Aux Religieuses de l’Assomption

AUG 1861 Auteuil RA
Informations générales
  • Aux Religieuses de l'Assomption
  • Retraite aux Religieuses de l'Assomption d'Auteuil en août 1861
    Neuvième instruction - L'obéissance
  • Cahiers d'Alzon, XI, pp. 124-141.
  • CZ 93, pp. 37-42 (Cop. dactyl. des notes de Soeur M.-Antoinette d'Altenheim).
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 ADOLESCENCE DE JESUS-CHRIST
    1 ADORATION
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DIVIN
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 ANNONCIATION
    1 AUGUSTIN
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CRITIQUES
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DESSEIN DE SALUT DE DIEU
    1 DIEU LE FILS
    1 DIEU LE PERE
    1 DON D'INTELLIGENCE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 DONS DU SAINT-ESPRIT
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 GRACE
    1 GRACES
    1 HUMILITE
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 HUMILITE DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 LACHETE
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGUEIL
    1 PAUVRETE DE JESUS-CHRIST
    1 PERFECTIONS HUMAINES DE JESUS-CHRIST
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 REDEMPTION
    1 REVOLTE
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
    1 SUPERIEURE
    1 TEMPLE DU SAINT-ESPRIT
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRAVAIL MANUEL
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VIE CACHEE DE JESUS-CHRIST
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE DE SILENCE
    2 ALTENHEIM, MARIE-ANTOINETTE D'
    2 JOSEPH, SAINT
    2 O'NEILL, THERESE-EMMANUEL
    2 PAUL, SAINT
    2 SAGE, ATHANASE
    3 EUROPE
    3 NAZARETH
  • Religieuses de l'Assomption
  • RA
  • Du 17 au 23 août 1861
  • AUG 1861
  • Auteuil
La lettre

« Il leur était soumis(1). »

L’obéissance de Jésus à Nazareth.

Ce sont là les seules paroles que l’Evangile nous dit des dix-huit ans de la vie de Notre-Seigneur passés à Nazareth; il y a une autre parole que je prendrai tout à l’heure, mais il est bon de comparer celle-ci à une autre parole prononcée par notre divin Maître lorsque après avoir été pendant trois jours séparé de ses parents, il fut trouvé par eux dans le temple, interrogeant et instruisant les docteurs. Sa mère lui fait des reproches et il répond: « Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père(2) ». D’où il est évident que notre divin Maître devait être occupé aux affaires de son Père; en obéissant pendant dix-huit ans, il voulut faire les affaires de son Père. L’obéissance dans la vie cachée est donc une des grandes affaires de Dieu le Père, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

L’obéissance dans la Sainte Trinité.

Prenant l’obéissance dans sa plus haute manifestation, vous serez étonnées si je vous dis que sur trois personnes de la Sainte Trinité, il y en a deux qui obéissent.

1° Quoique le mystère de l’Incarnation soit un acte très volontaire de la part du Fils, il n’en est pas moins le résultat d’un ordre très positif de Dieu le Père. Le Fils qui est Dieu a donc obéi à Dieu son Père.

2° L’Esprit-Saint lui aussi est dans un état d’obéissance dans la sanctification des âmes, car il nous est envoyé: « Lorsque sera venu, dit Jésus, le Consolateur que je vous enverrai(3). » Quand vous récitez le Veni Creator, vous dites: « Vous êtes appelé le Consolateur, le Don du Dieu Très-Haut. » Par rapport aux hommes, le Saint-Esprit est un don; or, parmi les hommes, quelque chose que l’on donne dépend nécessairement. Accepteriez-vous que votre Supérieure vous prît et vous dît: Je vous donne à telle ou telle personne?

Dans la Sainte Trinité il y a l’obéissance du Fils donné aux hommes par Dieu le Père, et l’obéissance du Saint-Esprit donné par Dieu le Père et Dieu le Fils. Le don établit cette « dépendance d’obéissance » entre les adorables Personnes, mais cependant sans qu’il y ait entre elles la moindre subordination ou infériorité; car elles sont consubstantielles, comme dit notre Credo, et parfaitement égales entre elles. C’est pourquoi on ne peut pas dire qu’il y a obéissance dans les relations des trois Personnes de la Trinité entre elles, mais dans les oeuvres ad extra comme disent les théologiens. Il n’y a pas obéissance dans le sein de la Trinité mais « en dehors » si je puis ainsi dire. L’obéissance apparaît dans le don que la Sainte Trinité tout entière nous fait et de Dieu le Fils pour nous racheter, et de Dieu le Saint-Esprit pour nous sanctifier(4). Il fallait poser ces principes.

