Aux Adoratrices

25 MAY 1863 Nîmes ADORATRICES
Informations générales
  • Aux Adoratrices
  • [Le Saint-Esprit]
  • CC 4, pp. 11-18 (carnet d'Isabelle de Mérignargues).
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CONFIRMATION
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EGOISME
    1 ETERNITE
    1 FAIBLESSES
    1 JOUISSANCE DE DIEU
    1 LOUANGE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 PENTECOTE
    1 PUISSANCES DE L'AME
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 RECONNAISSANCE
    1 RENOUVELLEMENT
    1 RESISTANCE A LA GRACE
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 SOLITUDE
    1 TEMPLE DU SAINT-ESPRIT
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 MERIGNARGUES, ISABELLE DE
    2 PAUL, SAINT
  • Adoratrices du Saint-Sacrement
  • ADORATRICES
  • 25 mai 1863
  • 25 MAY 1863
  • Nîmes
La lettre

Lundi de la Pentecôte 1863.

Pendant les fêtes de la Pentecôte je demanderai à Dieu de me faire connaître la vérité de l’amour.

Une des causes pour lesquelles je n’aime pas Dieu comme il mérite de l’être, c’est la faiblesse et l’infirmité de ma nature. Mon coeur est trop petit pour aimer l’infini, aussi dans sa miséricorde Dieu me donne-t-il le Saint-Esprit pour suppléer à la faiblesse de ma nature et m’apprendre à aimer. C’est l’Amour qui vient en moi pour m’enseigner le chemin de l’amour qui n’est autre que l’Amour lui-même!… Dieu se penche vers sa créature et lui demande son coeur! et son amour! Quoi de plus ineffable que cet appel de Dieu! Ici-bas rien n’est plus capable de nous donner une idée exacte de ce bonheur que goûta saint Paul ravi au troisième ciel et qu’il dit au-dessus de tout ce que l’homme peut sentir. La vérité de l’amour est bien réellement du côté de Dieu; après nous avoir tout donné, il se donne encore lui-même au milieu des divins et amoureux abaissements eucharistiques et avec les flammes consumantes du Saint-Esprit.

De mon côté ai-je la vérité de l’amour? l’ai-je quand mon coeur est agité de mille sentiments naturels? qu’il se laisse aller à la susceptibilité, à la jalousie, à un besoin incessant d’aimer et d’être aimé? Tout cela ne remplit-il pas mon coeur de moi-même et des créatures et ne le distrait-il pas de cet [amour] unique qu’il doit avoir pour Dieu… Le Saint-Esprit m’a été donné par la Confirmation pour avoir la force de lutter contre tous ces sentiments et il est encore là, résidant dans mon âme, pour m’aider à les transformer. Ce travail est souvent pénible et douloureux. Si j’aime, loin de m’en attrister, je m’en réjouirai comme d’un moyen qui m’est donné pour prouver mon amour à N.S.

Pendant toute l’éternité j’aimerai Dieu… L’éternité même sera comme insuffisante pour rendre à Dieu tout ce que je lui dois d’amour et de reconnaissance et dès à présent je ne l’aimerais pas de toutes les puissances de mon âme!… dès à présent je ne lui rendrais pas en amour et en reconnaissance ce que je lui dois pour les grâces immenses qu’il m’accorde! Quelle folie, quelle folie! que celle d’une âme qui a reçu le Saint-Esprit, qui a en elle l’amour même, qui doit un jour aimer éternellement… et qui se laisse aller à aimer quelque chose en dehors de Dieu, qui ne cherche pas à avoir en elle la visite de l’amour.

Ma nature est malheureusement trop bornée pour me permettre de rendre à Dieu un amour égal au sien, mais quelle proportion ne prendrait pas l’amour de Dieu en moi, si je consentais à le laisser faire… si je lui ouvrais les portes de mon âme… si j’acceptais en entier l’action du Saint-Esprit… Il m’apprendrait à aimer Dieu d’un amour vrai et pacifiant et en transformant tous mes sentiments… O mon âme, te livreras-tu désormais aux flammes consumantes et pacificatrices du Saint-Esprit?

Ah! si tu le laisses faire, tes sentiments, tes affections, tes amitiés, sans cesser d’être, se transformeront en Dieu, ta vie tout entière sera comme renouvelée; tu n’aimeras que Dieu, tu n’aimeras qu’en Dieu, tu ne trouveras de repos et d’appui qu’en Dieu…

Il y a trois degrés dans l’amour. Pendant le premier l’âme se sépare des choses créées, en comprend la faiblesse, la misère, le néant; c’est l’heure des déchirements de la lutte, des sacrifices. Ce moment passé, l’âme entre dans le second degré où, éprise d’amour pour Dieu, elle ne trouve de joie, de bonheur, de repos qu’en lui; toutes les choses créées pâlissent et s’effacent pour elle devant son Dieu; volontiers elle se créerait une solitude dans laquelle elle se renfermerait pour jouir exclusivement de son amour, rien n’étant plus capable de la captiver et de la distraire de cet amour immense qui l’absorbe. Vient ensuite le troisième degré: là le coeur déborde et déverse sur tout ce qui l’entoure le feu qui le consume; aimer seul ne lui suffit pas, il a besoin de le faire aimer pour décupler ses forces et se dédommager d’être si petit et si limité. Comme le prophète, il inviterait toutes les créatures à chanter un cantique: nous vous louons, nous vous exaltons, nous vous surexaltons [lecture incertaine]!

Voilà ce que le Saint-Esprit voudrait opérer en moi… Pourquoi n’opère-t-il pas tous ces prodiges, pourquoi suis-je si peu aimante… pourquoi Dieu n’est-il pas mon unique amour? Ah! ce sont mes impuretés qui arrêtent l’action du Saint-Esprit en moi… impuretés qui souillent mes sentiments; impuretés qui souillent mes affections; impuretés qui entachent mes actes; impuretés qui se glissent même dans ce qu’il y a de plus intime et de plus délicat en moi… Pour m’en convaincre je n’ai qu’à descendre dans les plis et replis de mon coeur… qu’y trouverai-je sinon des sentiments propres, égoïstes et naturels?

Cependant le Saint-Esprit dont je suis le temple réside en moi pour me purifier de toutes ces souillures, quelque légères qu’elles soient, il veut les faire disparaître. Il veut que je me donne à lui sans réserve, que je lui fasse le sacrifice de tous ces mais… si fin, si délicat(1) qui gênent la grâce en moi et l’action du St-Esprit sur mon âme… Suis-je bien réellement décidée à me livrer sans réserve, sans objections, sans mais à l’action purifiante du Saint-Esprit… Suis-je décidée à ne plus vivre que pour Dieu, à n’aimer que Dieu… à n’aimer qu’en Dieu… arriverai-je enfin à n’aimer uniquement que ce que j’ose appeler la Substance de Dieu et rien autre chose…

Une fois que mon coeur en sera là, ma vie en sera toute renouvelée; l’amour devenant le seul mobile de tous mes actes m’apprendra naturellement à les rendre aussi parfaits que possible.

Notes et post-scriptum
1. Ce singulier est dans le texte. A mettre au pluriel en rapportant ces mots aux "mais"?