Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1874 Nîmes Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le Révérend Père d'Alzon sur l'Imitation de Jésus-Christ - 1er sept[embre] 1874
    Quatrième instruction
  • CN 14, pp. 12-13.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR-PROPRE
    1 COMMUNION DU RELIGIEUX
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 EFFORT
    1 ENFER
    1 HYPOCRISIE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MANQUEMENTS A LA VIE RELIGIEUSE
    1 MORT
    1 OUBLI DE SOI
    1 REGULARITE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUVERAIN JUGE
    1 VANITE
    1 VIGILANCE
    2 BERNARD DE CLAIRVAUX, SAINT
    2 ELISABETH, SOEUR
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 1er au 8 septembre 1874
  • SEP 1874
  • Nîmes
La lettre

Chapitre 29.

Mes chères enfants, une des meilleures manières, je crois, de donner du poids aux pensées que je vous ai suggérées ce matin, c’est de considérer un peu les Vérités éternelles. Ecoutez saint Bernard: Descendez, dit-il, aux enfers vivant si vous ne voulez pas y descendre mort. C’en sera fait bien vite de nous; qui partira le premier, sera-ce moi, sera-ce vous, sera-ce la plus jeune ou la plus âgée, nous n’en savons rien. Nécessité donc d’être toujours prêts. Si le bon Dieu venait vous dire: Ma fille, prépare-toi, tu vas paraître bientôt devant moi! Dans quel état seriez-vous? quels seraient les sentiments de votre coeur?

L’homme est aujourd’hui et demain il a disparu. Rappelez-vous une chose terrible, c’est que ce qui n’est aux yeux de Dieu qu’une bagatelle pour un laïque, sera un crime pour les ecclésiastiques; or vous appartenez à cet ordre, prenez-y garde. L’homme est aujourd’hui, demain il a disparu. Que de gens ont disparu et sont morts et que reste-t-il après eux, que reste-t-il, dites-moi, de Soeur Elisabeth? Mourrez-vous ici, mourrez-vous en mission, qu’importe, vous mourrez toujours. Et quand il a disparu l’homme est bien vite oublié.

O stupidité et dureté du coeur humain qui ne pense qu’au présent et ne prévoit pas l’avenir.

Mes enfants, si vous pensiez un peu à la mort, à ce dernier soupir, à ce que vous deviendrez ensuite, pourriez-vous songer à mal faire? Où ira votre âme après votre mort et que deviendra votre corps, hélas, Dieu seul le sait. Dans toutes vos actions, dans toutes vos pensées, vous devriez être telle que vous seriez s’il vous fallait mourir aujourd’hui.

Si vous aviez une bonne conscience, vous craindriez peu la mort.

Il vaudrait mieux éviter le péché que de fuir la mort. Aujourd’hui si vous n’êtes pas prêtes, comment le serez-vous demain. Réfléchissez beaucoup sur cette pensée car le bon Dieu ne pourrait-il pas comme à tant d’autres vous retirer la vie tout à coup; sa grâce et sa miséricorde ne vous sont pas dues.

Demain est un jour incertain et que savez-vous si vous aurez un lendemain. Que sert de vivre longtemps, souvent la vie est une occasion de péché. Heureux celui qui se prépare chaque jour à bien mourir.

Que de fois vous êtes-vous converties, que de retraites faites dans le but de changer et cependant où en êtes-vous? toujours la même, toujours aussi mauvaise, pensez que la mort arrive, elle arrive à l’instant où l’on s’y attend le moins. Voyez soeur Elisabeth, savait-elle qu’elle allait mourir si tôt? Il est dur, croyez-le, d’entendre dire qu’on va mourir? Combien y en a-t-il parmi vous qui voudraient bientôt mourir? Et après ce terrible moment que reste-t-il? Dieu et l’âme, tout le reste est impuissant. Vos parents, vos amies ne peuvent plus rien. Et que ferez-vous alors de tous ces petits mensonges, de ces habiletés, de ces mille défauts que vous saviez si bien dans votre esprit transformer en vertus. A quoi cela servira-t-il? Jésus-Christ alors vous présentera vos voeux, ces voeux qui devaient être votre parure, cette obéissance que vous avez violée si souvent et sans remords, cette chasteté sur laquelle vous avez si peu veillé, cette pauvreté que vous avez blessée sans même y prendre garde. Jésus-Christ vous présentera encore toutes ces communions tièdes, sans ferveur et surtout sans amour. Mais songez donc que le soir du jour commencé ne vous appartient pas, quelle vigilance cette pensée ne doit-elle pas faire naître dans votre coeur.

Apprenez maintenant à mourir au monde. Le parfait mépris du monde mais non seulement du monde extérieur mais de ce monde du couvent. Vous n’êtes pas mauvaises, mes filles, mais avez-vous ce désir ardent de la perfection, cette volonté ferme d’avancer. Que je m’estimerais heureux si pendant cette retraite je pouvais inspirer à quelques-unes d’entre vous le désir vraiment sincère de devenir parfaites, j’aurais je crois fait un très grand bien dans la congrégation, même parmi les Oblates futures.

L’amour de la régularité, l’abnégation de soi, la constance à souffrir, voilà ce que doit pratiquer et vouloir une véritable religieuse, à la différence des hommes du monde qui cherchent le plaisir les bons religieux s’élancent avec bonheur au-devant des épreuves et des adversités.

Il en est peu qui se sanctifient par de fréquents pélerinages. Cela me rappelle une histoire: un prêtre aimant beaucoup à voyager, son supérieur lui dit un jour cette parole de l’Imitation. Monsieur le Supérieur, reprit le prêtre, je ne fais pas des pèlerinages mais des voyages.

Croyez-moi, convertissez-vous de suite, ne lambinez pas; voici le temps propice. Le temps de la retraite est un temps de grâce, profitez-en pour prendre de fortes et généreuses résolutions. Il est très ennuyeux de se convertir mais viendra le temps où vous désirerez un seul jour et il ne vous sera pas donné. Comme la mort est douce à ceux qui sont préparés mais combien n’est-elle pas terrible lorsqu’elle nous surprend. Vous méprisez bien certaines choses mais méprisez-vous cette chère petite personne, ne tenez-vous pour rien ce corps que vous ménagez, que vous choyez. Vous convertirez-vous enfin, mais alors que de sacrifices à accomplir, cela répugne, révolte la nature. Que de sacrifices n’avez-vous pas refusés.

Vivez sur la terre comme des étrangers. Hélas, que nous sommes loin d’avoir de tels sentiments. Quand donc notre amour-propre ne sera rien, que notre gloriole, notre estime de soi ne seront rien, nous approcherons alors de la perfection et serons bien près de devenir des saints.

Après avoir médité sur la mort, abordez les jugements de Dieu; c’est ce soir, cette nuit, dans votre communion de demain que vous verrez ce que vous voudrez donner à Notre-Seigneur afin que lorsque vous serez morte on n’emporte point le corps d’une damnée.

Notes et post-scriptum