A des dames ou jeunes filles

DEC 1861. Alès
Informations générales
  • A des dames ou jeunes filles
  • Retraite prêchée à Alais en décembre 1861. Sur le Très Saint-Sacrement
    Cinquième instruction - N.S.J.C. considéré comme juge dans l'Eucharistie
  • ECRITS SPIRITUELS, pp. 969-973.
  • BZ 4, pp. 33-39 (cahier de Cécile Varin).
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE GRACES
    1 BIEN SUPREME
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRAINTE
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DON DE CRAINTE
    1 EFFORT
    1 EUCHARISTIE
    1 GLORIFICATION DE JESUS-CHRIST
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 JESUS-CHRIST JUGE
    1 LAVEMENT DES PIEDS
    1 MEDISANCE
    1 NATIVITE
    1 PURETE D'INTENTION
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 SACRILEGE
    1 SAINTETE
    1 TIEDEUR
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 CAMUS, JEAN-PIERRE
    2 DAVID, BIBLE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 VARIN d'AINVELLE, CECILE
    3 BETHLEEM
  • Décembre 1861.
  • DEC 1861.
  • Alès
La lettre

Que l’homme donc s’éprouve lui-même.

Ces paroles, adressées par saint Paul aux Corinthiens, après qu’il leur avait parlé de l’institution de l’Eucharistie, s’adressent aussi à tout chrétien qui participe au Corps et au Sang de Jésus-Christ. Que l’homme donc s’éprouve lui-même, et qu’il mange ainsi de ce pain et boive de ce calice. Notre-Seigneur se présente au monde sur trois trônes: à son avènement il se montre sur un trône de faiblesse qui est la crèche de Bethléem. A son dernier avènement, à la fin du monde, il paraîtra dans tout l’éclat de sa gloire sur un trône de majesté. Mais entre ces deux trônes il en est un autre sur lequel Notre-Seigneur se présente à nous, c’est dans l’Eucharistie, dans le tabernacle, sur un trône de justice.

Dans l’Eucharistie, Notre-Seigneur est véritablement juge, et c’est pourquoi saint Paul nous dit: Que l’homme donc s’éprouve lui-même. Quelques personnes scrupuleuses diront peut-être: Il vaut mieux alors ne pas communier puisqu’il faut s’éprouver et se juger soi-même, et je crains d’ailleurs le jugement de Dieu. Mais que ces personnes écoutent encore saint Paul, qui ajoute: Et qu’il mange ensuite de ce pain et boive de ce calice. Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l’Eucharistie juge quatre catégories de personnes: les sacrilèges, les ingrats, les tièdes et les saints.

Je ne veux pas ici m’arrêter sur la première considération. Il y a des sacrilèges dans le monde, c’est malheureusement une épouvantable et incontestable vérité. Une des plus grandes preuves de l’amour de Notre-Seigneur pour nous, c’est qu’il consent à descendre dans des coeurs sacrilèges parce qu’il espère trouver à côté des coeurs purs.

I. Il juge les ingrats.

Notre-Seigneur Jésus-Christ juge les ingrats. Ici, quelle est celle d’entre vous qui peut répondre qu’elle n’est pas ingrate?… Quelle est celle qui peut se dire qu’elle a rendu à son Dieu de dignes actions de grâces?… Je ne veux point ici fixer un temps quelconque pour l’action de grâces après la communion, car ce n’est pas en récitant certains actes, en défilant une à une toutes les vertus, qu’on peut faire une bonne action de grâces. Saint François de Sales n’y consacrait pas plus de 7 à 8 minutes. Un jour, il voulut aller dire la messe dans la chapelle d’un de ses amis, Mgr Camus et au grand étonnement de celui-ci et des personnes présentes, il commença la messe tout de suite, et sortit aussitôt après. Et cependant saint François de Sales donnait plusieurs heures par jour à l’oraison, mais il comprenait que l’action de grâces ne consiste pas seulement dans quelques instants de recueillement après lesquels on va se répandre au-dehors, comme si on n’avait pas communié. L’action de grâces doit durer toute la journée et même toute la vie. Etes-vous bien reconnaissantes envers Notre-Seigneur lorsque après lui avoir donné une demi-heure, une heure même, vous sortez de l’église et cette même langue qui vient de recevoir l’auteur de toute sainteté recommence à déchirer le prochain; vous vous impatientez, vous ne faites aucun effort, et vous retombez dans les mêmes défauts. Non, ce n’est pas là une vraie reconnaissance et il vaut toujours bien mieux ne pas réciter tant de formules d’actions de grâces, mais se rappeler toute la journée et toute la vie qu’on a reçu le Dieu de toute sainteté et dire avec David: Quid retribuam Domino?… Vous ne pouvez jamais certainement rendre amour pour amour à Notre-Seigneur, mais il faut lui donner tout celui dont vous êtes capable.

