-nous le droit de marcher à la tête des nations, avons-nous le droit de porter haut et fier l’étendard de la civilisation? Non, c’est que la foi a disparu, le scepticisme comme un ver rongeur a piqué la plus noble partie de notre coeur catholique et français.

Non seulement il y a des hommes qui n’ont pas la foi mais il y en a qui l’attaquent, qui crient « écrasez l’infâme » et trament dans l’ombre leurs sourdes menaces comme s’avance le flot silencieux de l’inondation qui couvre peu à peu la plaine.

Allons plus loin: que sera la France, que sera l’Eglise de France dans dix ans? Qui peut le dire? Que sera-t-elle dans un an? Vous attendez tous les jours qu’on proclame une monarchie ou une république ou tout autre gouvernement: où marchons-nous? Nul ne le sait. Le mal a commencé il y a plus de trois cents ans, lorsqu’un homme prenant la Bible s’écria « je suis libre de l’interpréter à mon gré », et de liberté en liberté on est venu au droit de nier, de dire: la propriété est un vol, la société une abomination.

J’ajoute deux remarques. J’ai parlé de la foi en général, mais c’est surtout de celle qui enseigne la vérité la plus complète que je veux parler et cette foi qui enseigne la vérité la plus complète c’est la foi catholique. Or s’il est vrai que la perte d’une fausse foi a produit de grands malheurs, à plus forte raison la perte de la foi véritable doit-elle être suivie d’un châtiment terrible, et c’est pourquoi en indiquant pour cause de nos maux la perte de la foi, c’est la perte de la foi catholique qui entraînera les plus grands malheurs.

J’arrive à un second détail. S’il est vrai que la foi catholique renferme la vérité parfaite, d’elle découle la morale la plus parfaite, et l’attaquer c’est causer les maux les plus grands. Nous ne comprenons pas assez ce qu’il y a de magnifique, de sublime, de divin dans la gloire qui découle de la connaissance de la vérité chrétienne: nulle religion n’élève tout l’homme en le faisant racheter par le sang d’un Dieu. Cette chose n’était pas comprise des païens, elle ne l’est pas encore des hérétiques, elle ne l’est plus des chrétiens même: il faut entrer profondément dans la vérité chrétienne pour se faire une idée de la grandeur de l’homme qui a Dieu pour but et pour récompense, Dieu qui, comme dit saint Augustin, s’est fait homme pour que l’homme devînt Dieu. Dire à un homme qu’en se croyant fils de Dieu et racheté par là il se trompe et le lui faire croire, c’est dire que cet homme est tombé bien bas.

Vous ai-je fait voir, mes chers frères, que c’est là l’état où nous sommes? Quand l’homme renonce volontairement au ciel, il devient brute. Comprenez-vous que quand il écarte la notion du devoir, il n’est plus qu’une bête féroce? Il n’y a plus que des tyrans et des esclaves, il n’y a plus qu’une haine acharnée, on ne veut que du sang. Plût à Dieu qu’en disant ces paroles, je ne fisse pas un tableau de la réalité! Mais voilà ce qu’il en est. Nous n’avons pas voulu de Dieu, il est juste que nous ne voulions de personne, et parce qu’il y avait anarchie des choses épouvantables se sont passées à la face du soleil; je vais vous développer les remèdes à y apporter après un instant de repos.

II. Il ne faut pas beaucoup de réflexion pour comprendre que si la cause principale de nos maux est la perte de la foi, le remède est dans le retour à la foi. Mais le retour à la foi est-il possible? Commençons par dire que Dieu seul peut faire ce miracle. Mais du moment que nous savons que la foi peut nous guérir, il ne s’agit que d’examiner par quels moyens nous replanterons la foi dans les âmes. Je veux vous en indiquer un et je n’ai qu’à examiner comment elle a été perdue. Si je considère cet épouvantable travail accompli surtout depuis un siècle et demi, je reconnais qu’un des leviers les plus puissants a été cette infernale association dans laquelle des hommes unis par la haine groupant leurs efforts, ont fait toutes ces ruines que nous déplorons. On a menti beaucoup et, tout en recommandant les mensonges, ils s’unissaient, ils ne formaient qu’un seul tout; comme autrefois dans l’Eglise naissante la multitude des chrétiens ne faisait qu’une seule âme, ainsi la multitude des incrédules ne formait qu’un seul faisceau de haines. Ils ont commencé leur oeuvre, tout à coup on a vu paraître leur effrayant tableau. Le monde a été ébranlé. A côté de ces associations, on trouve encore l’expansion des mauvaises doctrines. Voyez avec quel esprit de zèle, avec quel acharnement, avec quelle persévérance le venin de l’incrédulité a été répandu partout. Depuis le philosophe orgueilleux jusqu’au simple paysan, tous ont lu des feuilles immondes. Les peuples les ont lues, ils ont attaqué la foi; les rois les ont lues, ils ont écouté la voix de perdition et ils ont conspiré contre le Christ; le peuple à son tour a conspiré contre les rois et un concert unanime a proclamé qu’il fallait entrer dans une ère d’indépendance et on est entré dans l’anarchie.

