Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1874 Nîmes Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le Révérend Père d'Alzon sur l'Imitation de Jésus-Christ - 1er sept[embre] 1874
    Treizième instruction
  • CN 15, pp. 41-44.
Informations détaillées
  • 1 AUSTERITE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHATIMENT DU PECHE
    1 CONTRITION
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DETACHEMENT
    1 DISCIPLINE INSTRUMENT
    1 EGOISME
    1 ENFER
    1 ENNUI SPIRITUEL
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FERME PROPOS
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 GRACES
    1 HUMILITE
    1 IDEES DU MONDE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 NEGLIGENCE
    1 ORGUEIL
    1 PAIX DE L'AME
    1 PARDON
    1 PATERNITE SPIRITUELLE
    1 PECHE
    1 PERFECTION
    1 PIETE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RESPONSABILITE
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 SOUVERAINETE DIVINE
    1 SURVEILLANCE PAR LE SUPERIEUR
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 CAIN
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JUDAS
    2 LE VACHER, JEAN
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
    3 AFRIQUE
    3 ALGER
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 1er au 8 septembre 1874
  • SEP 1874
  • Nîmes
La lettre

Livre III. – Chapitre 52. – Que l’homme ne doit pas se juger digne des consolations de Dieu mais plutôt de châtiments.

Seigneur, je ne mérite point que vous me consoliez et que vous me visitiez ainsi. Vous en usez avec moi justement lorsque vous me laissez pauvre et désolé. Il est constaté que lorsqu’une retraite est un peu longue il y a des moments où l’âme est fatiguée, abattue, il faut alors savoir secouer cet ennui par quelques moyens un peu énergiques, la discipline dans ces circonstances-là est quelquefois très efficace. Le corps ainsi châtié rend à l’âme sa liberté d’action et lui permet de retourner à Dieu.

Seigneur, je ne mérite point que vous me consoliez. On ne mérite point la consolation de Dieu à cause de la négligence que l’on apporte à purifier son âme.

Rien ne m’est dû que la verge et le châtiment car je vous ai souvent et grièvement offensé et mes péchés sont sans nombre.

Un des plus grands bienfaits de la retraite, c’est de nous faire connaître toute notre misère, combien nous sommes mauvais et qu’en toute vérité rien ne nous est dû que la verge et le châtiment.

Après donc un strict examen je me reconnais indigne de la moindre consolation. Comment vivrez-vous alors? Eh bien, vous vivrez sans consolations. Vous ne me devez rien, Seigneur, je suis votre serviteur et le fils de votre servante! Si vous aviez de pareils sentiments, vous ne seriez jamais troublées. Faites comme saint François de Sales, n’examinez pas si vous êtes consolées ou si vous ne l’êtes pas, allez toujours de l’avant, tendez sans cesse à la perfection!

Qu’ai-je fait, Seigneur, pour que vous me donniez quelque part aux consolations du ciel? Oh cela rien, nous n’avons rien fait pour mériter de semblables faveurs.

Je n’ai point le souvenir d’avoir fait aucun bien, toujours au contraire, je fus enclin au vice et lent à me corriger.

Qu’ai-je mérité pour mes péchés? sinon l’enfer et le feu éternel. Je le confesse avec sincérité, je ne suis digne que d’opprobres et de mépris. Et si vous en êtes persuadées, voyez un peu si cela vous convient? Venez ensuite me le dire et jusqu’à quel point vous consentez à rentrer dans la voie du mépris et des humiliations. Je ne mérite point d’être compté parmi ceux qui sont à vous. Est-ce du fond du coeur que vous souhaitez passer cette vie dans l’opprobre et le mépris?

Que dirai-je, couvert de crimes et de confusion. Je n’ai à dire que ce seul mot: j’ai péché, Seigneur, j’ai péché; ayez pitié de moi, pardonnez-moi. Quand reconnaîtrez-vous que vous êtes pécheurs? On dit de saint François d’Assise qu’il se regardait comme le plus grand pécheur du monde. Que demandez-vous d’un coupable, d’un misérable pécheur, sinon que brisé de regrets, il s’humilie de ses péchés? Vous devriez passer cette journée, mes enfants, à vous exciter à la contrition de péchés, vous mettre aux pieds de Dieu dans les sentiments d’une âme profondément pénitente. La véritable contrition et l’humiliation du coeur produisent l’espérance du pardon, calment la conscience troublée, réparent la grâce perdue, protègent l’homme contre la colère à venir, et c’est alors que se rapprochent et se réconcilient dans un saint baiser Dieu et l’âme pénitente.

