Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1874 Nîmes Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le Révérend Père d'Alzon sur l'Imitation de Jésus-Christ - 1er sept[embre] 1874
    Troisième instruction
  • CN 14, pp. 7-11.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 AUSTERITE
    1 CAPRICE
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRITIQUES
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DISSIMULATION DE RELIGIEUX
    1 EFFORT
    1 EMPLOI DU TEMPS
    1 ENERGIE
    1 ENNUI SPIRITUEL
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 EXERCICES RELIGIEUX
    1 FOLIE DE LA CROIX
    1 FRANCHISE
    1 HUMILITE
    1 HUMILITE FONDEMENT DE VIE SPIRITUELLE
    1 HYPOCRISIE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MAITRISE DE SOI
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 MEDISANCE
    1 ORGUEIL
    1 OUBLI DE SOI
    1 PAIX DE L'AME
    1 PARESSE
    1 PAUVRETE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PURETE D'INTENTION
    1 RECHERCHE DE DIEU
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SCANDALE
    1 SEVERITE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TIEDEUR DU RELIGIEUX
    1 TRAVAIL
    1 VIE DE RECUEILLEMENT
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOIE UNITIVE
    1 VOLONTE PROPRE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 CAPALDY, DE
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 1er au 8 septembre 1874
  • SEP 1874
  • Nîmes
La lettre

Chapitre 17. La vie religieuse.

Hier, mes enfants, je vous ai donné un aperçu général sur l’état de votre âme, j’ai tâché de vous faire rentrer en vous-même afin que vous découvriez tous vos défauts. Il y en a-t-il encore parmi vous qui se sentent peu entrain, comme découragées, je n’en serais point étonné et je leur dirais que cette retraite leur est donnée pour relever leur courage, soutenir leur faiblesse et la changer en vigueur. C’est le commencement d’une vie nouvelle que je viens vous proposer et de nouveaux rapports, je puis dire, que je viens établir entre vous et moi, mais pour cela il faut descendre dans votre âme et aller à Dieu avec une sincérité plus grande. La sincérité, la franchise manquent dans nos rapports envers Dieu; comme je vous l’ai dit hier, la femme est habile, elle sait excuser et pallier ses défauts, ce que je ne veux point chez une Oblate, il faut que la sincérité et la franchise soient les plus beaux ornements de son âme.

Cette instruction, mes filles, va être grave, peut-être longue, je vais vous y exposer les devoirs de la vie religieuse. On n’est souvent religieux que de forme, qu’extérieurement, on porte comme un masque sur soi, jetez le masque et devenez sérieusement de vraies religieuses.

Dans cet oubli des devoirs de son état on ne fait pas de grosses fautes, ce sont des négligences dans l’observance des voeux, dans l’obéissance; on se demande jusqu’où l’on peut aller et entraînée dans cette voie on empiète bientôt sur ses devoirs et l’on dépasse bien vite les limites que l’on s’était proposées. Nous allons donc parler de la vie religieuse, écoutez l’Imitation.

Il faut que vous appreniez à vous briser en beaucoup de choses si vous voulez conserver la paix et la concorde avec les autres.

Il faut donc se vaincre et apprendre à se vaincre soi-même tous les jours; en combien de choses vous êtes-vous vaincues? Que de fois au contraire vous abandonnant à votre orgueil avez-vous jugé les autres du haut de cette grandeur imaginaire et méconnue. Une grande consolation qui vous est donnée, mes chères filles, c’est que Dieu n’exige pas de vous que vous ayez toujours raison, ce qu’il demande c’est que vous soyez sincères.

Ce n’est pas peu de chose de vivre dans un monastère ou dans une congrégation, de n’y être jamais une occasion de plainte et d’y persévérer fidèlement jusqu’à la mort. Heureux celui qui après une vie sainte y a heureusement consommé sa course.

