Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1874 Nîmes Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le Révérend Père d'Alzon sur l'Imitation de Jésus-Christ - 1er sept[embre] 1874
    Sixième instruction
  • CN 14, pp. 18-22.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 AME EPOUSE DE JESUS CHRIST
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 AMOUR-PROPRE
    1 BONHEUR
    1 CAPRICE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CIEL
    1 CRITIQUES
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DETACHEMENT
    1 DOUCEUR
    1 EGOISME
    1 ENFER
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 ESPRIT RELIGIEUX
    1 FRANCHISE
    1 GENEROSITE
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 JESUS-CHRIST AUTEUR DU PARDON
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 JESUS-CHRIST JUGE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 OUBLI DE SOI
    1 PARESSE
    1 PATIENCE
    1 PERSEVERANCE
    1 PURGATOIRE
    1 REFORME DU COEUR
    1 SATAN
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 SUSCEPTIBILITE
    1 TIEDEUR
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 JOB, BIBLE
    3 AFRIQUE
    3 AIGUEBELLE
    3 FRANCE
    3 NOTRE-DAME DES NEIGES
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 1er au 8 septembre 1874
  • SEP 1874
  • Nîmes
La lettre

Livre II. – Chapitre 11 et 12. – Du petit nombre de ceux qui aiment la croix de Jésus-Christ.

Il y a des gens qui cherchent le bonheur, ils veulent être heureux, mais insensés qu’ils sont, ils ne réfléchissent pas qu’étant des enfants de colère nous ne pouvons prétendre au bonheur en ce monde.

Il y en a beaucoup qui désirent le céleste royaume de Jésus mais peu consentent à porter sa croix.

On ne veut pas accepter la croix de Jésus-Christ, on la rejette mais on désire ses consolations; sachons cependant que pour mériter les joies il faut bien recevoir les souffrances. Au reste, c’est le moyen de nous rapprocher de Notre-Seigneur, de ressembler à ce divin modèle, n’a-t-il pas été l’homme de douleur, ne possédait-il pas dans sa plénitude la science de l’infirmité. Voyez donc, mes chères filles, si pour plaire à votre divin Maître vous voulez accepter l’ignominie de la croix, l’humiliation de la croix, les souffrances de la croix et même la mort à vous-même sur la croix de votre divin époux.

Bien que vous acceptiez les humiliations il faut au moins ne pas les mériter comme le faisait un certain séminariste. Il était très paresseux et un jour son confesseur l’engageant à vaincre cette paresse lui dit: représentez-vous votre lit comme le purgatoire et figurez-vous les flammes du purgatoire consumant votre corps. Le lendemain le prêtre ayant demandé s’il avait pensé à ce qu’il lui avait dit: Oui, mon Père, répondit-il aussitôt. – Eh bien, vous êtes-vous levé rapidement à cette pensée? – Oh non, mon Père, car ayant considéré combien je méritais le Purgatoire: brûle, brûle, misérable, ai-je dit et je suis resté bien encore dans mon lit.

Mes enfants, ne faisons point ainsi mais cependant aimons les humiliations, savourons les insultes et surtout disons-nous avec sincérité que nous les méritons réellement.

Mais ceux qui aiment Jésus pour Jésus et non pour eux-mêmes, le bénissent dans toutes les tribulations et dans l’angoisse du coeur comme dans les consolations les plus douces. Si franchement vous acceptez toute l’ignominie de la croix, si vous consentez à être traitées de rien comme un chiffon, un être sans valeur et sans mérite, humiliées, accusées injustement, et que vous acceptiez tous ces affronts dans une grande douceur et une grande patience pour l’amour de Notre-Seigneur, je crois qu’alors on pourrait dire que vous êtes réellement converties.

Oh, que ne peut l’amour de Jésus quand il est pur et sans aucun mélange d’amour ni d’intérêt propre!

Ne sont-ce pas des mercenaires ceux qui cherchent toujours des consolations.

