Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1874 Nîmes Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le Révérend Père d'Alzon sur l'Imitation de Jésus-Christ - 1er sept[embre] 1874
    Septième instruction
  • CN 14, pp. 23-25.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CONCUPISCENCE DES YEUX
    1 CRAINTE
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DETACHEMENT
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EGOISME
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 FLATTERIE
    1 GRACES
    1 HUMILITE
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 PATIENCE
    1 RECHUTE
    1 REFORME DU COEUR
    1 VANITE
    1 VERTU DE PAUVRETE
    1 VERTUS RELIGIEUSES
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOIE UNITIVE
    1 VOLONTE PROPRE
    2 DOMINIQUETTE
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 LESTRANGE, AUGUSTIN DE
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 1er au 8 septembre 1874
  • SEP 1874
  • Nîmes
La lettre

Livre III. – Chapitre 27. – Que l’amour de soi est le plus grand obstacle qui empêche l’homme de parvenir au souverain bien.

L’amour de soi est un obstacle. En effet, dans la dévotion et la vie spirituelle il y a deux termes, Dieu et l’homme; l’homme aimant Dieu plus que lui (et c’est ce qui devrait toujours être) en reçoit en retour les grâces les plus abondantes. Dieu est prodigue et généreux, il ne se laissera jamais vaincre. Mais il y a aussi la religieuse s’aimant plus que Dieu, la religieuse détournant son coeur de Celui qui devrait être son unique amour, et le livrant aux créatures, aux choses extérieures et surtout à l’amour de soi, de sa chère petite personne, de ses mérites et même quelquefois de ses défauts. L’âme ainsi repliée sur elle-même fait des chutes nombreuses, elle tombe souvent et ces chutes, vous les connaissez bien.

Il faut, mon fils, que vous vous donniez tout entier pour posséder tout et que rien en vous ne soit à vous-même. Sachez que l’amour de vous-même vous nuit plus qu’aucune chose du monde.

On tient à chaque chose plus ou moins, selon la nature de l’affection, de l’amour que l’on a pour elle.

A quoi tenez-vous? On tient toujours à quelque chose. J’ai connu une demoiselle qui avait fait voeu de porter toujours des châles parce qu’elle avait une jolie taille. On tient à ses mains, on tient à son air, à sa distinction, à ses cheveux, etc… Tenez, votre Mère pourra vous raconter l’histoire de Dominiquette et vous dire combien fut grand pour elle le sacrifice de cacher ses cheveux. On tient à quelque chose et on l’aime plus que Dieu. Mes chères filles, si vous voulez arriver à la perfection, haïssez-vous vous-même, sachez retrancher de votre coeur tout sentiment contraire à Dieu, il faut aujourd’hui non seulement ôter votre peau mais vous ôter vous-mêmes; vous ne sauriez croire tous les ravages que l’amour de soi fait en vous.

Si votre amour est pur, simple et bien réglé, vous ne serez esclave d’aucune chose.

Vous pourrez alors aimer toutes choses parce que vous aimerez toutes choses en Dieu comme saint François d’Assise; il aimait les loups, les oiseaux, tous les êtres créés mais tout pour le bon Dieu, tout sous l’action de Dieu. Lui qui a été appelé l’amant éperdu de la pauvreté aimait tout et pourtant ne tenait à rien.

Ne désirez point ce qu’il ne vous est pas permis d’avoir, renoncez à ce qui occupe trop votre âme et la prive de sa liberté. La chose essentielle est d’aimer Dieu et si vous vous apercevez que votre coeur s’attache à quelque chose ou à quelqu’un, renoncez-y aussitôt.

Il est étrange que vous ne vous abandonniez pas à moi du fond du coeur avec tout ce que vous pouvez désirer ou posséder. Une religieuse ne devrait-elle pas s’abandonner uniquement entre les mains de Dieu. Allez, mes filles, aux pieds de votre divin époux, donnez-vous tout entières à Lui, offrez-lui, consacrez-lui ce coeur, cette volonté, ces mains, ces yeux, tout ce que vous possédez enfin, n’est-ce pas Lui qui vous a tout donné? C’est dans cet abandon complet que vous trouverez la paix; ce que l’on pourra dire ou penser de vous, vous importera peu et vous vous estimerez même heureuses d’avoir quelque chose à Notre-Seigneur.

Demeurez soumis à ma volonté et rien ne pourra vous nuire.

Monsieur l’abbé de l’Etrange, réformateur de la trappe, avait créé un tiers ordre portant un scapulaire sur lequel étaient ces mots: La volonté de Dieu.

La volonté de Dieu, voilà notre règle, mais que de fois notre volonté propre a été prise pour la volonté de Dieu. Notre nature pour aller à Dieu a besoin des puissances de l’âme; le coeur seul ne lui suffit pas; il lui faut aussi la volonté pour soutenir l’élan du coeur vers Jésus-Christ, fortifier et augmenter son amour.

Si vous cherchez ceci ou cela, si vous voulez être ici ou là sans autre objet que de vous satisfaire et de vivre plus selon votre gré, vous n’aurez jamais de repos et jamais vous ne serez libre d’inquiétude, parce qu’en tout vous trouverez quelque chose qui vous blesse et partout quelqu’un qui vous contrarie. Est-ce la vérité? Vous-mêmes n’en avez-vous pas fait l’épreuve bien souvent.