Vous avez pu juger par vous-même qu’il n’est pas toujours aisé de vivre dans un couvent; rappelez-vous les mauvais moments passés ici cette année même. A qui les devait-on? à toutes; et chacune plus ou moins peut se regarder coupable. Une personne qui commence à murmurer dit d’abord de ses soeurs: Qu’elles sont absurdes! et puis de ce point de départ qui peut l’arrêter. Je connais une religieuse qui a passé dans beaucoup de couvents et partout elle se trouvait malheureuse et méconnue, pauvre fille persécutée ou plutôt persécutrice et ennuyeuse; on peut dire que ces personnes sont une vraie croix pour les communautés. Vous dites qu’on vous juge mal, qu’on vous prend de travers et vous-même si vous ne jugiez pas tant les autres!

Il faut pour l’amour de Jésus-Christ devenir insensé selon le monde, si vous voulez vivre en religieux. Il faut embrasser avec amour la croix du Sauveur, elle est notre étendard, notre signe de ralliement, scandale pour les Juifs, folie pour les Gentils, elle est pour les chrétiens le gage du salut.

L’habit et la tonsure servent peu, c’est le changement de moeurs et la mortification entière des passions qui font le vrai religieux.

Je dirai pour vous, mes chères filles, l’habit et le voile font peu, en effet qu’est-ce que l’extérieur, ce n’est rien; le fond, c’est-à-dire nos sentiments, nos dispositions intérieures, voilà ce qui constitue le vrai religieux, la véritable religieuse; et si vous ne désirez pas ardemment tendre sans cesse à cette perfection de la vie religieuse, craignez d’entendre cette parole du père de famille: mon ami, qu’es-tu venu faire ici; ma fille, pourquoi venir dans un couvent pour vivre comme dans le monde, comment avez-vous osé pénétrer dans la salle du festin sans être revêtue de la robe nuptiale. Dites-moi un peu, quels sont les rares progrès que vous avez faits dans la vie religieuse et quel est au contraire le nombre de ceux que vous n’avez pas faits.

Celui qui cherche autre chose que Dieu seul et le salut de son âme ne trouvera que tribulation et douleur.

Que de religieuses qui oublient Dieu et ne cherchent plus que leur satisfaction, leur bonheur personnel.

Celui-là ne saurait non plus demeurer longtemps en paix qui ne s’efforce pas d’être le dernier de tous et soumis à tous.

Vous le voyez, mes filles, le moyen d’acquérir la paix c’est de se faire plus petits que les autres.

Vous êtes venues pour servir et non pour dominer: sachez que vous êtes appelées pour souffrir et pour travailler et non pour discourir dans une vaine oisiveté.

Le travail, l’activité, voilà les obligations d’une bonne religieuse. Il y en a qui viennent quelquefois me dire: Mon Père, je suis troublée, les tentations m’assaillent. Pourquoi êtes-vous religieuses si ce n’est pour gagner le bonheur que Dieu vous prépare dans le ciel. Et puis croyez-moi, vous êtes troublée surtout parce que vous ne savez pas encore vous mettre au-dessous des autres. Voulez-vous vous y mettre tout de bon, le choix est à faire; voulez-vous généreusement, oui ou non. Choisissez-vous la croix et sa folie ou voulez-vous rester dans votre mauvaise nature.

Ici donc les hommes sont éprouvés comme l’or dans la fournaise.

Ici nul ne peut vivre s’il ne veut s’humilier de tout son coeur à cause de Dieu.

L’humilité, l’abnégation, la sincérité, trois choses essentielles pour un religieux fervent. Oh, de grâce ne soyez pas hypocrites, je ne parle pas de cette hypocrisie du monde mais de cette habileté propre aux religieuses et que l’on peut bien appeler l’hypocrisie des couvents. Qu’il est heureux le religieux qui peut se dire qu’il ne veut rien car lorsqu’on désire quelque chose il est bien rare qu’on ne reçoive sur les doigts. N’avez-vous pas reçu vous-même sur les doigts.