Vous voulez servir Dieu pour la récompense, vous êtes donc aussi des mercenaires? Mais qu’il est ennuyeux de servir Dieu au milieu des épines, des peines, des contradictions et des souffrances de tout genre; et quand cela finira-t-il; encore quand il y a un terme à la souffrance on l’endure avec plus de courage mais lorsque ce terme est la vie entière, n’y a-t-il pas de quoi se décourager?

Depuis que je vous ai quittées, j’ai reçu une lettre d’un pauvre garçon qui a été quelque temps chez nous mais qui ayant fait un jour des imprudences, je me suis hâté de le faire partir et vous, mes filles, n’avez-vous jamais fait des imprudences? – Donc, sorti de l’Assomption notre jeune homme alla à la Trappe de Notre-Dame des neiges. Quelques jours après, il était à Aiguebelles, puis de là il part pour l’Afrique dans une trappe située au milieu des sables brûlants. Croyez-vous qu’il y est resté? pas du tout, il est revenu en France espérant que je le reprendrais encore mais il s’est trompé, que deviendra-t-il, je n’en sais rien. Voilà où mènent les imprudences, surtout lorsqu’on ne vient pas les avouer soi-même.

Certaine religieuse à qui j’ai sauvé la vocation semble avoir oublié ce que j’ai fait pour elle et maintenant s’il y a une observation à faire, aussitôt elle se révolte, elle pleure, elle gémit: si elle ne change pas, qui sait si elle ne deviendra pas pire.

Les religieuses qui reçoivent mal les observations, on peut dire qu’elles ne sont pas loin de dire du couvent: quelle baraque, et un moment viendra et il n’est peut-être pas loin où non contentes de dire: quelle baraque, elles le quitteront bientôt.

Où trouvera-t-on quelqu’un qui veuille servir Dieu pour Dieu seul?

Agréez, mes chères filles, toutes les croix que le Seigneur vous donne, elles font souffrir, dites-vous; votre nature délicate les sent plus fortement encore. Notre-Seigneur n’avait-il pas une nature plus délicate encore que la vôtre et a-t-il rejeté ses souffrances; a-t-il abandonné sa croix? Non! eh bien, il est notre modèle, cherchons à l’imiter.

Si toutes vous preniez généreusement votre parti d’aller à tout ce que le bon Dieu vous demande, vous seriez alors de toutes les communautés la plus fervente. Allons, quand voudrez-vous servir Dieu pour Dieu seul? Les femmes en général sont plus pieuses que les hommes mais lorsque les hommes s’y mettent, ils sont plus généreux que les femmes.

Rarement on rencontre un homme assez avancé dans les voies spirituelles pour être dépouillé de tout. Car le véritable pauvre d’esprit, détaché de toute créature, qui le trouvera!

Quand serez-vous dépouillées de l’amour de vous-même? Suis-je dans le vrai? N’est-ce pas cet amour de votre personne qui vous éloigne de Dieu? Les religieux et religieuses ne devraient pas même avoir le temps et la possibilité de savoir si elles s’aiment elles-mêmes, tout leur coeur devrait être occupé de l’unique objet digne de leur amour.

Voilà comment on nous l’enseigne dans l’Imitation. Et s’il a une grande vertu et une piété fervente, il lui manque encore beaucoup; il lui manque une chose souverainement nécessaire. Qu’est-ce encore? C’est qu’après avoir tout quitté il se quitte aussi lui-même et se dépouille entièrement de l’amour de soi. Continuons encore: c’est enfin qu’après avoir fait tout ce qu’il sait devoir faire il pense encore n’avoir rien fait. Mais vous, vous voulez être des servantes utiles, faire connaître et valoir vos qualités et vos mérites.

Qu’il estime peu ce qu’on pourrait regarder comme quelque chose de grand et qu’en toute sincérité il confesse qu’il est un serviteur inutile selon la parole de la Vérité: Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites: nous sommes des serviteurs inutiles.

Nul cependant n’est plus riche et plus libre que celui qui sait quitter tout et soi-même et se mettre au dernier rang.

