Aux Adoratrices

15 JUN 1863 Nîmes ADORATRICES
Informations générales
  • Aux Adoratrices
  • [Leçons de Notre-Seigneur dans l'Eucharistie]
  • CC 4, pp. 24-28 (carnet d'Isabelle de Mérignargues).
Informations détaillées
  • 1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 EGOISME
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 PATIENCE DE JESUS-CHRIST
    1 PAUVRETE
    1 PROCESSION DU SAINT-SACREMENT
    1 RENONCEMENT
    1 SAINT-SACREMENT
    1 SILENCE DE JESUS-CHRIST
    1 TRIOMPHE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VANITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VOLONTE PROPRE
    2 MERIGNARGUES, ISABELLE DE
  • Adoratrices du Saint-Sacrement
  • ADORATRICES
  • 15 juin 1863
  • 15 JUN 1863
  • Nîmes
La lettre

Octave du Saint-Sacrement(1).

Notre-Seigneur au Très-Saint-Sacrement nous donne d’admirables leçons d’humilité, d’anéantissement, d’abandon.

Tandis qu’on lui rend hommage, que toute la ville se presse sur son passage pour l’adorer, qu’on chante et qu’on décore les rues pour rehausser son triomphe, N.-S. reste caché, anéanti, humilié sous les espèces eucharistiques et c’est sous la forme la plus humble, la plus faible, la plus vulgaire qu’il se montre aux regards de tous… quelle humilité, quel anéantissement… et qui accepterait un pareil triomphe. O que ma vie est loin d’être en rapport avec celle de Jésus-Christ dans l’Eucharistie! Notre-Seigneur se fait petit jusqu’à renoncer à sa personnalité et en moi il n’y a que péché, indépendance, désir de paraître… Je veux être quelque chose… je désire être quelque chose… je tiens à agir, à occuper les autres de ma personne, à aimer et à être aimée…

Ah, n’être rien ou compté[e] pour rien me révolte et N.-S. se réduit à moins que rien. Que paraît-il en effet sous les apparences eucharistiques sinon un peu de pain… qu’on porte en triomphe. Il consent donc à n’être rien et tenu pour rien… On le porte bien en triomphe, mais s’inquiète-t-on de l’heure, du jour, des processions qu’il veut faire, des bénédictions qu’il désire donner… non… personne ne s’en occupe et lui se laisse faire…. il se prête à tout, se laisse prendre, porter, il bénit là où l’on veut qu’il bénisse, rentre quand on veut qu’il rentre et ne fait jamais entendre ni plainte, ni murmure… En un mot, qu’on le porte en triomphe ou qu’on l’oublie, il se laisse faire et l’oubli, mes filles, suit de près son triomphe… Un quart d’heure après une procession, lorsque tout le monde a quitté l’église, quelle est celle d’entre vous qui a seulement pensé à lui envoyer son bon ange pour lui tenir compagnie et l’adorer dans la solitude du tabernacle? Que de fois y est-il seul et avez-vous jamais entendu dire qu’il ait été susceptible qu’on ne se soit pas occupé de lui?

A mon tour, quand me laisserai-je faire, quand accepterai-je la dépendance, la pauvreté, l’obéissance… quand renoncerai-je à cette personnalité qui s’oppose à ce qu’on veut ou, si vous le préférez, à ce que Dieu veut de vous.

Il faut que je fasse sérieusement et complètement le sacrifice de ma personnalité et de tout ce qui s’y rapporte pour que Dieu soit libre d’agir en moi; en y mettant du mien, je gâte son action…

Quand je me recueille aux pieds de N.-S., il m’est impossible de ne pas sentir qu’il réclame au fin fond de mon être le sacrifice de tout ce qui est moi pour mettre sa propre vie à la place de mon égoïsme, de mon indépendance, de ma personnalité, de ma fierté. Je sens à n’en pas douter les sollicitations présentes de N.-S. et je reculerai(2) encore devant cette mort, cet anéantissement, cet abandon dont il me donne l’exemple dans l’Eucharistie. Tant qu’il y aura en moi le désir d’être quelque chose, de paraître, d’agir, d’aimer, d’être aimée, je ne pourrai vivre de la vie de Jésus-Christ. Il faut que je renonce à tout cela pour me perdre en lui et vivre de sa vie… que je ne sois plus rien aux yeux des hommes, plus rien aux pieds mêmes de Dieu qu’un être digne de mon Epoux voilé dans l’Eucharistie. Alors perdue en lui, je vivrai, j’agirai et j’aimerai en lui. « Je ne vis plus, c’est Jésus-Christ qui vit en moi », a dit saint Paul.

Notes et post-scriptum
1. En 1863, le jour octave du Saint-Sacrement fut le 11 juin.
2.