Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1874 Nîmes Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le Révérend Père d'Alzon sur l'Imitation de Jésus-Christ - 1er sept[embre] 1874
    Neuvième instruction
  • CN 14, pp. 29-32.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMITIES PARTICULIERES
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 BAVARDAGES
    1 BIEN SUPREME
    1 BON EXEMPLE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CIEL
    1 CONCUPISCENCE DES YEUX
    1 CONNAISSANCE DE SOI
    1 DEPASSEMENT DE SOI
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DETACHEMENT
    1 EFFORT
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 GENEROSITE
    1 HUMILITE
    1 IMITATION DES SAINTS
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MORT
    1 ORAISON
    1 ORGUEIL
    1 PARESSE
    1 PURETE D'INTENTION
    1 RESPECT HUMAIN
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOIE UNITIVE
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 LOUIS DE GONZAGUE, SAINT
    2 THERESE, SAINTE
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 1er au 8 septembre 1874
  • SEP 1874
  • Nîmes
La lettre

Livre III. – Chapitre 42. – Qu’il ne faut pas que notre paix dépende des hommes.

Mes chères filles, au point où nous en sommes, il importe que nous considérions les différents mouvements qui nous font agir, pour prendre ensuite des résolutions efficaces. Telle religieuse agira par paresse et cette paresse la fera agir avec une certaine lenteur que l’on pourra faire passer pour de la prudence. Telle autre au contraire sera vive, elle dira trop rondement son avis, l’imposera peut-être et il y aura dans son caractère une certaine fermeté. – Pour cette autre, elle est orgueilleuse, se mettra au-dessus de tout, dédaignera et méprisera tout, et se croira toujours préférable aux autres. Il est dangereux d’être dominante et de mépriser tout, mais s’il est bon de vous occuper de ce dont vous êtes chargées, vous devez le faire dans un esprit de douceur et de paix. Cette religieuse est taciturne, elle ne parle jamais, aussi elle n’aime pas les bavardages. C’est une très bonne chose de se taire et toujours ou presque toujours vous devriez vous taire, mais se taire par bouderie, par mauvaise humeur, voilà qui est mauvais. Et tous ces défauts qui sont en vous, ne les faites-vous pas passer pour des vertus. Examinez un peu si vous ne vous êtes pas fait illusion et si vous-mêmes ne les avez pas pris pour des qualités, c’est pour nous éclairer sur ce point que la direction nous est avantageuse. Et puis, voyez aussi si vous agissez toujours sous l’oeil de Dieu, si vous ne vous laissez pas influencer par le qu’en-dira-t-on. Soyez toujours les mêmes, que vous soyez vues ou non, faites le bien pour Dieu seul, que votre main droite, si je puis ainsi parler, ignore ce que fait votre main gauche et demeurez cachées, à moins que vous ne vouliez imiter saint François d’Assise et prêcher par votre bon exemple, alors vous serez la lumière qui brillera aux yeux et glorifiera votre Père céleste. Mais quelle que soit votre façon d’agir, prenez votre parti, que ce ne soit jamais que pour Dieu seul.

Si vous faites dépendre votre paix de quelque personne à cause de l’habitude de vivre avec elle et de la conformité de vos sentiments, vous serez dans l’inquiétude et le trouble. Voilà la condamnation des amitiés particulières; dites-moi, avez-vous trouvé la paix dans vos confidences? Si vous vous complaisez dans une créature, vous n’avancerez jamais dans l’oraison car nul ne peut servir deux maîtres et Dieu est un Dieu jaloux. Si vous vous laissez entraîner par des motifs humains, vous deviendrez bientôt sèches dans vos oraisons.