Représentez-vous, mes filles, une communauté où toutes voudraient descendre et choisir le dernier rang, il n’y aurait plus alors de prétentions, de paroles tranchantes et raides, tout serait dans la charité de N.S. Allons, voulez-vous dire à N.S.: Je me donne à vous sincèrement et pour toujours dans toute la plénitude de ma volonté.

Chapitre 12. De la sainte voie de la croix.

Cette parole semble dure à plusieurs. Renoncez à vous-mêmes, prenez votre croix et suivez Jésus.

Oui prenez votre croix avec amour et suivez votre époux jusque sur le calvaire car ne sera-t-il pas plus dur un jour d’entendre cette parole: retirez-vous de moi maudits, allez au feu éternel. Une religieuse qui tomberait dans la tiédeur, dans la paresse, ne tarderait pas à tomber plus bas encore et arriverait bientôt à la violation de ses voeux et mériterait alors d’entendre cette parole: retirez-vous de moi maudites. Je ne puis croire, mes filles, qu’il y ait une damnée parmi vous, cependant malgré leur petit nombre il y en avait un parmi les apôtres. Mais aujourd’hui si vous le voulez, vous avez les moyens d’entendre un jour cette parole si douce: venez les bénis de mon Père.

Ce signe de la Croix sera dans le ciel lorsque le Seigneur viendra pour juger. Alors tous les disciples de la Croix qui auront imité pendant leur vie Jésus crucifié s’approcheront avec une grande confiance de Jésus-Christ juge.

Dans la croix se trouve la vraie perfection. Mais si la croix est le gage de notre bonheur, elle est aussi le signe de la séparation; de quel côté vous trouverez-vous? Sera-ce à droite avec le bon larron pour aimer Dieu pendant l’éternité ou vous faudra-t-il aller à gauche pour le maudire et le blasphémer? De la croix découlent les grâces mais sachez que ces grâces peuvent se changer en souillures si on en abuse. On manque à la Vérité de Jésus-Christ et on rentre alors dans le royaume de celui qui s’est dit le père du mensonge et le cachet du menteur est placé sur le front! Le serait-il sur le vôtre? Voyez, examinez la sincérité avec laquelle vous allez à Dieu.

Il n’y a de salut que dans la croix, prenez donc votre croix et suivez Jésus et vous parviendrez à l’éternelle vie. Il vous a précédé portant sa croix et il est mort pour vous sur la croix afin que vous aussi vous portiez votre croix et que vous aspiriez à mourir sur la croix. Car si vous mourrez avec Lui vous vivrez aussi avec Lui et si vous partagez ses souffrances vous partagerez sa gloire.

Ainsi tout est dans la croix. Voilà le progrès dans la conversion. Enfant prodigue hier, vous vous êtes dit: j’irai à mon Père et je lui dirai: j’ai péché contre vous et il me pardonnera. Vous y êtes allé et il vous a pardonné et maintenant il vous donne sa croix comme signe de votre repentir et de son pardon. Or pour porter sa croix il faut commencer à mourir à soi-même. Voulez-vous le faire? Avez-vous donné à Notre-Seigneur votre vie, pleinement, entièrement, irrévocablement pour qu’il fasse mourir en vous toutes vos passions et toutes les misères de votre coeur. Ne vous arrêtez pas, soyez généreuses, donnez, donnez toujours et croyez que jamais votre divin époux se laissera vaincre en générosité et en amour.

Allez où vous voudrez, cherchez tout ce que vous voudrez, vous ne trouverez pas au-dessus une voie plus élevée, au-dessous une voie plus sûre que la voie de la croix.