A quoi sert donc de posséder et d’accumuler beaucoup de choses au-dehors? Ce qui sert c’est de les mépriser et de les déraciner de son coeur.

Aujourd’hui, examinez votre coeur, voyez, que de racines à extirper; racines d’aigreur, de plainte, de complaisance personnelle, etc… Toute femme en général désire de plaire, elle aime donc les vaines louanges. Voyez devant Dieu si vous voulez sérieusement arracher tout cela de votre coeur.

Chapitre 30. Qu’il faut implorer le secours de Dieu et attendre avec confiance le secours de sa grâce.

Il y en a peut-être parmi vous quelques-unes qui seraient tentées de me dire: Mon Père, je veux bien me convertir mais je suis si faible, dans quelques jours je serai retombée dans les mêmes fautes et ce sera encore à recommencer. Ah ça, mes filles, ne changez-vous jamais de linge? La retraite est faite pour changer; vous tomberez, dites-vous, eh bien, vous vous relèverez et vous recommencerez.

Mon fils, je suis le Seigneur, c’est moi qui fortifie au jour de la tribulation. Venez à moi quand vous souffrirez.

Je vous avoue, mes chères filles, que parfois je suis tenté de vous souhaiter quelques souffrances pour vous donner l’occasion et vous obliger de vous jeter entre les bras de Dieu. Si parmi vos résolutions vous mettiez celle-ci: Ma vie sera désormais une prière continuelle par l’union intime de mon âme avec Dieu. Si au lieu de vous confier sans cesse aux unes et aux autres, lorsque vous éprouvez quelque ennui, quelque peine, vous alliez trouver Notre-Seigneur, et là en toute confiance et simplicité vous lui disiez vos peines, vos souffrances, cela ne vaudrait-il pas mieux que de vous plaindre sans cesse. Lorsque j’étais au séminaire et qu’il m’arrivait des peines, j’allais d’abord à la chapelle les conter toutes à Notre-Seigneur puis j’allais trouver mon Supérieur et je lui disais: Il m’est arrivé quelque chose de désagréable, je l’ai dit au bon Dieu, si vous voulez, je vous le dirais mais si vous ne le jugez pas nécessaire je ne vous en parlerai pas. Et mon supérieur, je vous assure, ne le trouvait nullement mauvais et ne doutait pas pour cela de ma confiance en lui. Croyez-moi, essayez, mais hélas, le bon Dieu est le pis aller. Vous avez commencé par chercher des consolations partout et puis vous êtes allées à Dieu.

Mais à présent que vous commencez à respirer après la tempête, ranimez-vous à la lumière de mes miséricordes. – Attendez-moi, attendez et je vous guérirai. Attendez avec patience, peut-être ne sentirez-vous les effets de la retraite que le dernier jour, peut-être faudra-t-il attendre encore après. De même que certaines eaux dont on ne ressent les effets salutaires que bien longtemps après, de même quelquefois en est-il des grâces d’une retraite.

A chaque jour suffit son mal. En effet pourquoi se tourmenter à l’avance de peines que Dieu ne vous enverra peut-être pas.

Que votre coeur ne se trouble point et ne craigne point. Croyez en moi et confiez-vous en ma miséricorde.

Si vous craignez que la victoire remportée sur vous-même ne soit pas de longue durée et cela se peut, ne vous découragez point quand même vous tomberez et vous vous relèverez encore et vous acquerrez de plus l’humilité en voyant que vous êtes si faibles.

Ne pensez pas que je vous ai délaissé lorsque je vous afflige pour un temps; je connais le secret de votre coeur et je sais qu’il est utile que vous soyez quelquefois dans la sécheresse, de crainte qu’une ferveur continue ne vous porte à la présomption et que par une vaine complaisance vous ne vous imaginiez être ce que vous n’êtes pas.

Dieu retire ses consolations de peur que vous ne deveniez présomptueuses, quelle sage conduite et dire que même parmi mes filles j’en connais qui sont tentées de présomption, elles se croient quelque chose de bon, elles s’imaginent volontiers être des saintes et qu’elles en sont loin cependant.

Et même ce doit être votre unique joie que je vous frappe sans vous épargner.

Voilà qui est dur pour notre pauvre nature et si vous réfléchissiez un peu, n’est-ce pas ce que Dieu a fait pour son propre Fils? Voudriez-vous être traitées différemment?

Comme mon Père m’a aimé, moi aussi je vous aime et je vous envoie dans le monde non pour goûter ses joies mais pour soutenir de grands combats. Voilà, mes filles, la condition d’une Oblate, la voilà dans toute sa vérité. Je vous envoie non pour vous reposer mais pour porter beaucoup de fruits par la patience.

Je m’arrête, mes enfants, et c’est à vous de voir les sacrifices que vous voulez offrir à Dieu. Offrez-vous vous-même d’abord, puis comme une enfant à son Père montrez-lui tous vos défauts afin qu’il les corrige et qu’il mette à la place les vertus d’une épouse fidèle et d’une bonne religieuse.

Notes et post-scriptum