Mais si vous cherchez votre appui dans la vérité immuable et toujours vivante, vous ne serez point accablé de tristesse quand un ami s’éloigne ou meurt. Question très grave à vous poser, mes filles; de savoir si vous, les épouses de Jésus-Christ, vous cherchez bien votre appui, votre soutien dans cette vérité immuable et toujours vivante. Comprenez maintenant l’importance pour vous de cette vie de prière qui consiste surtout dans l’amour de Dieu, la connaissance de Dieu et la jouissance de sa vérité. Il y a deux manières de connaître Dieu, d’abord par l’étude, étude de ses vérités, de sa doctrine, de son essence; mais un autre moyen plus à votre portée encore, c’est la prière, la méditation qui embrasant votre coeur, y allumera un feu divin, un feu qui consumera en vous tout ce qui n’est pas digne de Dieu. Mais alors il faut laisser tomber les sentiments humains, ne chercher de bonheur et de repos qu’en Dieu. La lumière de la foi vous fait connaître Dieu, la charité vous fixera en Dieu. Voyez-vous le progrès? Mon Dieu, je suis entre les créatures et vous, les créatures passent, il n’y a que vous qui restiez immuablement, c’est donc vous que je choisis, vous seul que je veux aimer et servir, car serait-il raisonnable de préférer ce qui passe, ce qui a un temps à ce qui est éternel. Si vous voulez entrer dans cette voie de l’infini, que votre coeur se dilate, qu’il s’élargisse tout en se dépouillant de lui-même et de l’amour impie des créatures. Un grand théologien anglais converti depuis quelques années disait qu’il avait toujours été préoccupé de ces deux choses: Dieu et son âme.

Plus l’homme s’éloigne des consolations de la terre, plus il s’approche de Dieu. Et il s’élève d’autant plus vers Dieu qu’il descend plus profondément en lui-même et qu’il est plus vil à ses propres yeux. Que sommes-nous en effet et quelle estime pouvons-nous concevoir de nous-mêmes si nous sommes sincères dans nos jugements.

Si vous saviez vous anéantir parfaitement et bannir de votre coeur tout amour de la créature, alors venant à vous je vous inonderais de ma grâce.

Si vous disiez du fond du coeur à Notre-Seigneur: Mon Dieu, envahissez mon âme, emparez-vous de ses puissances, n’y laissez plus de place pour un autre amour que le vôtre; quelle est la créature assez audacieuse qui oserait s’approcher de vous, à moins que vous ne le vouliez, alors, elle pourrait rentrer dans votre coeur de deux manières, ou en repoussant Dieu ou en passant au travers de Dieu et se confondant pour ainsi dire avec Dieu. Mais croyez-moi, abandonnez-vous éperdument à cet amour divin, qu’il s’empare de votre intelligence, dirige votre volonté, embrase votre coeur et vous rende de dignes épouses de Jésus-Christ. Le plus petit objet désiré, aimé avec excès souille l’âme et la sépare du souverain bien. Seigneur, que voulez-vous que je fasse, vous êtes Celui que j’ai choisi, à qui seul je veux appartenir, je me donne à vous, je m’immole, je me sacrifie sans partage. Mais un tel don exige que vous renonciez désormais à toute amitié, il faut que vous soyez mortes aux affections humaines, que vous soyez dans la disposition de marcher toujours sous l’oeil de Dieu et de vivre en union avec Dieu.

Saint Louis de Gonzague souffrant de grands maux de tête, les médecins jugèrent bon de lui commander d’écarter la pensée de Dieu, croyant que cette application était une des causes de son mal, et il se trouva qu’il fut encore plus fatigué d’éloigner cette pensée continuelle de Dieu tant elle lui était devenue naturelle. Mes enfants, quand en serez-vous là?

L’homme s’élève d’autant plus vers Dieu qu’il descend plus profondément en lui-même et qu’il est plus vil à ses propres yeux. Mes filles, si vous dites du fond du coeur: Mon Dieu, donnez-moi un grand mépris de moi-même, ah, croyez que vous serez bientôt détachées des créatures. Si le mépris était ancré dans mes religieuses, que ce serait bon; mais quand sera-ce? Une religieuse qui se mépriserait n’aurait aucune rancune, aucune susceptibilité, elle ne jugerait pas les autres. Quelle doctrine! Que c’est dur et si c’est la vérité il faut bien l’accepter. Dans vos communions, dans vos adorations, vous dites à Notre-Seigneur: Seigneur, venez dans mon coeur y faire votre demeure mais si votre coeur est plein de l’estime de vous ou de l’amour des créatures, comment Dieu y trouvera-t-il sa place? Mes filles, examinez bien de quel côté penche votre coeur et prenez garde qu’à la fin de cette retraite la créature ne l’emporte sur le Créateur.