Cette contrition salutaire doit être le complément de votre retraite et pour juger si votre retraite aura été bonne, vos supérieures n’auront qu’à voir de quelle manière vous vous acquitterez de vos devoirs, comment vous supporterez les ennuis, les humiliations, les reproches. Si vous êtes converties, vous recevrez toutes ces choses en esprit d’humilité, vous les mettrez au pied de la croix et demandant la grâce de Dieu, vous reprendrez votre course avec un nouvel élan.

L’âme vraiment pénitente expie ses péchés par ses larmes; il est bon d’exciter dans son coeur le regret de ses fautes mais on doit surtout former le ferme propos de ne plus les commettre. – Car vous ne méprisez jamais un coeur contrit et humilié. – Nous sommes des orgueilleux pleins de nous-mêmes; comment l’oeil de Dieu peut-il s’arrêter sur nous! Vous savez bien qu’il aime un coeur contrit et humilié. L’habit que vous portez, mes filles, est le symbole de la pénitence. Voulez-vous conformer votre vie à ce symbole, sachez alors vous donner à Dieu dans l’humilité, dans l’abnégation, dans le mépris souverain de vous-même.

Chapitre 53. – Que la grâce ne fructifie point en ceux qui ont le goût des choses de la terre.

Mon fils, ma grâce est d’un grand …. et ne souffre point le mélange des choses étrangères, ni des consolations terrestres. Il faut donc écarter tout ce qui l’arrête si vous désirez qu’elle se répande en vous.

Tenez, mes filles, vous voyez ce verre vide et cette carafe où il y a de l’eau, si je retourne la carafe, l’eau ira dans le verre mais si vous tenez la carafe bouchée, vous aurez beau la retourner, l’eau ne sortira pas. Eh bien, l’âme, c’est ce verre vide; la grâce de Dieu, c’est l’eau prête à vous inonder mais si vous mettez des obstacles comme le bouchon à cette carafe, vous empêcherez la grâce de Dieu de venir dans votre âme. Retirez-vous dans un lieu secret, aimez à demeurez seul avec vous-même, ne recherchez l’entretien de personne, mais que votre âme s’épanche devant Dieu en de ferventes prières, afin de conserver la componction et une conscience pure. Par votre vocation d’Oblate, vous n’êtes point obligées comme une trappistine, ou une chartreusine, à vous retirer entièrement du monde et du commerce des créatures mais soyez persuadées que plus vous laisserez les créatures, plus votre coeur trouvera Dieu. Il faut savoir couper, retrancher en vous les affections naturelles, les consolations terrestres; sacrifiez généreusement tout à Dieu, il saura vous le rendre et dans une grande liberté de coeur vous élançant vers votre divin époux, vous irez avec joie au-devant des plus grands sacrifices. Mon Dieu, quels sont encore les petits fils qui m’attachent au monde? car je veux être à vous et à vous seul. Les créatures, je m’en servirai bien, mais je ne les servirai pas. Car mon coeur ne peut être à vous et se plaire en même temps à ce qui passe.

Oh! qu’il aura de confiance à l’heure de la mort celui que nul attachement ne retient en ce monde.

Si vous parvenez à vous vaincre parfaitement, vous vaincrez aisément tout le reste. La parfaite victoire est le triomphe de soi-même.

C’est aujourd’hui, mes chères filles, que vous devez remporter la grande victoire; au pied du Saint-Sacrement voyez comment tout en vous doit être assujetti à Dieu. Qu’est-ce que je m’en vais arracher de mon âme? l’estime de vous-même, la préoccupation de ce qu’on pourra dire ou penser, etc., etc. Quel grand mensonge que le sentiment de votre dignité en face de la Majesté de Dieu que vous blessez si souvent, que vous méprisez même par vos offenses continuelles.