Nous voyons pourquoi Notre-Seigneur a voulu faire précéder son obéissance à Joseph et à Marie de ces paroles: « Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père? » Dans cette obéissance parfaite, absolue, qu’il rendait à ses parents, c’était à un Dieu qu’il obéissait.

Jésus-Christ modèle d’obéissance.

Puisque nous étudions Notre-Seigneur fait homme, décomposons son obéissance sur la terre. Il a obéi à son Père sans se séparer de l’adorable Trinité; puis il vient ici-bas et obéit à son Père, comme le prouvent ces paroles:« Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père? » Cette obéissance d’un Dieu à un Dieu était infinie et c’était pour les hommes que Notre-Seigneur obéissait, puisqu’il était venu pour leur salut; il donne un modèle infini d’obéissance à l’homme qui veut obéir. Pour imiter mon Dieu, dans quelle mesure s’arrêtera mon obéissance? Saint Augustin dit que la mesure d’aimer Dieu est de l’aimer sans mesure; et moi, je vous dis qu’il faut obéir sans mesure. Il doit y avoir de la mesure dans la vertu d’obéissance, il faut de la prudence; mais la disposition d’obéir doit être sans mesure si je veux ressembler à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

L’obéissance est un don.

N’est-ce pas quelque chose de très grand, de très beau, de très parfait, de très haut, qu’un Dieu vous servant de modèle, non pas le Verbe incarné en tant qu’homme, remarquez, mais le Fils de Dieu lui-même: « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique(5) » nous montre le don que Dieu le Père nous a fait; une personne divine a été donnée. Pour qu’elle se laissât donner, elle était donc dans une dépendance absolue de Dieu le Père, ce qui nous est rappelé par ces paroles: « Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père? » Voyez le rapport qu’il y a entre ce don de soi et la vertu d’obéissance, dont le type, le modèle, le principe se trouve dans le sein de Dieu, en Notre-Seigneur Jésus-Christ et dans le Saint-Esprit qui est le don par excellence.

Se donner comme le Fils et le Saint-Esprit.

La notion la plus haute de l’obéissance se trouve dans un Dieu seconde personne donnée par Dieu le Père, et dans un Dieu troisième personne donnée par Dieu le Père et par Dieu le Fils. Quant à vous, que sera votre obéissance? sinon un don? Etes-vous entièrement données, à l’imitation des deux personnes de la Sainte Trinité qui acceptent d’être données pour le salut et la sanctification du genre humain, Dieu le Fils, seconde personne et Dieu le Saint-Esprit, troisième personne. Remarquez ce que c’est que Dieu le Fils: la Sagesse éternelle; Dieu le Saint-Esprit est l’amour infini. Donc, il y avait une très haute sagesse dans le don de la sagesse même et un amour infini dans le don de l’amour infini, un amour et une sagesse infinis dans la relation d’obéissance du Fils envers le Père et du Saint-Esprit envers le Père et le Fils. Placez maintenant votre pauvre petite personne, si précieuse, si indépendante, si digne de respect qu’elle soit, en face de la sagesse et de l’amour infinis… Pour réparer le désordre du péché: « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. »

Le salut par l’obéissance et l’amour.

Il y a là un acte d’intelligence et d’amour: l’homme reviendra à la vie en rentrant dans l’ordre, la vie sera communiquée par les mérites de l’obéissance. Les hommes avaient voulu se retirer de la propriété de Dieu; Dieu les y fera rentrer par son amour, par l’Esprit Consolateur, c’est le nom que prend le Saint-Esprit envoyé aux hommes. Nous ne savons pas ce que nous devons demander: le Saint-Esprit priera en nous par des gémissements inénarrables. Il est en nous, il est pour ainsi dire, incorporé à nous: « La charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné(6). » L’amour de Dieu a été répandu comme une huile dans nos coeurs, par le Saint-Esprit, dit saint Augustin commentant saint Paul; et cet Esprit est en même temps un esprit d’obéissance, il prie, il se soumet, il se donne; il nous apprend à prier, à nous soumettre, à nous donner.

Notre-Seigneur à Nazareth, modèle de l’obéissance religieuse.

