A des dames ou jeunes filles

NOV 1868 Nîmes
Informations générales
  • A des dames ou jeunes filles
  • [Retraite à des dames de Nîmes, novembre 1868]
  • BZ 8, pp. 63-78 (notes de Cécile Varin).
Informations détaillées
  • 1 ABJECTION
    1 AMOUR DE DIEU SOURCE DE L'APOSTOLAT
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DES AISES
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 AUGUSTIN
    1 AUSTERITE
    1 BEAUTE DE DIEU
    1 BIEN SUPREME
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CHATIMENT
    1 COMMUNION DES SAINTS
    1 CONCUPISCENCE DES YEUX
    1 DEFENSE DES DROITS DE DIEU
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DIEU LE FILS
    1 DIEU LE PERE
    1 DON D'INTELLIGENCE
    1 ESPERANCE
    1 EXAMEN
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 HABITUDES DE PECHE
    1 HUMILITE FONDEMENT DE VIE SPIRITUELLE
    1 IGNORANCE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 LOI DIVINE
    1 MAL MORAL
    1 PECHE
    1 PENITENCES
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 REVOLTE
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINTS DESIRS
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
    1 TRISTESSE
    1 VIE DE RECUEILLEMENT
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOIE UNITIVE
    2 AMBROISE, SAINT
    2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
    2 DAVID, BIBLE
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 THERESE, SAINTE
    2 VARIN d'AINVELLE, CECILE
  • Novembre 1868(1)
  • NOV 1868
  • Nîmes
La lettre

Première instruction(2). [Ouverture de la retraite]

Venez, retirez-vous à l’écart et reposez-vous un peu.

N.S. adresse cette parole au commencement d’une retraite à des âmes comme les vôtres, mes filles, qui n’étant pas destinées à passer leur vie dans la solitude, viennent seulement se reposer un peu, et passer 8 jours à s’occuper de Dieu et de leur âme. Retirez-vous à l’écart, écartez tous les obstacles qui s’opposeraient à votre retraite, à votre séparation du monde, et recueillez-vous sous l’oeil de Dieu. Pendant ces q.q. jours, je ne vous demande pas seulement de venir écouter régulièrement mes instructions, je vous demande surtout de réfléchir sur vous-mêmes, sur les mauvaises habitudes que vous pouvez avoir, et sans supposer qu’aucune de vous ait des péchés mortels à se reprocher, tâchez de repasser dans l’amertume de votre coeur ces mille infidélités, ces mille ingratitudes, ces taches sans nombre qui souillent votre âme, et comme David ayez sans cesse votre péché, vos misères devant les yeux.

Recueillez-vous et pensez à Dieu, car qui offense Dieu?… Même parmi les âmes les plus pieuses, qui pense suffisamment à Dieu?… Qui s’occupe de ses attributs, de ses grandeurs, de sa toute-puissance, de sa miséricorde, de sa bonté, et qui est-ce qui pense que nous sommes des créatures révoltées?…

[Le péché]

Il y a trois espèces de péchés: le péché d’infirmité ou de faiblesse, le péché d’ignorance et le péché de malice. Tous les trois attaquent Dieu dans l’un de ses attributs. Le péché de faiblesse est une révolte contre sa toute-puissance. Dieu le Père offre à l’âme sa grâce, sa force divine, son appui tout-puissant; par le péché l’âme refuse ces dons de Dieu, elle préfère se donner aux créatures, s’appuyer sur elles, subir leurs influences, elle s’en va alors dans une déplorable faiblesse et infirmité qui la conduit à sa perte. Le péché d’ignorance est une révolte contre Dieu le Fils, Verbe éternel, Sagesse de Dieu le Père qui vient nous communiquer les trésors de la science divine en nous parlant par son Fils. Que d’âmes se sentent coupables de cette ignorance de la loi de Dieu?… Combien disent: je ne sais pas, je ne comprends pas. Qu’elles disent donc plutôt: je ne veux pas, car Dieu donne l’intelligence à qui la lui demande et l’on voit souvent des âmes simples et pures parler beaucoup mieux des choses divines, que des personnes instruites et remplies d’une science qui n’est pas selon Dieu. Da mihi intellectum, etc. disait David, et c’est là la grande prière que l’Eglise répète chaque jour dans son office. Donnez-moi l’intelligence, ô mon Dieu, et je scruterai votre loi et je la garderai dans mon coeur tout entier!… Priez N.S.J.C., le Verbe de Dieu, de vous instruire lui-même, et rappelez-vous que l’ignorance de sa loi ne sera jamais à ses yeux une excuse lorsque vous serez jugées. David l’appelle la lumière qui éclaire ses pas et les sentiers qu’il doit suivre. La vie est comme un sentier où paraissent quelquefois des fleurs, mais où les pieds se blessent souvent, mais Dieu nous a donné sa loi pour illuminer nos pas. Que l’âme se laisse donc éclairer par les divins préceptes et puis qu’elle puisse dire encore avec David: Combien j’aime votre loi, Seigneur, elle fait tout le jour le sujet de ma méditation!…