2. Il juge les âmes tièdes.

Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans l’Eucharistie, juge les âmes tièdes. Je ne veux pas parler ici de cette tiédeur repoussante que l’apôtre sant Jean reprochait à un évêque de la primitive Eglise, mais je parle de cette mollesse, de cette nonchalance, qui fait dire à une âme: je n’irai pas plus loin. Eh! quoi, Notre-Seigneur est descendu aussi bas que l’amour d’un Dieu pouvait descendre pour se donner à vous, et vous ne savez pas prendre votre parti avec courage et aller aussi loin qu’il vous le demande dans la voie du sacrifice et de l’immolation?… Je me place en esprit auprès de l’autel, et là, en présence de l’adorable Hostie, je vous demande à toutes: Donnez-vous à Notre-Seigneur Jésus-Christ tout ce qu’il vous demande? Toutes vous me répondrez non. Mais quelques-unes ont le désir d’arriver à la perfection que Dieu exige d’elles, tandis que d’autres, la main sur la conscience, sont forcées d’avouer qu’elles n’ont pas le courage de sortir de leur état de nonchalance et d’engourdissement.

Notre-Seigneur jugera ces âmes tièdes qui croient peut-être éviter ce jugement en se tenant loin de la table sainte. Mais non, vous ne l’évitez pas et toutes les fois que vous passez devant une église, Jésus-Christ du fond de son Tabernacle vous juge et vous éprouverez l’effroi d’un criminel qui passe devant celui qui doit le condamner. Malheur à vous, si vous êtes insensible à cette crainte, mais tremblez aussi, si vous approchant souvent de la table sainte vous ne changez pas votre vie. Si vous ne communiez pas, vous serez jugées sévèrement, parce que ce n’est pas une crainte filiale qui vous éloigne de Jésus-Christ, c’est la crainte d’être obligées de faire de constants efforts, et cependant il faut communier, autrement vous n’aurez pas la vie en vous! Et si vous vous approchez de la Table sainte, il faut céder à cet amour qui vous presse, et qui demande toujours davantage. Craignez donc, non pas de cette crainte de l’esclave ou du mercenaire, qui redoute un châtiment ou la retenue de son salaire, mais craignez comme des enfants qui ont peur de ne pas satisfaire leur père, et c’est là la crainte des Saints.

3. Il juge les saints.

Enfin, dans l’Eucharistie, Notre-Seigneur Jésus-Christ juge aussi les saints. Suivant l’expression des saintes Ecritures les saints ont toujours besoin de laver leurs pieds, c’est-à-dire qu’il y a dans la vie chrétienne un travail de purification et de sanctification que les âmes pures ne doivent jamais interrompre. Nous lisons dans l’Evangile qu’avant la Cène, notre divin Sauveur ne reculant devant aucun abaissement, voulut lui-même laver les pieds à ses apôtres qu’il allait nourrir de sa chair sacrée. Saint Pierre, voyant son divin Maître s’apprêter à lui laver les pieds, s’écria: Non, Seigneur, vous ne me laverez pas les pieds!… Jésus lui répondit: Si je ne vous lave les pieds, vous n’aurez point de part avec moi. Alors, Seigneur, reprit saint Pierree, lavez-moi non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête. Mais Notre-Seigneur ne lui lava que les pieds. Ainsi les âmes pures n’ont pas besoin de laver leurs mains, car leurs actions sont pures, elles n’ont pas besoin de se laver la tête, car leurs pensées sont pures; mais il faut qu’elles lavent leurs pieds parce qu’il y a dans leur contact avec le monde comme une poussière qui ternit les parties de leur âme qui communiquent avec les choses extérieures, et il faut sans cesse enlever cette poussière. Et cet admirable travail de purification dure toute la vie, car après une imperfection, elles en découvrent une autre, et plus ces âmes s’unissent au Dieu de toute pureté, plus elles sentent combien elles ont besoin d’être purifiées. Notre-Seigneur jugera ces saints, surtout dans l’oeuvre admirable de leur glorification dans le ciel. Soyez donc dignes d’être jugées en ce monde avec les saints par le Dieu de l’Eucharistie, parce que après l’avoir eu pour juge et pour témoin de vos efforts dans cette vie, vous ne craindrez plus de paraître en sa présence lorsqu’il vous appellera pour se donner enfin à vous dans les joies de l’éternelle patrie.

Notes et post-scriptum