Voyez donc le principe d’obéissance dans l’adorable Trinité; mais, si ces considérations sont trop hautes, je vous les présenterai d’un autre côté, je prendrai la sainte humanité du Sauveur obéissant: »Et il leur était soumis. » L’obéissance de Notre-Seigneur était parfaite et nous voilà dans la pratique. Jésus-Christ voulait servir de modèle aux enfants envers leurs parents, aux sujets envers leurs Supérieurs; mais l’obéissance la plus parfaite est là où elle n’est plus une obligation, mais un conseil.

Dans votre situation, vous n’étiez pas obligées d’obéir, et volontairement vous obéissez: Notre-Seigneur, non plus, n’était pas obligé d’obéir, et il a obéi. Votre vocation seule vous oblige à obéir. Il faut que si l’obéissance est parfaite dans sa notion, elle le soit aussi dans sa pratique. Voici un petit examen que je vous demande la permission de faire. Il consistera à voir avec quelles dispositions vous obéissez. Depuis que vous êtes revêtue du saint habit, depuis que vous avez fait profession, quelle a été votre obéissance en union avec l’obéissance de Notre-Seigneur?

Nous voilà arrivés à la plénitude de l’âge de Notre-Seigneur. Il y a à peu près vingt-deux ans que commençait l’Assomption; Notre-Seigneur obéit pendant dix-huit ans. Ici, je m’adresse aux plus anciennes et je leur demande en quoi consiste aujourd’hui leur obéissance? le prix qu’elles y ont attaché? la manière dont elles la veulent, dont elles l’acceptent, dont elles s’y portent? Nous avons à considérer dans l’obéissance de Notre-Seigneur, l’obéissance d’une volonté humaine vis-à-vis de Supérieurs qui étaient hommes, Marie et Joseph. Et comme en Jésus, l’homme-Dieu, il n’y a qu’une seule personne, la personne divine du Verbe Incarné, nous avons donc l’obéissance d’un Dieu à des hommes.

Jésus-Christ, Dieu, la deuxième personne de la Trinité obéissait à un homme, à Joseph; obéissait à une femme, à Marie. Voilà l’obéissance de Notre-Seigneur: l’obéissance était le caractère de sa vie: « Et il leur était soumis. » Je vous entends me dire: si j’avais une Supérieure comme saint Joseph, comme Marie… si je n’avais affaire qu’à Soeur Thérèse Emmanuel, ou à notre Mère Générale… mais voilà une maîtresse infirmière qui est capricieuse, une maîtresse de classe qui a ses volontés, une Soeur lingère, une Soeur cuisinière qui me parlent brusquement.

jusque dans l’humilité des travaux manuels

Notre-Seigneur se laissait mener, il se laissait faire des reproches en public. Vous me direz: il répondit à sa mère. Oui, il était Dieu; mais en attendant, il accepte la leçon, se lève et se met au rabot, au lieu de faire des commentaires sur l’Ecriture Sainte, d’étudier la théologie. Mon fils, lui dit la Sainte Vierge, nous sommes pauvres, il faudrait nous donner quelques écus de plus; maintenant, il vous faut gagner notre pain à la sueur de votre front. Notre-Seigneur aurait pu s’éviter de travailler à la charpenterie… c’était un petit jeune homme d’une haute intelligence… Je ne pourrai lire ni saint Thomas ni saint Augustin, direz-vous. Des enthousiasmes d’étude nous prennent quelquefois, nous voulons étudier la théologie… dresser une carte d’Europe… et il faut nous livrer à des travaux humbles… Notre-Seigneur renonce à ses goûts; il n’est pas admissible qu’il eût du goût pour la scie et pour le rabot… Considérez ce que c’est que cette disposition en Notre-Seigneur à contrarier l’ordre de la nature, de la grâce et des dons confiés à son humanité sainte pour réaliser cette parole du Saint-Esprit: « La sagesse de ses sages périra et l’intelligence de ses docteurs s’obscurcira(7). » N’est-il pas imprudent de s’exposer à oublier les belles choses que l’on avait apprises avant?… Il faut par l’humilité, par l’obéissance, aller contre toutes ces fumées, contre ces bouffées d’orgueil que Notre-Seigneur veut détruire en nous. Rendez-vous compte de vos répugnances à l’obéissance.

Jésus obéit à saint Joseph sobre de paroles.