Et cependant, il faut le dire, ce n’est pas il y a cent ans, cinquante ans, vingt-cinq ans que ces choses se sont passées, elles se passent autour de nous. L’homme ne peut rien sans Dieu il est vrai, mais s’en rapporter uniquement à Dieu, c’est nier sa volonté qui veut que nous combattions, et dans le même chapitre où saint Paul annonce les temps mauvais à Timothée, il le charge de veiller. Il faut que tous les citoyens deviennent des soldats. Il faut donc se demander si tandis que la prédication de la parole appartient aux prêtres, tout chrétien n’a pas une effroyable responsabilité pour le mal qu’il a fait ou laissé faire. En face de cette question nous dormons et nous ne faisons rien comme si un malade pouvait espérer la guérison en continuant son ordinaire de vie. Le mal vous a atteints parce que vous ne faites rien contre lui. Si vous aviez une foi vive et forte, si vous connaissiez le don de Dieu, vous comprendriez la nécessité de défendre cette foi qu’on attaque.

J’ai dit que les deux moyens qui avaient attaqué la foi c’était l’union des méchants et d’infernales publications. Pour y remédier il faut de bonnes publications, des associations chrétiennes; il faut des hommes sincères et acceptant une même doctrine pour tous, des hommes qui ne soient pas de ceux qui disent au pauvre: il m’importe que tu croies à la religion catholique parce que sans cela tu désirerais m’enlever mon bien et ma vie; des hommes qui soient tous chrétiens non seulement en théorie mais qui donnent l’exemple. Il faut des hommes énergiques et où sont-ils? Quand un homme dit qu’il s’attache à la cause de J.C., on dit qu’il est fou et on ne peut croire à sa sincérité. Il faut des hommes qui déclarent qu’avant tout ils veulent servir la cause de Dieu, qu’ils veulent vivre, combattre et mourir pour la religion de leurs pères. Quand nous aurons de ces hommes-là, leurs exemples trouveront des imitateurs.

Et comme il faut que quelqu’un commence, gloire, honneur à cette vénérable assemblée(2) qui a compris la nécessité d’une association pour la propagation des bons livres dans toute la province ecclésiastique. Il ont compris que quand les maux sont grands par l’union des méchants, il faut les réparer par l’union des saints; ils se sont unis et se sont dit: c’est à nous qu’il appartient de prêcher; mais puisqu’il y a une prédication [mot illisible] notre charité l’accepte encore. Je vous invite donc, M.C.F., à comprendre l’importance de cette association. Vous contenterez-vous de dire: j’ai mon livre de messes? Cela ne suffit pas, et comme tout le monde ne consent pas à lire le catéchisme parce qu’il humilie les orgueilleux, il faut des bons livres de toute sorte qui fassent accepter la vérité. C’est donc une chose importante que cette association pour les bons livres; c’est une chose à laquelle vous devez consacrer le fruit de vos épargnes. On nourrit le corps, c’est bien, mais l’âme aussi a besoin de nourriture et, avec un bon livre, il arrivera un jour qu’un pauvre sans religion se rappellera qu’il avait une mère qui lui avait appris à prier et il saura que quelque bas qu’il soit dans l’échelle sociale, il n’en est pas moins le fils bien aimé de Dieu. Ce sera vous qui aurez fait cette restauration de l’homme.

C’est donc au nom de notre pontife, au nom de l’Eglise tout entière que je vous prie de donner pour ranimer la foi. Quoi, mon enfant, vous dit l’Eglise, bien de tes frères oublient leur titre et pour les ramener tu ne veux pas me prêter le secours de tes aumônes, à moi qui suis ta mère! Consultez votre amour, consultez votre foi, donnez et Dieu vous le rendra(3).

Notes et post-scriptum
1. Lire: "j'*en* ai déjà assez"?
2. Le concile provincial d'Avignon qui s'était tenu en décembre 1849.
3. Le plan autographe de ce sermon est conservé : D01237.