Celui qui se tient tellement assujetti que les sens obéissent à la raison et que la raison m’obéisse en tout, est véritablement vainqueur de lui-même et maître du monde.

Si vous aspirez à cette haute perfection, il faut commencer avec courage et mettre la cognée à la racine de l’arbre, pour arracher et détruire jusqu’aux restes les plus cachés de l’amour déréglé de vous-même et des biens sensibles et particuliers.

Vous devez, mes enfants, aspirer de toute votre âme à cette haute perfection. Voyez, il y a deux manières de prendre les religieuses par les choses extérieures: Ma soeur, vous ne vous êtes pas levée exactement, ma soeur, vous avez été en retard à votre méditation, vous avez mal rempli votre emploi, etc. Mais si, attirée par l’amour divin, vous voulez (et c’est ce que je veux moi-même) qu’on vous prenne, qu’on s’empare de votre âme par le côté de la perfection, oh alors le travail ne vous manquera pas. Car dans la perfection, il y a plusieurs degrés. Comparez, si vous le voulez, la perfection à une pierre, il y a trois façons, trois manières dont une pierre peut être présentée. D’abord une pierre que l’on prend à la carrière, elle est toute informe, toute brute, sans poli ni grâce. A présent, voyez ma pierre préparée pour construire une maison, elle est taillée, elle a une forme, elle est même polie sur quelques-unes de ses faces. Ce n’est pas encore assez et la perfection d’une pierre peut atteindre un degré de plus de perfection, c’est la pierre ou le marbre préparé pour une statue; on la taille, on la creuse et à mesure que le travail avance, que la première ébauche est faite, la première forme donnée, on prend des instruments plus délicats pour achever l’ouvrage, puis on la polit avec soin et enfin le marbre a reproduit le modèle, la statue est achevée. Comme il en est pour la pierre, de même il en est pour la perfection. Si vous vous contentez d’être de bonnes dévotes, cela est bien mais si non contentes d’aimer Dieu comme le commun des fidèles, vous voulez aller à lui dans toute la perfection dont vous êtes capables, vous devez alors vous abandonner entièrement entre les mains de vos supérieurs qui par l’exercice et la pratique des vertus de votre divin époux formeront dans vos âmes l’image même de Dieu. Pour moi je vous avoue que j’éprouve une certaine répugnance à vous prendre de cette façon mais devant Dieu c’est mon devoir et je le ferai quoi qu’il m’en coûte. Le but ou plutôt le résultat de la retraite c’est d’avoir à faire à des personnes qu’on n’a plus besoin de ménager. Si vous ne voulez pas accepter, allez-vous-en, les portes sont ouvertes; croyez que je ne craindrais pas si cela devenait nécessaire, de vous traiter comme j’ai traité certains religieux. Il faut arriver au ciel, vos supérieurs sont dans l’obligation de vous rendre parfaites et vous pourriez un jour les accuser devant le tribunal de Dieu si vous n’étiez pas aussi parfaites que ce que l’exige votre vocation. Mes bien chères filles, la vie religieuse, si vous voulez marcher, est le vestibule du ciel; si au contraire vous refusez de marcher, elle est encore un vestibule mais c’est celui de l’enfer. C’est triste à dire mais dans un couvent il y a toujours quelque Caïn ou quelque Judas. Je vous l’ai déjà dit et ma résolution est prise; votre Mère et moi nous avons de grands devoirs à remplir, nous les ferons coûte que coûte. La Congrégation est à un moment de crise, c’est un moment solennel et il me semble que le mouvement qui s’opère est bon.

Il faut commencer avec courage et mettre la cognée à la racine de l’arbre pour arracher et détruire jusqu’aux restes les plus cachés de l’amour déréglé de vous-même. Dans la journée, mes chères filles, examinez de quelle manière vous avez à faire le sacrifice de votre estime personnelle, il faut combattre cet amour désordonné de vous, de quelle manière devez-vous le combattre et arracher de votre coeur le germe du mal, pour y mettre à la place le très pur amour de Dieu. Nous vous promettons de vous forcer à n’aimer que Dieu seul. Voulez-vous que je vous dise comment le mal arrive, on se donne des licences, on néglige sa règle, on se soustrait à l’obéissance et puis l’on fait des chutes. Comme un de mes religieux que je viens de renvoyer, il avait commencé simplement par négliger de réciter l’office, malgré que ce soit une obligation pour tous les religieux et il en est arrivé à mériter d’être mis à la porte. Sachez bien, mes enfants, que le mépris de la règle est un péché et fixe l’âme dans l’état de péché.