Le péché de malice est une révolte contre Dieu le St Esprit: il attaque l’amour même de Dieu. Dieu s’offre à l’âme comme le bien tout entier, le seul bien qui puisse la rassasier, car le coeur de l’homme, créé par un souffle divin, est ce qu’il y a de plus grand, de plus noble dans toute la création et Dieu seul peut le remplir. Si dès ce monde Dieu ne se communique à l’âme que d’une manière incomplète, et comme à travers un nuage, il lui donne l’espérance et lui promet le ciel. Je serai moi-même, dit-il, votre récompense. Et l’âme au lieu de répondre à cet appel, à ces avances de son Dieu, se tourne vers les créatures, se penche vers la terre pour chercher à s’y rassasier; elle quitte Dieu, et voilà le crime et la malice du péché contre le St Esprit.

A ces trois sortes de péchés il faut trois réparations. A la faiblesse il faut opposer le courage, la force qu’on puise dans l’union avec Dieu, en s’appuyant sur sa toute-puissance, et il faut travailler à faire reconnaître ses droits si oubliés, si méconnus maintenant. A l’ignorance, il faut opposer ce culte de N.S.J.C. comme sagesse incréée, comme Verbe éternel, le faire connaître, servir et adorer en esprit et en vérité, travailler soi-même à s’instruire de sa loi et à en instruire les autres.

A la malice il faut opposer l’amour. Allez, mes filles, allez coller pour ainsi dire votre coeur contre celui de Dieu, allez vous plonger dans les flammes si ardentes et si pures de son amour éternel, et puis venez embraser le coeur de ceux qui vous entourent. Laissez-moi vous redire ce que tant de fois je vous ai répété, une âme chrétienne ne doit pas se sauver seule, comme aussi elle ne se damnerait pas seule. Commencez par établir dans votre coeur les droits de Dieu, et vous les ferez respecter aux autres; aimez et comprenez sa loi, et bien que St Paul ait dit que les femmes doivent se taire (ce qu’il n’a jamais obtenu), quelquefois elles doivent parler et tirer du trésor de leur coeur des paroles qui persuadent et que les hommes ne savent plus dire. Mais surtout aimez Dieu et les âmes, soyez comme St Jean-Baptiste, des lampes luisantes et ardentes, qui sans cesse occupées des intérêts de Dieu, éclairent et embrasent, sans jamais s’éteindre ni se refroidir…

[L’union à Dieu]

Pécheurs, rentrez dans votre coeur.

Je viens par ces paroles vous inviter vers la fin de la retraite à rentrer dans votre coeur, pour savoir dans quelle mesure, avec quelle perfection et quelle intimité vous devez vous unir à Dieu. Mal de la vie extérieure, la crainte de se voir à la lumière de la foi; si on se voyait telle que l’on est, on serait saisi d’horreur, de regrets et de remords, alors on préfère ne pas rechercher ses misères. Ainsi bien des vies s’écoulent sans qu’on rentre jamais en soi-même, on fait du bien, des bonnes oeuvres, on s’agite beaucoup, et toutes ces oeuvres semblent frappées de stérilité parce qu’elles ne sont pas inspirées par la foi, par l’amour, elles ne partent pas d’un coeur uni à Dieu et par conséquent ne portent pas avec elles la fécondité.

Bien de la vie intérieure: elle consiste à rentrer à soi-même, à se regarder, à constater ses faiblesses, ses misères, tout ce qui empêche l’union de l’âme avec Dieu. Toutes plus ou moins, vous avez le désir de plaire; tournez ce désir du côté de Dieu et cherchez sans cesse à perfectionner votre âme, à la nettoyer, à l’orner, en un mot pensez que vous n’avez à plaire qu’à Dieu. On redoute les souffrances de la vie intérieure, mais vous n’êtes pas des Ste Thérèse, ou des Ste Catherine de Sienne, pour endurer ces souffrances spirituelles qui ont fait quelquefois de leur vie un martyre; vous êtes trop faibles pour souffrir, et en général je crois qu’on s’exagère beaucoup ce genre de douleurs. Il faut savoir les dominer et les offrir à Dieu.

Soyez donc parfaits.

Sentiments qui excitent dans une âme l’idée de la perfection. Ils peuvent se résumer et se diviser dans les deux suivants: tristesses inspirées par l’idée de la perfection.