Eh bien, acceptez-vous de la suivre, cette voie terrible de la croix, c’est une promesse sincère qu’il faut faire à Notre-Seigneur, c’est un contrat sérieux qu’il faut passer entre Dieu et vous et cela pour toujours; mais alors, que votre père, que votre mère soient absurdes dans les choses qu’ils vous commandent, que vos soeurs vous tourmentent ou vous blessent, n’importe, vous n’avez plus à vous plaindre, si vous souffrez, tant mieux, vous n’en aurez que plus de mérite. Pour les consolations il n’y en aura plus que dans la souffrance et le mépris et voilà pourtant ce que c’est que la vie religieuse, dans toute sa vérité elle est là, la voulez-vous? Quand commencerez-vous alors? Dieu veut que vous appreniez à souffrir sans consolations. Vous imiterez alors la résignation du saint homme Job qui resta 21 ans sur son fumier sans consolation et sans soulagement. Dieu veut que vous deveniez plus humbles dans la tribulation.

Nul n’a si avant dans son coeur la passion de Jésus-Christ que celui qui a souffert quelque chose de semblable.

Ce n’est pas pour rien que ce livre a été écrit, il y a un fond de vérité qui est inépuisable. Partout vous allez trouver des croix.

La croix est toujours préparée, elle vous attend partout. Vous ne pouvez la fuir, quelque part que vous alliez, puisque partout où vous irez, vous vous porterez et vous trouverez toujours vous-même.

Si vous portez de bon coeur la Croix, elle-même vous portera et vous conduira au terme désiré où vous cesserez de souffrir mais ce ne sera pas en ce monde.

Donc, pour toute votre vie, votre unique partage est la souffrance, l’acceptez-vous ou voulez-vous quitter le couvent puisqu’on y souffre plus encore que dans le monde? Oh, qu’il est ennuyeux de faire telle ou telle chose et cela jusqu’à la mort.

Quel saint a été dans ce monde sans croix et sans tribulations? Jésus-Christ lui-même n’a pas été une seule heure dans toute sa vie sans éprouver quelques souffrances. Il fallait que le Christ souffrît et qu’il ressuscitât d’entre les morts et qu’il entrât ainsi dans sa gloire. Etes-vous les épouses de Jésus-Christ et voulez-vous alors établir une séparation entre Notre-Seigneur et vous? Quand on persévère, la croix devient moins lourde; voulez-vous faire comme certains pèlerins qui avancent de 3 pas et reculent de 4.

Il n’est pas selon l’homme de porter la croix, d’aimer la croix, de châtier le corps, de le réduire en servitude, de fuir les honneurs, de souffrir volontiers les outrages, de se mépriser soi-même et de souhaiter d’être méprisé.

Non seulement il faut nous mépriser mais souhaiter même d’être méprisés. Quelle est celle d’entre vous qui le souhaite du fond du coeur?

Préparez-vous à souffrir. La souffrance, voilà ce qui vous attend, ce que vous trouverez partout, en quelque lieu que vous vous cachiez; car il faudra toujours vous supporter vous-même.

Pour vous, choisissez les souffrances et regardez-les comme des consolations d’un grand prix. Les choisirez-vous tout à l’heure aux pieds de Notre-Seigneur? Que serait un couvent où on aimerait la souffrance et quand cela viendra-t-il? Quand vous irez en mission attendez-vous à souffrir et que cette pensée, loin de vous décourager enflamme vos désirs.

Notre plus grande croix c’est nous-même et souvenez-vous que quand vous fuirez la souffrance c’est alors qu’elle vous paraîtra plus amère. Je devrais donc vous souhaiter d’ici à la prochaine retraite beaucoup de souffrances et beaucoup de croix.

Sachez et croyez fermement que votre vie doit être une mort continuelle et que plus on meurt à soi-même; plus on commence à vivre pour Dieu.

Terminons, mes enfants, et par la méditation de ces deux chapitres. Voyez comment sont écartées toutes ces plaintes, toutes ces récriminations qui ne font qu’affaiblir et détruire la vie et l’esprit religieux dans une communauté.

Prenez la croix de votre époux pour partage et demandez-lui qu’il vous fasse bien comprendre que là seul est le bonheur véritable. Donnez-vous à Lui sans réserve et sans retour, promettez-lui de porter courageusement votre croix et croyez qu’alors elle vous portera.

Notes et post-scriptum