Chapitre 47. – Qu’il faut être prêt à souffrir pour la vie éternelle tout ce qu’il y a de plus pénible.

Le royaume du ciel est une pierre précieuse. Voulez-vous l’acheter, il faut vendre tout et alors seulement vous trouverez Dieu.

Ma fille, que les travaux que vous avez entrepris pour moi ne brisent pas votre courage et que les afflictions ne vous abattent pas entièrement; mais qu’en tout ce qui arrive ma promesse vous console et vous fortifie. Notre-Seigneur vous montre sa tendresse, il veut vous soutenir, c’est un bon Père qui après avoir parlé des combats et des souffrances veut faire naître l’espérance en nos coeurs.

Je suis assez puissant pour vous récompenser au-delà de toutes bornes et de toutes mesures. Vous ne serez pas longtemps ici dans le travail, ni toujours chargé de douleurs. Attendez un peu et vous verrez promptement la fin de vos maux. Jésus-Christ semble vous inviter à regarder la mort comme une délivrance et en effet c’est bien ainsi qu’une religieuse doit l’envisager. Attendez un peu et vous verrez la fin de vos maux. La vie a beau être longue, qu’est-ce que le temps auprès de l’éternité et dans 50 ans seulement combien y en aura-t-il parmi vous qui seront mortes? Rendez-vous compte, mes filles, de la manière dont cette séparation se sera accomplie. Qu’êtes-vous venues chercher dans l’état religieux si ce n’est Dieu. Et voyez à quoi vous êtes invitées et la place qui vous est réservée. Invitées par Dieu à devenir ses épouses il vous prépare dans le ciel des trônes magnifiques. Tout ce qui passe avec le temps est peu de chose et ne dure guère. Voulez-vous donc vous y attacher? Quelle folie, mon Dieu, de s’attacher à des choses qui passent. La terre, les créatures, qu’est-ce que c’est? des êtres créés et des êtres qui passent; n’abaissez pas les regards de votre âme, élevez-les vers le divin soleil qui est Dieu, il est votre lumière, votre joie, votre amour; oh, quand donc l’aimerez-vous de cet amour d’épouses dont son coeur est jaloux?

Oh, si vous aviez vu dans le ciel les couronnes immortelles des saints, de quel glorieux éclat resplendissaient ces hommes que le monde méprisait et regardait comme indignes de vivre! Aussitôt certes vous vous prosterneriez jusque dans la poussière et vous aimeriez mieux être au-dessous de tous qu’au-dessus d’un seul! Voilà pour répondre aux prétentions de certaines âmes qui veulent qu’on les respecte; vous aimeriez mieux d’être au-dessous de tous.

Vous ne désireriez point les jours heureux de cette vie, mais plutôt vous vous réjouiriez de souffrir pour Dieu et vous regarderiez comme le plus grand gain d’être compté pour rien parmi les hommes. C’est ce qui faisait dire à sainte Thérèse: ou souffrir ou mourir! Y a-t-il parmi vous quelques sainte Thérèse qui désirent la mort mais de cette façon et non par lâcheté?

Oh! si vous goûtiez ces vérités, si elles pénétraient jusqu’au fond de votre coeur, comment oseriez-vous vous plaindre même une seule fois.

Je voudrais bien savoir si mes filles goûtent cette doctrine, si elles veulent la mettre jusqu’au fond de leur coeur? Je pourrai alors leur dire lorsqu’elles viendront se plaindre: rappelez-vous la retraite et vos résolutions.

Est-il rien de pénible qu’on ne doive supporter pour la vie éternelle?

Ce n’est pas peu de gagner ou de perdre le royaume de Dieu. Levez donc les yeux au ciel. Me voilà et avec moi tous mes saints: ils ont soutenu dans ce monde un grand combat et maintenant ils se réjouissent, maintenant ils sont consolés et à l’abri de toute crainte, maintenant ils se reposent et ils demeureront à jamais avec moi dans le royaume de mon Père.

C’est là qu’il faut aller, c’est là notre fin, le but de notre vie, mais pour jouir au ciel il faut accepter avec générosité tous les ennuis de la terre, les souffrances et les croix de la terre. Prenez alors courageusement votre résolution d’aller dans l’amour de Notre-Seigneur à ce qu’il y a de plus parfait.

Notes et post-scriptum