Saint Joseph était un grand saint; mais vous m’accorderez que sa conversation n’était pas très abondante. Nous ne trouvons pas dans l’Evangile un seul mot qui ait été prononcé par lui: il se taisait… Je sais ce qu’il en coûte de garder sa langue… Si ma Mère me disait pourquoi elle m’applique à tel travail; si elle me donnait telle explication sur l’humiliation qu’elle m’a fait subir… Saint Joseph n’était pas un muet, mais enfin, généralement parlant, ce qu’il y a de frappant, c’est qu’il ne disait rien. Et Notre-Seigneur supportait un Supérieur comme cela.

Obéissance parfaite de Jésus à Marie et à Joseph.

Sa mère l’aimait, elle avait pour lui un coeur de mère, et c’était une mère parfaite… J’ai rencontré des gens qui dans ceux qui les commandent, voudraient un peu moins de perfection. On ne peut les prendre sur rien. Quand on peut saisir le faible d’un Supérieur, on arrive à beaucoup de choses. Je vous défie bien de trouver le faible de la Sainte Vierge et Notre-Seigneur n’aurait pas cédé à la tentation de le chercher en sa mère si jamais il avait pu avoir pareille tentation! c’est ce qui donnait toute sa perfection à son obéissance et la rendait facile et douce. Je vous donne, à vous, le même moyen: ayez une obéissance parfaite, et alors tout commandement vous sera facile et doux. Je ne vois pas d’autre moyen de vous en tirer. Obéir, et obéir par des motifs surnaturels, pris dans l’ordre de la foi. Saint Joseph ne parlait pas beaucoup; sa conversation était courte; et comme il était le maître de la maison, on lui rendait une obéissance silencieuse. Il n’y avait pas besoin de beaucoup de paroles, un ordre donné était accepté droitement, franchement, sans récriminations, sans murmures, sans fâcheries, sans plaintes… Vous représentez-vous l’imagination de Notre-Seigneur se montant quand un ordre lui déplaisait? Nécessairement, saint Joseph commandait, car Notre-Seigneur obéissait. Il y avait positivement des ordres donnés. Les seules paroles desquelles nous soyons certains pendant la vie de Notre-Seigneur à Nazareth sont celles-ci: « Et il leur était soumis. » Il n’est pas nécessaire de parler pour obéir, à moins qu’on n’interroge. Tournez-les, retournez-les, vous ne pourrez pas tirer autre chose de ces paroles, sinon que l’on commandait et qu’il obéissait. Il est certain que Notre-Seigneur n’a jamais répliqué: les répliques et l’obéissance ne vont pas ensemble. Qui oserait dire que son obéissance n’était pas une obéissance surnaturelle?

A l’exemple de Marie et de Joseph, il faut avoir le courage de commander.

Il en coûtait beaucoup à Marie et à Joseph de commander, s’ils avaient la connaissance du dépôt qui leur était confié… et ils l’avaient. Vous serez un jour Supérieures, quelques-unes d’entre vous, et vous verrez qu’il y a non seulement une obéissance à pratiquer quand on est inférieure, mais aussi quand on est Supérieure: Admirez le courage de Joseph et de Marie à donner des ordres à l’Enfant-Jésus… mais comme je ne prêche pas une retraite pour des Supérieures seulement, si vous avez une charge dans laquelle il vous est pénible de donner des ordres…, vous m’avouerez qu’il n’est personne à qui il ait été plus difficile de commander que la Sainte Vierge et saint Joseph à l’Enfant-Jésus… et ils le faisaient: c’est merveilleux!… La conclusion sera que notre obéissance doit être semblable à celle de Jésus.

L’action du Saint-Esprit dans l’obéissance de Notre-Seigneur.

Le Saint-Esprit obéissait comme don de Dieu: « Don du Dieu Très-Haut. » Il obéissait dans l’oeuvre de notre sanctification: « La charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs par le Saint-Esprit. » Qu’est-ce qui obéissait en Notre-Seigneur? L’obéissance de Jésus, considéré dans son humanité était aussi le fruit de l’action du Saint-Esprit: « L’Esprit de Dieu était avec lui(8). » – Rappelez-vous les paroles que l’ange adresse à Marie en lui annonçant le mystère de l’Annonciation: « L’Esprit-Saint viendra sur vous(9). » Il avait fallu le Saint-Esprit pour former Jésus dans le Coeur de Marie. Il était dans l’humanité de Jésus tout entier dès le commencement; mais il ne manifestait son action que progressivement, tandis que l’Enfant-Dieu se développait, croissait avec l’âge, parce que cela convenait pour l’instruction des hommes. Qu’est-ce que le Saint-Esprit? L’amour, la plénitude de l’amour. Par son action en Jésus-Christ, le Saint-Esprit donnait toute sa perfection à son obéissance.