Chapitre 18.

Contemplez les exemples des saints Pères en qui reluisait la vraie perfection de la vie religieuse et vous verrez combien peu est ce que nous faisons. Hélas, qu’est-ce que notre vie comparée à la leur.

Les saints et les amis de Jésus-Christ ont servi Dieu dans la faim et dans la soif, dans le froid et la nudité, dans le travail et dans la fatigue, dans les veilles et dans les jeûnes, dans les prières et dans les saintes méditations, dans une infinité de persécutions et d’opprobres.

Vous le voyez, mes filles, ce n’est point pour dominer, pour commander ou pour demeurer oisive que l’on embrasse la vie religieuse; quel compte terrible nous aurons à rendre pour le temps perdu. Temps perdu dans des conversations inutiles, dans les lenteurs incroyables. Je suis vraiment effrayé de la paresse de certaines religieuses.

Les religieuses doivent être éprouvées comme l’or dans la fournaise. Or plus l’or est pur moins il diminue. Mes filles, devenez bonnes et humbles, je vous souhaite l’humilité, c’est la base unique de la vie religieuse et si vous voulez être de véritables épouses de Notre-Seigneur, offrez-vous à Lui comme de véritables victimes; mais si vous voulez cesser d’être victime on peut dire que vous cessez aussi d’être bonne religieuse; et que penserait-on d’une Oblate qui ne ferait pas tous ses efforts pour en arriver là? Oui, il faut absolument se convertir et changer de vie, c’est à prendre ou à laisser, si vous n’avez pas le courage de vous y mettre, vous pouvez vous retirer car j’aimerais mieux rester avec deux ou trois soeurs bien résolues à marcher ferme et à avancer dans la vertu que de vous voir tièdes et languissantes.

Ils ont haï leur âme dans ce monde pour la posséder dans l’éternité.

Il faut se vouer à soi-même une haine immense, votre plus grand ennemi c’est vous, ce n’est pas votre Père, ni votre mère, ni vos soeurs, c’est vous seul. Qu’êtes-vous donc? Hélas, de tristes personnages. Les Apôtres eux aussi étaient pauvres et peu de chose, mais au moins ils savaient qu’ils étaient méprisables, mais vous le savez-vous? Connaissez-vous l’histoire du tableau de Monsieur de Capaldy. Un évêque lui demandant le tableau du Sacré-Coeur d’une certaine façon, l’artiste lui répartit: « Mais Monseigneur, vous voulez donc que je fasse l’office de boucher ». Eh bien, aujourd’hui, moi votre père je fais un peu l’office de boucher, je vous écorche, je vous enlève la première peau.

Dans quel degré acceptons-nous les mépris? Les Apôtres étaient heureux lorsqu’on les maltraitait, étant, disaient-ils, jugés dignes de souffrir pour leur divin Maître.

Oh, quelle vie de renoncement et d’austérité! Ils travaillaient pendant le jour et passaient la nuit en prière et même durant le travail ils ne cessaient point de prier en esprit.

Examinez, mes chères filles, combien tous ont souffert pour Notre-Seigneur. Je suis tentée, dites-vous; n’est-ce pas votre imprudence qui en est cause? Quelle est votre assiduité à la prière et à la méditation? Avez-vous un véritable zèle pour votre avancement? Quelques-unes peut-être se disent: je n’en suis pas capable, c’est trop difficile; pauvres soeurs, il est sûr qu’il est plus agréable de faire le moins possible et surtout de faire ce que l’on veut.

Le meilleur moyen de réagir contre toutes ces faiblesses c’est de se rapprocher le plus possible de Dieu et d’écouter uniquement sa voix qui parle au fond de notre coeur.

Les saints priaient même pendant leur travail et vous, le faites-vous? Hélas, que de mollesse dans toutes nos actions; nous pensons à peine à Dieu dans la prière, comment pourrions-nous y penser pendant notre travail.