De cet amour désordonné que l’homme a pour lui-même, naissent presque tous les vices qu’il doit vaincre et déraciner et dès qu’il l’aura subjugué pleinement il jouira d’un calme et d’une paix profonde. Mais parce qu’il en est peu qui travaillent à mourir parfaitement à eux-mêmes et à sortir d’eux-mêmes entièrement ils demeurent comme ensevelis dans la chair et ne peuvent s’élever au-dessus des sens. Dans un certain sens, voilà bien l’histoire de quelques-unes de mes filles, comme cette retraite était nécessaire! Que de choses à changer ou à renouveler. Vous aviez à prendre comme un vêtement nouveau. Qu’il est beau de se dire: Aujourd’hui, demain surtout dans ma communion je vais me dépouiller entièrement de moi-même et me revêtir de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Je vous l’ai dit, je le répète, celles qui ne voudront pas être tenues, ne le seront pas du tout. On ne considère pas seulement les âmes en particulier, on considère aussi les groupes d’âmes. Je vous veux toutes des saintes; celles qui ne voudront pas marcher, je leur ouvrirai la porte. Il peut arriver, mes filles, que quelques-unes soient grondées pour de très petites choses tandis que ces mêmes choses peuvent être tolérées à d’autres car dans la direction des âmes il y a bien des choses à considérer. Mais ce n’est pas votre affaire. Vos supérieurs sont juges là-dedans. Mon but vous est connu: vous aider autant qu’il est de mon pouvoir à devenir des saintes et les Caïns ou les Judas, s’il s’en trouve, seront mis à la porte. Votre Congrégation est comme au moment où les fleurs se nouent, il semble que tout soit perdu; mais non, au contraire, c’est le moment où le fruit se forme. Je suis dur et sévère, mes enfants, et cependant toute bonne religieuse doit se dire: Mon Père a raison d’être ferme, pour moi qui suis faible et pour les autres qui pourraient m’entraîner.

Celui qui veut me suivre librement, il faut qu’il mortifie toutes ses inclinations déréglées et qu’il ne s’attache à nulle créature par un amour de convoitise ou particulier.

On peut vous prendre de différents côtés. C’est ce qui fait qu’on agit toujours avec une prévision mêlée de prudence dans le but de faire le bien. On raconte que saint Vincent de Paul ayant un jeune religieux dont la santé était dans un état déplorable jugea que le séjour de l’Afrique lui serait salutaire; il envoie donc ce jeune religieux, mais arrivé à Marseille, des personnes écrivent aussitôt à saint Vincent de Paul que ce jeune homme ne peut pas s’embarquer, qu’il est dans l’impossibilité de supporter la mer. Saint Vincent répond aussitôt de le faire partir quand même, s’il ne peut s’embarquer, qu’on le porte et s’il ne peut supporter la traversée qu’on le jette dans la mer. Le jeune homme partit, vécut 42 ans, fit un bien immense dans l’Afrique et mourut encore non de maladie mais de mort violente. Ayant eu le courage de reprocher certaines choses au bey d’Alger, celui-ci le fit mettre à la bouche d’un canon et fit de lui un martyr. Ce jeune homme s’appelait Monsieur Le Vacher. Mais il faut l’avouer, les Supérieurs agissent bien souvent à l’envers des idées humaines, c’est bien ce que fit saint Vincent de Paul dans cette circonstance.

A partir de cette retraite, mes chères filles, il faut donc accepter qu’on vous dirige toujours par des motifs surnaturels, vous renouveler entièrement dans l’esprit de ferveur et comprendre l’obligation où vous êtes d’agir toujours selon l’esprit de Notre-Seigneur.

Notes et post-scriptum