On peut dire qu’en Notre-Seigneur, l’obéissance dépendait du Verbe et l’amour du Saint-Esprit. L’union de l’obéissance et de l’amour correspond dans la Sainte Trinité à l’union du Fils et du Saint-Esprit au Père éternel. Et comme l’amour infini et la sagesse éternelle ne font qu’un seul Dieu, l’exercice de l’obéissance et de l’amour en Jésus-Christ ne constitue qu’un seul acte.

Pas d’obéissance sans amour. Pas d’amour sans obéissance.

Il est important dans la vie religieuse de comprendre ceci: il n’y a pas de perfection sans l’amour. L’obéissance n’est jamais parfaite sans l’amour: « La charité est la perfection de la loi(10). » Au sens plénier, il n’y a d’obéissance que l’obéissance aimante, et d’amour que l’amour obéissant. Je voudrais vous faire comprendre cette doctrine basée sur la nature de Dieu… Il faut nous efforcer d’unir ce sentiment d’amour et d’obéissance d’un lien aussi grand que ce lien de l’obéissance du Fils est grand avec l’amour. Dans la deuxième personne de la Trinité, je sais que l’union hypostatique existait surtout entre les deux natures, mais ce prodige n’est accompli que par le Saint-Esprit. L’Esprit de Dieu était en lui.

Vous le dites tous les jours à Tierce. L’union de la loi obéissant dans la deuxième personne de la Trinité et de l’amour par qui la deuxième personne avait été faite homme, est pour vous un modèle d’obéissance. Toutes les fois que vous obéissez, vous honorez l’obéissance d’un Dieu, deuxième personne de la Trinité, et l’amour d’un Dieu qui a obéi, et qui est venu donner à l’obéissance des mérites infinis. Vous savez que c’est par le Saint-Esprit que les mérites sont donnés, puisque la grâce est donnée par lui. Le Fils a donné des mérites infinis à sa sainte humanité et dans son amour pour les hommes, il leur a donné la grâce dont le terme est de nous rendre dieux comme dit saint Thomas. Le terme de l’obéissance et de l’amour en Jésus-Christ est la divinité communiquée. Si vous entrez dans cette notion, vous vous unirez à Dieu le Fils et à Dieu le Saint-Esprit pour vous présenter à Dieu le Père et vous lui offrirez vos hommages, votre adoration.

J’ai peut-être tort de vous présenter l’obéissance à un point de vue si haut, mais j’ai voulu vous faire sentir les grâces merveilleuses, les communications étonnantes qui se trouvent dans la voie de l’obéissance. Je veux obéir comme un Dieu a obéi. J’entrerai donc dans les sentiments de ce Dieu, amour infini dans la grâce accordée par l’amour infini, le Saint-Esprit. – Et après cela, voyez quel dégoût Jésus-Christ éprouve pour ces obéissances molles, lâches, rechignées si je puis dire, murmuratrices, boudeuses. Lorsque Jésus-Christ se présente obéissant avec les torrents et les flammes de son amour, « L’Esprit de Dieu était en Lui », qu’il nous offre dans son obéissance une humilité si profonde, que sommes-nous quand l’obéissance nous révolte?… L’obéissance de Notre-Seigneur est une preuve de l’amour de Notre-Seigneur pour nous; et vous comprenez pourquoi l’Apôtre nous dira plus tard: « Le Christ s’est fait obéissant, jusqu’à la mort et à la mort de la Croix(11) », le Christ a obéi jusqu’à la croix, le supplice le plus atroce qu’une créature, qu’un être créé ait jamais enduré. Qu’est-ce qui l’a conduit là? – Voilà la loi: l’amour en lui obéit et monte au Calvaire, entendez-le: « J’ai à recevoir un baptême et combien je suis angoissé jusqu’à son accomplissement(12). »

L’amour déborde: Jésus-Christ a besoin d’obéir et d’aimer; c’est dans son amour que l’obéissance prend ses forces. Qu’il eût obéi en tant que sagesse, cela était suffisant, si la sagesse pouvait se séparer de l’amour; mais non, l’obéissance et l’amour étaient en lui inséparables comme le Fils et l’Esprit-Saint rendant hommage à Dieu le Père. Il fallait que la sagesse obéissant et l’amour donnant des flammes à cette obéissance le poussassent à la croix; mais l’Esprit de Notre-Seigneur n’habite-t-il pas en vous? Saint Paul l’écrivait aux chrétiens de la primitive Eglise, « Dieu envoie en vos coeurs l’Esprit de son Fils(13) », et dans une autre épître: « Son Esprit qui habite en vous(14). »*

Jésus obéit encore en nous.