Ils renonçaient aux richesses, aux dignités, aux honneurs, à leurs amis, à leurs parents, etc.

Par le temps présent avoir des biens et ne pas compter sur la Providence, je crois que c’est absurde.

Ils étaient étrangers au monde, mes filles, aimez la solitude et cherchez-la.

Ils ont été donnés en exemple à tous ceux qui professent la vraie religion et ils doivent nous exciter plus à avancer dans la perfection que la multitude des tièdes ne nous porte au relâchement. Il y a certains esprits qui pourraient faire ce triste raisonnement: ma soeur une telle n’est pas parfaite, je ne le serai pas non plus. Mais dites-moi, parce qu’une religieuse s’est perdue, voudriez-vous vous perdre à votre tour. Il faut savoir lutter contre le mauvais exemple et demander à Dieu de n’en donner jamais car les jugements de Dieu sont terribles.

Oh! quelle ferveur en tous les religieux au commencement de leur sainte institution.

Mes filles, ne sommes-nous pas au commencement de notre oeuvre et cependant où est notre ferveur? et croyez bien que celles qui viendront après nous marcheront sur nos traces et imiteront plutôt ce qui est mal que ce qui est bien. Comme je vous l’ai déjà dit, convertissez-vous et ne restez que si vous voulez être des saintes.

O tiédeur, ô négligence de notre état et qui a si vite éteint parmi vous l’ancienne ferveur. Etes-vous ennuyées dans le service de Dieu, c’est que vous n’êtes pas ferventes; il vous faut des consolations, triste preuve du relâchement. Vous ressemblez alors à ces religieux dont les voeux ne tenaient plus que par quatre épingles. Hélas, quels sont ces voeux.

A force d’hypocrisie, on a fait passer dans le monde les religieux pour des menteurs. Tâchons de réagir afin que Dieu trouve en nous non plus des filles molles et attiédies mais de ferventes religieuses. Pour cela appliquons-nous à agir toujours dans une grande pureté d’intention, quelle est celle que vous avez eue ce matin.

Chapitre 19.

Il est nécessaire que nous renouvelions nos résolutions et nos voeux.

Quelle est la religieuse qui renouvelle ses voeux tous les matins, la novice qui se prépare à les prononcer. Hélas, au lieu de cette ardeur pour le bien, nous n’avons souvent qu’à offrir à Notre-Seigneur une messe mal entendue et une communion tiède et après un tel commencement on ne tarde pas à dire: Mon Dieu, que suis-je venue faire dans cette galère? Ce que vous y êtes venu faire, non pas développer votre paresse mais la corriger; non pas être personnelle mais apprendre à vous oublier, à vous compter pour rien.

Si nous omettons quelquefois nos exercices ordinaires par quelques motifs pieux ou pour l’utilité de nos frères il nous sera facile ensuite de réparer cette omission. N’y en a-t-il pas parmi vous qui sans permission négligent la règle ou leurs devoirs pour la moindre raison et même quelquefois par pur caprice.

Ne pouvez-vous continuellement vous recueillir, recueillez-vous au moins de temps en temps. Une bonne religieuse devrait avoir la pensée de Dieu présente sans cesse à la mémoire, mais si elle ne peut, doit-elle au moins se recueillir chaque fois que la cloche sonne.

Le matin, formez vos résolutions, le soir examinez votre conduite. Ne soyez jamais tout à fait oisives. Ce qui sort des pratiques communes ne doit point paraître au-dehors, il est plus sûr de remplir en secret ces exercices particuliers, etc. Mes filles, est-ce que je suis trop dur ou seulement trop vrai; c’est qu’il vous manque tant pour entrer sérieusement dans la vie religieuse. Je demande instamment à Notre-Seigneur qu’il fasse enfin tomber le masque qui vous couvre et vous rende de vraies religieuses et ses dignes épouses.

Notes et post-scriptum