Désirs de perfection.

Tristesse du prêtre, qui voit beaucoup d’âmes appelées de Dieu à un état parfait, et qui ne répondent pas à cet appel.

Tristesse causée à l’âme par la vue de ses chutes sans nombre, de ses faiblesses, de ses efforts inutiles pour s’élever à Dieu, tristesse causée par le sentiment de l’état de misère et de dégradation dans lequel nous gémissons dans cette vie, loin de Dieu et sans pouvoir atteindre à son infinie perfection dont nous avons cependant entrevu la beauté par la méditation. Ce sentiment de tristesse qui est au fond de toute âme chrétienne qui se dit: je veux avancer, ne doit pas produire le découragement; il doit, il est vrai, nous tenir dans l’humilité mais aussi dans une grande confiance. Sans cela le démon se cacherait dans ce sentiment si utile de la vue de nos misères dont le poids nous entraîne toujours vers la terre.

Le désir de la perfection doit encore dominer dans l’âme sur la tristesse; toujours il faut dire avec David: Qui me donnera des ailes comme à la colombe et je volerai et me reposerai. Vous n’avez pas les ailes pour voler vers Dieu, mais Dieu qui vous donne ce désir, vous donnera aussi les moyens de le satisfaire. Voyez comme St Augustin commençant à être touché par les sermons de St Ambroise et par les larmes de sa mère, sentait monter dans tout son être comme un flot de larmes et de désirs, qui ne faisant que s’accroître lui montra la beauté de la sainteté, de l’innocence recouvrée, et l’entraîna vers les plus sublimes hauteurs. Laissez-vous pénétrer, mes filles, de ce désir immense de perfection, désir que Dieu lui-même vous donne en vous montrant son Fils N.S.J.C. comme idéal de toute sainteté. Que fait J.C. dans le tabernacle? il se consume d’un désir ardent pour votre perfection et si chaque fois que vous entrez, que vous passez dans une église, vous pouviez voir ces flammes ardentes qui s’élancent vers vous pour vous embraser, auriez-vous le courage de toujours résister, de toujours opposer des obstacles, de vous perdre dans des riens, dans des futilités, dans vous-même?… Et ce Dieu homme qui désire avec tant d’ardeur vous voir devenir des saintes, quel est-il?… C’est le Verbe, celui à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre, celui par lequel toutes choses ont été faites, c’est lui-même qui vient dans votre coeur par la Ste Communion, et puis vous dites que vous ne pouvez pas devenir parfaites?… Il met à votre disposition cette puissance qui a tiré le monde du néant, et vous ne voulez pas vous en servir?… Dieu ne demande pas à toutes la même perfection, mais toute âme dans la mesure de ses forces et suivant sa vocation, doit chercher à devenir plus sainte. Il faut qu’à la fin de cette retraite, chacune d’entre vous puisse se dire: Mon Dieu, je me suis rapprochée de vous, je veux avancer, je veux devenir plus digne de vous, me livrer à votre puissance et à ce désir si ardent que vous avez de consumer mon âme dans le feu de votre amour et de votre sainteté!…

[Les bonnes oeuvres]

Dans les bonnes oeuvres, se rappeler deux petits mots, qui bien compris, leur donnent la vie et la fécondité: diliges, tu aimeras, dilectio, tendresse, amour; avec cela, mes filles, avec l’amour de Dieu et l’amour des âmes on opère des prodiges, et sans ce sentiment intérieur, on s’agite, on se trouble, on semble faire beaucoup, mais nos actions, nos oeuvres, sont comme frappées de stérilité.

[L’austérité]

Une chrétienne doit mettre dans sa vie une certaine austérité; tout en restant dans les bornes de la prudence, il y a des privations de bien-être, dans l’habillement, dans son appartement, dans sa tenue, dans ses paroles, dans ses lectures, qu’une âme chrétienne doit s’imposer si elle veut ressembler à Jésus crucifié. C’est d’abord la nécessité de l’expiation et de la résistance aux penchants de notre nature déchue qui doit inspirer cette vie austère, mais c’est surtout l’amour de N.S., l’amour des âmes, qui doivent opérer tous ces retranchements. Les pénitences et les souffrances des Saints ont toujours été et seront toujours la vie et la force de l’Eglise. Il faut que cette loi de la pénitence et de l’expiation s’accomplisse dans ses membres jusqu’à la fin des siècles.

Notes et post-scriptum
1. Les notes de Cécile Varin donnent la date du 8 novembre, mais cette date ne vaut que pour l'instruction d'ouverture.
2. C'est le seul titre que comportent ces notes.