Voilà donc en nous, le Verbe Sagesse infinie, et avec elle son Esprit, l’amour infini; nous avons en nous ce qu’avait Notre-Seigneur en lui, et notre obéissance doit être la continuation de l’obéissance de Notre-Seigneur à Nazareth. Jésus en nous demande à obéir pour continuer à témoigner son amour. L’obéissance s’exprime, sans doute, par un acte extérieur, et quand, à l’exemple de l’Enfant-Dieu vous obéissez à son Père, vous pouvez par là témoigner votre amour à Jésus-Christ. Mais aussi, laissez agir Jésus-Christ adorant son Père dans l’amour du Saint-Esprit, quand il obéit en vous, laissez agir en vous le Saint-Esprit dont les flammes poussent cette Sagesse et cet Amour à réaliser cette divine obéissance. Sous cette double action, laissez-vous transformer aux pieds du trône de Dieu le Père, et dites-lui: Votre Fils obéit en moi, je m’abandonne à cet amour. Ce caractère d’obéissance aimante et d’amour obéissant sera le caractère de ma vie. Jésus uni au Saint-Esprit est dans mon coeur. Quelle manifestation étonnante d’obéissance et d’amour dans ce mystère!… Que notre obéissance continue celle de Jésus à Nazareth. A mesure que nous obéirons davantage, nous serons plus unis à l’humanité sainte de Notre-Seigneur rendant, par l’obéissance, hommage à son Père et puisant dans l’amour une grande abondance de grâces et de force. Tout acte d’obéissance est un acte d’obéissance envers le Père. En donnant à notre obéissance ce caractère d’amour, nous adorons le Saint-Esprit et le Verbe en nous, et par eux Dieu le Père, suprême hommage à l’adorable Trinité; qu’il en soit ainsi dans le temps et dans l’éternité.

Notes et post-scriptum
1. Luc, II, 51.
2. Luc, II, 49.
3. Jean, XV, 26.
4. Le R.P. Athanase Sage, dans son *Commentaire du Guide spirituel* où le P. d'Alzon parle également de "l'obéissance éternelle du Fils de Dieu", explique très bien cette dépendance du Verbe divin à l'égard de son Père sans aucune subordination: "C'est par un acte d'obéissance, dit-il, que le Verbe a consommé sa mission, admirable et miséricordieuse projection de son éternelle naissance au sein du Père. De toute éternité, le décret de l'Incarnation rédemptrice l'engage personnellement; il se contemple, il s'accepte et se complaît en cet acte de suprême obéissance, offert à la gloire du Père, en réparation du péché du monde... De toutes les vertus évangéliques, nulle de toute éternité, n'a été plus chère au Fils de Dieu; car nulle ne manifeste mieux aux yeux du monde, qu'il est vraiment né du Père, son unique Bien-Aimé. Cette *totale dépendance* qu'il accepte pour restaurer le Royaume, bouleversé par le péché, est la plus parfaite transfiguration de sa totale référence au Père, comme Verbé Incréé" (Commentaire du *Guide spirituel de Vie intérieure*, p. 79).
Et de même nous pouvons dire du Saint-Esprit qui *accepte* lui aussi comme une mission d'amour, d'être *donné* à nos âmes: "Cette *totale dépendance* qu'il accepte pour parfaire en nous la restauration du Royaume, est la plus parfaite transfiguration de sa totale référence au Père et au Fils comme Amour incréé procédant de l'un et de l'autre." (Note de l'éditeur).
5. Jean, III, 16.
6. Rom., V, 5.
7. Is., XXIX, 14.
8. Luc, II, 42.
9. Luc, I, 35.
10. Rom., XIII, 10.
11. Phil., II, 8.
12. Luc, II, 56.
13. Gal., IV, 6.
14. Rom., VIII, 11.